Le sonnet

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Le sonnet

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Qu’est-ce que le sonnet ?

Le sonnet est un petit poème destiné à renfermer une pensée intéressante, profonde ou gracieuse, qui se prépare dans les onze premiers vers, et qui se manifeste dans les trois derniers, en présentant quelque chose de frappant et de relevé.

La forme mécanique ou artificielle du sonnet, qui consiste dans l’arrangement et la qualité des rimes, est absolument invariable. il est composé de quatorze vers de même mesure. Les huit premiers sont partagés en deux quatrains et roulent sur deux rimes. Les six derniers vers forment deux tercets avec trois rimes différentes. Le premier tercet commence par deux rimes semblables ; l’arrangement des quatre derniers vers est arbitraire. Le sens doit être complet après chaque quatrain et chaque tercet.

Boileau a bien exprimé les principales règles de la structure matérielle du sonnet, lorsqu’il a dit qu’Apollon

Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille,
Et qu’ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.

Quand le sujet du sonnet est grave et sérieux, on doit y employer des vers alexandrins ; quand il ne l’est pas, on peut employer des vers de dix, et même de huit et de sept syllabes. Le sonnet paraît être le cercle le plus parfait qu’on puisse donner à une grande pensée, et la division la plus régulière que l’oreille puisse lui prescrire.

👉 En termes plus simples…
Le sonnet est un poème de 14 vers, composé de 2 quatrains aux rimes embrassées, suivis de 2 tercets dont les 2 premières rimes sont identiques tandis que les 4 dernières sont embrassées (sonnet italien) ou croisées (sonnet français).

Origine et extension

Le mot sonnet (de sonare, sonner) signifie, en français, du XIIe siècle, « petite chanson ». Certains attribuent l’invention du sonnet sous sa forme fixe aux troubadours, d’autres à l’école italienne, et même sicilienne.

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Le sonnet (de l’italien, sonneto, « chansonnette ») trouve peut-être son origine dans la Sicile du XIIIe siècle (par le poète Giacomo da Lentini) et se développe en Toscane au siècle suivant (Dante et Cavalcanti). C’est cependant le Canzoniere de Pétrarque qui lui assure son rayonnement : une partie de son recueil se compose de sonnets à la gloire de la femme aimée, Laure. Le recueil est imprimé en 1470 et le sonnet se diffuse dans de nombreux pays aux XVIe et XVIIe siècles : Portugal (Camoens), France, Espagne (Góngora), Angleterre (Wyatt, Shakespeare). Il est introduit en France dans la poésie de cour sous François Ier et Henri II, c’est-à-dire dans les années 1530-1540, avec des poètes comme Marot, Louise Labé ou Mellin de Saint-Gelais. En 1548, Vasquin Philieul traduit en français le Canzoniere et, en 1549-1550, Du Bellay livre le premier recueil de sonnets français, L’Olive.

Ronsard et Du Bellay : Des adaptateurs du modèle italien

Dans les années 1550, avec les poètes de la Pléiade, la forme se détache de la thématique amoureuse héritée de Pétrarque. En passant des « Amours de Cassandre » aux « Amours de Marie » (ces derniers correspondent aux recueils La Continuation des amours, 1555, et La Nouvelle Continuation des amours, 1556), Pierre de Ronsard abandonne le décasyllabe au profit de l’alexandrin et la rigueur de la construction au profit d’un ton et d’un rythme plus libres (Les Amours). Dans Les Regrets (1558), Joachim Du Bellay donne aux sonnets en alexandrins une grande variété de tonalités, qui va de la plainte mélancolique à la satire. La mise en musique des sonnets participe à l’élaboration de la forme et l’alternance des rimes masculines et féminines s’impose (abba = FMMF ou MFFM). Ronsard est amené à fournir à chacun de ses quatre musiciens quatre séries de sonnets construits sur le même type et pouvant être chantés sur le même air.

La composition du sonnet

Le sonnet régulier comprend quatorze vers (d’abord décasyllabes, puis généralement alexandrins) répartis en deux quatrains à rimes embrassées, sur deux rimes, et un sizain correspondant à un distique suivi d’un quatrain à rimes croisées, sizain que la typographie divise artificiellement en deux tercets pour qu’ils répondent structurellement aux deux quatrains. On obtient ainsi la combinaison abba abba ccd ede.

Les qualités que doit avoir un sonnet

Outre les règles précédentes, qui regardent la forme mécanique du sonnet, il y a des règles très importantes qui concernent sa forme naturelle. Boileau nous apprend, en effet, que le dieu des vers,

Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois
Inventa du sonnet les rigoureuses lois.
Partout de ce poème il bannit la licence ;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu’un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.

Ainsi, tout doit être exact, poli, châtié dans ce petit poème. On n’y souffre ni le moindre écart du sujet, ni un vers faible ou négligé, ni une expression impropre ou superflue, ni la répétition du même mot. La précision et la justesse des pensées, l’élégance des expressions, l’harmonie des vers, la richesse des rimes n’y doivent rien laisser à désirer. En un mot, tout doit y être d’une beauté achevée. On trouve cependant des sonnets dont le sujet n’est pas si relevé : le style est alors nécessairement dans le genre simple.

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À travers les siècles

Au XVIIe siècle, le sonnet se fait souvent jeu de salon, donne lieu à des querelles littéraires (autour d’Uranie, puis de La Belle Matineuse de Vincent Voiture) ou sert d’arme à la polémique (« querelles des sonnets », concurrence entre les tragédies Phèdre de Jean Racine et Phèdre et Hippolyte de Jacques Pradon). En 1674, dans L’Art Poétique, Nicolas Boileau en fixe les règles (« […] qu’en deux quatrains de mesure pareille / La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille ; / Et qu’ensuite six vers artistement rangés / Fussent en deux tercets par le sens partagés. »).

Après une éclipse au XVIIIe siècle, le sonnet renaît à l’époque romantique (Keats, Wordsworth, Nerval, Musset, Sainte-Beuve). Sa rigueur formelle séduit les parnassiens et sa structure est redéfinie ou subvertie par Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé. Il constitue la forme exclusive pour Heredia et s’impose comme la forme préférée du grand poète anglais Hopkins.

Au XXe siècle, il continue à séduire bien des poètes. Rilke publie ses Sonnets à Orphée (1923), García Lorca, son recueil des Sonnets de l’amour obscur. Queneau et Roubaud y trouvent matière à leur jeu combinatoire. C’est alors la « beauté pythagorique » du sonnet, selon l’expression de Baudelaire, qui fascine. En France, Valéry, Aragon, Desnos, Cassou s’affrontent à leur tour au sonnet, et à l’étranger Brecht et Neruda sont également séduits par cette forme poétique.

Une structure expressive

Le sonnet offre d’exceptionnelles ressources pour les parallélismes, les contrastes, les effets de miroir. Les quatrains s’opposent au sizain en assurant, par le passage du pair (2 × 4) à l’impair (2 × 3), un changement de tempo. L’homologie des vers du quatrain est renforcée par l’identité des rimes, en même temps qu’est assurée leur séparation par la disposition embrassée. Celle-ci donne à chaque quatrain une construction en miroir : « l’écho qui parle à l’écho deux fois se réfléchit » (Aragon). Au redoublement des quatrains correspond la division en deux « tercets » du sizain : la typographie moderne découpe d’ailleurs deux fois en deux le sonnet. La mise en musique à l’époque de Ronsard soulignait une autre structure : un air, le même pour chacun des quatrains, un autre pour le sizain. Le sizain se structure par la disposition des rimes. Celles-ci variaient beaucoup chez Pétrarque : cdc-dcd pour les sonnets sur quatre rimes, cde-cde ou cde-dce pour les sonnets sur cinq rimes.

Au XVIe siècle français, deux modèles tendent à s’imposer : ccdede (c’est ce que l’on appelle le sonnet régulier, hérité du sonnet italien) et ccdeed (disposition adoptée par Marot et dite « marotique »). Cette dernière a pour caractéristique de restituer dans les quatre derniers vers la disposition embrassée des quatrains, sur d’autres rimes. Ronsard va jusqu’à utiliser une structure « circulaire » : abba abba cca bba, dans un poème dont par ailleurs le mot situé à la rime du vers 14 reprend celui du vers 1 (rose), et celui du vers 13 celui du vers 2 (fleur) [« Comme on voit sur la branche … », Continuations des amours dans l’édition collective de 1578].

D’autres variantes encore sont possibles, exploitées par exemple par Nerval dans Les Chimères ou par Baudelaire dans Les Fleurs du mal, où l’on trouve des sonnets irréguliers (rimes croisées dans les quatrains, etc.). Il existe nombre d’autres variantes du sonnet, par exemple en Angleterre, on utilise le sonnet élisabéthain (trois quatrains et une strophe de deux vers, abab bcbc cdcd ee) ou celui de Shakespeare (deux quatrains et deux tercets, abab cdcd efe fgg).

Une formidable « machine à penser » (Aragon)

Chaque poète peut rendre dominante une des structures virtuelles du sonnet en utilisant le passage entre les quatrains et les sizains comme une articulation logique ou syntaxique : c’est le cas de Ronsard quand il construit son poème sur une comparaison (« Comme … Ainsi … ») ; le poète peut également démultiplier les ruptures (utilisation du tiret chez Nerval ou Baudelaire pour isoler le dernier ou les deux derniers vers).

Forme close, le sonnet peut être aussi envisagé comme le terme d’une série. Au lieu d’être mêlé à d’autres formes (Les Fleurs du mal compte 44 sonnets dans un recueil de 129 poèmes), il devient la forme unique sans cesse reprise et variée, équivalent de la strophe d’un long poème que serait le recueil lui-même : « journal » de voyage pour les 191 sonnets des Regrets de Du Bellay, combinaison mathématique figurant une partie de go dans E de Roubaud (1967).

Quelques sonnets

● Le sonnet suivant, quoique dans le genre simple, n’est pas sans mérite, parce qu’il fait connaître les règles du genre, et donne ainsi le précepte et l’exemple :

Doris, qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère ;
Quatorze vers, grand Dieu! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.

Je ne pouvais d’abord trouver de rimes, mais
En faisant, on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guère,
Si du premier tercet je puis faire les frais.

Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de la Muse,
Puisqu’en si peu de temps, je m’en tire si net.

J’entame le second et ma joie est extrême ;
Car des vers commandés, j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze, et voilà le sonnet.

(L’abbé A. Piron)

● En voici un autre sonnet plus littéraire. Il est intitulé « Le beau voyage » :

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine ;

Plus mon Loire gaulois que le Tybre latin,
Plus mon petit Liré que le mont palatin,
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

(Joachim Du Bellay)

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