Robert Desnos

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Auteurs français

Robert Desnos

1900 – 1945

Robert Desnos, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945, est écrivain et poète français. Son œuvre comprend un certain nombre de recueils de poèmes publiés de 1923 à 1943 — par exemple Corps et biens (1930) ou The Night of loveless nights (1930) — et d’autres textes sur l’art, le cinéma ou la musique, regroupés dans des éditions posthumes.

La jeunesse parisienne

Photo de Robert DesnosNé le 4 juillet 1900 dans le XIème arrondissement de Paris, Robert Desnos a grandi dans la capitale et il est élevé dans un milieu petit-bourgeois. Les charmes pittoresques du quartier populaire des Halles, dans lequel s’installa quelque temps sa famille, marquent profondément la mémoire du futur poète, nourrie d’images insolites et chatoyantes : enseignes de magasins, articles et marchands insolites, couvertures et suppléments des journaux illustrés. À l’école, Robert Desnos s’ennuie. Il se plonge dans des lectures en marge de l’école et lit les œuvres de Victor Hugo ou de Charles Baudelaire en parallèle avec les romans policiers d’Émile Gaboriau ou les romans-feuilletons d’Eugène Sue. Le jeune Robert Desnos s’intéresse en effet à la culture populaire : les héros des feuilletons littéraires (Nick Carter ; Fantômas ; Buffalo Bill) ou les évènements qui défraient la chronique de ce début de siècle (« la  bande à Bonnot ») retiennent particulièrement son attention. L’imagerie moderne et la littérature qui imprègnent le monde imaginaire de son enfance l’incitent à mettre fin à ses études après l’obtention de son brevet élémentaire en 1916. Refusant de poursuivre une carrière dans le commerce, à laquelle le destine son père, il ambitionne de devenir poète. Quittant le foyer familial dès l’âge de seize ans, il travaille alors comme commis dans une droguerie et se forge une solide culture autodidacte qu’il assume : « Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas métaphysicien… Et j’aime le vin pur ».

Les premiers écrits d’après-guerre

C’est à partir de 1918, dans la revue à tendance socialiste, La Tribune des jeunes, qu’il commence à publier ses premiers poèmes et à fréquenter des anti-conformistes. Peu à peu introduit dans les milieux littéraires d’avant-garde, il se lie d’amitié avec le journaliste Henri Jeanson, la militante anarchiste Rirette Maîtrejean ou bien encore l’écrivain Armand Salacrou. L’année 1919 est marquée par la publication de ses poèmes Prospectus, Le fard des Argonautes et L’ode à Coco dans la revue avant-gardiste Le Trait d’union. La même année, il devient secrétaire du journaliste Jean de Bonnefon puis responsable de sa maison d’édition. Grâce au soutien du poète Louis de Gonzague Frick, il a accès à diverses revues (Lutetia, Dits modernes). C’est à cette époque qu’il rencontre Benjamin Péret et Roger Vitrac. Il découvre aussi le mouvement Dada, courant de contestation culturelle alors en plein essor, qui prône la remise en cause ludique de toutes les conventions idéologiques et politiques. Mais en 1920, le service militaire interrompt pour deux ans ses rencontres insolites. À son retour à Paris en 1922, le mouvement Dada s’essouffle et André Breton, l’initiateur du mouvement surréaliste, lance une nouvelle aventure en publiant Lâchez tout dansla revue Littérature. C’est par l’intermédiaire de Benjamin Péret que Robert Desnos rencontre André Breton et s’intègre au groupe de la revue Littérature, dont font partie Louis AragonPaul Éluard ou René Crevel.

« Le Surréalisme est à l’ordre du jour et Desnos est son prophète »

Cette affirmation d’André Breton, publiée dans le Journal littéraire en 1924, de  en dit long sur l’éclatante participation de Desnos aux expérimentations du groupe surréaliste. Celui-ci s’impose en effet par son exceptionnelle faculté à expérimenter les limites du langage à travers l’écriture automatique, les sommeils hypnotiques, les récits de rêves ou de fantasmes. Ces expériences sont autant d’occasions pour lui d’explorer, selon sa propre formule, « les espaces du sommeil ». Lors des séances de sommeil organisées par les membres du groupe surréaliste, Desnos répond aux questions des assistants, esquisse des dessins, amorce des poèmes. De fait, André Breton le présente comme celui qui « parle surréaliste à volonté » dans le Manifeste du surréalisme (1924). Parallèlement à ces expériences insolites, Desnos prend part aux diverses manifestations du groupe : il signe les déclarations et écrit régulièrement dans la célèbre revue La Révolution surréaliste. Pour vivre, il travaille comme comptable des publications médicales de la Librairie Baillère, courtier de publicité pour un annuaire industriel ou caissier du journal Paris-Soir. Son premier recueil narratif, Deuil pour deuil, paraît en 1924. À partir de 1925, grâce à ses amitiés dans le milieu du journalisme, il devient journaliste à Paris-Soir, puis aux journaux Le Soir et Paris-Matinal. Ces dernières activités journalistiques ainsi que la rédaction de chroniques cinématographiques et de scénarios de cinéma le rendent moins assidu aux réunions surréalistes. En 1927, alors que BretonAragonÉluard et Péret défendent leur engagement politique au parti communiste, Desnos soutient que l’activité du groupe est incompatible avec une action militante à ce parti. Ce premier désaccord présage la rupture progressive avec le groupe surréaliste.

Une poésie influencée par les deux « sœurs parallèles du ciel et de l’Océan »
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Cette formule extraite du poème Siramour illustre l’importance majeure de deux rencontres féminines dans la vie de Desnos. Au début des années 1920, il tombe profondément amoureux de la chanteuse de music-hall Yvonne George, qu’il représente à travers le symbole poétique de l’étoile. Son ami Théodore Fraenkel rend compte de l’envers malheureux de cette passion inspiratrice : « Son amour pour Yvonne George fut violent, douloureux, inlassablement attentif. Il ne fut jamais partagé ». De ce désespoir amoureux naissent les poèmes Á la mystérieuse puis L’étoile de mer. Ce dernier  sert de motif à un court métrage réalisé par Man Ray en 1928. La publication de La Liberté ou l’amour en 1927 provoque un scandale et entraîne un procès : le tribunal correctionnel de la Seine supprime l’épisode licencieux du Club des buveurs de sperme.

Après la mort prématurée d’Yvonne George en 1930, Desnos gagne le cœur de Lucie Badoud, surnommée Youki par le peintre japonais Foujita dont elle fut la maîtresse et la muse. Youki Foujita trouve sa figuration poétique dans l’image de la sirène à laquelle répond celle de l’hippocampe pour le poète. Le poème Siramour marque ce renouveau dans la vie amoureuse de Desnos, qui passe symboliquement de l’amour d’une étoile – figure intangible et disparue – à celui d’une sirène vivante et charnelle. Il écrit pour Youki des poèmes-chansons recueillis dans Le livre des secrets et Les nuits blanches. Mais la vie du couple est matériellement difficile : pour subsister, Desnos fait de la gérance d’immeubles, écrit pour l’Agence Littéraire Internationale et fait quelques conférences à Radio-Paris.

Une exclusion déterminante

Les poèmes influencés par la culture populaire que Robert Desnos écrit à la fin des années 1920 ainsi que son activité journalistique sont vivement attaqués par André Breton. Les liens tendus avec le groupe surréaliste se rompent définitivement en 1930, peu après la publication du Second Manifeste du surréalisme dans lequel Breton reproche à Desnos sa « grande complaisance envers soi-même ». Cette année-là, Desnos publie l’ensemble de ses poèmes publiés en revue de 1919 à 1929 dans le recueil Corps et biens. Grâce à Paul Deharme, avec qui il réalise l’émission de radio à succès, La grande complainte de Fantomas, Desnos s’engage dans une carrière radiophonique et délaisse petit à petit la presse écrite. Cette activité le passionne au point de vouloir ériger une culture et un art radiophoniques. Il se consacre parallèlement à la musique en écrivant des chansons de variété, des lyrics de films et des cantates ainsi qu’au cinéma en rédigeant des projets de films, des commentaires de documentaires cinématographiques et des scénarios.

Desnos résistant : « Ce cœur qui haïssait la guerre… »

Alarmé par la montée du fascisme en Europe, son engagement politique ne cesse de croître dans les années 1930. C’est ainsi qu’il adhère au Front populaire et aux mouvements d’intellectuels antifascistes, comme l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires ou le Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes. Tout au long des années 1930, Desnos s’engage clairement contre le fascisme et l’antisémitisme. Profondément marqué par la guerre civile qui se joue en Espagne de 1936 en 1939, il renonce petit à petit à ses positions pacifistes. Selon lui, la guerre est inévitable et la France doit s’y préparer tant physiquement que moralement. Ainsi, lorsque la guerre éclate le 3 septembre 1939, Desnos est mobilisé et son régiment est envoyé en Lorraine. Malgré la débâcle de juin 1940 et l’occupation de Paris, Desnos ne se décourage pas et devient résistant. Après l’arrestation d’Henri Jeanson et malgré la censure allemande à laquelle est soumis le quotidien Aujourd’hui, Desnos ruse et publie des articles de littérature qui encouragent à lutter pour la liberté. Les années 1940 sont marquées par les activités clandestines du poète. Dès juillet 1942, il devient un membre actif du réseau Agirauquel il transmet des informations confidentielles parvenues au quotidien Aujourd’hui. Parallèlement, il fabrique de faux papiers pour les Juifs et les résistants. Durant cette période, il publie des poèmes dans des revues clandestines sous son nom ou sous le masque de pseudonymes. Il rassemble ses derniers poèmes écrits dans les recueils Fortunes et Etat de veille, publiés respectivement en 1942 et 1943. Sa lutte contre le nazisme se poursuit dans ses dernières productions, comme Le Maréchal Ducono, sonnet en argot attaquant Pétain, ou Le Veilleur du Pont-au-Change. Le 22 février 1944, il est arrêté à son domicile et incarcéré à Fresnes avant d’être transféré au camp de Royallieu à Compiègne. Au mois de juin, un groupe de cent quatre vingt cinq hommes, dont Desnos, est acheminé vers le camp de Floha en Saxe. Pendant près d’un an, Desnos survit dans des conditions extrêmement dures mais continue à écrire de nombreuses lettres à Youki qui témoignent de sa résistance. En avril 1945, il est transféré au camp de Terezin, en Tchécoslovaquie, où il meurt du typhus le 8 juin 1945. Dans le discours prononcé lors de la remise des cendres du poète, Paul Éluard rend hommage au courage à la fois moral et poétique de Robert Desnos : « Jusqu’à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l’idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c’est la poésie du courage ».

Bibliographie
  • Rose Sélavy (1922-1923)
  • Le Pélican
  • L’Aumonyme (1923)
  • Langage cuit (1923)
  • Deuil pour deuil (1924)
  • La Liberté ou l’Amour (1927)
  • Les Ténèbres (1927)
  • Corps et biens (1930)
  • Sans cou (1934)
  • Fortunes (1942)
  • État de veille (1943)
  • Le vin est tiré (1943)
  • Le Veilleur du pont-au-change
  • Le Souci (1943)
  • L’Honneur des poètes (1943)
  • Contrée (1944)
  • Le Bain avec Andromède (1944)
  • Rue de la Gaité ; Voyage en Bourgogne ; Précis de cuisine pour les jours heureux (1947), publication posthume
  • La Complainte de Fantômas (1954), publication posthume
  • Chantefables et chantefleurs (1970), publication posthume
  • Destinée arbitraire (1975), publication posthume
  • Nouvelles-Hébrides et autres textes (1978), publication posthume
Citations choisies
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  • Vous qui n’avez pas peur de la mort essayez donc un peu l’ennui. Il ne vous servira plus à rien par la suite de mourir. (La Liberté ou l’Amour)
  • Nul paradis n’est permis à qui s’est rendu compte un jour de l’existence de l’infini. (La Liberté ou l’Amour)
  • Un cœur c’est aussi un petit pois qui germera ridiculement, dans la destinée d’accompagner de façon anonyme la dépouille mortelle d’un canard sauvage, sur un plat d’argent, dans une sauce richement colorée. (La Liberté ou l’Amour)
  • Le parfum des déesses berce la paresse des défunts. (La revue Littérature – Décembre 1922)
  • Tout sur terre est baroque. Le bateau n’est pas plus fait pour la mer que pour le ciel. (Nouvelles-Hébrides et autres textes)
  • Plus grande est notre fortune – Et plus sombre est notre sort. (Le Bain avec Andromède)
  • Les disciples de la lumière n’ont jamais inventé que des ténèbres peu opaques. (Corps et biens)
  • La surprenante métamorphose du sommeil nous rend égaux aux dieux. (Deuil pour deuil)
  • Aimable souvent est sable mouvant. (Corps et biens)
  • De même qu’en 1789 la monarchie absolue fut renversée, il faut en 1925 abattre la divinité absolue. Il y a quelque chose de plus fort que Dieu. Il faut rédiger la Déclaration des droits de l’âme, il faut libérer l’esprit, non pas en le soumettant à la matière, mais en lui soumettant à jamais la matière ! (La Liberté ou l’Amour)

Autres citations de Robert Desnos.

Articles connexes

Suggestion de livres

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