L’épigraphe et l’épigraphie

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L’épigraphe et l’épigraphie

Il [Victor Hugo] affectait de mettre au moindre de ses poèmes des épigraphes extraordinaires.

(Charles Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 708)

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L’épigraphe

L’épigraphe (nom féminin, du grec ancien ἐπιγραφή, epigraphê (« inscription ») est une sorte de citation placée en tête d’un livre ou de ses parties. Elle indique le but de l’auteur, l’esprit de l’ouvrage, et met l’un ou l’autre sous la protection d’une autorité accréditée.

Épigraphe de la « Vie de Rossini » (1824) de Stendhal

Épigraphe de la Vie de Rossini (1824) de Stendhal.
« Laissez aller votre pensée comme cet insecte qu’on lâche en l’air avec un fil à la patte.
Socrate, Nuées d’Aristophane. »

L’épigraphe peut avoir un ton de prétention que les grandes œuvres seules peuvent soutenir. Ainsi Montesquieu prend pour épigraphe de l’Esprit des lois : Prolem sine matre creatam (Enfant né sans mère). Cette épigraphe est tirée d’un vers d’Ovide (Métamorphoses, II, 553) pour marquer qu’il n’avait pas eu de modèle. Buffon donne à l’Histoire naturelle celle-ci : Naturam amplectitur omnem (Tu vis, tu connus tout, et tu fis tout connaître).

Quelquefois l’épigraphe indique une disposition générale de l’esprit, la tendance du tempérament, comme celle de Jean-Jacques Rousseau : Vitam impendere vero (Consacrer sa vie à la vérité), ou celle de Bernardin de Saint-Pierre : Miseris succurrere disco (J’ai appris à secourir les malheureux). Le Rouge et le Noir de Stendhal porte en épigraphe cette parole de Danton : La vérité, l’âpre vérité. La Nausée de Jean-Paul Sartre porte en épigraphe cet extrait de L’Église de Louis-Ferdinand Céline : C’est un garçon sans importance collective. C’est tout juste un individu. Enfin, Carmen de Prosper Mérimée porte en épigraphe une citation en grec de Palladas, que Mérimée traduisait par « Toute femme est (amère) comme le fiel ; mais elle a deux bons moments, un au lit, l’autre à sa mort ».

L’épigraphe n’est alors qu’une sorte de devise. Trop souvent, elle prend un caractère de pédantisme, quand elle se fait en langues étrangères peu connues, ou lorsqu’elle consiste dans des citations devenues vulgaires à force d’être classiques.

On a tour à tour pratiqué et abandonné l’usage de mettre une épigraphe en tête de chaque chapitre d’un traité ou d’un roman, comme si l’auteur n’avait d’autre but que d’expliquer et de commenter la pensée d’autrui. L’abus des épigraphes a été porte jusqu’au ridicule. C’est trop de modestie ou trop d’orgueil que d’encadrer ainsi son œuvre de ce qu’il y a de meilleur et de plus notable dans les œuvres des maîtres ou dans les maximes de la sagesse des peuples.

💡 Notes
1️⃣ On rencontre dans la documentation le verbe transitif épigraphier : mettre une épigraphe à un écrit.
2️⃣ En architecture, l’épigraphe est une inscription sur un édifice qui indique en particulier la date de sa construction, sa destination, etc.

Attention !
Ne confondez pas une épigraphe avec une épitaphe. Cette dernière est une inscription mise sur une pierre tombale, un tombeau ou un monument funéraire pour rappeler le souvenir d’une personne morte, soit par la simple mention de son nom, de ses dates, soit par un texte évoquant souvent de façon élogieuse sa personnalité ou les principales étapes de sa vie.
→ À lire : L’épitaphe.

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L’épigraphie

L’épigraphie est la science qui étudie les épigraphes et les inscriptions sur des matières durables (pierre, bronze ou tablettes d’argile). Cette science, longtemps inconnue ou méconnue, a pris une grande importance parce qu’elle a pu fournir d’abondantes lumières à l’histoire. Elle a pour objet la connaissance des inscriptions, leur déchiffrement et leur interprétation.

Science annexe de l’histoire, l’épigraphie se concentre sur l’étude des inscriptions antiques — essentiellement dans les domaines grec et latin — et prend en compte les graffiti isolés aussi bien que les documents d’archives ou les inscriptions sur des éléments d’architecture.

L’étude d’inscriptions à des fins historiques passe souvent par la nécessité de restituer les parties lacunaires du texte. L’épigraphiste comble alors les lacunes en procédant à des comparaisons textuelles avec d’autres sources ou en consultant des documents parallèles. Une fois rétabli le texte original, l’inscription peut alors faire l’objet de transcriptions et de traductions.

On peut dater les inscriptions à partir des événements historiques qu’elles citent et dont l’authenticité est attestée par ailleurs, ou encore grâce à l’environnement archéologique. Par ailleurs, le langage et le type d’écriture employés donnent aussi des indications sur l’époque.

L’étude des différents types d’inscriptions fournit des informations historiques sur la vie privée (épitaphes), sur l’organisation sociale, politique et religieuse (actes publics, inscriptions honorifiques, etc.), sur les mœurs et les usages domestiques. Tantôt elle sert à contrôler le témoignage des historiens en le confirmant ou en le rectifiant, tantôt elle comble les lacunes de leurs récits et fournit des notions sur des peuples qui, sans elle, nous seraient presque inconnus. Elle remplit surtout le premier rôle pour l’Antiquité grecque et romaine.

Appliquée aux monuments écrits de nations qui n’avaient pas d’autre histoire ou d’autre littérature, comme les Phéniciens, les Assyriens, les Égyptiens, les Scandinaves, les populations primitives du Nouveau-Monde, l’épigraphie a été presque une révélation. Elle a reconstruit leur alphabet, leur langue, et fait entrevoir leurs mœurs et leur civilisation. Tels sont, à divers degrés, les résultats des travaux particuliers entrepris sur l’écriture cunéiforme, sur les hiéroglyphes, les runes, la pictographie, etc.

Le style lapidaire des inscriptions

On appelle style lapidaire celui qui convient aux inscriptions, généralement courtes, gravées sur la pierre, le marbre ou sur le métal. La première qualité d’un tel style est la concision, qui ne doit jamais exclure la clarté et qui, au besoin, se concilie avec l’élégance.

Les Modernes ont adopté pour leurs inscriptions la langue latine, parce qu’elle paraît se prêter mieux que toute autre aux qualités du style lapidaire. Il est étrange, toutefois, qu’un peuple consigne sur ses monuments les souvenirs de sa propre histoire dans une autre langue que la sienne. Souvent même, comme plusieurs monuments de Paris le prouvent, les savants rédacteurs officiels d’inscriptions ont dénaturé à plaisir, dans un latin de convention, les noms et les faits, pour leur donner un air pseudo-antique qui est un premier contre sens.

Parmi les inscriptions ou les épigrammes des Anciens, il en est, de spécialement littéraires, rédigées en vers, et dont il a été formé des recueils sous le nom d’anthologies.

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→ À lire : L’épigramme. – L’anthologie.

L'univers des livres est une rubrique qui tentera de mettre la lumière sur le concept du livre, du lecteur, de la lecture, du vaste monde des librairies, et sur tous les sujets auxquels ils pourraient se rattacher.

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