Homère : Odyssée

Lumière sur… vous êtes ici

Lumière sur…

Odyssée

– Homère –

Présentation

Portrait d'Homère par Mattia PretiL’Odyssée est une épopée grecque archaïque d’environ 12 000 vers attribuée à Homère. Elle tire son nom du personnage d’Ulysse (Odusseus) dont elle relate le retour à Ithaque après la guerre de Troie.

L’Odyssée est considérée, avec l’Iliade, comme l’un des deux « poèmes fondateurs » de la culture grecque antique et comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale.

L’Odyssée a inspiré un grand nombre d’œuvres littéraires et artistiques au cours des siècles, et le terme « odyssée » est devenu par antonomase un nom commun désignant un « récit de voyage plus ou moins mouvementé et rempli d’aventures singulières ».

→ À lire : Biographie d’Homère. – Iliade. – L’épopée. – Les personnages de l’épopée. – Les Hymnes homériques. – Le Roman de Troie.

Composition générale de l’œuvre
  • Chants I à IV : la Télémachie
  • Chants V à VIII : arrivée d’Ulysse chez les Phéaciens
  • Chants IX à XII : les « récits chez Alcinoos »
  • Chants XIII à XX : retour d’Ulysse à Ithaque et préparatifs de la vengeance
  • Chants XXI à XXIV : la vengeance d’Ulysse
Quel Homère ?

L’auteur de l’Odyssée n’est guère plus facile à identifier que celui de l’Iliade : certains savants pensent qu’il n’y a pas un mais des auteurs, d’autres qu’en tout état de cause les deux épopées ont des auteurs différents. On peut toutefois considérer que l’Odyssée date du VIIIe siècle av. J.-C., qu’elle est postérieure de quelques décennies à l’Iliade, et qu’elle émane d’un auteur unique qui pourrait bien être le vieil Homère. Les arguments en faveur de cette thèse unitaire sont la tradition (qui ne reconnaissait qu’un auteur) et la très comparable maîtrise formelle dont témoignent ces deux grands poèmes.

Le récit d’un voyage difficile
Annonce

Ulysse en proie aux sirènes. Stamnos attique à figure rouge, c. 480–470 av. J.-C. (de Vulci. Inv. GR 1843.11-3.31)Le lecteur moderne qui se plonge dans l’Odyssée y trouve, conformément à son attente, le récit d’une aventure maritime douloureuse : cherchant à rentrer après la guerre de Troie dans son île d’Ithaque, Ulysse, en proie à la haine de Poséidon, se trouve entraîné dans une errance méditerranéenne qui dure près de dix ans et le conduit à faire quantité de rencontres au terme desquelles il finit par perdre tous ses compagnons, jusqu’au dernier. Ce sont successivement celles des Cicones, des Lotophages puis du cyclope Polyphème qu’il aveugle et trompe en se faisant appeler Personne ; d’Éole, le dieu des vents, des Lestrygons anthropophages et de la magicienne Circé qui transforme ses compagnons en cochons et lui permet de rendre visite aux morts dans les Enfers ; des Sirènes, dont un stratagème adroit lui permet d’entendre le chant sans succomber ; de Charybde et Scylla. Perdant ses derniers hommes sur l’île du Soleil, il échoue enfin chez la nymphe Calypso qui le retient plusieurs années avant de le laisser partir sur l’intervention des dieux. Un dernier naufrage le jette au rivage de la Phéacie, où il reçoit l’aide de la jeune Nausicaa puis de son père Alcinoos pour parvenir enfin à Ithaque.

Le retour d’un père, d’un roi, d’un époux, d’un fils

Mais ces aventures nautiques représentent en fait à peine la moitié du poème : l’essentiel en tient même dans les quatre chants (IX à XII) pendant lesquels Ulysse raconte son périple à son hôte Alcinoos. Le reste, et finalement la majorité de l’Odyssée, relate moins l’histoire d’un marin que celle d’un père de famille et chef de domaine qui doit recouvrer ses biens et ses droits. L’Odyssée s’ouvre en effet sur la quête par Télémaque de son père ou — à défaut — de sa mémoire (chants I à IV), et s’achève sur le très long récit (chants XIII à XXIV) de la reprise en main violente de son domaine par Ulysse aux dépens des prétendants qui l’épuisaient sous prétexte de courtiser Pénélope.

La mer et la terre

Paradoxalement donc, Ulysse est d’abord un terrien, un héros qui, après s’être illustré sur terre devant Troie, souhaite — avec un acharnement que même les charmes de Calypso n’émoussent pas — retrouver sa terre d’Ithaque, avec tout ce qu’elle implique de vie domestique, rangée et finalement heureuse, parce que l’abondance et l’étroitesse des liens familiaux y ont leur lieu. Homère détaille ainsi longuement la reprise de contact avec le porcher Eumée, le vieux chien Argos, qui meurt en reconnaissant son maître, la nourrice Euryclée, les servantes, bonnes et mauvaises, le fils, l’épouse fidèle qui toujours a résisté, y compris par la ruse, aux offres des prétendants, enfin le père, Laërte. Ulysse n’est donc marin doué que malgré lui, contraint et forcé qu’il est de faire constamment preuve d’intelligence et d’ingéniosité pour échapper aux fortunes de mer que lui impose Poséidon, rendu furieux par le traitement infligé à Polyphème. La mer de l’Odyssée n’est pas le lieu rêvé du voyage et des joies plaisancières, c’est un milieu stérile et hostile auquel il faut échapper pour être heureux.

La mort, le bonheur, la métis

Par cette quête de la terre et donc du bonheur humain (Ulysse préfère le retour à Ithaque à l’immortalité que lui propose Calypso) et par la conversation d’Ulysse et d’Achille aux Enfers (chant XI), l’Odyssée dialogue avec l’Iliade sur la question de la belle mort : celle-ci, gagnée au combat dans la fleur de l’âge, donne la gloire immortelle, mais prive du bonheur terrestre, fait d’un vieillissement tranquille au milieu des siens, au besoin dans l’obscurité. Achille a consacré sa force à l’obtention de la première ; Ulysse puise dans ses ressources d’intelligence et de ruse (éventuellement de mensonge et de manipulation) — toutes qualités que les Grecs rassemblaient sous le terme de métis — pour atteindre le second. C’est en ce sens qu’on peut voir (avec Pierre Vidal-Naquet) dans l’Iliade la mère des tragédies, dans l’Odyssée celle des comédies.

Extrait : Chant XIX
Annonce

De retour à Ithaque, Ulysse ne se fait pas reconnaître immédiatement, il lui faut surmonter une dernière épreuve et connaître les sentiments et la fidélité de Pénélope envers un époux demeuré si longtemps absent. Ulysse apprend de la sorte quelle fut la ruse de Pénélope pour ne pas céder à l’obstination de ses prétendants. C’est un drap mortuaire que la reine tissait, mais, en le défaisant chaque nuit, elle retardait le trépas de sa famille.

PÉNÉLOPE. — Ce que je veux d’abord te demander, mon hôte, c’est ton nom et ton peuple, et ta ville et ta race.
Ulysse l’avisé lui fit cette réponse :
ULYSSE. — O femme ! est-il mortel, sur la terre sans bornes, qui te pourrait blâmer ? Non ! ta gloire a monté jusques aux champs du ciel ! et l’on parle de toi comme d’un roi parfait, qui, redoutant les dieux, vit selon la justice. Pour lui, les noirs sillons portent le blé et l’orge ; l’arbre est chargé de fruits ; le troupeau croit sans cesse ; la mer pacifiée apporte ses poissons, et les peuples prospèrent. Aussi, dans ta maison, tu peux m’interroger sur tout ce qu’il te plaît ; mais ne demande pas ma race et ma patrie ; en me les rappelant, tu ne feras encor qu’augmenter mes souffrances : je suis si malheureux !
Dans la maison d’autrui, il ne faut pas toujours gémir, se lamenter ; geindre sans fin n’est pas la meilleure attitude… qui sait ? quelque servante agacée ou toi-même, vous finirez par mettre au compte de l’ivresse ce déluge de larmes.
La plus sage des femmes, Pénélope reprit :
PÉNÉLOPE. — Étranger, ma valeur, ma beauté, mes grands airs, les dieux m’ont tout ravi lorsque, vers Ilion, les Achéens partirent, emmenant avec eux Ulysse mon époux ! Ah ! s’il me revenait pour veiller sur ma vie, que mon renom serait et plus grand et plus beau ! Je n’ai plus que chagrins : tant le ciel me tourmente ! Tout m’est indifférent, les suppliants, les hôtes, et même les hérauts, qui servent le public. Le seul regret d’Ulysse me fait fondre le cœur. Ils pressent cet hymen. Moi, j’entasse les ruses. Un dieu m’avait d’abord inspiré ce moyen. Dressant mon grand métier, je tissais au manoir un immense linon et leur disais parfois : « Mes jeunes prétendants, je sais bien qu’il n’est plus, cet Ulysse divin ! mais, malgré vos désirs de hâter cet hymen, permettez que j’achève ! tout ce fil resterait inutile et perdu. C’est pour ensevelir notre seigneur Laërte : quand la Parque de mort viendra, tout de son long, le coucher au trépas, quel serait contre moi le cri des Achéennes, si cet homme opulent gisait là sans suaire ! ».

(Homère, Odyssée, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1955)

📽 15 citations choisies d’Homère

Articles connexes

Suggestion de livres

L'Iliade et l'OdysséeTout Homère
L'Odyssée d'HomèreL’Odyssée -Les poèmes épiques d'Homère- Edition Integrale: Collector

[➕ Autres choix…]

Annonce

À lire également...

EspaceFrancais.com

You cannot copy content of this page