La parodie

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La parodie

C’est que la parodie nous délivre d’admirer les autres, au lieu que la comédie nous délivre de nous admirer nous-mêmes ; et ajoutez que la parodie ne distingue point et livre au ridicule tout un homme, alors que la comédie sauve celui qui rit par le rire ; ainsi la comédie ne va point contre le respect, mais la parodie y va toujours…

(Alain, Beaux-arts, 1920, p. 168)

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Introduction

La parodie est l’imitation burlesque d’un texte littéraire. Pour les anciens Grecs, c’était l’imitation comique d’un poème sérieux. L’appellation s’est ensuite appliquée aux imitations comiques d’œuvres historiques et de fictions, à des écrits scientifiques et à toutes les autres œuvres en prose.

Le mot vient du grec para (contre), et ódè (chant), littéralement contre-chant. Parodier est, à l’imitation des productions de l’esprit, ce que contrefaire est à l’imitation des mouvements du corps. C’est traduire en ridicule.

⚠ Attention !
Ne pas confondre pastiche et parodie !
→ À lire : Le pastiche.

Origine

La parodie, ainsi que l’épopée et la tragédie, nous vient des Grecs , les maîtres en malice comme en sublime. Elle est presque aussi ancienne que le plus ancien des poèmes épiques. La Batrachomyomachie (la guerre des grenouilles et des rats), qu’on regarde comme une parodie de l’Iliade, est l’ouvrage d’Homère, ce qui, soit dit en passant, est tant soit peu bizarre. Que de nos jours où la parodie existe, et où l’on a besoin de rabaisser tout ce qui est grand ou le parait , un auteur se parodie lui-même pour ne pas laisser la chose à faire à des gens qui ne le ménageraient pas, cela se conçoit. Il trompe ainsi la malveillance, il échappe ainsi au ridicule en le bravant. Mais quel intérêt Homère, qui n’avait pas de parodistes à redouter, avait-il à se parodier ?

La Batrachomyomachia est une épopée comique parodiant l'Iliade. Elle compte 303 hexamètres dactyliques. Elle est largement attribuée, dans l'Antiquité, à Homère.

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⬆ La Batrachomyomachia ou La Bataille des grenouilles et des rats est une épopée comique parodiant l’Iliade. Elle compte 303 hexamètres dactyliques. Elle est largement attribuée, dans l’Antiquité, à Homère.

Des érudits attribuent l’invention de la parodie au poète Archiloque. Ils se trompent de trois cents ans. Si la Batrachomyomachie en est une, ils attribuent aussi à Égémon de Thasos l’invention de la parodie dramatique : celle-là surtout a prospéré. Aristophane, contemporain d’Égémon, en fait un grand usage. Ses comédies sont remplies de traits où il parodie Eschyle et surtout Euripide. L’on ne trouve pas toutefois dans la littérature grecque de pièce qui, de l’un à l’autre bout, soit la parodie d’une autre pièce. C’est aux Modernes qu’appartient l’honneur de ce perfectionnement.

Pourquoi la parodie ?

La parodie n’a quelquefois pour but que de provoquer le rire en employant dans un cadre différent les mêmes moyens dont on s’est servi pour arracher des larmes. La chose n’est pas difficile : les extrêmes se rejoignent, et rien n’est plus près du ridicule que le sublime. Pour changer en bouffonnerie une pensée, un sentiment qui nous a ravis par sa noblesse, par sa force, par la beauté de son expression, il suffit de bien peu de chose. En jouant sur un mot, Jean Racine parodie un vers de Pierre Corneille, quand il applique à un huissier, dans les Plaideurs, ce que, dans le Cid, ce grand poète dit du vieux père de Rodrigue : « Ses rides sur son front ont gravé ses exploits. »

De tel les parodies peuvent être innocentes. Quant à l’intention, elles ne le sont cependant pas quant au résultat. Transformer une production dramatique, c’est lui enlever son plus grand charme, c’est lui ravir son prestige le plus puissant, qui tient à des illusions. On n’entend plus avec le même esprit un vers dégradé par la parodie. On ne se livre plus avec le même abandon à l’effet d’une situation dénaturée par l’emploi qu’en a fait la bouffonnerie. Corneille l’a senti, quand il s’est fâché de l’abus que Racine avait fait de son vers, abus que, dans un cas pareil, Racine lui-même n’a pas supporté sans humeur.

Des parodies de ce genre sont au moins inutiles. Il n’en est pas ainsi de celles qui, sous une forme ingénieusement plaisante, éclairent le public sur les défauts d’un ouvrage dont elles constatent d’ailleurs les beautés. Celles-là servent l’art, et, si elles sont faites de manière à ce que l’auteur parodié soit lui-même obligé d’en rire, elles sont excellentes, mais il y en a peu de ce genre.

Comme il est dans la nature de beaucoup de gens de ne rien vouloir admirer et de ne pas permettre qu’on admire rien, la parodie n’est trop souvent qu’une forme adoptée par l’envieuse médiocrité pour avilir les productions du génie, et lui faire expier des applaudissements surpris d’abord à la foule sans prévention. Cette parodie-là n’est pas toujours repoussée par le public. D’autres parodies s’attaquent aux personnes. Elles ne sont qu’un assassinat.

Écoutez les parodistes : on ne parodie, à les entendre, que les bons ouvrages , ou du moins que les ouvrages qui réussissent. C’est une singulière manière de constater un succès !

En bref…

La parodie, comme la caricature, est une forme du burlesque. Le principe de la parodie est, en fin de compte, de traiter un thème léger dans un style employé pour les œuvres sérieuses. Ainsi du Conte du prêtre des Contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer ; le tohu-bohu provoqué par Maître Reynard dans la maison de la veuve est décrit dans un langage qui pourrait être employé pour raconter la chute de Troie. En France, le Virgile transformé de Scarron, le Lutrin de Boileau sont des exemples parfaits d’un genre qui s’est épanoui au théâtre. L’humour réside dans le contraste entre le sujet et le procédé littéraire utilisé pour le traiter.

La plupart des écrivains célèbres ont été parodiés. Citons, parmi les auteurs de parodie : Aristophane, Alexander Pope, Jonathan Swift, William Makepeace Thackeray et James Joyce.

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Actuellement, la parodie se trouve dans tous les domaines (à la télévision, au cinéma, en littérature, dans la presse écrite, en chansons, en politique…). Ainsi on a l’habitude de reprendre, par exemple, une chanson à succès du moment et d’en changer les paroles pour un sujet d’actualité. Barry Potter sera alors la parodie de Harry Potter ; Austin Powers parodie les films d’espionnage de James Bond.

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