La toute première langue

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La toute première langue

Le plus grand des crimes, c’est de tuer la langue d’une nation avec tout ce qu’elle renferme d’espérance et de génie.

(Charles NodierFée Miettes, 1831)

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💡 La langue
La langue est un système de signes vocaux ou graphiques, conventionnels, utilisé par un groupe d’individus pour l’expression du mental et la communication.
→ À lire : Les langues du monde. – La langue et le langage. – La langue et le style.

Introduction

La Babylone visitée a inspiré, quelques siècles auparavant, les rédacteurs de la Bible. Ils y situent on effet l’un des épisodes les plus marquants de La Genèse : l’histoire de la tour de Babel.

À l’aube des temps, quelle langue parlaient les hommes ? Voilà une question à laquelle les spécialistes du langage ne sont pas prêts de répondre.

La Bible, en revanche, offre une explication : dans les premières pages du Livre de La Genèse, on lit qu’à l’origine, tous les hommes parlaient la même langue, celle qu’Adam avait reçue de Yahvé, c’est-à-dire de Dieu. Une harmonie parfaite qui aurait duré… à peine plus tard que le Déluge.

Les ennuis commencent lorsque les descendants de Noé (le capitaine de l’Arche) se rassemblent au pays de Shinéar (la Babylonie sur les rives de l’Euphrate, au cœur de l’Irak d’aujourd’hui). Quoi de plus naturel, ils décident de construire une ville. Mais les choses se gâtent quand ils entreprennent d’élever une tour dont ils souhaitent que « le sommet pénètre les cieux ».

La tour de Babel, par Hendrick III van Cleve (XVIe siècle)

La Tour de Babel, par Hendrick III van Cleve (XVIe siècle).
Depuis toujours, la légende de Babel a intéressé les linguistiques et inspiré les peintres. La Tour vue par Van Cleve, maître flamand du XVIe siècle.

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Panique sur le chantier

Voulaient-ils envahir le domaine réservé de Dieu, comme le suggèrent certaines versions de l’histoire ? Toujours est-il que Yahvé voit dans cette tentative un défi à sa puissance. Orgueil et impiété. Pour punir les constructeurs de la tour de Babel, il décide de rompre leur union en jetant la confusion dans leur langue.

Aussitôt le chantier s’arrête. À celui qui demande une pioche, on donne une pelle ; ou de l’eau quand il veut du sable. Les ouvriers s’irritent, se battent et parfois s’entretuent. Ne pouvant plus se comprendre, ils abandonnent la tour, qui restera inachevée, et se disséminent aux quatre coins de la planète. Fin de l’histoire de Babel et… début des cours de langues.

Regrets éternels d’une première langue merveilleuse ! La Bible n’en dit pas plus : ni sur sa nature, ni comment Yahvé s’y prit pour rendre confus ce qui était harmonieux et limpide. Mais le conte a fourni le point de départ à une réflexion qui se poursuit aujourd’hui sur l’origine des langues.

Au Moyen Âge, on s’interrogeait sur les intentions divines. Dieu avait-il voulu que chaque homme présent sur le chantier parle une langue nouvelle ? Voilà qui pouvait expliquer la fondation des nations par chacun des hommes de Babel. Ou bien s’était-il contenté de détruire la cohérence de la première langue ? De claire et logique, elle serait devenue obscure.

C’est vers cette interprétation que s’étaient tournés les penseurs du Moyen Âge. Toutes les langues leur paraissaient complexes, irrégulières et pour tout dire franchement bizarres. Donc, en avaient-ils conclu, les règles du langage sont absurdes, il n’y a den de bon à en tirer, rien de raisonnable à en dire.

L’idée sera tenace : tous ceux qui, par la suite, voudront étudier scientifiquement les langues devront sérieusement lutter contre elle. Mais tout espoir n’était pas abandonné ! Peut-être la langue d’Adam n’était-elle pas irrémédiablement perdue ? Sans doute en subsistait-il ça et là quelques traces ? Tronc d’arbre masqué par de trop nombreux rameaux, la langue originelle pouvait être reconstituée en remontant patiemment dans le temps à travers la diversité des idiomes et des langues : de branche en branche, de bifurcation en bifurcation, nous parviendrons jusqu’à elle, se dirent certains savants au début du XIXe siècle.

L’absence de tronc commun

L’idée n’était pas stupide, mais elle était inexacte. Aujourd’hui, c’est à peu près certain : ce tronc commun n’existe pas. Ou plutôt… il y en a plusieurs. La langue des commencements de l’humanité est multiple dès le départ.

Il s’en est pourtant fallu de peu ! Dans ses grandes lignes, l’histoire de Babel aurait pu être vraie… On sait en effet que l’homme est apparu dans une région du monde assez bien définie : l’est de l’Afrique, voilà quatre ou cinq millions d’années. Et si les plus anciennes formes de l’homme parlaient déjà, on pourrait imaginer que dans cette aire assez réduite, ils pratiquaient la même langue.

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Hélas, c’est faux. Au XXe siècle, les linguistes ont étudié le crâne de nos ancêtres : ils ont pu reconstituer les formes et les positions du larynx, du palais et de la langue. Ils ont même pu examiner comment se sont développées les zones du cerveau qui commandent l’activité du langage.

Conclusion probable : le langage n’est apparu que plus tard ; à l’étape suivante de notre évolution, lorsque ces premiers hommes ont quittés leur berceau est-africain pour entreprendre leurs vastes migrations aux quatre coins de la planète.

II n’y a pas eu de première langue, unique dans le temps et dans l’espace. À l’inverse du scénario que nous propose la Bible, les hommes se dispersaient déjà lorsqu’ils commencèrent à parler.

La parole dans le crâne

L’activité de langage est contrôlée par une zone du cerveau appelée aire de Broca qui coordonne les muscles concernés par la parole (langue, muscles de la mâchoire, du larynx. etc.).

À chaque étape de l’évolution de l’homme, le volume de son crâne augmente et sa forme change à mesure que certaines zones se développent ou que d’autres émergent.

En réalisant des moulages de l’intérieur de la boîte crânienne, on peut, obtenir la forme générale du cerveau à une époque donnée. Celui du plus ancien de nos ancêtres présente déjà une légère protubérance du côté gauche, à l’emplacement de l’aire de Broca. II s’agit d’« homo habilis », le premier primate auquel les spécialistes accordent le mot « homo ». Autrement dit le premier homme. Il fabriquait les outils, construisait des huttes, et vivait voici 2,2 millions d’années. Mais parlait-il ?

On peut au moins affirmer qu’il s’est progressivement équipé des cette époque pour pouvoir parler. Les paléontologues ne s’accordent avec certitude sur l’apparition du langage que chez son successeur, « homo erectus », il y a 1,5 million d’années.

Citations choisies
  • Dès qu’on parle une langue étrangère, les expressions du visage, des mains, le langage du corps changent. On est déjà quelqu’un d’autre. (Isabelle Adjani)
  • Parce qu’une langue est semblable au vent, elle poursuit sa fin mêlée de toutes les saveurs du monde et meurt vidée d’elle-même jusqu’à son renouvellement. (Hafid Aggoune, Les Avenirs, 2004)
  • Il [Boileau] ignorait jusqu’aux termes les plus communs de la langue des sciences exactes. (Jean le Rond d’ Alembert, Éloges ; Despréaux)
  • Mais vous n’avez pas l’air de très bien comprendre? Je me sers pourtant de la langue française, la plus concise, la plus claire, la langue des diplomates et des souverains. (Jean Anouilh, Le rendez-vous de Senlis)
  • La langue de l’alchimie est une langue de la rêverie, la langue maternelle de la rêverie cosmique. (Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie)
  • La langue est une prison. La posséder, c’est l’agrandir un peu. (Pierre Baillargeon, Commerce, 1947)
  • La langue n’est ni réactionnaire, ni progressiste. Elle est tout simplement fasciste, car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. (Roland Barthes, Discours au Collège de France, 1977)
  • Dès qu’elle est proférée, la langue entre au service d’un pouvoir. (Roland Barthes)
  • Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. (Charles Baudelaire, L’Art romantique, 1852)
  • Il y a dans le mot, dans le verbe, quelque chose de sacré qui nous défend d’en faire un jeu de hasard. Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. (Charles Baudelaire, L’Art romantique (1852) – Théophile Gautier)
  • Le monde existe pour la langue et l’offrande. (Albert Béguin, La Réalité du rêve, 1974)
  • La langue est un membre minuscule et elle peut se glorifier de grandes choses! Voyez quel petit feu embrase une immense forêt: la langue aussi est un feu. (Bible, Épîtres de saint Jacques, III, 5)
  • Il y a, sans doute, beaucoup de langues différentes dans le monde, mais aucune n’est sans signification; et si je ne connais pas le sens des mots, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle, à mon sens, sera un barbare. (Bible, Paul aux Corinthiens, XIV, 10-11)
  • Oui, j’ai une patrie : la langue française. (Albert Camus, Carnets)
  • L’homme moderne communique souvent mieux avec sa souris qu’avec sa langue. (Paul Carvel, Jets d’encre, 3)

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