Blaise Cendrars : L’Or (1925)

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Blaise Cendrars

L’Or (1925)

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Blaise Cendrars en 1907.👤 Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric Louis Sauser, est né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, canton de Neuchâtel en Suisse et mort le 21 janvier 1961 à Paris. Il est un poète, romancier et essayiste suisse naturalisé français, dont l’œuvre poétique est vouée à l’aventure et à la conquête symbolique du monde… [Lire la suite de sa biographie]

Présentation

L’Or (sous-titré La Merveilleuse Histoire du général Johann August Suter) est un roman de Blaise Cendrars, publié en 1925. Ce roman est inspiré de la vie de Johann August Suter, un pionnier suisse qui s’installe en Californie au XIXe siècle. Suter fonde une colonie prospère sur un vaste territoire, rêvant d’un empire agricole. Mais en 1848, la découverte de l’or sur ses terres déclenche la célèbre ruée vers l’or, qui provoque sa ruine.

Le roman explore le contraste entre le rêve de grandeur de Suter et la brutalité de l’Histoire, où la quête de richesse et de pouvoir se heurte à la réalité cruelle de la cupidité humaine.

Écrit en quelques semaines au retour du premier voyage de Cendrars au Brésil (1924), L’Or a connu immédiatement un grand succès qui ne s’est jamais démenti. Il marque un tournant dans l’œuvre de son auteur qui « prend congé » du poème pour devenir tout au long des années 1920 un romancier de l’aventure héroïque.

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« La merveilleuse histoire du général Johann August Suter »

Mai 1824 : Johann August Suter a trente et un ans quand il abandonne sa famille pour débarquer à New York. Missouri, Californie, San Francisco, peu à peu, Suter traverse l’immense Amérique, au prix de bien des périls, pour atteindre son but, l’Ouest. Après plusieurs années, il s’installe enfin dans la vallée du Sacramento où il jouit de sa prospérité et de la paix dans sa « Nouvelle-Helvétie ». Il possède bientôt le plus grand domaine des États-Unis : parti de rien, Suter est désormais millionnaire.

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Mais ce bonheur ne dure pas. En 1848, de l’or est découvert dans le bassin du Sacramento, la grande ruée vers l’or commence pour, le plus grand malheur de Suter. Ses hommes l’abandonnent, ses fermes se délabrent, l’or l’a ruiné. Commence alors une série de procès inutiles dans lesquels Suter s’épuise à faire valoir ses droits. Ces espoirs, qui finissent tous en déception auront raison de la santé du pauvre homme, qui meurt à soixante-treize ans, pauvre et fou.

Personnages

Dans L’Or de Blaise Cendrars, les personnages principaux sont essentiellement historiques, avec en tête Johann August Suter, autour duquel l’intrigue se construit. Voici les principaux personnages du roman:

Johann August Suter : Le personnage central, un colon suisse en quête de fortune et de grandeur, qui fonde un vaste domaine agricole en Californie avant d’être ruiné par la ruée vers l’or.

James Marshall : Ouvrier travaillant pour Suter, c’est lui qui découvre de l’or sur les terres de Suter en 1848, déclenchant involontairement la ruée vers l’or qui détruit les rêves de son employeur.

La famille de Suter : Sa femme et ses enfants, qui restent en Suisse alors que Suter part à la conquête de l’Amérique. Leur destin reste marqué par les ambitions et les échecs de Suter.

Les colons et chercheurs d’or : Ces personnages collectifs représentent les milliers de personnes qui, attirées par la promesse de richesse, affluent en Californie et s’emparent des terres de Suter, contribuant à sa chute.

Ces personnages incarnent les différentes facettes de la conquête de l’Ouest, et à travers eux, Cendrars dépeint un monde où les rêves individuels se heurtent aux forces aveugles de l’Histoire et de la cupidité.

Une écriture cinématographique

Le style de Cendrars dans ce roman est « cinématographique » : les phrases courtes, l’emploi du présent, la pseudo-objectivité de la narration et sa rapidité renvoient le lecteur à son expérience de spectateur des salles obcures. L’Or a d’ailleurs suscité une adaptation pour le grand écran sous le titre de Sutter’s Gold, mais le projet n’a pas été retenu.

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Thèmes principaux

L’Or est bien plus qu’un simple récit historique. Il interroge les grandes questions de l’ambition humaine, du capitalisme, et de la fragilité des rêves face aux forces dévastatrices de l’Histoire.

Le rêve et la ruine

Le personnage principal, Johann August Suter, incarne l’archétype de l’aventurier ambitieux. Il quitte l’Europe avec l’espoir de construire une nouvelle vie dans un territoire lointain, alors encore peu exploré, la Californie. Pour lui, cette région représente une terre de possibilités infinies, où il pourrait réaliser son rêve de grandeur. En créant son domaine, Nouvelle-Helvétie, Suter rêve de bâtir une véritable colonie agricole prospère, presque un empire privé.

Cependant, la découverte de l’or, loin de faire sa fortune, devient le catalyseur de sa chute. En quelques mois, son rêve de pouvoir et de stabilité s’effondre sous le poids de la ruée vers l’or. Des milliers de chercheurs d’or affluent en Californie, provoquant chaos et désordre. Ces colons illégaux s’emparent des terres de Suter, pillent ses ressources, et détruisent ses cultures et ses troupeaux. Cendrars montre ainsi comment un rêve grandiose peut rapidement être anéanti par des forces imprévues et incontrôlables.

Le personnage de Suter illustre l’idée que l’ambition humaine est souvent confrontée à des forces bien plus puissantes, et qu’en dépit de tous ses efforts et de sa vision, il est impuissant à stopper le cours des événements.

La cupidité et l’Histoire

La ruée vers l’or est le véritable moteur de la destruction de Suter. Elle symbolise une forme de cupidité collective, où l’avidité humaine prend le dessus sur la raison et l’ordre. La quête de richesse transforme la Californie en une sorte de territoire anarchique, où les lois ne s’appliquent plus et où règne le chaos.

Cette cupidité ne touche pas seulement les chercheurs d’or, mais aussi les autorités locales, qui se désintéressent du sort de Suter et laissent la situation dégénérer. Cendrars critique cette vision du capitalisme sauvage, où chacun tente de s’enrichir sans égard pour les autres ou pour les conséquences à long terme.

Le roman offre ainsi une réflexion sur la brutalité de l’Histoire, en particulier lorsqu’elle est motivée par l’appât du gain. Les événements historiques peuvent écraser les individus, même les plus visionnaires, et les rêves personnels sont souvent balayés par des forces collectives. La ruée vers l’or représente cette course effrénée et aveugle vers la richesse, où tout peut être détruit pour satisfaire la soif d’or des hommes.

Le destin tragique

Suter est décrit comme une figure tragique dans le roman. Au départ, il incarne le rêve américain d’un homme qui cherche à se réinventer dans le Nouveau Monde, un modèle de pionnier qui part de rien pour fonder un empire. Mais sa destinée prend un tournant tragique avec la découverte de l’or, un événement qui échappe totalement à son contrôle.

Le personnage de Suter est écrasé par les circonstances extérieures. Malgré tous ses efforts, il est incapable de lutter contre les milliers de chercheurs d’or qui envahissent ses terres. Le rêve de grandeur et de stabilité se transforme rapidement en un cauchemar. Sa fin est marquée par la solitude et la misère, et il finit sa vie dans l’indifférence générale, complètement ruiné.

Le destin de Suter est une métaphore de la condition humaine : peu importe à quel point un individu peut être ambitieux, créatif ou travailleur, il peut être détruit par des forces bien plus grandes que lui, que ce soit le capitalisme, la ruée vers l’or, ou l’Histoire elle-même.

L’Amérique et le mythe de la conquête

L’Or peut être vu comme une réflexion critique sur le rêve américain. Suter incarne l’idée de la conquête de l’Ouest, cet esprit pionnier qui cherche à transformer une terre vierge en un espace de civilisation et de prospérité. Pourtant, cette vision idéaliste de l’Amérique est détruite par la réalité de la ruée vers l’or, où la quête de richesse rapide prend le dessus sur la construction d’une société stable.

Cendrars présente la Californie comme un lieu de contradictions : un territoire qui semble offrir des opportunités sans fin, mais où la cupidité humaine transforme ces mêmes opportunités en forces destructrices. L’Amérique, dans cette optique, est à la fois une terre de promesses et une terre de désillusions.

Ce thème résonne avec l’expérience personnelle de Cendrars, qui avait lui-même voyagé en Amérique et était fasciné par l’esprit pionnier et les vastes espaces, tout en étant conscient des excès et des violences que cela pouvait engendrer. L’Amérique devient ainsi un symbole de la modernité, avec ses promesses, mais aussi ses dangers.

La critique du progrès et du capitalisme

Cendrars ne se contente pas de raconter l’histoire de Suter, il fait aussi une critique plus large du progrès et du capitalisme. Le développement rapide et anarchique de la Californie à cause de la ruée vers l’or est un exemple de la manière dont la recherche de profit peut détruire tout ce qui est sur son passage. Les idéaux de Suter – bâtir une société stable et ordonnée – sont anéantis par la ruée des chercheurs d’or, qui ne cherchent que l’enrichissement personnel immédiat.

Le roman dénonce la violence sociale et économique inhérente au capitalisme. La fortune de Suter, fondée sur le travail et la construction d’une société, est réduite à néant par la spéculation et la frénésie collective. Blaise Cendrars montre ainsi les dangers d’un système où l’appât du gain devient la force motrice, au détriment des individus et des communautés.

L’Amérique et le mythe de la conquête

Dans L’Or, Blaise Cendrars aborde de manière critique le mythe de la conquête de l’Ouest américain, une idée centrale dans la formation de l’identité américaine au XIXe siècle. Ce mythe repose sur plusieurs notions idéalisées : l’Amérique comme terre d’opportunités infinies, la possibilité de réinvention personnelle, et la croyance que toute personne audacieuse peut s’y construire une fortune. À travers le personnage de Johann August Suter, Cendrars interroge ces notions et révèle leurs contradictions.

L’Amérique comme terre de promesses et d’illusions

Dans le roman, la Californie représente une terre de promesses, un lieu où Suter, un Suisse émigré, peut réaliser ses rêves de grandeur. En quittant l’Europe, il cherche une nouvelle vie dans un espace qu’il perçoit comme une terre vierge, pleine de ressources à exploiter. Cette vision reflète l’idée de l’Amérique comme une frontière à conquérir, un espace libre où tout semble possible.

Suter, en créant Nouvelle-Helvétie, rêve d’un empire agricole, d’un royaume indépendant, et se positionne ainsi en pionnier de la conquête de l’Ouest. Pour lui, l’Amérique est un terrain propice à la réalisation de ses ambitions, loin des contraintes sociales et politiques de l’Europe. Cendrars utilise cette figure du pionnier pour illustrer à quel point le rêve américain est attractif pour ceux qui cherchent une nouvelle vie.

Les contradictions du rêve américain

Toutefois, Blaise Cendrars montre rapidement que ce rêve de prospérité est une illusion. L’Amérique, loin d’être une terre d’opportunités sans fin, se révèle être un lieu où les espoirs individuels sont souvent détruits par des forces bien plus grandes que l’homme.

Lorsque l’or est découvert sur les terres de Suter, la ruée qui s’ensuit détruit tout ce qu’il a construit. Les chercheurs d’or, avides de richesse, s’approprient ses terres, ses récoltes, et ses troupeaux, laissant Suter totalement impuissant. La Californie, qui semblait promettre la richesse et le succès, devient au contraire le théâtre de sa ruine.

Cette contradiction est au cœur du mythe de la conquête de l’Ouest : la promesse de réussite individuelle est souvent contrecarrée par la cupidité collective et l’anarchie que peut engendrer la ruée vers l’enrichissement rapide. Cendrars montre que, malgré son ingéniosité et ses efforts, Suter ne peut pas résister aux bouleversements historiques qui échappent à son contrôle.

La brutalité de la conquête

Le processus de conquête est présenté dans le roman comme une entreprise brutale et destructrice. Les pionniers, en cherchant à imposer leur vision de l’Amérique, souvent au détriment des populations locales et de l’environnement, ne font que reproduire des schémas de domination. La ruée vers l’or, en particulier, est décrite comme une véritable invasion : des milliers de personnes affluent en Californie pour s’emparer de ce qu’elles considèrent comme un trésor caché.

Le rêve de Suter d’une société ordonnée et civilisée s’effondre dans le chaos engendré par l’arrivée des chercheurs d’or. L’anarchie règne, et Suter perd tout ce qu’il avait construit. En cela, Cendrars montre la face sombre de la conquête de l’Ouest : plutôt qu’un processus de civilisation, elle peut être vue comme une ruée destructrice, où la cupidité et l’individualisme priment sur la stabilité et la communauté.

L’Amérique de Blaise Cendrars n’est donc pas une terre de promesses infinies, mais plutôt un espace où les rêves peuvent être rapidement dévorés par des forces historiques incontrôlables. Suter, qui avait réussi à s’établir dans un territoire vierge, est finalement écrasé par le flot de chercheurs d’or et la logique impitoyable de l’enrichissement rapide.

Le mythe de la réinvention et sa désillusion

L’Amérique est souvent perçue comme une terre où l’on peut se réinventer, où chacun peut repartir de zéro et forger son propre destin. C’est ce que cherche à faire Suter en quittant la Suisse pour s’établir en Californie. Il s’invente une nouvelle identité, fonde une colonie agricole et rêve de créer un véritable empire. Ce thème de la réinvention personnelle est central dans le mythe américain.

Toutefois, Blaise Cendrars montre que ce mythe est trompeur. La réinvention de Suter est temporaire et illusoire. Bien que le personnage réussisse à bâtir un domaine prospère pendant un certain temps, la découverte de l’or vient balayer toutes ses réalisations. Le destin de Suter montre que, même dans un espace aussi vaste et plein de promesses que l’Amérique, les individus ne peuvent pas toujours échapper aux forces historiques qui les dépassent.

Réception et influence
Réception à sa sortie

Lorsque L’Or est publié en 1925, il ne connaît pas immédiatement un grand succès populaire. Le style de Blaise Cendrars, mélangeant récit historique et fiction, ne correspond pas aux attentes de tous les lecteurs de l’époque. Certains critiques trouvent le style direct et épuré de Cendrars trop différent de la prose traditionnelle. Toutefois, le roman attire l’attention de lecteurs éclairés et d’intellectuels, qui apprécient son approche unique pour revisiter des épisodes historiques, en particulier la manière dont Cendrars réussit à transformer l’histoire de Johann August Suter en une tragédie moderne.

Reconnaissance ultérieure

Avec le temps, L’Or gagne en reconnaissance, notamment après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’intérêt pour l’œuvre de Blaise Cendrars augmente. Le récit captivant et le regard critique porté sur les excès du rêve américain et du capitalisme trouvent un écho auprès de lecteurs plus attentifs à ces questions. Le roman devient alors un incontournable de la littérature qui explore les conséquences historiques et sociales des grands bouleversements de l’ère moderne. Aujourd’hui, L’Or est souvent étudié dans les cours de littérature pour ses thèmes riches et sa structure innovante.

→ À lire : Histoire de la littérature française au XXe siècle.

Influence sur la littérature

L’Or a influencé plusieurs auteurs qui se penchent sur le thème du rêve américain ou de la conquête de l’Ouest, ainsi que sur la critique des systèmes économiques destructeurs. La manière dont Blaise Cendrars tisse des éléments historiques réels avec une dimension mythique a inspiré des écrivains qui souhaitent mêler réalité et fiction pour mieux capturer les dynamiques humaines et sociales. Le style concis et évocateur de Cendrars a également influencé des auteurs modernistes, qui ont vu dans L’Or une œuvre avant-gardiste dans son approche de la narration historique.

Critique du capitalisme et du progrès

L’un des aspects majeurs de l’influence de ce roman réside dans sa critique du capitalisme et de l’illusion du progrès. En dépeignant la montée et la chute de Suter, Blaise Cendrars offre une réflexion puissante sur les promesses vides du rêve de richesse et sur les conséquences destructrices de la ruée vers l’or. Cela a permis au roman d’être perçu comme une allégorie de la modernité, où les ambitions humaines sont écrasées par des forces économiques incontrôlables. Ce regard critique résonne particulièrement à une époque où les questions du développement économique et de ses coûts sociaux étaient de plus en plus discutées.

Impact sur la carrière de Blaise Cendrars

Bien que L’Or n’ait pas été un immense succès commercial à sa sortie, il a joué un rôle important dans la carrière de Blaise Cendrars. Le roman a confirmé sa réputation d’écrivain novateur, capable de réinventer la forme romanesque en intégrant des éléments historiques à ses récits. Après L’Or, Cendrars a continué d’explorer des thèmes similaires dans ses œuvres suivantes, mais ce roman reste l’un de ses plus grands succès, souvent perçu comme un moment clé de sa carrière où il affine sa réflexion sur la quête humaine et les désillusions qui l’accompagnent.

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