L’ode anacréontique

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L’ode anacréontique

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Définitions

Anacréontique (adjectif) est un terme consacré en poésie pour désigner les odes inventées par Anacréon, ou composées dans le goût et le style de ce poète. L’ode anacréontique (ou le genre/la poésie anacréontique) est un genre de poésie lyrique, dont la grâce est le caractère, et qui respire la volupté (selon Marmontel). La plupart des odes d’Anacréon sont en vers de sept syllabes, ou de trois pieds et demi, spondées ou ïambes, et quelquefois anapestes. C’est pourquoi l’on appelle ordinairement les vers de cette mesure anacréontiques. De là, les vers anacréontiques sont des vers de trois pieds et demi. Les 2e et 3e pieds sont des iambes. Le 1er peut être un ïambe, un spondée, un dactyle ou un anapeste.

Qui est Anacréon ?

Anacréon (v. 572 av. J.-C.-488 av. J.-C.) est un poète lyrique grec, né à Téos, Asie Mineure (aujourd’hui Siğacik, Turquie). Il passe la plus grande partie de sa vie à Samos, Athènes, puis en Thessalie.

Poète de l’amour et de la joie de vivre, il avait composé cinq livres de poésies comprenant des iambes, des élégies et des odes légères dont il a fixé le genre. De cet ensemble ne subsistent que des fragments qui sont l’objet, dans les époques ultérieures, de maintes imitations connues sous le nom d’anacréontisme.

À Rome, Catulle et Horace s’inspirent d’Anacréon. Les Odes anacréontiques, publiées en 1554 par Henri II Estienne, sont des imitations datant de l’époque alexandrine ; adaptées par Rémi Belleau, elles inspirent Pierre de Ronsard, et au XVIIIe siècle, Guillaume Amfrye de Chaulieu, Évariste de Parny et André Chénier.

Les qualités de l’ode anacréontique

Anacréon a donné son nom à tout un genre de poésie, qui des Anciens a passé chez les Modernes. S’il est vrai que sa vie, comme on l’a dit, est une longue libation aux Muses, à Bacchus et à l »Amour, il est certain que cette se reflète dans ses vers ; mais, avec la pureté de la forme et la science du rythme, ses œuvres légères et faciles conservent toujours, dans le sentiment comme dans l’expression, une grâce décente, une élégance sévère, et par là même ne transgressent jamais les lois du beau.

Telles sont les qualités qu’il faut demander au genre anacréontique, si l’on veut qu’il soit digne de son nom. Malheureusement, les imitateurs du poète de Téos l’ont rarement égalé en délicatesse, et ont plus d’une fois célébré le vin et l’amour avec des paroles trop libres et des tableaux trop voluptueux. De là, il est résulté, par une confusion facile à comprendre, que le genre érotique et le genre anacréontique n’ont pas toujours été distingués l’un de l’autre autant qu’ils le doivent être.

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L’ode anacréontique chez Catulle et Horace

Les odes attribuées à Anacréon sont, pour la plupart, regardées comme n’étant pas de lui ; de mérites divers et d’époques différentes, elles comprennent à peu près tout ce que nous possédons de la poésie anacréontique chez les Grecs. Parmi les œuvres latines qui nous sont parvenues, celles qui méritent le mieux la dénomination d’anacréontiques sont de Catulle et d’Horace. Telles sont les vers de Catulle au Moineau de Lesbie :

Passer, deliciae meae puellae,
Quicum ludere quem in sinu tenere,
Cui primum digitum dare appetenti,
Et acris solet incitare morsus…

↓ Traduction française par Iulius :

Petit moineau, plaisir de ma maîtresse,
Amusement qu’en son sein elle presse,
Auquel son doigt elle offre à becqueter
Car l’âcre plaie il lui plaît de causer

Et sur la Mort du Moineau de Lesbie :

Lugete, o Veneres Cupidinesque,
Et quantum est hominum uenustiorum !
Passer mortuus est meae puellae,
Passer, deliciae meae puellae…

↓ Traduction française par Iulius :

Lamentez-vous, Cupidons et Vénus,
Et vous, humains par l’élégance émus !
Car il est mort le moineau de ma belle,
Ce doux moineau, délices de ma belle…

Ces deux extraits sont bien d’un poète anacréontique, imitateur des Grecs. Mais Catulle a trop peu de retenue dans le langage et trop de penchant à la malignité, pour s’abstenir longtemps d’expressions et de pensées que ce genre ne saurait admettre chez Horace, c’est l’ode à Chloé : Vitas hinnuleo me similis, Chloe… (Tu m’évites Chloé : tel court un faon rapide) qui se rapproche le plus du véritable Anacréon. Elle est imitée de la seule ode bien authentique qui nous ait été conservée de ce poète : « Cavale de Thrace, pourquoi donc me jeter ce regard de travers et me fuir impitoyablement ? »

Horace est anacréontique dans beaucoup d’autres poèmes. Il suffit d’indiquer les odes à Sestius, à Leuconoé, à Lydie, à Tibylle, etc. ; mais, en général, la naïveté lui manque et l’art se fait trop voir pour un disciple d’Anacréon.  Nous citerons encore au nombre des poésies anacréontiques, en latin, le Pervigilium veneris : « Aime demain, qui n’aima jamais ; aime demain, qui jadis aima. »

L’ode anacréontique en France
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En France, nous avons, à partir de Clément Marot, une série presque non interrompue de poésies anacréontiques. Les poètes de La Pléiade se sont particulièrement exercés à ce genre, soit en imitant les poésies attribuées à Anacréon, soit en s’inspirant de leur sentiment.

Pierre de Ronsard en a donné plusieurs modèles et Joachim Du Bellay, Rémi Belleau, ont rivalisé avec lui. Mais de tous les poètes français, celui dont le genre anacréontique rappelle surtout le nom est Guillaume Amfrye de Chaulieu (dit « l’Anacréon du Temple »), à propos de qui Voltaire fait dire à Chapelle :

L’amour, me dit-il, et le vin
Autrefois me firent connaître
Les grâces de cet art divin ;
Puis à Chaulieu l’épicurien
Je servis quelque temps de maître.

À côté de Chaulieu, se place son ami le marquis Charles-Auguste de La Fare, puis viennent les nombreux poètes du XVIIIe siècle, qui ont poussé jusqu’à l’affectation la recherche de l’anacréontique. Au-dessus d’eux, il faut mettre Voltaire qui, dans un grand nombre de poésies, unit à la grâce, à l’élégance, à la délicatesse, un vers léger et facile, parfois avec un retour mélancolique : témoin, entre autres, les stances à Madame du Châtelet :

Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.

Des beaux lieux où le dieu du vin
Avec l’Amour tient son empire,
Le Temps, qui me prend par la main,
M’avertit que je me retire…

On ne peut non plus, en parlant du genre anacréontique, oublier le nom d’Évariste de Parny. Il porte trop loin la passion sensuelle pour être rangés parmi les successeurs directs d’Anacréon, et il est bien plutôt le représentant de la poésie érotique ; mais il a eu les sourires du poète épicurien qui n’oublie pas la fragilité des choses de la vie :

Il n’est qu’un temps pour les douces folies,
Il n’est qu’un temps pour les aimables vers.

Nommons enfin Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers et Pierre-Jean de Béranger, qui, plus d’une fois, dans leurs chansons, trouvent des accents anacréontiques.

André Chénier, dans ses Bucoliques, a donné une des meilleures transpositions en français du ton et de l’inspiration du modèle grec. Leconte de Lisle a livré au XIXe siècle une nouvelle traduction des Odes anacréontiques, qui ont renouvelé l’intérêt pour cette esthétique chez les compositeurs : Gabriel Fauré, Albert Roussel ou encore Maurice Emmanuel.

💡 Parmi les étrangers, on cite surtout, comme s’étant distingué dans le genre anacréontique, Johann Wilhelm Ludwig Gleim, à qui ses premières poésies valent le surnom d’Anacréon allemand.

Notices biographiques
  • Catulle (en latin Catullus) était un poète romain. Selon Suétone, il serait né à Vérone en Gaule cisalpine ou peut-être à Sirmio (actuelle Sirmione) sur le lac Benacus (actuel lac de Garde) en -84. Il est mort aux alentours de -54 à Rome, où il passe la plus grande partie de sa vie.
  • Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) est un poète latin né à Vénose dans le sud de l’Italie, le 8 décembre 65 av. J.-C. et mort à Rome le 27 novembre 8 av. J.-C.
  • Rémi (ou Rémy) Belleau (1528-1577) est un poète et érudit français, qui fait partie du groupe de La Pléiade et est notamment l’auteur d’une poésie amoureuse pleine de grâce.
  • Guillaume Amfrye de Chaulieu (abbé) né à Fontenay-en-Vexin au Domaine de Beauregard en 1639 et mort à Paris le 27 juin 1720, est un poète libertin français. Il excellait dans le genre des « vers de société ». Fontenay et la Retraite sont parmi les mieux connues de ses poésies d’inspiration anacréontique. Ses travaux ont été édités avec ceux de son ami le marquis de La Fare en 1714, 1750 et 1774.
  • Charles-Auguste, marquis de La Fare, comte de Laugères, baron de Balazuc, né à Valgorge dans le Vivarais en 1644 et mort à Paris en 1712, est un poète et mémorialiste français. Ses vers, gracieux et faciles, sont à son image. Ils chantent les charmes du repos et le plaisir de l’instinct satisfait et sont, selon leur auteur, composés par amusement et sans les chercher.
  • Évariste Désiré de Forges, chevalier puis vicomte de Parny, est un poète français né le 6 février 1753 à Saint-Paul de l’île Bourbon (actuelle île de La Réunion), et mort le 5 décembre 1814 à Paris.
  • Pierre-Jean de Béranger, né le 19 août 1780 à Paris, et mort dans cette même ville le 16 juillet 1857, est un chansonnier français prolifique qui remporte un énorme succès à son époque. Il est plus connu sous le simple nom de Béranger.
  • Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers, né à Fréjus le 17 novembre 1772 et mort à Paris le 9 août 1827, est un chansonnier, poète, goguettier et vaudevilliste français. Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers, sa vie et son œuvre, vaudevilles et chansons, sont aujourd’hui oubliés du grand public, mais il a été dans les goguettes aussi célèbre que Béranger.
  • Johann Wilhelm Ludwig Gleim, né à Ermsleben (Ostharz) le 2 avril 1719, mort à Halberstadt le 18 février 1803, est un poète allemand. Gleim doit sa grande réputation de poète lyrique à la fois à son talent et à la bienveillance de son caractère. On cite encore de Gleim des épigrammes, des épîtres, des satires, des fables, des romans, un drame pastoral, des lettres, etc.

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