Savinien de Cyrano de Bergerac

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Savinien de Cyrano de Bergerac

1619 – 1655

Savinien de Cyrano de Bergerac, né à Paris et mort à Sannois le 28 juillet 1655, est un écrivain français, auteur de l’Histoire comique contenant les États et Empires de la Lune (1657), devenu populaire grâce à une pièce d’Edmond Rostand (1897), qui le dépeint pourtant sous un jour fort différent de la réalité.

Un mythe

Si l’œuvre de Cyrano de Bergerac n’est guère connue du grand public, le personnage est célèbre. Il est devenu un véritable mythe, grâce à la pièce de théâtre qu’Edmond Rostand lui consacra à la fin du XIXe siècle : mousquetaire gascon, duelliste incorrigible, amoureux transi, cible de la fatalité, être malheureux complexé par un nez proéminent, poète délicat et sensible, tel est le portrait romantique ancré dans les esprits. Mais du mythe à la réalité, la distance est considérable…

Enfance campagnarde et adolescence parisienne

Savinien de Cyrano de BergeracContrairement à la légende, Cyrano n’est pas d’origine gasconne. Né à Paris, dans une famille bourgeoise, il vient habiter, dès l’âge de trois ans, avec ses parents, à Mauvières, dans la vallée de Chevreuse. Son enfance est donc campagnarde et c’est d’un curé de village qu’il reçoit le début de son instruction. À dix ans, il regagne Paris et entre au collège de Beauvais, dont il se moquera dans sa comédie, Le Pédant joué.

Adolescent, il ne correspond guère à cette image d’amant éploré que l’on a donnée de lui. Il mène, an contraire, une vie agitée, recherche les plaisirs, fréquente assidûment les cabarets de la capitale. Souffre-t-il de cet appendice volumineux bien réel, tel que le montre le portrait que l’on conserve de lui ? Toujours est-il qu’il sait en plaisanter. À la scène 2 de l’acte III du Pédant joué, il fait dire à la belle Genevote à propos du professeur Granger :
Pour son nez, il mérite bien une égratignure particulière. Cet authentique nez arrive partout un quart d’heure devant son maître ; dix savetiers de raisonnable rondeur vont travailler dessous à couvert de la pluie.
Une brève carrière militaire

Il se destine au métier des armes et, à l’âge de vingt ans, s’engage comme mousquetaire dans la célèbre compagnie des gardes commandée par Castel jaloux. Véritable d’Artagnan, il se distingue par son courage, ce qui lui vaut le surnom de « démon de la bravoure ». Son intrépidité deviendra bientôt légendaire. On rapporte que, seul contre cent, il triomphe, en tuant deux de ses adversaires, en blessant sept et en faisant fuir les autres ! Mais cette carrière militaire est brève. Blessé en 1639, puis en 1640, il quitte l’armée et regagne Paris en 1641.

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Les déboires d’un écrivain libertin

Il suit alors les leçons du philosophe libertin Gassendi, dont Molière, semble-t-il, est aussi le disciple. Vient l’époque troublée de la Fronde (1648-1652). Ses positions politiques ne sont pas claires. Il est convaincu de la relativité des choses et navigue au gré de ses intérêts du moment : il prend tour à tour parti contre Mazarin qu’ il attaque, en 1649, dans un poème satirique d’une rare violence, Le Ministre d’Etat flambé, puis contre les frondeurs.

Il écrit depuis 1645. Mais il ne parvient pas à vivre de sa plume. Il subsiste quelque temps grâce à l’héritage de son père mort en 1648 et doit bientôt chercher un protecteur, un de ces riches mécènes, soutiens obligés des créateurs. Il entre donc, en 1652, au service du duc d’Arpajon.

Ses idées libertines, son athéisme, lui attirent de nombreuses inimitiés et compliquent sa carrière littéraire. Un de ses manuscrits, l’Histoire de l’étincelle, lui est volé. Il ne parvient pas à faire publier, de son vivant, ses deux romans d’anticipation. Tout est fait pour l’empêcher de s’exprimer.

En 1654, il est victime d’un accident plus que suspect et qui ressemble fort à un attentat : en passant sous un échafaudage, il reçoit une poutre sur la tête. Grièvement blessé, il meurt l’année suivante, le 28 juillet 1655, certainement des suites de cette blessure. Il n’a que trente-six ans et laisse une œuvre inachevée.

Burlesque et humour

Cyrano de Bergerac, comme Scarron, pratique le style burlesque, fait éclater les contradictions du monde, en jouant sur des effets d’opposition. Il donne une importance particulière à un humour décapant, démystifiant, notamment dans ses Lettres (1654) où il s’amuse à accumuler les procédés précieux. Il se fait également l’interprète de la pensée libertine, dont il expose les grandes idées dans sa tragédieLa Mort d’Agrippine (1653) et dans ses deux romans d’anticipation, Histoire comique des États et Empires de la Lune (1657) et Histoire comique des États et Empires du Soleil (1662).

→ À lire : Le burlesque.

Gros plan sur les États et Empires de la Lune et du Soleil (1657-1662)

Voyages sur la lune et sur le soleil : les explorations spatiales, les romans, les bandes dessinées et les films d’anticipation nous ont habitués à de telles expéditions. Elles sont plus inattendues au cours de cette première partie du XVIIe siècle. Pourtant, Cyrano n’innove pas : en 1648, paraît, dans une traduction française, le roman de l’Anglais Godwin, L’Homme dans la Lune. Et durant cette période, les discussions sur l’existence d’autres mondes sont à la mode.

Dans ses deux romans, Les États et Empires de la Lune, qu’il achève en 1649 et Les États et Empires du Soleil, qu’il termine en 1652, Cyrano rapporte le récit d’un voyageur débarque sur la lune, puis sur le soleil. Pour donner l’impression qu’il s’agit de la relation d’un véritable voyage, il le fait parler à la première personne. Cyrano ne pourra apprécier le succès de ces deux ouvrages, puisqu’ils ne paraîtront qu’après sa mort, le premier en 1657 et le second en 1662.

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C’est que ce qu’il dit par voyageur interposé n’est pas inoffensif. Il expose en effet une conception libertine du monde reposant sur le matérialisme. Ses propos sont d’autant plus dangereux pour les défenseurs de la religion et de l’ordre social qu’il sait plaire et amuser. Il connaît déjà ces recettes qui feront le succès du roman et du conte philosophiques du XVIIIe siècle. Il se sert des procédés burlesques, en jouant sur les effets d’opposition et de contraste : il montre la relativité des coutumes françaises, en décrivant les coutumes souvent plus cohérentes des habitants de la lune et du soleil. Il se moque des conventions avec humour. Il marie habilement la fantaisie et le réalisme. Il s’appuie, en particulier, sur l’exotisme, sur un dépaysement créé par les lieux étranges où se déroule l’action ou par la description de techniques et de découvertes nées d’une imagination débridée : il « invente » notamment la fusée à étages et le phonographe.

Gros plan sur la Mort d’Agrippine (1653)

Cyrano de Bergerac a écrit deux pièces de théâtre, une comédieLe Pédant joué, achevée en 1645, qui ne fut certainement jamais représentée du vivant de son auteur et une tragédieLa Mort d’Agrippine, créée en 1653 au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne.

La Mort d’Agrippine met en scène une conspiration dirigée contre l’empereur romain Tibère (42 av. J.-C. ?-37 ap. J.-C.). Un peu comme plus tard, dans Bajazet de Racine ; si les conspirateurs poursuivent le même but, tuer Tibère, ils sont animés par des motifs différents : Agrippine – dont Néron sera le petit-fils – veut venger l’assassinat de son mari, Germanicus ; Séjanus, le ministre et le favori de Tibère, agit, à la fois, par ambition et par amour pour Agrippine ; Livilla, enfin, est poussée par la volonté de défendre la mémoire de son père, autre victime de l’empereur, et par la passion qu’elle éprouve pour Séjanus. La conspiration sera finalement découverte ; les conjures seront exécutés, à l’exception d’Agrippine que Tibère maintiendra cruellement en vie, afin de la « voir nourrir/Un trépas éternel, dans la peur de mourir ».

L’intérêt de La Mort d’Agrippine réside dans l’efficacité de la construction dramatique et dans la violence des passions. Mais ce qui surprend surtout, c’est l’expression exacerbée d’une pensée libertine, c’est la revendication de l’athéisme. Voilà qui fait scandale et qui est la cause de l’interdiction de la pièce après quelques représentations.

Citations choisies
  • [Il] me conta que ce qui l’avait véritablement obligé de courir toute la Terre, et enfin de l’abandonner pour la Lune, était qu’il n’avait pu trouver un seul pays où l’imagination même fût en liberté. (Les Etats et Empires de la Lune)
  • Ajoutez à cela l’orgueil insupportable des humains, qui se persuadent que la nature n’a été faite que pour eux, comme s’il était vraisemblable que le soleil… n’eût été allumé que pour mûrir ses nèfles, et pommer ses choux. (Voyage dans la Lune)
  • Ces dieux que l’homme a faits et qui n’ont point fait l’homme. (La Mort d’Agrippine)
  • Dira-t-on que nous sommes faits à l’image du Souverain Etre, et non pas les choux? (Les Etats et Empires de la lune)
  • Je vis que la Terre ayant besoin de la lumière, de la chaleur, et de l’influence de ce grand feu, elle se tourne autour de lui pour recevoir également en toutes ses parties cette vertu qui la conserve. (Les Etats et Empires de la lune)
  • On peut être pendu sans corde. (Le Ministre d’Etat flambé)
  • Périsse l’Univers, pourvu que je me venge! (La Mort d’Agrippine)
  • Peut-on être innocent, lorsqu’on aime un coupable? (La Mort d’Agrippine)
  • Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui veut se confirmer, un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer; c’est un secret qui prend la bouche pour oreille.
  • Il y a beaucoup de gens dont la facilité de parler ne vient que de l’impuissance de se taire.

 Autres citations de Savinien de Cyrano de Bergerac.

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