Alain-Fournier : Le Grand Meaulnes (1913)

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Alain-Fournier

Le Grand Meaulnes (1913)

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👤 Alain-Fournier est écrivain français auteur d’un unique roman, Le Grand Meaulnes, récit poétique d’inspiration autobiographique. Il est né le 3 octobre 1886 à La Chapelle-d’Angillon dans le Cher et mort au combat le 22 septembre 1914 (à 27 ans) à Saint-Remy-la-Calonne… [Lire la suite de sa biographie]

Alain-Fournier en septembre 1905 à la Chapelle d'Angillon.Présentation

Le Grand Meaulnes est l’unique roman d’Alain-Fournier, publié en 1913 chez Émile-Paul Frères. Il avait été auparavant publié en feuilleton dans la NRF de juillet à octobre 1913.

Bien que Le Grand Meaulnes soit passé de peu à côté du prix Goncourt, il a connu dès sa publication un immense succès qui ne s’est jamais essoufflé. C’est l’œuvre littéraire française la plus traduite et lue dans le monde juste après Le Petit Prince de Saint-ExupéryLe Grand Meaulnes puise dans la vie de son auteur — son enfance, son amour sublimé pour Yvonne de Quiévrecourt et son amitié pour Jacques Rivière —, mais en même temps la transcende par le rêve et le merveilleux. Il s’agit là d’un roman unique et de l’unique roman d’un auteur singulier.

Une errance amoureuse dans un rêve éveillé

Tout est paisible et un peu ennuyeux dans ce petit village de Sologne où vit François Seurel, le narrateur. Mais l’arrivée d’Augustin Meaulnes vient bouleverser l’existence de François. Au cours d’une fugue à cheval, le Grand Meaulnes s’égare et se retrouve au sein d’une fête de conte de fées : les fiançailles mystérieuses de Frantz et de Valentine que préparent des enfants à qui tout est permis. Augustin y fait la connaissance fugace mais inoubliable d’Yvonne de Galais, la sœur de Frantz. Mais le soir venu, les fiançailles n’ayant pas eu lieu, chacun quitte ces lieux devenus bien tristes. Endormi dans un carrosse, Augustin regagne le village sans savoir où se situait cette demeure merveilleuse. Alors sa vie, et celle du narrateur qui partage désormais son aventure, ne seront plus jamais les mêmes ; Augustin n’a de cesse que de retrouver Yvonne. Une multitude de hasards et de pactes font se rencontrer et se séparer les cinq personnages.

Personnages
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Personnages principaux

  • Augustin Meaulnes : adolescent de 17 ans, grand et mystérieux. Aimant l’aventure et admiré par ses camarades de classe, il les emmène dans les rues du bourg après les cours.
  • François Seurel : adolescent de 15 ans, calme et posé, il est le narrateur du roman. Il est le seul ami de Meaulnes. Ses deux parents sont instituteurs dans l’école où il étudie. Moins téméraire, il accompagne pourtant Meaulnes dans sa quête du domaine perdu.
  • Yvonne de Galais : la belle du domaine perdu, deviendra l’épouse d’Augustin et la mère de leur fille.
  • M. de Galais : le vieux père d’Yvonne et Frantz de Galais, est ruiné après l’échec du mariage de son fils.
  • Frantz de Galais : le prétendant de Valentine Blondeau. Selon Yvonne de Galais, sa sœur, il est casse-cou et insouciant.
  • Valentine Blondeau : la fiancée perdue, puis l’épouse de Frantz à la fin du roman.

Personnages secondaires

  • La mère de Meaulnes : elle amène son fils Augustin à l’école de Sainte-Agathe et le présente aux instituteurs au début du roman.
  • Monsieur Seurel : père de François, il est instituteur de l’école de Sainte-Agathe. Il dirige le Cours Supérieur et le certificat d’études de l’école.
  • Millie : elle est la mère de François, femme de Monsieur Seurel et institutrice. Elle dirige la petite classe de l’école de Sainte-Agathe.
  • La tante Moinel : une vieille dame qui aidera François à retrouver Valentine Blondeau.
  • Ganache : un jeune bohémien de 15 ans, ami de Frantz de Galais.
  • Florentin : l’oncle de François. Son commerce est le lieu des retrouvailles entre François Seurel et Yvonne de Galais. Augustin Meaulnes arrivera par la suite pour y retrouver son amante.
Atteindre la poésie

Dans Le Grand Meaulnes, tous les genres se mêlent. Le conte de fées de cette fête éphémère côtoie le roman du Moyen Âge que constituent la quête de la femme aimée et la mission d’unir à tout prix Frantz et Valentine. Le symbolisme des lieux encadre le romantisme des personnages. Mais la réalité est là aussi, elle est présente à travers la négation qu’en opèrent les héros et plus particulièrement Augustin. Ce dernier veut fuir la réalité qui le sépare d’Yvonne et, lorsqu’il la retrouve enfin, il abandonne ce bonheur réel pour chercher toujours plus loin l’insaisissable.

Dans ce roman, le merveilleux est toujours rattrapé par la réalité mais la présence de l’inouï et du poétique empêche cette réalité de se muer en réalisme. Tel est bien le poétique qui traverse l’ensemble de l’œuvre. Ces personnages, qui construisent leur existence au hasard de leurs espérances et de leurs rêves, élaborent un itinéraire poétique. En regard de la poésie du contenu se lit la poétique du texte : un style fluide où la simplicité des mots renvoie à la précision des images, une construction qui n’épouse pas le temps mais qui le recompose selon les souvenirs du narrateur. À la fin du roman, François est amené à rédiger de ses propres mots les derniers épisodes de cette quête ; si jusqu’ici il était le compagnon de l’existence poétique du Grand Meaulnes, il en devient alors le véritable Poète.

Extrait : Le Grand Meaulnes (première partie, chapitre 15)

Le passage qui suit se situe au cœur de la « fête étrange », qui est l’un des morceaux les plus connus du roman. Égaré dans un coin perdu de Sologne, Meaulnes, le héros, a découvert un château peuplé de personnages mystérieusement déguisés. Parmi eux, une jeune fille blonde qu’il a vue dans un salon et qui l’a frappé par sa beauté. Au milieu de cet étrange décor — on célèbre des fiançailles qui n’auront pas lieu —, le grand Meaulnes s’apprête à aborder l’inconnue.

On aborda devant un bois de sapins. Sur le débarcadère, les passagers durent attendre un instant, serrés les uns contre les autres, qu’un des bateliers eût ouvert le cadenas de la barrière… Avec quel émoi Meaulnes se rappelait dans la suite cette minute où, sur le bord de l’étang, il avait eu très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille ! Il avait regardé ce profil si pur, de tous ses yeux, jusqu’à ce qu’ils fussent près de s’emplir de larmes. Et il se rappelait avoir vu, comme un secret délicat qu’elle lui eût confié, un peu de poudre restée sur sa joue…
À terre, tout s’arrangea comme dans un rêve. Tandis que les enfants couraient avec des cris de joie, que des groupes se formaient et s’éparpillaient à travers bois, Meaulnes s’avança dans une allée, où, dix pas devant lui, marchait la jeune fille. Il se trouva près d’elle sans avoir eu le temps de réfléchir :
« Vous êtes belle », dit-il simplement.
Mais elle hâta le pas et, sans répondre, prit une allée transversale. D’autres promeneurs couraient, jouaient à travers les avenues, chacun errant à sa guise, conduit seulement par sa libre fantaisie. Le jeune homme se reprocha vivement ce qu’il appelait sa balourdise, sa grossièreté, sa sottise. Il errait au hasard, persuadé qu’il ne reverrait plus cette gracieuse créature, lorsqu’il l’aperçut soudain venant à sa rencontre et forcée de passer près de lui dans l’étroit sentier. Elle écartait de ses deux mains nues les plis de son grand manteau. Elle avait des souliers noirs très découverts. Ses chevilles étaient si fines qu’elles pliaient par instants et qu’on craignait de les voir se briser.
Cette fois, le jeune homme salua, en disant très bas :
« Voulez-vous me pardonner ?
— Je vous pardonne, dit-elle gravement. Mais il faut que je rejoigne les enfants, puisqu’ils sont les maîtres aujourd’hui. Adieu. »
Augustin la supplia de rester un instant encore. Il lui parlait avec gaucherie, mais d’un ton si troublé, si plein de désarroi, qu’elle marcha plus lentement et l’écouta.
« Je ne sais même pas qui vous êtes », dit-elle enfin.
Elle prononçait chaque mot d’un ton uniforme, en appuyant de la même façon sur chacun, mais en disant plus doucement le dernier… Ensuite elle reprenait son visage immobile, sa bouche un peu mordue, et ses yeux bleus regardaient fixement au loin.
« Je ne sais pas non plus votre nom », répondit Meaulnes.
Ils suivaient maintenant un chemin découvert, et l’on voyait à quelque distance les invités se presser autour d’une maison isolée dans la pleine campagne.
« Voici la “maison de Frantz”, dit la jeune fille ; il faut que je vous quitte… »
Elle hésita, le regarda un instant en souriant et dit :
« Mon nom ?… Je suis mademoiselle Yvonne de Galais… »
Et elle s’échappa.

(Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty, Anthologie des littératures de langue française, Paris, Bordas, 1988)

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