Jean Cocteau

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Jean Cocteau

1889 – 1963

Jean Cocteau, né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte et mort le 11 octobre 1963 à Milly-la-Forêt, est un poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste français. Il côtoie dès l’âge adulte les figures littéraires et artistiques de premier plan comme Marcel Proust et Igor Stravinsky. Artiste complet, dandy parisien et touche-à-tout de génie, Jean Cocteau se mêle à toutes les avant-gardes : dadaïstes, futuristes et cubistes. Il est élu à l’Académie française en 1955.

Éclectisme et avant-garde

Jean Cocteau en 1945 (Studio Harcourt).Né à Maisons-Laffitte, Jean Cocteau est issu d’une famille de bourgeois fortunés, cultivés et musiciens. Son père vit de ses rentes, aime dessiner et peindre, mais en 1898, s’imaginant ruiné, il se suicide. L’enfant s’en trouve profondément affecté. Il fait des études médiocres, échoue au baccalauréat, mais se sent très tôt attiré par la littérature. Sa famille l’encourage dans ce sens.

C’est en 1909, âgé de vingt ans, qu’il publie son premier recueil de poèmes, La Lampe d’Aladin, suivi en 1910 du Prince frivole, tous deux désavoués plus tard. En cette même année 1910, il découvre les Ballets russes, se lie à Serge de Diaghilev (qui lui « déniaisa l’esprit ») et donne son premier essai au théâtre, Portrait surnaturel de Dorian Gray. Puis il écrit le livret d’un ballet (La Patience de Pénélope), des poésies (La Danse de Sophocle, 1911), dessine les affiches pour les Ballets russes et donne un argument chorégraphique, Le Dieu bleu (1912), dansé par Nijinski. Ébloui par Le Sacre du printemps (1913) d’Igor Stravinsky, il décide de se ranger du côté des modernes.

Au moment de la déclaration de la Première Guerre mondiale, il donne des textes et des dessins patriotiques dans Le Mot, et, en 1915, le pilote Roland Garros l’initie à l’acrobatie aérienne, expérience qui inspirera son poème Le Cap de Bonne-Espérance (1919). Mais auparavant, en 1916, il devient convoyeur de la Croix-Rouge et intègre clandestinement un bataillon de fusiliers marins. De retour du front, où son imposture est découverte, il rencontre Pablo Picasso, se lie avec le musicien Erik Satie, fréquente Guillaume Apollinaire, Pierre Reverdy, Blaise Cendrars et Max Jacob. C’est alors qu’il écrit L’Ode à Picasso (1916), dans un style d’avant-garde.

Provocation et musique

L’année 1917 est celle de création de Parade, dont il a écrit l’argument, sur une musique de Satie. La première du ballet déclenche un scandale considérable, et Cocteau est momentanément assimilé au mouvement Dada. Passionné par les nouveaux courants musicaux français, il écrit un essai sur la musique, Le Coq et l’Arlequin (1918), forme et préside le groupe des Six. Noctambule effréné, Cocteau est un peu, à cette époque, l’« enfant chéri » de l’avant-garde intellectuelle et artistique. En 1919 toutefois, sa rencontre avec Raymond Radiguet — qui le pousse à faire l’expérience de la forme romanesque — l’éloigne de cette avant-garde. Le Potomak, recueil de textes et de dessins (1919, édition définitive en 1924) certes provocateur mais de facture plus classique, en est le premier signe. Il écrit, par ailleurs, une farce musicale avec Darius Milhaud (Le Bœuf sur le toit, créé en 1920), publie un nouveau recueil de poésies (Escales, 1920), donne une pantomime avec les musiciens du groupe des Six (Les Mariés de la tour Eiffel, 1921) et achève une pièce de théâtre en collaboration avec Raymond Radiguet et Francis Poulenc, Le Gendarme incompris (1921).

Lumière sur les pantomimes.

Les années folles

Touche-à-tout plein d’énergie, Cocteau travaille dans toutes les disciplines et fait alterner les poésies de création avec des textes d’analyse et de réflexion (Le Secret professionnel, 1922 ; Le Rappel à l’ordre, 1926 ; Le Mystère laïc, 1928). Il édite confidentiellement et sans nom d’auteur Le Livre blanc (1928), ouvrage sur sa bisexualité, et analyse dans Opium (1930) son expérience de la drogue, vers laquelle il s’est tourné après la mort de Radiguet (« La Chine fume pour se rapprocher de ses morts. »). Au cours de ces mêmes années, il donne une série de romans de facture assez classique : Thomas l’imposteur, le Grand Écart (1923) et Les Enfants terribles (1929), dans lesquels il traduit, en un style économe et musical, l’esprit et le mal de vivre d’une époque.

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La musique reste un de ses centres d’intérêt. Il écrit, entre autres, une opérette avec Darius Milhaud (Le Train bleu, 1924), des ballets (Les Biches, les Fâcheux, 1924), un opéra-oratorio pour Stravinski (Œdipus Rex, 1927). Pour le théâtre, il interroge principalement la mythologie et la tragédie grecques, qui lui permettent de développer des thèmes récurrents de son œuvre (l’amour impossible, la mort, etc.), dans des versions d’Antigone (1922), mise en musique par Arthur Honegger, d’Orphée (1927) et d’Œdipe Roi (1928). Il publie toujours des poèmes à la facture originale et fascinante : Vocabulaire (1922), La Rose de François et Plain-Chant (1923), L’Ange Heurtebise, Cri écrit, Pierre mutilée (1925), Opéra (1927). Son rapprochement avec le groupe surréaliste est vite interrompu par une brouille avec André Breton, qui le qualifie d’« imposteur de la poésie ». Tourmenté par son athéisme, il écrit aussi la Lettre à Jacques Maritain (1926) et laisse libre cours à ses pulsions homosexuelles dans 25 dessins d’un dormeur (1929).

Plénitude

La diversité de ses activités artistiques, son indépendance d’esprit et sa présence sur tous les fronts culturels déplaisent à beaucoup. On le traite souvent d’artiste superficiel et de mondain exhibitionniste. Indifférent à ces calomnies, Cocteau continue d’explorer le théâtre grec et les nouvelles formes de communication, puis reprend le journalisme avec des Portraits-Souvenirs (1935) destinés au Figaro, ainsi qu’avec une suite de reportages sur le pari de faire le tour du monde en quatre-vingt jours, comme le héros de Jules Verne, expérience dont il tire Mon premier voyage (1936). À partir de 1937, il devient chroniqueur régulier à Ce soir, et continue de publier dans les quotidiens et les hebdomadaires jusqu’à sa mort.

C’est en 1930 qu’il se lance dans la réalisation cinématographique avec Le Sang d’un poète, film non narratif, truffé de trouvailles visuelles et sonores qui font date. Débordant d’activité, il multiplie ses productions : théâtre musical (Cantate avec Markevitch, 1930), essai (Essai de critique indirecte, 1932), chansons parlées pour Marianne Oswald, poésie (Énigmes, 1938), roman (La Fin du Potomak, 1940). C’est aussi la période de sa maturité comme dramaturge avec La Voix humaine (1930), bouleversant monologue d’une femme qui, pour la dernière fois, parle au téléphone avec son amant ; La Machine infernale (1934), Les Chevaliers de la Table ronde (1937), qui retrace comme en blasons la geste du Graal, Les Parents terribles (1938), sans doute son chef-d’œuvre dans ce registre, qui consacre son ami Jean Marais.

Temps de guerre

En 1940, après l’exode, il remonte à Paris et se consacre d’abord au théâtre, avec notamment Le Bel Indifférent (1940) — monologue déchirant écrit pour Édith Piaf —, La Machine à écrire (1941), puis à la poésie (Allégories, 1941 ; Léone, 1945). Il écrit plusieurs scénarios pour le cinéma : Le Baron Fantôme, 1942), de Serge de Poligny, L’Éternel Retour (1943), de Jean Delannoy, et les dialogues des Dames du bois de Boulogne, de Robert Bresson (1945). Il réalise lui-même La Belle et la Bête (1946), d’après le conte de Mme Leprince de Beaumont. Cette féerie, magnifiée par Jean Marais dans un double rôle, fait aussitôt accéder Cocteau au rang de réalisateur majeur.

Cinéma

Après la Seconde Guerre mondiale, le cinéma occupe désormais la majeure partie de son temps. Il rédige entièrement ou participe à l’écriture de scénarios, de dialogues ou de commentaires (Ruy Blas, de Pierre Billon, 1947 ; Les Enfants terribles, de Jean-Pierre Melville, 1950 ; La Couronne noire, de Luis Saslavski, 1952 ; La Princesse de Clèves, de Jean Delannoy, 1961 ; etc.). Il réalise l’adaptation de sa pièce L’Aigle à deux têtes (1947), celle des Parents terribles (1948), où il abat les frontières entre cinéma et théâtre avec un génie qui fait date, puis triomphe avec Orphée (1950), œuvre fantastique et moderne sur la poésie et la mort pour, enfin, conclure son œuvre cinématographique par Le Testament d’Orphée (1959), qui fait éclater les codes de représentation cinématographique avec une liberté admirable et un humour désenchanté. Ses inventions visuelles et son style poétique marquent aussi les auteurs de la Nouvelle Vague, qui revendiqueront franchement son influence. Il publie aussi des Entretiens autour du cinématographe (1951) avec André Fraigneau, qui deviennent une bible pour les artistes metteurs en scène.

Consécration
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Cocteau n’en poursuit pas moins son œuvre littéraire avec des poésies (La Crucifixion, 1946 ; Le Chiffre sept, 1952 ; Appogiatures, 1953 ; Clair-Obscur, 1954 ; Le Cordon ombilical, 1961 ; Le Requiem, 1962), des mimodrames (Le Jeune Homme et la Mort, 1946), des ballets (Phèdre, 1950), des pièces de théâtre (Bacchus, 1951), des essais (La Difficulté d’être, 1947 ; Lettre aux Américains, 1949 ; Modigliani, 1950 ; Jean Marais, 1951 ; Gide vivant, 1952).

Jean Cocteau a été membre de l’Académie française de 1955 à sa mort.

🎥 Citations choisies de Jean Cocteau
  • Le bonheur d’un ami nous enchante. Il nous ajoute. Il n’ôte rien. Si l’amitié s’en offense, elle n’est pas. (La Difficulté d’être)
  • La jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut. (La Difficulté d’être)
  • L’enfance sait ce qu’elle veut. Elle veut sortir de l’enfance. (La Difficulté d’être)
  • Il n’y a pas de précurseurs, il n’existe que des retardataires. (Le Potomak)
  • Un chef-d’œuvre de la littérature n’est jamais qu’un dictionnaire en désordre. (Le Potomak)
  • La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve. (Le Rappel à l’ordre)
  • Un beau livre, c’est celui qui sème à foison les points d’interrogation. (Le Rappel à l’ordre)
  • Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi. (Discours de réception à l’Académie Française)
  • Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus avant de renvoyer les images. (Le Sang d’un poète)
  • Les rêves sont la littérature du sommeil. (Le Mystère laïc)
  • Il est indispensable de se sacrifier quelquefois. C’est l’hygiène de l’âme. (Les Parents terribles)
  • Le temps est élastique. Avec un peu d’adresse on peut avoir l’air d’être toujours dans un endroit et être toujours dans un autre. (Les Parents terribles)
  • Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. (Les Mariés de la Tour Eiffel)
  • Les miroirs sont les portes par lesquelles la Mort va et vient. (Orphée)
  • Le libre arbitre est l’alibi de Dieu. (Bacchus)
  • La richesse est une aptitude, la pauvreté de même. (Les Enfants terribles)
  • C’est dans les prisons que l’idée de liberté prend le plus de force et peut-être ceux qui enferment les autres dedans risquent-ils de s’enfermer dehors. (L’Impromptu)

Autres citations de Jean Cocteau.

Bibliographie

Poésie

  • 1909 : La Lampe d’Aladin
  • 1910 : Le Prince frivole
  • 1912 : La Danse de Sophocle – Prix Jules-Davaine de l’Académie française en 1913
  • 1919 : Ode à Picasso
  • 1919 : Le Cap de Bonne-Espérance
  • 1920 : Escale
  • 1920 : Poésies (1917-1920)
  • 1922 : Vocabulaire
  • 1923 : La Rose de François
  • 1923 : Plain-Chant
  • 1925 : Cri écrit
  • 1926 : L’Ange Heurtebise
  • 1927 : Opéra
  • 1934 : Mythologie (publié avec dix lithographies de Giorgio De Chirico)
  • 1939 : Énigmes
  • 1941 : Allégories
  • 1945 : Léone
  • 1946 : La Crucifixion
  • 1948 : Poèmes
  • 1952 : Le Chiffre sept
  • 1952 : La Nappe du Catalan (en collaboration avec Georges Hugnet)
  • 1953 : Dentelles d’éternité
  • 1953 : Appoggiatures
  • 1954 : Clair-obscur
  • 1958 : Paraprosodies
  • 1961 : Cérémonial espagnol du Phénix
  • 1961 : La Partie d’échecs
  • 1962 : Le Requiem
  • 1968 : Faire-Part (posthume)

Romans et récits

  • 1919 : Le Potomak (édition définitive 1924)
  • 1923 : Le Grand Écart
  • 1923 : Thomas l’imposteur
  • 1928 : Le Livre blanc
  • 1929 : Les Enfants terribles
  • 1940 : La Fin du Potomak
  • 2012 : La Croisière aux émeraudes (posthume)

Théâtre, musique et ballet

  • 1912 : Le Dieu bleu, musique de Reynaldo Hahn, chorégraphie de Michel Fokine, décors et costumes de Léon Bakst
  • 1917 : Parade, musique d’Erik Satie, chorégraphie de Léonide Massine, décors et costumes de Pablo Picasso
  • 1921 : Les Mariés de la tour Eiffel, musique de Georges Auric, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre
  • 1921 : Le Gendarme incompris critique bouffe de Jean Cocteau et Raymond Radiguet, musique Francis Poulenc, mise en scène Pierre Bertin, Théâtre Michel
  • 1922 : Antigone
  • 1924 : Les Biches, musique de Francis Poulenc, chorégraphie de Bronislava Nijinska, décors et costumes de Marie Laurencin
  • 1924 : Roméo et Juliette, musique de Roger Desormière, décors et costumes de Jean Hugo
  • 1926 : Orphée
  • 1927 : Oedipus Rex, musique de Igor Stravinsky
  • 1930 : La Voix humaine
  • 1934 : La Machine infernale
  • 1936 : L’École des veuves A.B.C.
  • 1937 : Œdipe roi
  • 1937 : Les Chevaliers de la Table ronde
  • 1938 : Les Parents terribles
  • 1940 : Les Monstres sacrés
  • 1940 : Le Bel Indifférent
  • 1941 : La Machine à écrire
  • 1943 : Renaud et Armide
  • 1943 : L’Épouse injustement soupçonnée
  • 1944 : L’Aigle à deux têtes
  • 1946 : Le Jeune Homme et la Mort, ballet de Roland Petit
  • 1948 : Théâtre I et II (rassemblant des pièces déjà publiées)
  • 1951 : Bacchus
  • 1960 : Nouveau théâtre de poche
  • 1962 : L’Impromptu du Palais-Royal
  • 1963 : Ballett Theater, ouvrage collectif : Jean Cocteau – Carl Orff – Rudolf Betz, Werner Egk – Hermann Frieb
  • 1971 : Le Gendarme incompris (posthume, en collaboration avec Raymond Radiguet)

Œuvres cinématographiques (sélection)

  • 1930 : Le Sang d’un poète
  • 1946 : La Belle et la Bête
  • 1948 : Les Parents terribles
  • 1950 : Orphée
  • 1951 : La Villa Santo-Sospir
  • 1960 : Le Testament d’Orphée

Articles connexes

Suggestion de livres


La Difficulté d’être

Dessins d’une vie

La Machine infernale

Antigone – Les Mariés de la Tour Eiffel

Antigone et le mythe d’Œdipe

Les Enfants terribles

La Voix humaine

L’Inconcevable Jean Cocteau
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