Colette : Sido (1930)
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Sido (1930)
– Colette –
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👤 Colette
Colette (1873-1954) est une romancière française dont l’œuvre apparaît comme une célébration sensuelle et passionnée de la nature et des relations entre les êtres. Elle est la deuxième femme à être élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Elle est la première femme en France à recevoir des funérailles nationales. [Lire la suite de sa biographie]
Présentation
Sido est un récit de Colette, publié en 1930 (sous le titre complet Sido ou les Points cardinaux) et dédié, avec deux autres textes, La Maison de Claudine (1922) et La Naissance du jour (1928), à l’évocation de l’enfance bourguignonne et à la célébration du personnage de Sidonie Landoy (1835-1912), la mère de Colette.
L’apparition de cette dernière dans l’évocation des souvenirs est tardive : Claudine n’avait en effet qu’un père irresponsable et Renée la Vagabonde paraissait sans famille. D’œuvre en œuvre, la figure maternelle se précise et se construit ainsi jusqu’à devenir mythique.
« Le personnage principal de toute ma vie »
La Maison de Claudine
La Maison de Claudine, dont le titre n’est qu’une allusion à l’œuvre de jeunesse, est constitué d’anecdotes et de petits portraits — hommes et bêtes — qui ressuscitent la magie de l’enfance perdue dans la maison natale de Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l’Yonne. Celle qui sera Sido n’est encore ici appelée que « la mère ».
La Naissance du jour
La Naissance du jour met en scène une femme mûre qui ressemble comme une sœur à Colette. Partagée entre la passion tardive que lui offre le jeune Vial et la liberté sereine de l’âge, elle préfère renoncer à l’amour. Mais il s’agit à peine d’un roman car l’intrigue, reléguée au second plan et mince jusqu’à l’insignifiance, peine à poindre sous le lyrisme des confidences et des souvenirs. Sido, enfin ainsi nommée, y joue, par les lettres qu’elle adresse à sa fille, l’influence déterminante d’un fantôme tutélaire. En refusant une invitation qui pourrait l’empêcher de voir éclore un cactus rose qui ne fleurit que tous les quatre ans, elle lui signifie que les merveilles du monde sont préférables à l’agitation humaine et amoureuse. Elle lui transmet sa sagesse opulente et sereine par ses lettres qui jalonnent l’œuvre comme autant de leçons de vie.
Sido
Sido se présente enfin comme une pure commémoration poétique de la mère : attentive aux saisons et aux vents, dispensatrice de la magie des aubes, elle est la reine d’une nature dont elle seule sait déchiffrer les signes. L’ouvrage construit en triptyque introduit un équilibre nouveau dans la chronique familiale. Dans l’ombre de Sido, vit son second mari, le Capitaine amputé qui aurait rêvé d’être écrivain mais n’a jamais rédigé une ligne, qui, à la campagne, n’a su aimer ni les bêtes ni les plantes, et que ses enfants ont sans doute dérangé du tête-à-tête amoureux avec sa femme. Mais Colette a beau essayer de réhabiliter ce père qu’elle a mal connu, sa figure reste épisodique. Il laisse un peu l’impression d’un raté réduit à la position de vassal, voire d’intrus. Le troisième volet est consacré aux deux frères de Colette, « les Sauvages », et à sa demi-sœur.
Le livre de ma mère
C’est Sido qui, depuis l’enfance, donne définitivement à Colette la certitude de la supériorité des femmes qui traverse toute son œuvre. Revenir à la nature et la préférer à l’amour, comme l’avait déjà fait Claudine, c’est en fait revenir au paradis perdu de l’enfance. C’est là que Sido lui a enseigné que la femme est un être tout-puissant, Terre-Mère et source de vie, souveraine du royaume familial et champêtre, quand l’homme reste soumis au rôle secondaire, qu’il s’agisse de Renaud, du père infirme ou du pâle Vial.
Peu importent les sentiments réels que se portaient la mère et sa fille. Il est évident qu’en créant Sido, Colette abolit Sidonie la vraie mère et donne naissance à un personnage de roman, son double idéalisé. Comme l’écrit Claude Pichois, c’est Colette « la mère de Sido ».
Extrait de Sido
Sido, re-création littéraire du paradis perdu de l’enfance, est avant tout un livre-hommage dédié et dominé par la mère, qui exerça sur l’auteur enfant une véritable fascination. Au fil de ses souvenirs, Colette fait alterner, dans une structure souple, épisodes marquants, anecdotes et réflexions célébrant tant la figure maternelle que les beautés du paysage bourguignon. Le thème du jardin organise ainsi la première partie. Nostalgique et poétique, émouvante et pittoresque, l’écriture chante ici le contraste des saisons d’autrefois et la beauté de l’hiver et d’une nature dont la mère reste l’initiatrice autant que la souveraine.
Il y avait dans ce temps-là de grands hivers, de brûlants étés. J’ai connu, depuis, des étés dont la couleur, si je ferme les yeux, est celle de la terre ocreuse, fendillée entre les tiges du blé et, sous la géante ombelle du panais sauvage, celle de la mer grise ou bleue. Mais aucun été, sauf ceux de mon enfance, ne commémore le géranium écarlate et la hampe enflammée des digitales. Aucun hiver n’est plus d’un blanc pur à la base d’un ciel bourré de nues ardoisées, qui présageaient une tempête de flocons plus épais, puis un dégel illuminé de mille gouttes d’eau et de bourgeons lancéolés… Ce ciel pesait sur le toit chargé de neige des greniers à fourrages, le noyer nu, la girouette, et pliait les oreilles des chattes… La calme et verticale chute de neige devenait oblique, un faible ronflement de mer lointaine se levait sur ma tête encapuchonnée, tandis que j’arpentais le jardin, happant la neige volante… Avertie par ses antennes, ma mère s’avançait sur la terrasse, goûtait le temps, me jetait un cri :
« La bourrasque d’Ouest ! Cours ! Ferme les lucarnes du grenier !… La porte de la remise aux voitures !… Et la fenêtre de la chambre du fond ! »
Mousse exalté du navire natal, je m’élançais, claquant des sabots, enthousiasmée si du fond de la mêlée blanche et bleu-noir, sifflante, un vif éclair, un bref roulement de foudre, enfants d’Ouest et de Février, comblaient tous deux un des abîmes du ciel… Je tâchais de trembler, de croire à la fin du monde.
Mais dans le pire du fracas ma mère, l’œil sur une grosse loupe cerclée de cuivre, s’émerveillait, comptant les cristaux ramifiés d’une poignée de neige qu’elle venait de cueillir aux mains mêmes de l’Ouest rué sur notre jardin…[…].
(Colette, Sido, in Œuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991)
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