Pierre Choderlos de Laclos

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Auteurs français

Pierre Choderlos de Laclos

1741 – 1803

Un officier déçu

Boilly, Portrait de Pierre Choderlos de Laclos, Pastet (Versailles, Musée du Château).

Fils d’un haut fonctionnaire du roi, que sa charge a anobli, Choderlos de Laclos (son nom complet est Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos) ne parvient pas comme il le souhaiterait, à faire une carrière brillante dans l’armée : son nom n’est pas assez illustré pour lui permettre d’accéder à un haut rang. Il entre dans l’artillerie, espérant faire ses preuves par ses connaissances scientifiques, mais ses espoirs sont déçus. Au lieu de participer à des campagnes glorieuses, il mène une triste vie de garnison à Toul, Grenoble ou Valence. Son adhésion à la franc-maçonnerie traduit sans doute une profonde insatisfaction.

Il se met alors à écrire et publie un roman par lettresLes Liaisons dangereuses (1782), œuvre qui provoque un véritable scandale. Aigri et brouillé avec le commandement militaire. il renonce à toute ambition et demande un conge illimité (1788), peu de temps après son mariage (1786).

Un soldat de l’An II

LRévolution se fait sortir de sa réserve. Patriote ardent, il voit la réalisation de ses idéaux et devient l’un des membres les plus actifs du Club des jacobins. ll reprend l’uniforme et se retrouve général au lendemain de la bataille de Valmy (1792). Comme toute sa génération, il s’identifie à celui dont l’ascension éblouit et étonne, Bonaparte. Il participe au coup d’État du 18 Brumaire, aspirant à un ordre rassurant. Le Consulat est pour lui une époque dorée, que vient interrompre une mort peu glorieuse en Italie, au siège de Tarente. C’est en effet la dysenterie qui met fin aux jours de celui qui rêvait de triomphe militaire.

Gros plan sur Les Liaisons dangereuses (1782)

Publié en 1782, le roman épistolaire Les Liaisons dangereuses connaît immédiatement un succès lié au scandale que provoque son contenu. Il s’agit de la correspondance d’un groupe de personnages appartenant au milieu aristocratique. Les deux plus importants, les meneurs de jeu, sont le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil, libertins, anciens amants, aux prises avec toute une stratégie de séduction et de corruption dont ils seront, finalement, les victimes.

Valmont, séparé de la marquise mais en « liaison » épistolaire avec elle, entreprend de séduire une femme aussi belle que dévote, la Présidente de Tourvel. La marquise, elle, envisage de se servir de Valmont pour se venger: elle lui demande de gagner les faveurs de la jeune Cécile de Volanges, juste sortie du couvent, fiancée à celui qu’elle considère comme son « ennemi ». Rien pourtant ne se passe exactement comme prévu. Cécile est une proie facile, qui se laisse séduire et corrompre. Quant à la Présidente, après de nombreuses dérobades, elle cède à Valmont, qui s’éprend sincèrement d’elle, abandonnant ainsi son rôle de libertin. La marquise intervient alors et exige de Valmont qu’il rompe avec la Présidente s’il veut retrouver ses faveurs.

Trahie, Madame de Tourvel meurt de chagrin. La marquise, elle, refuse de tenir sa promesse. Devenus adversaires, les deux libertins rendent publique leur correspondance. Valmont est alors tué en duel par le chevalier Danceny, amoureux de Cécile, tandis que la marquise, défigurée par la petite vérole, doit fuir devant le déshonneur qui l’atteint.

Il s’agit, comme on le voit, d’une intrigue libertine, moins originale par son thème et son déroulement que par l’efficacité de la forme choisie et par les intentions de Choderlos de Laclos. Le genre épistolaire, en effet, joue un rôle particulièrement important : dans un contexte de vie sociale où tout n’est qu’apparence et dissimulation, la lettre est la seule forme possible de la sincérité, et donc la seule possibilité de dire la vérité sans craindre de braver les interdits sociaux. Madame de Merteuil, qui se fait passer officiellement pour une veuve vertueuse et bigote auprès des gens qu’elle fréquente, révèle son vrai visage dans sa correspondance avec Valmont, sans se douter qu’une fois les règles du jeu modifiées, cette réalité la perdra. Il en est de même pour Valmont. Ainsi, le choix d’une correspondance est un des éléments clefs du libertinage en action, puis de la révélation indubitable de ce même libertinage : en ce sens, on pourrait dire que les deux héros sont punis par ce qui a assuré leur réussite.

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Faut-il voir là le triomphe de la morale ? Les intentions de Choderlos de Laclos semblent bien être de dénoncer l’immoralité du libertinage et le renversement des valeurs sur lequel il prend appui : la fin tragique des deux héros se présente comme un véritable châtiment, mort physique pour Valmont, mort « sociale » et affective pour la marquise. Il est cependant difficile de ne pas s’interroger sur l’admiration horrifiée que suscitent parfois l’habileté, la séduction et le cynisme des protagonistes. Aujourd’hui encore, Les Liaisons dangereuses continuent de provoquer des prises de positions contradictoires.

Filomographie
  • Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, France, 1959. Avec Gérard Philippe dans le rôle de Valmont et Jeanne Moreau dans celui de Mme de Merteuil (scénario coécrit avec Roger Vailland).
  • Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears (réalisateur britannique), États-Unis, 1988. Avec John Malkovich dans le rôle de Valmont et Glenn Close dans celui de Mme de Merteuil.
  • Valmont de Milos Forman (réalisateur tchèque), France, 1989. Avec Colin Firth dans le rôle de Valmon et Annette Bening dans celui de Mme de Merteuil.
Bibliographie
  • Ernestine (1777)
  • Les Liaisons dangereuses (1782)
  • Des Femmes et de leur éducation (1783)
  • Poésies fugitives (1783)
  • Folies philosophiques par un homme retiré du monde (1784)
  • Instructions aux assemblées de bailliage (1789)
  • Galeries des États généraux (1789)
  • Journal des amis de la Constitution (1790-1791)
  • De la guerre et de la paix (1795)
  • Continuation des causes secrètes de la révolution du neuf thermidor (1795)
Citations choisies
  • Vous voilà donc absolument réduit à rien et cela entre deux femmes, dont l’une était déjà au lendemain, et l’autre ne demandait pas mieux que d’y être!
  • […] j’éprouve en ce moment que notre raison, déjà si insuffisante pour prévenir nos malheurs, l’est encore davantage pour nous en consoler.
  • L’homme jouit du bonheur qu’il ressent, et la femme de celui qu’elle procure.
  • Ou vous avez un rival, ou vous n’en avez pas. Si vous en avez un, il faut plaire pour lui être préféré; si vous n’en avez pas, il faut encore plaire pour éviter d’en avoir. (Les Liaisons Dangereuses)
  • Pour les hommes, l’infidélité n’est pas l’inconstance. (Les Liaisons Dangereuses)
  • Pardonnez, je vous en supplie, au désordre de mes sens. Je devrais peut-être m’abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas: il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s’augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi. (Les Liaisons Dangereuses)
  • On est heureux que par l’amour.
  • Ou vous avez un rival ou vous n’en n’avez pas. Si vous en avez un, il faut plaire pour lui être préféré, si vous n’en n’avez pas, il faut encore plaire pour éviter d’en avoir. (Les Liaisons dangereuses)
  • A force de chercher de bonnes raisons, on en trouve ; on les dit ; et après on y tient, non pas tant parce qu’elles sont bonnes que pour ne pas se démentir. (Lettres)
  • Quand une femme frappe dans le coeur d’une autre, elle manque rarement de trouver l’endroit sensible, et la blessure est incurable. (Lettres)
  • L’autorité illusoire que nous avons l’air de laisser prendre aux femmes, est un des pièges qu’elles évitent le plus difficilement. (Lettres)

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