L’Encyclopédie du XVIIIe siècle

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L’Encyclopédie du XVIIIe siècle

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Présentation de l’Encyclopédie par Voltaire

Le siècle passé a mis celui où nous sommes en état de rassembler en un corps et de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences et de tous les arts, tous poussés aussi loin que l’industrie humaine a pu aller ; et c’est à quoi a travaillé une société de savants remplis d’esprit et de lumières. Cet ouvrage immense et immortel semble accuser la brièveté de la vie des hommes. Il a été commencé par Diderot et d’Alembert, traversé et persécuté par l’envie et l’ignorance, ce qui est le destin de toutes les grandes entreprises.

On ne peut trouver meilleure présentation de l’Encyclopédie que celle de Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV : il fait de cette œuvre, à juste titre, le symbole du savoir éclairant et militant.

L’Encyclopédie est donc un ouvrage monumental publié au XVIIIe siècle par Diderot et d’Alembert sous le titre Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

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Les origines du projet

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Page de titre du premier tome, 1751

Le projet initial n’avait pas l’ampleur que l’entreprise prit par la suite : il ne s’agissait que d’une traduction. En 1745, en effet, André François Le Breton, imprimeur libraire à Paris (nous dirions éditeur de nos jours) obtient un privilège royal pour la publication d’un Dictionnaire universel des arts et des sciences. Le titre est celui du dictionnaire encyclopédique de l’Anglais Chambers, dont la première édition remonte à 1728 et la cinquième à 1742. Le Breton souhaitait en publier une version française, dont il confie la traduction à Diderot en 1747.

À partir de ce moment, le projet se modifie. Diderot, aidé par d’Alembert pour la partie technique, envisage une œuvre résolument nouvelle, dont il précise les caractéristiques du Prospectus de l’Encyclopédie (1750). Il s’agit de dresser un bilan organisé des connaissances et de brosser « un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les domaines et dans tous les siècles ». Le titre retenu, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, souligne non seulement le gigantisme du projet, par le nombre de domaines mais aussi ses difficultés. Le terme « raisonné » doit en effet être pris dans un double sens. D’un côté, il suggère une classification d’ensemble, des critères, une organisation. De l’autre, la référence à la raison le rattache aux différentes orientations de la pensée philosophique. D’une traduction, on est passé à une création.

Celle-ci aboutit, près de vingt ans plus tard, à la publication de dix-sept volumes de textes et de dix volumes de planches, au prix d’innombrables difficultés et conflits. C’est que la volonté de Diderot de « tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement » heurte le pouvoir politique, le clergé et certaines mentalités.

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Les difficultés rencontrées

Les difficultés sont nombreuses et ont des origines différentes : problèmes avec les collaborateurs, opposition du pouvoir monarchique et religieux, hostilité de certains contemporains.

Les collaborateurs

Alors que le projet est lancé et en cours de réalisation, la difficulté vient de Diderot lui-même. En 1749, il est emprisonné à Vincennes à la suite de la publication de la Lettre sur les aveugles. Privée de son coordinateur, l’entreprise risque la catastrophe. Ce sont les éditeurs qui interviennent pour faire libérer le philosophe.

Presque dix ans plus tard, en 1758, Diderot perd son collaborateur le plus efficace d’Alembert. Ulcéré par les réactions de Rousseau à son article « Genève », celui-ci décide en effet de ne plus collaborer à l‘Encyclopédie. Entre-temps Diderot, qui assure la très lourde charge de coordonner, de gérer, de corriger et qui écrit lui-même plus de mille articles, est très souvent découragé. La découverte la plus douloureuse pour lui est celle, en 1764, de la censure exercée à son insu sur un bon nombre d’articles par son éditeur Le Breton. C’est pour Diderot une véritable trahison.

Les réactions hostiles du pouvoir politique et du pouvoir religieux

En 1752, la publication de la thèse de théologie de l’abbé de Prades provoque un véritable conflit. La thèse est jugée hérétique et la condamnation qui atteint cet ouvrage s’étend à l’Encyclopédie, dont l’abbé est collaborateur. Une coalition des ennemis de l’Encyclopédie (parlement de Paris, jésuites, clergé) obtient la condamnation des deux premiers volumes. La parution reprend cependant grâce à la protection de Monsieur de Malesherbes, le directeur de la Librairie.

En 1757, l’attentat de Damiens contre Louis XV provoque une violente mise en cause des philosophes. Un arrêt du parlement de Paris condamne plusieurs ouvrages jugés subversifs, parmi lesquels De l’esprit, d’Helvétius et l’Encyclopédie. Le privilège, accordé par le roi en 1746, est supprimé en 1759. Il est interdit de vendre les volumes publiés. Ordre est donné aux éditeurs de rembourser les souscripteurs. Menacée de faillite, l’Encyclopédie est, une fois encore, sauvée par Malesherbes.

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C’est également en 1759 que le pape Clément XIII condamne l’ouvrage dans son ensemble.

Les autres ennemis de l’Encyclopédie

Rarement un ouvrage aura suscité autant de controverses. L’esprit dans lequel est composée l’Encyclopédie et ses orientations provoquent en effet des réactions violentes, qui prennent rapidement la forme de conflits de personnes. Des attaques incessantes viennent du journaliste Fréron, directeur de L’Année Littéraire. Les jésuites, déjà très hostiles sur le plan religieux, craignent une concurrence pour leur Dictionnaire de Trévoux. Entre Voltaire et eux s’engage une guerre de pamphlets dans lesquels le père Berthier se trouve ridiculisé. Il faut également compter au nombre des ennemis Palissot, auteur de plusieurs textes satiriques (Petites Lettres sur les grands philosophes et la comédie Les Philosophes 1760), Vaux de Giry et Moreau. Ces derniers attaquent les philosophes en les représentant sous les traits d’une étrange peuplade, les Cacouacs.

On pourrait s’étonner, dans ces conditions, qu’un projet aussi violemment attaqué ait pu non seulement voir le jour mais connaître un succès de vente rapide. L’explication est double. L’Encyclopédie avait des appuis. Par ailleurs, sa valeur et son intérêt furent reconnus par le public des souscripteurs.

 

Le succès de l’Encyclopédie

Tout le monde, même dans l’entourage du roi, n’était pas hostile à l’ouvrage. Par deux fois, le projet fut sauvé par Monsieur de Malesherbes. En tant que directeur de la Librairie, celui-ci contrôlait les différentes publications de l’époque. À plusieurs reprises, il recommanda à Diderot la prudence. C’est également lui qui, en 1759, au moment de la deuxième condamnation qui obligeait au remboursement des volumes, accepta la proposition faite par les éditeurs : les volumes de planches, non encore publiés, serviraient à dédommager les souscripteurs. C’était là une façon de sauver l’Encyclopédie du désastre financier.

Parmi les « amis » de l‘Encyclopédie, il faut également citer Madame de Pompadour, qui suivait le projet avec un regard favorable. Jusqu’à sa mort, en 1764, on peut dire qu’elle accorda aux encyclopédistes une véritable protection.

L’originalité, l’intérêt et la valeur de l’ouvrage n’échappaient pas à ceux qui le défendaient. Ils expliquent un succès rapide qui se manifesta dans les chiffres de vente. En 1754, trois ans après la publication du premier volume, le tirage est d’environ 4 300 exemplaires, ce qui représente le nombre des souscripteurs. La première édition a été rapidement épuisée. Des éditions faites en Suisse et en Italie, dans des formats variés (in-folioin-quartoin-octavo) témoignent de la vitalité et de l’extension du projet, mené à bien grâce à la courageuse persévérance de ses auteurs et en particulier de Diderot.

 

L’esprit de l’Encyclopédie

La nouveauté du projet encyclopédique, qui provoqua à la fois l’enthousiasme et l’indignation, tient à l’esprit qui l’anime. Les objectifs sont doubles, comme l’explique très clairement l’article « Encyclopédie » rédigé par Diderot. Il s’agit de faire le tour des connaissances. Il s’agit également de « tout examiner […] sans exception et sans ménagement ». Le premier objectif implique un système de classification, et une réflexion sur l’organisation du savoir. Le second ouvre vers une entreprise de remise en cause qui correspond aux préoccupations et aux orientations de l’esprit philosophique.

Dans la première perspective s’inscrit la volonté d’accorder une place importante aux techniques et aux métiers. Cet objectif se réalise dans le choix d’articles très spécialisé et dans la publication des planches (dix volumes). D’Alembert définit cette démarche dans le Discours préliminaire : « On s’est donné la peine d’aller dans leurs ateliers, de les interroger, d’écrire sous leur dictée, de développer leur pensée, d’en tirer les termes propres à leur profession. » Cette réhabilitation des arts mécaniques participe de l’idéologie du progrès et du travail qui caractérise à la fois l’Encyclopédie et l’esprit philosophique.

La seconde orientation fait de l’Encyclopédie un instrument utile sur le plan de la réflexion critique. Tout est, en effet, passé au crible de la raison et de l’esprit d’examen. Dans le « Discours préliminaire », d’Alembert souligne à quel point l’univers traditionnel de la connaissance se trouve bouleversé. Ce n’est plus sous l’influence d’une autorité religieuse que l’homme apprend à connaître, c’est par ses sens, par sa raison, par son expérience. L’homme « encyclopédique » est un être « sentant, réfléchissant, pensant » (article Homme), mais considéré en dehors de toute relation avec le divin. On retrouve là l’influence du matérialisme de Diderot.

La foi dans le progrès, dans l’évolution du savoir conduit à rejeter ce qui relève du principe d’autorité, de la tradition conformiste, de la superstition. On suit par là la voie ouverte par Bayle et par Fontenelle. Il faut enfin noter que le projet encyclopédique, au nom du respect de l’être humain, est une œuvre de tolérance qui stigmatise toutes les atteintes à la liberté de pensée, de croyance et d’expression.

 

La recherche d’une efficacité

Une des caractéristiques des textes philosophiques du Siècle des Lumières est que leurs auteurs ont désiré adapter le mode d’expression à l’efficacité souhaitée. Il en est de même pour l’Encyclopédie. Parmi ces recherches, on peut distinguer celles qui ont un objectif strictement didactique et celles qui relèvent d’un processus d’engagement idéologique.

Sur le plan didactique, on peut noter trois options :

  • le classement alphabétique, qui facilite le repérage et met la recherche à la portée de tous ;
  • le recours fréquent à l’étymologie, qui permet d’expliciter le sens et de souligner les différentes connotations prises par un mot au cours de son évolution ;
  • les planches et les schémas, qui donnent une image concrète et rendent l’ouvrage plus accessible.

Sur le plan critique, l’efficacité vient de ce que Diderot appelait les « ruses de raison ». En voici quelques-unes :

  • le système alphabétique permet quelques subterfuges efficaces : grâce à lui on peut masquer par un titre anodin un contenu extrêmement critique ;
  • le système des renvois d’un article à l’autre a une efficacité du même genre : on passe d’un article anodin à un article virulent ;
  • l’ironie, arme favorite de Voltaire, fait passer sous une forme légère et irrévérencieuse des jugements critiques. Il en est de même pour la fausse naïveté, qui s’inscrit dans les stratégies habituelles de l’esprit contestataire ;
  • enfin la structure de certains articles masque leur virulence.

Ces différents procédés permettent de comprendre l’inquiétude et l’hostilité des milieux politiques. Le Conseil du roi avait compris que « sous des dehors obscurs ou équivoques » l’Encyclopédie visait à « détruire l’autorité royale, à établir l’esprit d’indépendance ». Quant à Diderot, il écrivait en 1762 à Sophie Volland : « Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité ».

Lexique de l’Encyclopédie
  • In-folio : Ce terme désigne le format dans lequel la feuille d’impression est pliée en deux. Il s’agit là d’un grand format.
  • In-octavo : Format d’édition dans lequel la feuille d’impression est pliée en huit. C’est un format plus petit que l’in-quarto, qui s’apparente au livre de poche.
  • In-quarto : Format d’édition dans lequel la feuille d’impression est pliée en quatre. C’est un format inférieur à l’in-folio.
  • Privilège royal : Cette expression désigne l’autorisation exclusive, accordée par le pouvoir royal, d’imprimer un ouvrage après examen par une commission de censure.
  • Librairie royale : Ce terme désigne l’organisme chargé de l’examen de tout ce qui est susceptible d’être publié. Celui qui le dirige, par décision royale, porte le titre de « Directeur de la Librairie royale ». Malesherbes occupa ce poste à partir de 1750. De manière paradoxale, il profita de cette situation pour venir en aide aux encyclopédistes alors que son rôle aurait plutôt dû le conduire à les censurer.
  • Prospectus : Ce mot vient du latin prospicere qui signifie « regarder devant ». Il désigne l’annonce imprimée exposant le plan et le thème d’un ouvrage à paraître. Ce terme s’utilise, en particulier, lorsqu’il s’agit d’une souscription.
  • Souscription : La vente par souscription consiste à obtenir des participants un engagement de paiement avant la parution d’un ouvrage. Le souscripteur s’engage à acheter l’ouvrage à paraître et verse à l’avance une partie de son prix.
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