Andreï Makine
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Auteurs français
Andreï Makine
Andreï Makine, né le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk, est un écrivain russe naturalisé français. Il est membre depuis 2016 de l’Académie française, dont il fut le benjamin jusqu’à l’élection de François Sureau (né 9 jours après lui).
Notice biographique
Il est devenu célèbre du jour au lendemain, en 1995, couronné par trois prix d’un coup : le Goncourt, le Médicis ex aequo et le Goncourt des lycéens, pour Le Testament français. Cette année-là, une légende est née : celle de l’écrivain maudit, vivant sans le sou et sans toit, refusé par tous les éditeurs avant d’être brutalement starisé.
Né en Sibérie en 1957, étudiant à Moscou, enseignant la philologie Novgorod, Andreï Makine collabore à des revues littéraires, subit des tracas sous Brejnev, et s’exile durant la perestroïka parce que le business tue toute littérature créative.
II débarque à Paris en 1987, se met à écrire en français, « pour ne pas être poursuivi par les ombres trop intimes de Tchekhov, Tolstoï ou Dostoïevski » , envoie des manuscrits ici et là, qu’il présente comme « traduits du russe », pour mieux séduire, leur inventant un traducteur imaginaire. Une époque terrible pour lui, dont il sort blessé, car il essuie des refus cinglants, des jugements lapidaires. Têtu, Makine s’obstine, change plusieurs fois de nom, de titres, modifiant les premières pages, réexpédiant ses textes toujours et encore. « Je scellais discrètement mes manuscrits avec des fils de colle pour voir s’ils seraient ouverts, et ils m’étaient retournés dons le même état, les fils de colle indemnes, avec des lettres de refus, bien sûr très argumentée ! »
Babouchka française
Le premier, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, est finalement publié en 1990 chez Robert Laffont. Le deuxième, La Confession d’un porte-drapeau, est refusé plusieurs fois, et accepté chez Belfond en 1992, mais au prix d’une épreuve. En effet, l’éditeur lui demande d’apporter la version initiale pour peaufiner quelques « formulations mal traduites ». Makine tente une échappatoire : il vient avec un texte écrit en cyrillique, et fait mine de se reporter scrupuleusement, page après page, aux phrases russes correspondant aux incertitudes de l’éditeur. Il croit être sorti d’affaire… quand la maison lui fait savoir qu’elle souhaiterait faire revoir la traduction à I’extérieur. Alors, Makine traduit intégralement son roman du français en russe. Une véritable torture, car il lui manque des correspondances, des mots français qui n’ont pas d’équivalents en russe. Et au bout de trois semaines, il revient décavé et hagard chez Belfond porter le soi-disant manuscrit original.
Dans les librairies parisiennes, Andreï Makine constate d’ailleurs que ses deux romans sont classés au rayon « Europe de l’Est », entre Lermontov et Pasternak. Il décide de signer ouvertement en français. Suivent Au temps du fleuve amour (éd. du Félin, 1994) et Le Testament français, roman très autobiographique, hymne à la civilisation française et évocation d’un passé chargé d’émotions, dont le triomphe sera vécu comme une victoire posthume de son éditrice, Simone Gallimard, morte peu de jours avant le vote des Goncourt, et qui avait énormément cru à ce texte.
Le Testament français évoque la vie de sa babouchka, Charlotte Lemonnier, née à Paris au début du siècle, qui se retrouve égarée dans la steppe russe, extraterrestre en Sibérie, mariée à un juge du peuple dans l’empire de Staline. Cette femme enchanteresse se laisse parfois conduire au bord des larmes : lorsque son petit-fils la pousse à remonter le fil de sa mémoire. Ses souvenirs d’en France sont pour le gamin une mine de trésors fous. Ce qu’elle raconte est inimaginable pour un familier des mornes rives de la Volga : cailles de vigne à la Lucullus, dandys et princesses de la Chaussée-d’Antin, Marcel Proust jouant au tennis sur le boulevard Bineau ! Les merveilles de cette Atlantide tricolore sont hélas altérées, au fil des ans ; par d’autres révélations : blessures familiales, secrets maternels, cauchemars légués par Béria, la satrape de Staline au harem de femmes violées. Russe ou français, à quel héritage faut-il rester fidèle ? s’interroge le narrateur qui, on l’a vu, a choisi la langue « d’étonnement », de délices et de tourments qui le berça dès son enfance.
Une isba dans les Landes
Couronné du Goncourt, Andreï Makine devient évidemment la proie des médias qui découvrent un homme pauvre, vivant dans une minuscule chambre de la butte Montmartre, un barbu qui confie qu’il était en train de scier du bois lorsque Simone Gallimard l’a appelé pour lui annoncer qu’elle voulait le publier : il s’est construit dans les Landes une isba, loin des bruits germanopratins. II a publié depuis Le Crime d’Olga Arbélina (Mercure de France, 1998), récit échevelé ou se mêlent chimères théâtrales, scènes primitives et liens refoulés, au gré de phrases sortilèges, liturgies de réminiscences, flashback cultivant l’envoûtement visuel et le romanesque pâmé. Puis Requiem pour l’Est (Mercure de France, 2000), une fresque d’espionnage, un pamphlet contre tes horreurs de la guerre, courant de la Russie à l’Afrique ; et La Musique d’une vie (Seuil, 2001), histoire d’un jeune pianiste russe sous la dictature soviétique.
Bibliographie
- La Fille d’un héros de l’union Soviétique (1990, Robert Laffont et Folio – Gallimard)
- Confession d’un porte-drapeau déchu (1992, Belfond et Folio – Gallimard)
- Au Temps du fleuve Amour (1994, Folio – Gallimard)
- Requiem pour l’Est (2000, Mercure de France)
- Le Testament Français (1995, Folio – Gallimard)
- Le Crime d’Olga Arbélina (1998, Folio – Gallimard)
- La Musique d’une vie (2001, Seuil)
- La Terre et le Ciel de Jacques Dorme (2003, Mercure de France)
- La Femme qui attendait (2004, Seuil)
- Cette France qu’on oublie d’aimer (2006)
- L’amour humain (2006)
Articles connexes
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