Le poisson d’avril

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Le poisson d’avril

Tout n’est peut-être qu’une immense blague, j’en ai peur, et quand nous serons de l’autre côté de la page, nous serons peut-être fort étonnés d’apprendre que le mot du rébus était si simple.

(Gustave FlaubertLettre à Louise Colet – 3 Novembre 1851)

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Introduction

En France, au début du XXe siècle, on s'envoyait de jolies cartes postales toutes ornées 'd'un poisson d'avril et richement décorées.<br /> « Puisse ce souvenir vous sembler doux. »

Le poisson d’avril est le nom donné à une plaisanterie d’usage le 1er avril. Elle consistait à faire courir inutilement un homme d’une maison à une autre, sur la foi d’une fausse nouvelle.

Actuellement, le poisson d’avril est une attrape faite toujours le 1er avril et qui consiste soit à accrocher un poisson en carton dans le dos de quelqu’un, soit à faire tomber quelqu’un dans un piège amusant.

N’importe qui peut vous jouer ce tour, et l’on peut s’y laisser prendre attraper sans être niais. Oubliez la date du mois, et vous voilà le jouet des petits enfants et des grands.

Donner, faire un poisson d’avril à quelqu’un ou faire manger un poisson d’avril à quelqu’un, c’est lui faire, le 1er avril, en manière de plaisanterie une démarche inutile dont le caractère fantaisiste ne lui apparaît qu’une fois qu’elle est faite.

Quelle est l’origine du poisson d’avril ? Elle est presque aussi obscure que celle de la vieille noblesse. Cette plaisanterie ne se perd cependant pas dans la nuit des temps, comme certaines généalogies. Elle n’est pas antérieure au déluge.

L’origine du poisson d’avril
Première hypothèse
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Le poisson d’avril est une allusion indécente à ce qui arriva le 3 avril à notre Sauveur. Comme les Juifs le renvoyèrent d’un tribunal à l’autre, et lui firent faire diverses courses par manière d’insulte et de dérision, on a pris de là la froide coutume de faire courir et de renvoyer d’un endroit à l’autre les gens dont on veut se moquer. Les autorités dont ce sentiment est appuyé sont Origine des proverbesle Dictionnaire de Trévouxle Dictionnaire de l’académie et le Spectateur anglais. D’après l’opinion de ces savants, le mot de poisson aurait été insensiblement substitué, par corruption, à celui de passion.

Quoiqu’il y ait peu d’analogie entre poisson et passion, cette explication peut être admise. Les gens modifient tout ce qu’ils manient, et ce n’est pas toujours pour l’embellir.

On dit proverbialement de quelqu’un que l’on a fait courir inutilement de porte en porte, on l’a renvoyé d’Hérode à Pilate. Donner un poisson d’avril est faire absolument la même chose.

D’où vient que cet usage, s’il a pour objet de rappeler un fait accompli le 3 avril, a lieu le 1er avril ? Toute commémoration se fait d’ordinaire à l’anniversaire exact du jour signalé par l’évènement qu’il célèbre. Comment cette remarque n’a-t-elle pas été prise en considération à Rome, lorsque l’on a déterminé l’époque des fêtes maintenues par le dernier concordat ?

Quoi qu’il en soit, l’usage subsiste, et comme il est fondé sur la plaisanterie, il est probable qu’il subsistera longtemps.

Une autre carte postale envoyée le 1er avril.  « Plein de joie... je vous fait ce petit envoie !.. » Remarquez les deux fautes de français : je fait / envoie. Est-ce fait exprès ? Correction : « Plein de joie... je vous fais ce petit envoi ! »

⬆ Une autre carte postale envoyée le 1er avril.  « Plein de joie… je vous fait ce petit envoie !.. »
Remarquez les deux fautes de français : je fait / envoie. Est-ce fait exprès ? Correction : « Plein de joie… je vous fais ce petit envoi ! »

Deuxième hypothèse

Un électeur de Cologne, se trouvant à Valenciennes, annonça qu’il prêcherait tel jour de la semaine prochaine. Une foule immense se rendit à l’église. Chacun était impatient d’entendre le noble orateur. Après s’être fait longtemps désirer, l’électeur arrive enfin, monte en chaire, salue gravement l’auditoire, fait le signe de la croix, et s’écrie, Poisson d’avril ! puis il descend au bruit des trompettes et des cors, dont les fanfares couvraient les huées qu’une pareille facétie a dû exciter. Cela se passa un 1er d’avril, comme de raison.

En prononçant un sermon, monseigneur eût peut-être bien mieux attrapé son monde. Un poisson d’avril en trois points eût été de digestion un peu plus difficile. Voilà ce qu’on peut appeler de mauvaises plaisanteries.

L’attention que les sots ont à profiter du 1er avril semble devoir les garantir de toute attrape ce jour-là. Ils y sont pris pourtant quelquefois comme des gens d’esprit, et c’est de leur défiance même que provient leur duperie.

Troisième hypothèse
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François, duc de Lorraine, et son épouse, retenus prisonniers à Nancy, et ne pouvant s’évader qu’à l’aide d’un stratagème, pensèrent que le 1er avril favoriserait leur fuite. Déguisés en paysans, la hotte sur le dos et chargés de fumier, tous deux franchissent, à la pointe du jour, les portes de la ville. Une femme les reconnaît et court en prévenir un soldat de la garde. Poisson d’avril ! s’écrie ce vieux routier, qui avait consulté ce jour-là son calendrier ; et tout le corps-de-garde de répéter poisson d’avril ! à commencer par l’officier du poste. Le gouverneur, à qui l’on croit devoir faire part de cette nouvelle, tout en disant poisson d’avril ! ordonne néanmoins d’éclaircir le fait. Il n’était plus temps ; pendant qu’on criait poisson d’avril, leurs altesses avaient gagné du chemin. Le 1er avril les sauva.

Quatrième hypothèse

Les meilleurs poissons d’avril n’ont pas toujours été servis le jour dont ils portent la date. À la cour, par exemple, c’est un plat de toute l’année.

Marie de Médicis obtient de son fils le renvoi du cardinal de Richelieu. La perte du ministre est certaine. Ses ennemis la publient ; lui-même en confirme le bruit. Il a tout disposé pour se retirer au Havre : ses trésors sont partis, il va les suivre, il part ; non , il se ravise : pendant que la cour célèbre sa ruine, il l’a réparée. Il a été retrouver à un rendez-vous de chasse le roi, qui l’avait sacrifié par faiblesse, et par faiblesse lui sacrifie jusqu’à sa propre mère. L’exil d’une foule de courtisans, l’emprisonnement d’un garde-des-sceaux, l’exécution d’un maréchal de France, la proscription d’une reine, furent les conséquences de ce poisson d’avril, donné à la France par Louis-le-Juste, le 11 novembre 1630.

 

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