Jean-Jacques Rousseau : Les Confessions

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Les Confessions

– Jean-Jacques Rousseau –

Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur.

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(Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Livre I)

Introduction

J.J. Rousseau illustré - Les Confessions. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie.

Les Confessions est un récit autobiographique de Jean-Jacques Rousseau, publié à titre posthume en 1782 (pour la première partie) et 1789 (pour la seconde).

Les douze livres que comporte l’ouvrage retracent l’histoire sans fard d’une vie soumise à l’appréciation du lecteur : ce projet naît en 1764, il est achevé à la fin de l’année 1770. Le texte est tout d’abord connu par des lectures confidentielles, faites par l’auteur, chez le marquis de Pezay, le poète Dorat, puis devant le prince royal de Suède.

Le titre des Confessions a sans doute été choisi en référence aux Confessions de Saint-Augustin, publiées au IVe siècle. Rousseau accomplit ainsi un acte sans valeur religieuse à proprement parler, mais doté d’une forte connotation symbolique : celui de l’aveu des péchés, de la confession. Associant sincérité, humilité et plaidoyer pour lui-même, Rousseau cherche à brosser un portrait positif de lui-même et se présente essentiellement comme une victime de la vie. L’œuvre des Confessions fonde néanmoins le genre moderne de l’autobiographie et constitue un texte marquant de la littérature française.

→ À lire : L’autobiographie. – Analyser une autobiographie. – Les confessions et les confidences.

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L’écriture de soi

La rédaction des Confessions, commencée en Angleterre en 1765, s’inscrit dans une période d’incompréhension, voire de persécutions subies par Rousseau : il reçoit à Môtiers (Suisse) des jets de pierre, est expulsé de l’île Saint-Pierre. Il développe à cette période une « théorie du complot » et fait, par exemple, des Encyclopédistes, les agents d’une vaste conspiration qui vise à le réduire au silence.

L’expression autobiographique et le repli solitaire au sein de la nature vont constituer les seuls havres de paix de l’écrivain vieillissant. La première partie des Confessions présente le « sujet-Rousseau » de sa naissance à 1742, année de son départ pour Paris. Elle propose donc, dans les livres I à VI, le portrait d’un homme saisi dans l’observation de ses « chaînes d’affections secrètes », construites par des épisodes déterminants qui ont façonné sa manière de sentir. Les livres suivants sont composés plus rapidement et marqués par une tonalité beaucoup plus grave. Ils présentent les drames vécus par l’adulte, jusqu’au seuil de sa vieillesse. En regard des illusions heureuses de la jeunesse, la nostalgie et l’amertume du « Je » qui se confie semblent alors révélatrices de la corruption du monde et de l’injustice des hommes.

Une poétique renouvelée

La formule du temple de Delphes « Connais-toi toi-même » guide l’auteur des Confessions dans son entreprise d’introspection et de dévoilement. Le principe est ici fondé sur une connaissance intuitive, née du sentiment de présence à soi qui va permettre au lecteur de partager les mouvements du cœur de celui qui expose les événements et les choix qui ont marqué sa vie. Dès le célèbre avant-propos de l’ouvrage (« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur »), Jean-Jacques Rousseau instaure donc un pacte de lecture qui place le destinataire de l’écrit en position de miroir : la compréhension ne peut être fondée que sur une véritable compassion, un partage d’affects.

L’idée développée dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) – l’homme est naturellement bon – est ici reprise sur le mode de l’autobiographie. Les Confessions se fondent sur le sentiment de l’innocence du locuteur. La trame narrative reprend les discontinuités et accidents d’une vie dont la mémoire du sujet sent l’unité. Le souvenir permet une révélation de la vérité des événements dans l’intensité émotive qu’il restitue et amplifie : « En me disant, j’ai joui, je jouis encore ». L’authenticité d’une parole qui ressaisit les sensations devient l’espace où « être soi », selon la devise que Rousseau aimait à répéter à Bernardin de Saint-Pierre. L’entreprise autobiographique ne cesse pas avec les Confessions bien que celles-ci aient promis de « tout dire » : l’exploration se poursuivra dans Rousseau juge de Jean-Jacques (1772-1776, publication posthume 1789) et les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778, publication posthume 1782).

L’originalité du projet rousseauiste ici – dans l’histoire de l’écriture de soi comme ailleurs dans l’histoire de la philosophie politique ou morale – est remarquable et constitue l’amorce de l’exploration psychologique ou psychanalytique. Rousseau devient ainsi le modèle du inaugural du genre autobiographique et inspirera, après lui, Senancour, Stendhal, Hölderlin, Tolstoï, Sartre ou Leiris, parmi d’autres.

Extrait : Les Confessions (Livre premier)

Lorsque Rousseau commence la rédaction de ses Confessions, il a cinquante-trois ans. Cette autobiographie est bien, comme il l’affirme dans ce texte liminaire, une « entreprise qui n’eut jamais d’exemple ». Contrairement aux Confessions de saint Augustin, qu’elles prennent toutefois pour modèle, les siennes n’ont pas pour sujet central la relation à Dieu, mais la peinture d’un « homme dans toute la vérité de la nature » : par la plongée dans son histoire, et en particulier dans son enfance, et par une introspection qui vise davantage à la sincérité qu’à la vérité, Rousseau inaugure l’autobiographie au sens moderne : celle d’un individu — et, qui plus est ici, d’un écrivain — à la fois unique et susceptible, selon lui, d’aider par cette entreprise à la connaissance des hommes en général (« un ouvrage unique et utile, lequel peut servir de première pièce de comparaison pour l’étude des hommes »).

Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.

Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu.

Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : « Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là.

(Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, 1782-1789)

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