L’histoire des abréviations

Leçons d’orthographe ► vous êtes ici

Orthographe

L’abréviation : aperçu historique

Annonce

C’est surtout dans les inscriptions et les médailles qu’on a éprouvé le besoin d’abréger l’écriture. L’étude des abréviations qui y ont été employées rentre dans l’épigraphie et la numismatique1. Il y a eu aussi dans les manuscrits des abréviations dont la connaissance est utile à ceux qui veulent remonter à la source des documents littéraires.

Dans les plus anciens manuscrits, qui sont en caractères italiques et sur parchemin, il n’y a presque pas d’abréviations ; mais elles deviennent très fréquentes à partir du VIIe siècle. Le système abréviatif qui paraît avoir été le premier employé est celui des sigles, mot que des érudits dérivent de sigilla, diminutif de signa, et d’autres de sigulœ (litterœ).

Les sigles sont, dit-on, connus des Hébreux. Il est certain que les Grecs s’en servent, et c’est d’eux que les Romains en apprennent l’usage.

L’abréviation du sigle est très simple. Elle consiste à représenter un mot par une ou plusieurs lettres de ce mot. Il y a plusieurs espèces de sigles :

  • le sigle simple, qui représente un mot par sa lettre initiale : BD → Bande Dessinée, CCGC → Camion Citerne Grande Capacité, HBM → Habitation Bon Marché, QI → Quotient Intellectuel ;
  • le sigle composé, qui ajoute à la lettre initiale une ou plusieurs lettres du mot : BE → Belgique, LB → Liban, Inf → infinitif ;
  • le sigle redoublé, qui répète deux fois et trois fois la même lettre, pour marquer le nombre ou le superlatif : CONSP. → Constantinopolis ;
  • le sigle renversé, qui, par le renversement de la lettre, exprime généralement le féminin.

Les sigles sont employés fréquemment, chez les Romains, dans les actes publics. Il en résulte des confusions et des abus tels que Justinien défend d’en faire usage dans la transcription des lois, et assimile aux faussaires ceux qui contreviendraient à cette défense. Bien des erreurs sont résultées de l’emploi des sigles dans les manuscrits.
Exemple : Il existe à la Bibliothèque nationale de Paris un manuscrit connu sous le nom de Virgile d’Asper, qui provient du fonds de Saint-Germain-des-Près et qui offre plusieurs fragments de Virgile écrits en sigles. Ainsi le vers : « Tityre, tu patulæ recubans sub tegmine fagi » s’y trouve représenté en cette manière : « Tityre, t. p. r. s. t. f. ».

Il est facile de comprendre à quelles erreurs un tel système d’écriture, si largement employé, devait exposer les copistes et les interprètes. Le terrier d’Angleterre que Guillaume le Conquérant fait dresser au XIe siècle, et qui reste fameux chez les Anglais sous le nom de Doomsday-book, présente beaucoup de sigles. Ils n’y sont pas pourtant aussi nombreux que dans le Virgile d’Asper. Les manuscrits d’ouvrages relatifs à la médecine ont des sigles, qui passent dans les mêmes ouvrages imprimés, et dont les médecins se sont servis jusque vers notre temps dans leurs ordonnances.
Exemples : GUTT. → gutta (goutte) ; P. → pugillus (pincée) ; M. → manipulus (poignée) ; Q. S. → quantum sufficit (quantité suffisante) ; etc.

On se servait encore des sigles, disent les auteurs du Nouveau Traité de diplomatique, pour distinguer les livres, pour marquer le nombre des chapitres et des cahiers des manuscrits. On exprimait aussi la valeur des poids par différentes lettres des alphabets grec et latin.

Un autre genre d’abréviations fort usité dans les manuscrits, et qui remonte à une haute antiquité, consiste également à supprimer une partie des lettres d’un mot, mais en marquant cette suppression par certains signes. On retranche surtout les lettres m et n, et on les remplace soit par une ligne droite, soit par une ligne courbe en forme d’accent circonflexe. Il y a des exemples de lettres remplacées par des points, i par un point, a par deux, e par trois, o par quatre, u par cinq ; l’enclitique2 latin que est souvent représenté par un point-virgule.

Ces signes abréviatifs, réunis aux sigles, deviennent une cause d’obscurités, d’erreurs et d’abus, qui va en croissant, surtout à partir du XIe siècle. En 1304, une ordonnance de Philippe le Bel, relative aux tabellions et aux notaires, tente vainement de la faire disparaître dans les actes dont ils étaient chargés. L’emploi des abréviations ne fait qu’augmenter. Elles sont prodiguées à tel point dans un grand nombre d’actes du XVe siècle, et plus encore dans ceux de la première moitié du XVIe, qu’ils sont presque illisibles. Quand l’habileté des paléographes3 parvient à les déchiffrer, c’est plutôt par une sorte d’intuition que par l’application d’une méthode régulière de lecture.

Il nous resterait à parler d’un autre système d’abréviations qui était en usage surtout depuis Cicéron jusqu’au Xe siècle, et qui rentre dans les procédés sténographiques4. Ce système, consistant à écrire aussi vite que la parole, à l’aide de signes connus sous le nom de « notes tironiennes5 », mérite d’être considéré à part, à cause de ses développements et de ses applications.

🚀 Allez plus loin ! 🚀
► Consultez la liste des abréviations les plus employées en langue française.
La paléographie.

Annonce

Notes

1. La numismatique : C’est la science des monnaies. Elle étudie ces objets dans leur aspect formel, leur valeur de signe et leur développement historique. 

2. L’enclitique : Terme de grammaire grecque. Mot qui, perdant son accent, se lie au mot précédent et en fait, pour la prononciation, réellement partie. En latin que est enclitique dans hominumque deumque ; et en français ce est enclitique dans : Est-ce Dieu.

3. Le paléographe : Personne qui étudie les anciennes écritures. La paléographie n’est pas seulement l’art de déchiffrer les textes, c’est aussi celui de les dater, de les localiser, d’en critiquer. [En savoir plus]

4. La sténographie (ou tachygraphie) : C’est « l’art de se servir de signes conventionnels pour écrire d’une manière aussi rapide que la parole ».

5. Les notes tironiennes : Ce sont un système d’écriture sténographique en usage dans la Rome antique, dont l’invention remonterait à Tiron, secrétaire de Cicéron — de qui elles tirent leur nom. Ce système aurait survécu tel quel jusqu’à l’époque carolingienne, pour tomber en désuétude dans le courant du XIe siècle.

Orthographe

Articles connexes

Suggestion de livres

Le Grevisse de l'enseignant - 1000 exercices de grammaireLe Grevisse de l’enseignant – 1000 exercices de grammaireLe Bon usageLe Bon usage
Bescherelle - Le coffret de la langue françaiseBescherelle – Le coffret de la langue françaiseÉcrire sans fautes - Orthographe - Grammaire - ConjugaisonÉcrire sans fautes – Orthographe – Grammaire – Conjugaison
Annonce

[➕ Autres choix…]

Annonce

À lire également...

EspaceFrancais.com

You cannot copy content of this page