L’éloge et le blâme
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L’éloge et le blâme
Sommaire
Introduction
L’éloge et le blâme sont des actes de langage opposés par leur orientation argumentative. Le premier valorise une personne, une idée, une œuvre, un produit. Le second dévalorise, condamne, cherche à provoquer le rejet.
→ À lire : L’éloge. – L’oraison funèbre.
L’éloge
Définition
L’éloge désigne un discours ou une expression verbale de louange, d’admiration ou de reconnaissance envers quelqu’un ou quelque chose. C’est un acte de valorisation qui vise à mettre en avant les qualités, les mérites ou les réalisations d’une personne, d’un groupe ou d’une action. L’éloge peut être formulé de différentes manières, que ce soit à travers des mots, des gestes ou des actions.
Les circonstances et les fondements de l’éloge
●On peut louer une personne pour ses qualités, dans une circonstance privée (lettre de félicitations, compliment…) ou officielle (rapport administratif, oraison funèbre…). On peut louer une opinion, un comportement social, une institution (discours politique ou religieux). On peut faire l’éloge d’une œuvre (livre, film, pièce de théâtre) ou d’un produit (publicité).
Dans son discours à l’Académie française (lire l’extrait ci-dessous), Bossuet rend un hommage très appuyé au roi Louis XIV au faite de sa puissance.
● L’auteur de l’éloge parle ou écrit au nom de valeurs :
- valeurs morales, intellectuelles ou spirituelles : honnêteté, courage, puissance, fidélité, piété, etc.
- valeurs esthétiques : beauté, grâce, élégance, etc.
- valeurs pratiques : utilité, facilite d’emploi, faible coût, etc.
Tous ces jugements (qui opposent le vrai au faux, le bien au mal, le beau au laid…) sont portés au nom de systèmes de pensée, de gouts, qui peuvent différer selon les individus, les groupes sociaux et les époques. L’éloge repose donc souvent sur des valeurs données comme absolues et objectives alors qu’elles sont subjectives et relatives.
● Selon le destinataire (déjà convaincu, sans opinion préétablie, ou hostile), l’éloge peut être soit très appuyé : c’est le cas de la propagande politique ou de la publicité ; soit plus nuancé, selon une stratégie de persuasion plus subtile.
● Par provocation, on peut aussi louer ce qui va à l’encontre de valeurs reconnues, ce qui est d’ordinaire blâmée : il s’agit de l’éloge paradoxal (de la paresse, de l’infidélité…).
Les procédés de l’éloge
Les procédés le plus souvent utilisés dans les éloges sont les suivants :
- un vocabulaire valorisant (termes mélioratifs) ;
- des figures d’insistance (anaphore, gradation), d’opposition et d’exagération (hyperbole), qui servent à amplifier le propos dans un sens laudatif ;
- des figures d’équivalence (métaphore, comparaison, périphrase valorisante…), qui soulignent l’excellence de ce qu’on loue.
Le rythme et la syntaxe (questions rhétoriques, exclamations) donnent parfois à l’éloge une tonalité emphatique.
→ À lire : Les figures de rhétorique. – Les figures de style.
Les genres de l’éloge
Certains genres, littéraires ou non, sont par fonction élogieux : le blason (poème qui fait l’éloge du corps féminin), l’hymne, le panégyrique, l’oraison (qui célèbrent un dieu, un grand personnage), l’hagiographie, l’apologie judiciaire ou politique, les textes publicitaires.
D’autres genres servent occasionnellement à valoriser leur auteur (autobiographie, mémoires), un personnage (portrait dans un roman), une production artistique (critique littéraire, cinématographique), une théorie ou un mode de vie (essai).
Exemple d’un éloge
Un roi a été donné à nos jours, que vous nous pouvez figurer en cent emplois glorieux et sous cent titres augustes : grand dans la paix et dans la guerre, au dedans et au dehors, dans le particulier et dans le public, on l’admire, on le craint, on l’aime. De loin il étonne, de près il attache ; industrieux par sa bonté à faire trouver mille secrets agréments dans un seul bienfait ; d’un esprit vaste, pénétrant, réglé, il conçoit tout, et il dit ce qu’il faut, il connaît et les affaires et les hommes ; il les choisit , il les forme, il les applique dans le temps, il sait les renfermer dans leurs fonctions : puissant, magnifique, juste, veut-il prendre ses résolutions, la droite raison. est sa conseillère ; après il se soutient, il se suit lui-même ; il faut que tout cède à sa fermeté et à sa vigueur invincible. Le voilà messieurs, ce digne sujet de vos discours et de vos chants héroïques. Le voyez-vous ce grand roi, dans ses nouvelles conquêtes , disputant aux Romains la gloire des grands travaux, comme il leur a toujours disputé celle des grandes actions ? […]
(Jacques-Bénigne Bossuet, Discours à l’Académie française, 1671)
Le blâme
Définition
Le blâme est une réprimande ou une critique sévère adressée à quelqu’un pour désapprouver son comportement, ses actions ou ses décisions. C’est une forme de désapprobation exprimée envers une personne pour souligner ses erreurs, ses fautes ou ses manquements. Le blâme peut être formulé verbalement, par écrit ou implicitement à travers des attitudes ou des regards désapprobateurs. Il peut être motivé par des normes sociales, des attentes ou des valeurs morales, et vise souvent à encourager un changement de comportement ou à corriger une situation jugée inacceptable.
Les circonstances et les fondements du blâme
● On peut blâmer une personne pour ses défauts, pour sa conduite (reproche, réprimande). Le blâme peut prendre une forme écrite plus officielle (blâme administratif, réquisitoire dans un procès). Il peut condamner une opinion, une attitude, une situation sociale ou politique. Ainsi, dans une lettre adressée à Louis XIV (lire l’extrait ci-dessous), Fénelon blâme vigoureusement une politique de guerres incessantes qui a ruiné la France.
● On blâme, comme on loue, au nom de valeurs morales, intellectuelles, esthétiques.
● Le blâme peut être plus ou moins virulent : il peut aller de la mise en garde bienveillante (remontrance) jusqu’à l’injure ou l’insulte quand il vise une personne. Il peut contenir des attaques chargées d’indignation, de colère, de mépris, voire de haine.
Au contraire, certains blâmes restent tempérés par la bienséance ou la politesse. La lettre de Fénelon, tout en étant très sévère sur le fond, reste respectueuse de la personne du roi.
→ À lire : Faire des reproches.
Les procédés du blâme
Les procédés le plus souvent utilisés dans les blâmes sont les suivants :
- un vocabulaire dévalorisant (termes dépréciatifs) ;
- des figures d’insistance, d’opposition et d’équivalence, qui servent à amplifier la condamnation, dans un registre pathétique ou polémique ;
- d’autres procédés du registre polémique : ironie, arguments ad hominem (arguments dirigés contre la personne de l’adversaire)…
→ À lire : Les figures de rhétorique. – Les figures de style.
Les genres du blâme
Certains genres sont par nature orientés vers le blâme (pamphlets, satires, épigrammes). D’autres peuvent contenir une critique morale ou sociale qui relève du blâme (maximes, portrait-charges, comédies, apologues, essais, discours électoraux, etc.).
La caricature est souvent une forme de blâme hyperbolique, qui grossit le trait.
Exemple d’un blâme
Vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui ont été jusqu’ici si passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent vous avez détruit la moitié des forces réelles du dedans de votre État, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au-dehors. Au lieu de tirer de l’argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l’aumône et le nourrir. La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provisions. Les magistrats sont avilis et épuisés. La noblesse, dont tout le bien est en décret, ne vit que de lettres d’État. Vous êtes importuné de la foule des gens qui demandent et qui murmurent. C’est vous-même, Sire, qui vous êtes attiré tous ces embarras ; car, tout le royaume ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons. Voilà ce grand royaume si florissant sous un roi qu’on nous dépeint tous les jours comme les délices du peuple, et qui le serait en effet si les conseils flatteurs ne l’avaient point empoisonné. […]
(Fénelon, Lettre à Louis XIV, 1694)
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