La littérature française du XVIIIe siècle
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Histoire de la littérature française
Le XVIIIe siècle
Sommaire
💡 La littérature française
La littérature française est l’ensemble des œuvres littéraires de langue française produites en France depuis le XIIe siècle, date à partir de laquelle se développe la littérature en langue vulgaire.
→ À lire : Qu’est-ce que la littérature ? – Rubriques à consulter : Littérature française et francophones. – Histoires.
Présentation
L’âge classique, moribond dès 1685, s’achève en 1715, date de la mort de Louis XIV, qui laisse la France plongée dans une période d’interrogations et de doutes.
La littérature du XVIIe siècle est encore très nettement aristocratique: la plupart des grands auteurs de ce temps sont de naissance noble ou, lorsque ce n’est pas le cas, fréquentent les salons de l’aristocratie. Par le système du mécénatℹ, la survie des écrivains est, en outre, largement dépendante de la noblesse, qui constitue la plus grande partie de leur public. C’est dire que cette littérature témoigne de la puissance de la classe aristocratique.
ℹ Le mécénat
Le mécénat désigne le fait d’aider et peut être par la suite de promouvoir des arts et des lettres par des commandes ou des aides financières privées, que le mécène soit une personne physique ou une personne morale, comme une entreprise. Dans une acception plus large, il peut s’appliquer également à tout domaine d’intérêt général: recherche, éducation, environnement, sport, solidarité, innovation, etc.
Il en va tout autrement pour la littérature du XVIIIe siècle: les conditions matérielles de la production se modifient, avec notamment la disparition de la pratique du mécénat, tandis que la bourgeoisie s’impose clairement et définitivement comme la nouvelle classe dominante, d’un point de vue économique et intellectuel. La littérature du temps se fait naturellement l’écho de ces changements.
La recherche de nouvelles valeurs caractérise les œuvres du siècle des Lumières : remise en cause de la monarchie, questionnement sur la notion de progrès, interrogation sur la religion et sur les fondements de la morale, apparition des notions d’individu et de liberté, etc. Les écrits des penseurs de ce temps concourent à un radical changement dans les mentalités et dans la société françaises, ou du moins s’en font les témoins ; ces changements, loin d’être négligeables, aboutiront à la Révolution française.
→ À lire : Le siècle des Lumières. – Histoire de la France : l’Ancien Régime – la Révolution.
Pensée des Lumières
Sur l’art de gouverner
L’un des sujets radicalement nouveaux de la littérature de ce temps consiste en une réflexion sur les formes du gouvernement, allant jusqu’à une interrogation sur la légitimité de l’absolutisme à la française. Il est vrai qu’à l’époque les points de comparaison se sont multipliés et que l’Angleterre, en particulier, offre le modèle d’une monarchie constitutionnelle.
Montesquieu, dans son ouvrage politique De l’esprit des lois (1748), mène une étude systématique sur les différentes formes de gouvernement existant dans le monde et, adoptant un point de vue déterministe, souligne les interactions entre des facteurs locaux (comme les conditions climatiques) et l’organisation des sociétés. Il établit ainsi une typologie des gouvernements pour recommander finalement l’adoption d’une monarchie parlementaire, modérée et éclairée, dirigée selon les principes de la raison et de la nature, et respectant le droit à la liberté, à l’éducation et au bonheur.
Enthousiasmé par son séjour en Angleterre, Voltaire, dans ses Lettres philosophiques (1734 ; 1737 pour l’édition définitive), fait lui aussi l’éloge du régime parlementaire, lequel garantit à son sens la liberté et la tolérance.
Denis Diderot, réfutant l’idée d’une autorité politique légitimée par la transcendance divine, prend parti pour une monarchie fondée sur le « consentement des peuples », c’est-à-dire sur un contrat entre le souverain et son peuple, qui garantirait la liberté de celui-ci ; c’est ce qu’il exprime dans son article « Autorité politique » de l’Encyclopédie et dans ses Entretiens avec Catherine II (1773). En contrepartie, il s’oppose à l’exercice tyrannique du pouvoir, même sous la forme plus souriante du despotisme éclairé, et compose contre Frédéric II ses Pages contre un tyran (1771).
Dans la voie de la critique de la monarchie, c’est pourtant Jean-Jacques Rousseau qui se montre le plus radical, puisqu’il se prononce clairement contre cette forme de gouvernement, et en faveur de la démocratie. En 1762, son ouvrage le plus abouti, Du Contrat social, énonce les principes fondateurs du droit politique, ouvrant la voie à la démocratie républicaine en affirmant que la seule autorité politique légitime doit être issue de la volonté générale. De tous les philosophes de son temps, il est d’ailleurs celui qui exercera la plus grande influence sur la génération des révolutionnaires.
Critique des mœurs
La remise en question du mode de gouvernement en France s’étend naturellement à une critique, plus générale, de la société et des mentalités françaises. Cette critique s’exerce souvent par le biais prudent de la fiction, mettant en scène la confrontation entre le monde occidental et d’autres formes de civilisation : celles du Nouveau Monde ou celle de l’Orient.
Montesquieu utilise ce procédé avec beaucoup de finesse dans son roman épistolaire Lettres persanes (1721). Écrites du point de vue de voyageurs persans résidant en France, ces lettres dépeignent, de façon faussement naïve, la société française comme un monde étrange aux valeurs et aux lois arbitraires. Cette satire, pour être souriante, n’en pose pas moins des questions graves sur la politique (critique du despotisme), la religion (critique de l’intolérance religieuse, attaques contre le pape et l’Église), mais aussi sur la justice ou la morale.
Dans son dialogue philosophique Supplément au Voyage de Bougainville (écrit en 1772, mais publié, dans sa version définitive, en 1796, à titre posthume), Diderot montre lui aussi la confrontation du monde occidental avec d’autres civilisations : les Occidentaux se révèlent incapables d’appréhender le monde qu’ils découvrent en débarquant à Tahiti, et les Tahitiens ne peuvent adopter le système de valeurs de leurs visiteurs tant il leur semble absurde.
Voltaire, dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756), tente de réaliser un tableau des sociétés orientales, en les comparant plus ou moins explicitement avec les sociétés occidentales ; il reconnaît en l’homme les traits universels de la passion et de la raison.
→ À lire : Montesquieu : Lettres persanes (1721).
Nature et culture
La plupart des auteurs des Lumières, tout en célébrant la nature et le « mythe du bon sauvage », figure d’un homme dont les mœurs et la morale sont en harmonie avec la nature, se prononcent majoritairement pour le progrès des arts et des techniques, dont ils espèrent qu’il va améliorer la vie du peuple.
Montesquieu, conscient des dangers liés aux arts et aux techniques, s’exprime pourtant lui aussi en leur faveur : le travail, la prospérité économique, la libre concurrence, le luxe, lui semblent en effet des moyens d’améliorer la vie des gens. Auteur de l’article « Luxe » de l’Encyclopédie, Voltaire fait avec insolence, dans un poème satirique célèbre intitulé « le Mondain », l’éloge d’un bonheur tout à la fois intellectuel et sensuel, fondé sur le progrès des arts et sur le luxe. Diderot, dans son Supplément au Voyage de Bougainville, se plaît pour sa part à souligner le ridicule des mœurs occidentales (notamment les tabous liés à la religion et à la sexualité), sans fondements solides, et à louer la sagesse des Tahitiens, qui vivent conformément à la nature. Mais le philosophe, maître d’œuvre de l’Encyclopédie (ouvrage accordant une large place aux artisanats et aux techniques divers), loue par ailleurs la maîtrise de la nature aux fins d’améliorer le confort matériel des Hommes.
Quasi solitaire, une voix s’élève cependant contre le culte du progrès et du luxe, celle de Jean-Jacques Rousseau. Son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) célèbre la pureté de l’état de nature et dénonce la corruption de l’homme, naturellement bon, par la société et notamment par la création de la propriété. Il dénonce la mollesse des peuples dits civilisés, allant jusqu’à condamner le théâtre, et ne cesse de célébrer le mythe du « bon sauvage » et un bonheur originel, conforme à l’ordre naturel et marqué par la simplicité et la vertu (Discours sur les sciences et les arts, 1750).
→ À lire : L’Encyclopédie du XVIIIe siècle.
Question religieuse
Dans son Discours d’un philosophe à un roi (1774, édition posthume 1796), et dans La Religieuse (1760, édition posthume 1796), Diderot dénonce l’obscurantisme et la volonté de pouvoir de l’Église catholique. Mais sa pensée va plus loin que la seule remise en cause de l’institution religieuse : dans sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749), il s’inscrit dans une pensée résolument matérialiste et évolutionniste et, dans Le Rêve de d’Alembert (1769, édition posthume 1830), il affirme son athéisme. D’autres écrivains du mouvement des Lumières, comme le baron d’Holbach, font scandale par leur matérialisme radical.
Inspiré par les écrits de John Locke, Voltaire se fait quant à lui le défenseur de l’empirisme. Dans Zadig (1748), il montre la confrontation de différentes religions révélées en leur reprochant leur prosélytisme et leur intolérance; sa conviction s’oriente davantage vers le déisme, une forme de religion naturelle, intériorisée et individuelle. Bouleversé par le tremblement de terre de Lisbonne (1755), qui fait des dizaines de milliers de victimes, il s’interroge sur la fragilité de la vie humaine et sur le scandale que représente l’existence du Mal; il exprime sa révolte contre le dogme de la providence divine dans un Poème sur le désastre de Lisbonne (1756) et prend parti contre les philosophies optimistes dans Candide ou l’Optimisme (1759).
Rousseau, d’abord calviniste, puis converti au catholicisme, rejette lui aussi les religions révélées pour adopter une religion intime, sincère et personnelle, sans l’intermédiaire d’une Église officielle et de dogmes; il expose ses idées déistes dans nombre de ses ouvrages, notamment La Profession de foi du vicaire savoyard, extrait d’Émile ou De l’éducation (1762) mais on en retrouve naturellement la trace dans son autobiographie, Les Confessions (posthumes, 1782 et 1789).
L’Encyclopédie : le véhicule de la pensée des Lumières
De 1751 à 1766, la vie de Diderot se confond avec l’histoire de l’Encyclopédie. Cette œuvre monumentale, qui synthétise les idées des Lumières, est tout à fait révélatrice d’un siècle où la pensée scientifique et philosophique bouleverse les convictions passées. Le sensualisme d’Étienne Bonnot de Condillac, auteur du Traité des sensations (1754), la recherche appliquée que représente l’Histoire naturelle de Georges-Louis Leclerc de Buffon, le matérialisme d’Helvétius et du baron d’Holbach, le mouvement des idéologues y trouvent un écho.
→ À lire : L’Encyclopédie du XVIIIe siècle. – Utiliser une encyclopédie. – Le dictionnaire et l’encyclopédie.
Naissance d’une sensibilité préromantique
Jean-Jacques Rousseau, dans son roman Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), qui connaît un succès considérable, mais aussi dans ses écrits autobiographiques (Les Confessions, posthume, 1782-1789; Rêveries du promeneur solitaire, 1776-1778, posthume, 1782), est le promoteur d’une nouvelle forme de sensibilité, laquelle trouve un écho favorable dans un siècle qui, quoiqu’épris de raison, se préoccupe aussi, et toujours davantage, des mouvements du cœur. Cette sensibilité est marquée par le goût de la mélancolie, de l’amour malheureux et des passions, par un sentiment de solitude et d’incompréhension, par la recherche d’une harmonie entre la nature (le paysage) et l’âme de l’individu.
Introduite par Rousseau, cette sensibilité nouvelle se développe avec des auteurs comme Denis Diderot, Mme Roland, André Chénier, Julie de Lespinasse et Jacques Henri Bernardin de Saint-Pierre, ami de Rousseau, qui retrouve les accents de la pastorale pour dépeindre un monde exotique idéal et innocent, dans son roman Paul et Virginie (1788).
→ À lire : Rousseau : Les Confessions. – L’autobiographie. – Analyser une autobiographie.
Genres littéraires
Le XVIIIe siècle voit se développer et se moderniser le roman, tandis que le théâtre (notamment la comédie et le drame bourgeois) prennent une place importante dans la société et dans les débats du temps. En revanche, la poésie reste globalement en retrait.
Roman
Souci de vérité
Le XVIIIe siècle assiste à la mise en place d’une problématique romanesque moderne : celle de la « vérité » du roman. Les auteurs de ce temps sont soucieux de « faire vrai », ou plutôt d’« être vrai », comme si le roman ne tenait sa légitimité que d’être la reproduction parfaite du réel ou, davantage, d’être la réalité elle-même. Cela explique le nombre de récits tout à fait fictifs présentés comme des documents authentiques (romans épistolaires présentés comme des recueils de lettres authentiques, autobiographie fictive présentée comme une autobiographie réelle, etc.).
Face à cette tendance du roman, à cette « imposture » du genre qui prétend nier sa nature véritable (un travail sur le langage, sur la forme et la signification du langage, une création de l’esprit) pour se donner pour une image fidèle, immédiate, du réel, sinon pour le réel lui-même, d’autres romanciers, au premier rang desquels Diderot, commencent à dénoncer, au sein du roman lui-même, le mensonge inhérent à sa nature (Le Neveu de Rameau, Jacques le Fataliste et son maître, tous deux posthumes).
→ À lire : Le roman épistolaire ou par lettres. – La correspondance.
Quelques romanciers
Le XVIIIe siècle est donc un siècle fécond et varié dans le genre romanesque. Jean-François Marmontel, disciple de Voltaire, propose deux romans à thèse : Bélisaire (1767) et Les Incas ou la Destruction de l’empire du Pérou (1777), unissant descriptions pittoresques, intrigues sentimentales et revendication de liberté. Jacques Cazotte, adepte du spiritisme et de l’illuminisme, écrit Le Diable amoureux (1772), que l’on retient comme l’un des premiers grands récits fantastiques français. Restif de la Bretonne, admirateur des Encyclopédistes, produit une œuvre originale, proche dans son esprit de celles de Rousseau (Le Paysan perverti ou les Dangers de la ville, 1775).
Marivaux laisse également des romans (La Vie de Marianne, 1731-1741), de même qu’Alain René Lesage, auteur de l’Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735), récit réaliste et picaresque qui revêt également des aspects de satire politique. L’abbé Prévost compose un roman de l’amour fatal, tableau de la faiblesse humaine confrontée à la misère et tentée par le crime, Manon Lescaut (1731).
Par-delà cette diversité, le XVIIIe siècle voit surtout s’affirmer le roman épistolaire, le roman libertin et le roman philosophique.
Roman épistolaire
Apparu au siècle précédent, le goût du roman par lettres s’accentue au XVIIIe siècle : la correspondance est une pratique sociale répandue, et l’art de bien écrire et de bien converser est toujours prisé.
Les romans épistolaires sont d’autant plus appréciés qu’ils évoquent une intrigue amoureuse et qu’ils sont présentés comme des collections de lettres authentiques, échangées par des personnes réelles. Rousseau, avec Julie ou la Nouvelle Héloïse, connaît un succès sans précédent. Ces échanges de lettres entre la jeune Julie et le chevalier de Saint-Preux, le caractère idéal des personnages et de leur amour, la peinture d’une société idyllique, en harmonie avec la nature, séduisent en effet un public important, gagné à une sensibilité que l’on peut qualifier de préromantique.
Toute différente est la sensibilité du roman de Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782): l’intrigue est ici menée par deux libertins cyniques, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, qui se jouent des autres personnages. La lettre y est le moyen employé pour séduire, tromper, corrompre et même tuer. Ce roman est présenté comme un recueil de lettres véritables par son auteur, non seulement pour lui donner cette dimension « vraie » qui plaît tant, mais aussi pour esquiver le scandale.
→ À lire : Le roman épistolaire ou par lettres. – La correspondance : échange de lettres réelles. – Les genres romanesques.
Roman libertin
Comme l’abbé Prévost et Marivaux, Claude Crébillon, dit Crébillon fils, compose, avec Les Égarements du cœur et de l’esprit (1736), un roman d’analyse sur le sentiment amoureux, mais, en vrai libertin, il bannit tout idéalisme pour souligner la force du désir. Choderlos de Laclos provoque le scandale avec Les Liaisons dangereuses: l’utilisation brillante du genre épistolaire y sert la dénonciation (d’ailleurs ambiguë) d’un libertinage meurtrier, tout en exposant, de façon très audacieuse, le lien entre la volonté de puissance et le désir sensuel.
Le marquis de Sade occupe une place tout à fait à part dans le roman, et dans la catégorie du récit libertin : ses romans ne sont pas des divertissements érotiques, mais la mise en scène d’une cruauté extrême, remettant en cause l’idée même d’humanité. Parmi ses récits, où alternent scènes d’orgie et dissertations philosophiques, citons La Philosophie dans le boudoir (1795), Justine ou les Malheurs de la vertu (1791, 1797 pour La Nouvelle Justine), et Les Cent Vingt Journées de Sodome (écrites avant 1789, publiées seulement en 1931-1935).
Roman philosophique
Avec La Religieuse (1760, édition posthume en 1796), Le Neveu de Rameau (1762-1777) et Jacques le Fataliste et son maître (1765-1773, édition posthume en 1796), Denis Diderot compose le versant romanesque de son œuvre philosophique. Ces récits se lisent en effet à la lumière de ses essais, tandis que ses essais sont illustrés par ces récits.
Lorsque Voltaire adopte la forme (on pourrait dire le masque) de la fiction, il s’impose comme le plus grand conteur de son temps. Dans ses récits, qui sont pour la plupart des récits d’initiation, il expose sa philosophie avec autant de rigueur que dans ses autres écrits. Avec une ironie devenue légendaire, il montre le souci de distraire son lecteur tout en l’amenant à réfléchir sur sa propre relation avec le monde: dans Zadig (1748), il dénonce les caprices de la destinée et remet en question la Providence divine; dans Micromégas (1752), il invite au relativisme dans le domaine de la morale et dans celui de la connaissance, tandis que dans Candide ou l’Optimisme (1759), il opère une vigoureuse critique de l’optimisme obstiné.
→ À lire : Le conte philosophique.
Théâtre
Désormais, au théâtre, les auteurs se montrent moins préoccupés de peindre des types grotesques (dans la comédie) ou des rois en proie à des passions inhumaines (dans la tragédie) que de refléter les travers ou les vertus de l’homme contemporain, c’est-à-dire le bourgeois. La tendance générale est donc à une vision plus réaliste et plus contemporaine des êtres et des situations. Au point de vue de la langue, les vers, jugés trop artificiels, cèdent la place à la prose, plus proche de la vie quotidienne.
Parallèlement, la fonction cathartique de la tragédie classique laisse la place à la fonction moralisatrice du drame bourgeois.
Comédie
Au théâtre, la comédie, délaissée pendant les dernières années, austères, du règne de Louis XIV, renaît à partir de 1715, sous la Régence.
Les principaux représentants en sont Marivaux et Beaumarchais. Le premier, jouant sur le travestissement et le mensonge, s’interroge, avec un grand souci de réalisme psychologique, sur l’amour et ses mille nuances, dans des pièces oscillant sans cesse entre émotion et ironie : La Surprise de l’amour (1722), La Double Inconstance (1723), Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), Les Fausses Confidences (1737).
Introduit à la cour, habile courtisan et homme d’affaires avisé, Beaumarchais utilise la comédie pour faire une satire radicale de la société française, condamnant notamment les privilèges de la naissance et de la fortune, et faisant l’éloge de la liberté dans ses pièces les plus célèbres, Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1784).
→ Exercice : Le théâtre au siècle de Louis XIV.
Drame bourgeois et théâtre moralisateur
Dans le domaine de la tragédie, le XVIIIe siècle se borne à imiter les modèles classiques consacrés avec, par exemple, La Mort de César (1743), de Voltaire. Mais le genre est progressivement remplacé par le drame bourgeois, davantage apte à toucher la sentimentalité du spectateur contemporain.
C’est Diderot qui propose la définition la plus aboutie du drame bourgeois, cette « tragédie domestique et bourgeoise en prose », dont il est le promoteur et le théoricien (Entretiens entre Dorval et moi) et où il s’illustre lui-même, notamment avec Le Fils naturel (1757, représenté en 1771).
Dans ce genre dramatique, des auteurs comme Michel Jean Sedaine ou Louis-Sébastien Mercier obtiennent alors un vif succès. La comédie moralisante d’un Destouches (Le Glorieux, 1732), la comédie larmoyante de Nivelle de La Chaussée, l’opéra-comique, dont Favart (Les Trois Sultanes, 1761) se montre le maître incontesté, le genre de la parade se développent dans le sillage du drame bourgeois.
Musique et théâtre
La mise en musique du Mariage de Figaro (1784) de Beaumarchais par Mozart révèle combien l’époque se passionne pour la musique et l’art lyrique: la « querelle des Bouffons », qui éclate à Paris en 1752, oppose les tenants de la nouvelle musique italienne aux partisans de la musique française, représentée notamment par Lully et par Rameau. En ce siècle passionné de musique, où Gluck réforme l’opéra, les frontières entre les disciplines s’estompent et l’on y voit des philosophes-compositeurs, dont l’exemple le plus célèbre est Jean-Jacques Rousseau.
Époque révolutionnaire
La Révolution française naît de la conjonction entre la situation politique, économique et sociale, d’une part, et l’adhésion d’une certaine partie de la bourgeoisie à la pensée des Lumières, d’autre part. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte fondamental voté en août 1789 par l’Assemblée constituante, pose les fondements de nouvelles valeurs et s’inscrit parfaitement dans la démarche progressiste des Lumières.
Qu’il s’agisse de l’abbé Grégoire, de Camille Desmoulins, du marquis de Sade ou des tribuns de la Révolution comme Danton, Robespierre ou Saint-Just, de quelque bord qu’ils soient (Jacobins ou Girondins ; rationalistes athées, déistes ou catholiques…) et quelle que soit la particularité de leur pensée, tous les individus qui participent au mouvement révolutionnaire sont inspirés par les Lumières.
Parallèlement aux très nombreux écrits et discours politiques, une littérature intimiste se développe à l’époque révolutionnaire, influencée notamment par Rousseau ; devant la tourmente, en effet, l’individu a tendance à se replier sur lui-même. Parmi les auteurs représentatifs de cette sensibilité, citons Mme Roland, mais surtout André Chénier, dont les poèmes représentent la manifestation de loin la plus notable de la poésie de son siècle et annoncent les poètes romantiques du siècle suivant: Victor Hugo le saluera d’ailleurs comme le génie « romantique parmi les classiques ». Auteur notamment des Bucoliques (1785-1787), d’Élégies et d’un Hymne à la justice, Chénier s’enthousiasme d’abord pour le mouvement révolutionnaire, mais condamne les abus de la Terreur et est exécuté.
Le pré-romantisme doit beaucoup, aussi, aux écrivains de l’émigration (Sénac de Meilhan, Mme de Staël, Benjamin Constant, etc.), au premier rang desquels, bien entendu, on peut citer Chateaubriand.
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