Les masques au théâtre

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Les masques au théâtre

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Aperçu historique

Chez les Anciens, le masque a été le moyen le plus expressif donné aux acteurs pour rendre la physionomie même de leurs rôles, et il s’accordait avec divers moyens pour reproduire les proportions imposantes des héros. On commença par se barbouiller le visage, et quand on songea à se servir de masques, on utilisa d’abord les feuilles d’arction (notre grande bardane) ; mais ce n’était qu’un déguisement et non une imitation. Lorsque le poème dramatique eut toutes ses parties et fut devenu tragédie ou comédie, les acteurs sentirent la nécessité de prendre les airs des personnes d’âges et de sexes différents qui y figuraient. Ils adoptèrent les masques scéniques, sortes de casques qui couvraient le dessus de la tête et le visage, avec des traits vivement accentués, la barbe, les cheveux, et même les ornements de la coiffure.

Suidas et Athénée1 nomment le poète Hœrile, contemporain de Thespis2, comme l’inventeur des masques. Horace3 fait honneur de cette importante innovation à Eschyle4, qui paraît du moins avoir introduit les masques terribles et hideux dans ses Euménides. Mais, suivant Aristote (Poétique, ch. V), on est sur ce point dans une ignorance complète. Suidas affirme que Phrynicus5 fit paraître au théâtre le premier masque de femme. On lit dans Athénée que ce fut un acteur de Mégare qui inventa les masques comiques de valets. D’après Diomède6, le premier qui porta un masque sur le théâtre à Rome fut Roscius Gallus7, qui s’en servit pour cacher un défaut de ses yeux.

Anciens masques de théâtre grec.

⬆ Anciens masques de théâtre grec.

L’emploi des masques

Les masques furent d’abord en cuir, puis en bois. Le sculpteur les composait selon les indications du poète. Il y avait quatre sortes de masques :

  • ceux de la tragédie, y compris les masques des Ombres, des Gorgones et des Furies: ils inspiraient la terreur ;
  • ceux de la comédie, qui accentuaient le ridicule ;
  • ceux du drame satyrique, représentant les Satyres, les Faunes, les Cyclopes et autres monstres de la Fable ;
  • enfin ceux des danseurs.

Les masques dont les acteurs fort rapprochés des spectateurs se couvraient le visage étaient nommés masques muets ou masques orchestriques ; ils avaient des traits réguliers et la bouche fermée, tandis que les autres, outre leurs traits exagérés par les nécessités de l’optique, portaient une bouche agrandie de manière à servir de porte-voix. Parfois les masques avaient deux expressions : par exemple celle de la satisfaction sur l’un des profits et de la colère sur l’autre, et l’acteur ne manquait pas de présenter le côté dont les traits convenaient à la situation du moment, quand il jouait des scènes où il devait changer d’action, sans pouvoir faire choix d’un autre masque derrière le théâtre.

Julius Pollux8 assure que dans l’ancienne comédie grecque on poussait la liberté jusqu’à donner aux acteurs des masques offrant la ressemblance de personnes vivantes et connues, qui se trouvaient ainsi désignées publiquement aux risées de leurs concitoyens. Socrate fut de la sorte mis à la scène dans les Nuées. Mais nul ouvrier n’osa faire un masque ressemblant à Cléon pour la comédie des Chevaliers, et nul acteur ne voulant se charger de ce rôle périlleux : Aristophane9 dut le jouer lui-même, la figure barbouillée de lie.

Les variétés des masques
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Les masques formaient la partie principale des accessoires de la scène antique. Il en existait dans chaque théâtre de nombreuses variétés.

Masque d'une vieille femme ; créé par Erhard Stiefel.

▪ Les masques tragiques comprenaient les groupes suivants :

  • masques des pères, les uns tout a fait chauves, sans barbe, les joues pendantes; les autres à cheveux blancs, avec barbe blanche ou couronne de cheveux gris ou cheveux noirs et barbe hérissée, l’air dur et les pommettes saillantes, etc.;
  • masques des jeunes hommes, offrant des types divers: l’imberbe, avec des cheveux noirs et épais ; le crépu, d’un blond ardent, bouffi d’orgueil, à l’air farouche ; le tendre, blond, à figure gaie ; le négligé, au teint altéré, à l’expression triste et avec des cheveux d’un blond fade ; le blême, maigre, chevelu, blond ; le pâle, au teint de malade, etc.;
  • masques des esclaves et serviteurs, répondant par les traits du visage aux différences d’emplois ou de nationalités;
  • masques de femmes, présentant une grande diversité : femmes vieilles, libres ou esclaves ; femmes entre deux âges, citadines et villageoises ; jeunes femmes et vierges, et parmi celles-ci, au teint généralement pâle, la vierge outragée, au teint vivement colorée.

▪ Les masques comiques étaient plus nombreux encore. La nouvelle comédie s’interdisant les ressemblances particulières s’appliqua à des études physionomiques. On eut les types et les masques du pappus primus et du pappus secundus, répondant aux pères nobles et aux financiers, du capitaine, du vieillard décrépit, du pourvoyeur de débauche, des jeunes hommes blonds, bruns, roux, rustiques, tendres, menaçants, bienveillants, animés ; ceux du flatteur, du parasite, ceux d’esclaves de tout ordre, ceux de femmes vieilles et jeunes, des grasses et des maigres, et parmi les jeunes, de l’enjouée, de la crépue, de la vierge, de la fausse vierge, de la seconde fausse vierge, de ceux des courtisanes de toute classe : la noble, la mûre, la dorée, etc.

▪ Les masques satyriques se réduisaient à ceux du vieux satyre en poil blanc, du satyre barbu, du satyre imberbe, de Silène, avec quelques variétés de types comiques.

Le défaut et les avantages de l’emploi des masques

Les masques avaient le défaut de cacher les diverses nuances de l’expression des passions sur le visage: défaut peu sensible dans d’immenses théâtres, où tant de spectateurs ne pouvaient s’apercevoir de l’immobilité des traits.

L’avantage des masques consistait à reproduire fidèlement des types convenus, à donner à la tête un caractère bien déterminé et à rendre plus intelligibles les paroles, en permettant d’y ajuster des cornets qui augmentaient le volume de la voix.

L’emploi du masque facilitait encore, dans certaines pièces, l’intrigue fondée sur une ressemblance parfaite, comme dans Amphitryon et les Ménechmes.

En outre, dépassant la grandeur naturelle, ils concouraient avec les autres parties du costume à donner aux acteurs les proportions colossales, nécessitées par la perspective.

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Notes

1. Athénée est né à Naucratis, en Égypte, vers 170 ap. J.-C., mort au IIIe siècle, était un érudit et grammairien grec.
2. Thespis est un poète grec qui a vécu vers le milieu du VIe siècle av. J.-C. C’est lui qui aurait inventé la tragédie. Il est le premier auteur dramatique à avoir remporté un prix au concours théâtral des grandes dionysies vers 534 av. J.-C. 
3. Horace est un poète latin qui est né à Venosa le 8 décembre 65 av. J.-C. et mort à Tivoli le 27 novembre 8 av. J.-C., il compte parmi les plus illustres poètes de tous les temps.
4. Eschyle qui est né vers 525 av. J.-C. et qui est mort en 456, est un poète tragique grec, considéré comme le véritable créateur de la tragédie; il aura comme successeurs Sophocle et Euripide. 
5. Phrynicus est un auteur tragique grec, né à Athènes et disciple de Thespis. Il fut le premier qui introduisit sur la scène un personnage de femme, et qui fit usage des vers tétramètres, ou à trois mesures.
6. Diomède est grammairien latin du VIe siècle, auteur d’un traité De Oratione et partibus oratoriis, publié par Putschius dans ses Grammatici veteres en 1605.
7. Quintus Roscius Gallus est un acteur romain né esclave vers 126 av. J.-C. et mort en 62 av. J.-C. près de Lanuvium.
8. Julius Pollux ou Julius Polydeukès est philologue et rhéteur du IIe siècle, né à Naucratis en Égypte. Il enseigna à Athènes, où il avait été nommé, d’après Philostrate, professeur de rhétorique par l’empereur Commode.
9. Aristophane est un poète comique grec du Ve siècle av. J.-C., né dans le dème de Kydathénée vers 450–445 et mort vers 385 av. J.-C.

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