Les thèmes lyriques

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La poésie lyrique

Les thèmes lyriques

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💡 La poésie lyrique ou le genre lyrique est un genre littéraire noble, adapté à l’expression des sentiments élevés, dont l’acception a évolué au cours des siècles. Les sentiments ou les émotions sont généralement liés à des thèmes religieux ou existentiels dans des formes rythmiques permettant le chant ou la déclamation avec accompagnement musical.
→ À lire : La poésie lyrique.

Notions générales
Thème musical

Thème musical appartient à la langue de la musique. Il signifie sujet, motif sur lequel le compositeur écrit des variations. Tel est à peu près le sens de leitmotiv, forme musicale qui constitue la synthèse et la signification d’une œuvre.

Thème lyrique

Un thème lyrique est un motif, idée ou fait, qui met en jeu la sensibilité et l’imagination, et qui se prête à des variations infinies : là s’exprime et se marque la personnalité du poète, en d’autres termes, sa manière à lui de penser et de sentir.

Les vrais thèmes lyriques, ce sont ceux qui comportent, sur une même donnée, très générale, autant de variations qu’il y a de sensibilités pour en être diversement affectées.

(Ferdinand Brunetière, Évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, I, p. 125)

Par sa généralité même, cette définition demeure un peu vague. Il la faut préciser, en signalant quelques thèmes lyriques. Car de les énumérer tous, cela est impossible. Au reste, il serait ridicule d’y prétendre. Sans doute, la nature, en son fond, ne change pas, mais quelle diversité dans l’âme humaine, d’un homme à un autre, d’une époque à une autre ; et par conséquent, quelle variété ou quelle nouveauté dans les sentiments les plus communs, et, pour ainsi dire, vieux comme le monde !

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Principaux thèmes lyriques

Il suffit d’indiquer les principaux thèmes lyriques. Ce sont l’amour, la mort, la patrie, la nature et Dieu. Il est bon d’insister sur quelques-uns, et d’en montrer par des exemples, l’intérêt et la richesse.

La mort

La mort a tiré l’âme humaine de beaux sons et bien touchantes, des gémissements, des plaintes résignées… Telle est cette élégie, ou cette prière, dans laquelle Victor Hugo médite et pleure devant Dieu sur la mort de sa fille.

Je viens à vous, Seigneur, confessant que vous êtes
Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant!
Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,
Et que l’homme n’est rien qu’un jonc qui tremble au vent.
Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme
Ouvre le firmament ;
Et que ce qu’ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement.

(Victor Hugo, Les Contemplations, Livre IV, Pauca meœ, XV, 1856)

La mort est ici le thème ou la donnée. Sur ce thème, des variations viennent s’inscrire, images, idées et sentiments que la pensée de la mort suscite dans l’âme du poète : c’est la foi en la bonté de Dieu, la foi à l’immortalité des âmes, l’abandon à la volonté divine, paternelle et juste ; puis, ce sont les larmes et le besoin de pleurer ; puis, un regard vers le passé, ce passé où le poète revoit la chère image évanouie. La note dernière est une plainte résignée, mais combien triste, dans sa simplicité ! Voilà le poème que la mort a fait jaillir d’une âme paternelle.

L’amour de la patrie

Voici un autre thème, la patrie, et, sur ce thème, d’autres couplets, dans les Chants du soldat :

Oui, France, on t’a vaincue, on t’a réduite même ;
[…]
Que la faute fut grande et cette guerre folle,
Qui le nie ? Ils sont las nos désastres d’hier.
Mais qu’au bruit des canons tout un passé s’envole !
Que tout un avenir soit brisé sous ce fer !
Que la France n’ait plus, chez les peuples du monde,
Ni voix dans leurs arrêts ni place à leurs grandeurs !…
[…]
Non, France, ne crois pas ceux qui te disent lâche,
Ceux qui voudraient nier ton âme et ses efforts :
[…]
Oui, Français, c’est un sang vivace que le vôtre !
Les tombes de vos fils sont pleines de héros ;
Mais sur le sol sanglant où le vainqueur se vautre,
Tous vos fils, ô Français ! ne sont pas aux tombeaux.

(Paul Déroulède, Chants du soldat, 1872)

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D’autres ont dit quelle chère « accoutumance » avait mêlé leur âme à celles des lieux où ils étaient nés. C’est un vieux poète, c’est Joachim du Bellay qui a le mieux exprimé l’amour de la petite patrie ; avec quelle naïveté touchante et pittoresque, les vers suivants le disent assez :

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plait le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine,

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

(Joachim Du Bellay, Les Regrets, XXXI, 1558)

💡 Joachim Du Bellay, originaire de la région d’Angers et ayant fait ses études à Paris, part en 1553 pour Rome avec son oncle, le cardinal Jean Du Bellay pour lui servir de secrétaire et d’intendant. Après la période de découverte de la « ville éternelle », il se lasse des intrigues de la Curie romaine et commence à souffrir de l’exil de sa patrie. Ces sentiments seront la source d’inspiration des sonnets écrits tout au long de son séjour romain. Il rentre en France en 1557 et fait paraître son recueil chez son ami et éditeur Morel.

La nature

Les paysages eux-mêmes semblent avoir une âme, du moins pour les poètes. La nature paraît, aux uns, bienveillante ; aux autres, insensible, aveugle et impassible.

Lamartine l’appelle une mère :

Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ;
Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

(Alphonse de Lamartine, « Le Vallon », Méditations poétiques, 1820)

Lamartine nous montre que la nature est pour lui un lieu d’isolement quand tout semble sombre, surtout à cette époque où les jeunes poètes comme lui ressentent au plus profond de leur âme « le Mal du Siècle ». Il évoque le fait que la nature offre une protection que l’on pourrait qualifier de maternelle, en titrant son poème de « Vallon », que l’on peut considérer comme la représentation des seins maternels. D’ailleurs, le mot « sein » est présent au vers 2 de cette strophe, pour représenter la mère, c’est une métonymie pour insister sur la protection maternelle, encore une fois. En outre, la nature serait pour lui fidèle et intemporelle, comme le démontre la répétition du mot « même » à la fin du 3e vers et au début du 4e vers formant ainsi une anadiplose. Cela insiste sur le fait que la Nature qu’elle a toujours été là et qu’elle sera toujours là. Les rimes riche « toujours/jours » du 2e et 4e vers montrent que la nature restera la même jusqu’à la fin.

Voici quel langage Alfred de Vigny prête à la nature :

Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre,
À côté des fourmis les populations ;
Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,
J’ignore en les portant les noms des nations.
On me dit une mère et je suis une tombe.
Mon hiver prend vos morts comme son hécatombe,
Mon printemps ne sent pas vos adorations.

(Alfred de Vigny, « La Maison du berger », in Les Destinées, III, 1864)

Vigny a dénoncé et détesté la monarchie administrative qui discipline la noblesse, l’armée moderne qui ne laisse au soldat que le devoir d’obéir passivement, l’État qui ne fait pas au génie poétique la place privilégiée dans la société. L’État, sous ces trois formes, l’exigence de stabilité sociale sont pour Vigny et pour le romantisme une nature inhumaine, dans la bouche de laquelle prendrait place exactement la magnifique prosopopée de « La Maison du berger »…

Et ce poète désespéré, mais si fier et si stoïque, répond à la nature :

Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse
Sous nos pieds, sur nos fronts, puisque c’est votre loi
Vivez, et dédaignez, si vous êtes déesse,
L’homme, humble passager, qui dut vous être un roi
Plus que tout votre – règne et que ses splendeurs vaines,
J’aime la majesté des souffrances humaines,
Vous ne recevrez pas un cri d’amour de moi.

(Alfred de Vigny, « La Maison du berger », in Les Destinées, III, 1864)

Alfred de Vigny brosse au lecteur une sorte de face voilée de la Nature. Il exprime même une forme de dédain vis-à-vis de cette dernière en l’apostrophant dès le premier vers de cet extrait. Il utilise la redondance du verbe vivre « Vivez », « revivez ». La Nature est un élément dénué de sentiments « froide Nature ». Ce caractère est exprimé grâce à la présence des champs lexicaux de la mort « Sous nos pieds, sur nos fronts », « souffrances » et du mépris « dédaignez, humble ». Vigny met ici les défauts de la Nature en valeur.

Ainsi nous avons pu voir qu’Alfred de Vigny se place comme accusateur de la Nature, qu’il qualifie de despotique, menaçante, froide, immuable, sans pitié… Mais nous verrons dans un second temps que ce réquisitoire s’oppose au dithyrambe qu’il fait sur la femme, le couple, l’homme et l’amour.

Le divin

Comme le sentiment de la nature, celui du divin a inspiré des poésies qui sont, tantôt des élans d’amour, des prières suppliantes, pleines de saints désirs, des hymnes magnifiques au Dieu créateur, au « Roi éternel des siècles », et tantôt des méditations douloureuses, où l’âme troublée cherche avec angoisse le Dieu caché dont elle a pourtant l’idée.

Mon esprit, qui du doute a senti la piqûre,
Habite, âpre songeur, la rêverie obscure
[…]
Le mot, c’est Dieu. Ce mot luit dans les âmes veuves ;
Il tremble dans la flamme ; onde, il coule en tes fleuves,
Homme, il coule en ton sang ;
Les constellations le disent au silence ;
Et le volcan, mortier de l’infini, le lance
Aux astres en passant.

Ne doutons pas. Croyons. Emplissons l’étendue
De notre confiance, humble, ailée, éperdue.

(Victor Hugo, « Pleurs dans la nuit », Les Contemplations, Livre sixième, VI, 1856)

C’est le même poète qui proclame la puissance de Dieu et sa majesté :

Gloire à Dieu seul ! son nom rayonne en ses ouvrages !
Il porte dans sa main l’univers réuni ;
Il mit l’éternité par delà tous les âges,
Par delà tous les cieux il jeta l’infini.

Il a dit au chaos sa parole féconde,
Et d’un mot de sa voix laissé tomber le monde.
L’archange auprès de lui compte les nations,
Quand, des jours et des lieux franchissant les espaces,
Il dispense aux siècles leurs races,
Et mesure leur temps aux générations.

(Victor Hugo, « Jéhovah », in Odes et Ballades, 1828)

Jéhovah est aussi un dieu d’amour, qui inspire d’ardents et tendres désirs. Témoin cette élégie biblique, cette plainte désolée, dans la détresse et l’abandon :

Comme le cerf languit après la source d’eau,
Mon âme languit après toi, Seigneur ;
Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.
Quand pourrai-je venir et contempler la face de Dieu ?
Depuis longtemps déjà les larmes sont ma nourriture, jour et nuit ;
Et de jour en jour on me dit : En quoi t’assiste-t-il maintenant, ton Dieu ?
Alors je me rappelais, et mes larmes coulaient en abondance,
Je me rappelais le temps où, moi aussi, j’allais au temple de Dieu.

(Psaume XLIIe)

Ainsi la même idée peut inspirer des poésies d’un caractère bien différent. Cela prouve la richesse des grands thèmes lyriques. Elle est facile à expliquer.

Conclusion

La joie et la tristesse, le désir et la crainte, l’espérance ou le désespoir, l’amour ou la haine, toute la gamme de la sensibilité, avec d’innombrables combinaisons, peut vibrer dans l’âme humaine, touchée par l’idée de Dieu et de la patrie, par la pensée de la mort et le spectacle de la nature.

Ces grands objets, Dieu et la nature, la patrie, l’amour et la mort, ont la vertu d’ébranler les cœurs et d’en faire jaillir des poèmes mouillés de larmes ou des hymnes de joie : idées, sentiments et images surgissent à l’envi, écho merveilleux, qui s’étend et se prolonge en ondulations amples et sonores.

L’homme a, dans son cœur, au fond de son cœur, le sentiment et le besoin de l’infini, un besoin de savoir et un besoin d’aimer, que rien en ce monde ne satisfait complètement : l’homme est proprement infini dans ses vœux. Les émotions font prendre à l’âme son essor vers l’infini où elle s’élève par des comparaisons, des métaphores et des images.

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