Jean Racine : Andromaque (1667)

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Andromaque (1667)

– Jean Racine –

Sommaire

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Présentation
La tragédie des amours sans retour
Une parfaite adéquation des règles dramatiques
Une actualité renouvelée
Une tragédie adaptée au cinéma et au théâtre moderne

👤 Jean Racine
Né le 21 ou le 22 décembre 1639 et décédé le 21 avril 1699, Jean Racine est un dramaturge français, historiographe de Louis XIV, qui fut le représentant le plus emblématique de la tragédie classique française. L’économie du propos, la rigueur de la construction, la maîtrise de l’alexandrin et la profondeur de l’analyse psychologique ont élevé le corpus racinien au rang de modèle classique… [Lire la suite de sa biographie]

→ À lire aussi : Phèdre (1677) de Jean Racine. – La tragédie classique.

Présentation

Créée par la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, devant la cour, le 17 novembre 1667, et publiée en janvier 1668, Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine. Elle est l’une de ses premières grandes tragédies et marque son ascension sur la scène classique française.

Inspirée de la mythologie grecque, la pièce met en scène les tourments de l’amour non partagé dans une mécanique implacable où chacun aime sans être aimé en retour.

Avec une écriture d’une grande finesse et une tension dramatique saisissante, Racine explore les dilemmes du cœur et les fatalités du pouvoir. Andromaque incarne cette tragédie racinienne où le désir, l’honneur et le destin s’entrelacent jusqu’à la catastrophe finale.

La tragédie des amours sans retour

L’action d’Andromaque se situe après la légendaire guerre de Troie, remportée par les Grecs. Le fils d’Achille, le Grec Pyrrhus, est tombé amoureux de sa captive Andromaque, la veuve du Troyen Hector. Il est lui-même l’objet de la passion d’Hermione, qu’Oreste, de son côté, aime d’un amour fou. Andromaque est partagée entre sa fidélité à la mémoire de son mari et son désir de sauver son fils, également prisonnier. Soumise aux pressions de Pyrrhus, elle finit par accepter de l’épouser. Hermione demande alors à Oreste de lui prouver son amour en assassinant Pyrrhus. Peu après l’accomplissement du meurtre, il apprend le suicide d’Hermione, désespérée, et sombre dans la folie.

Andromaque est la troisième pièce écrite par Jean Racine, qui est alors âgé de vingt-huit ans. Mais après La Thébaïde et Alexandre le Grand, c’est la première tragédie dans laquelle l’auteur dramatique, abandonnant le registre romanesque à la mode, affirme son originalité. Il renouvelle le schéma traditionnel des amours incomprises, les transformant en instrument de la fatalité. Les sentiments sont décalés. Les couples ne parviennent pas à se constituer de façon harmonieuse, la passion n’étant pas partagée : chacun aime qui ne l’aime pas et est aimé par qui il n’aime pas. L’incompréhension est totale, irrémédiable, et produit une aliénation insupportable, porteuse de mort.

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Johan Ludwig Gebhard Lund, Pyrrhus et Andromaque au tombeau d'Hector (Pyrrhus and Andromache at Hector's Tomb), Statens Museum for Kunst, entre 1807 et 1811

⬆ Johan Ludwig Gebhard Lund, Pyrrhus et Andromaque au tombeau d’Hector (Pyrrhus and Andromache at Hector’s Tomb), Statens Museum for Kunst, entre 1807 et 1811.

Une parfaite adéquation des règles dramatiques

Sous la distanciation temporelle et géographique, Andromaque révèle clairement la situation idéologique et historique de l’époque. Esthétiquement, la pièce s’inscrit dans le fonctionnement du théâtre régulier avec lequel Jean Racine, contrairement à Pierre Corneille, est en parfaite adéquation. Les différents éléments de l’action, intimement liés, concourent à former un ensemble homogène et les conflits d’intérêts entre les personnages les font paradoxalement apparaître comme solidaires, confondus dans une communauté de destin. L’utilisation d’un unique lieu clos rend parfaitement compte de l’enfer créé par l’obligation d’une cohabitation insupportable. Le déroulement de l’action sur une courte période (six heures) permet de mettre en scène l’acmé d’une crise. Ainsi la fatalité peut apparaître dans toute sa pureté et dans toute son inexorabilité, témoignant à la fois de la vision pessimiste du jansénisme et de la voie étroite que le système monarchique instauré par Louis XIV laisse à la liberté de l’individu.

→ À lire : Le jansénisme.

Une actualité renouvelée

La modernité de la pièce, au XVIIe siècle, se manifeste également, comme souvent dans le théâtre de Racine, par l’importance du rôle joué par la femme, en liaison avec le développement du féminisme suscité par le courant précieux : Andromaque et Hermione possèdent l’initiative, et manipulent Pyrrhus et Oreste, qui sont comme des pantins entre leurs mains. Et la modernité de l’œuvre, encore de nos jours, tient dans la réflexion sur le pouvoir qu’elle véhicule, par la conception d’un monde absurde qui la sous-tend ou encore par la place qu’elle accorde au jeu de l’inconscient.

→ À lire : Les ogres et les ogresses.

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Une tragédie adaptée au cinéma et au théâtre moderne

Des mises en scène revisitées : entre classicisme et modernité

Depuis le XVIIe siècle, Andromaque n’a cessé d’être jouée, chaque époque y projetant ses préoccupations et ses sensibilités artistiques. Au théâtre, certains metteurs en scène ont choisi de respecter l’esthétique classique avec costumes d’époque et alexandrins déclamés, tandis que d’autres ont pris le parti de la transposition dans des contextes plus contemporains.

▪ Patrice Chéreau (1983) : sa mise en scène à Avignon, brutale et viscérale, a marqué les esprits en mettant l’accent sur la violence des passions et les jeux de pouvoir, dans un décor épuré qui renforçait l’universalité du drame.

▪ Stéphane Braunschweig (2010) : dans une lecture plus psychologique, il a replacé Andromaque dans un univers austère, mettant en lumière l’enfermement des personnages dans leurs désirs et leur impuissance à s’en libérer.

▪ Declan Donnellan (2017) : avec sa compagnie Cheek by Jowl, il a transposé la pièce dans un cadre plus actuel, jouant sur la proximité avec le public et la modernisation des costumes et des postures pour faire ressortir l’intemporalité du texte.

L’influence du cinéma et des séries sur la réinterprétation d’Andromaque

Même si Andromaque n’a pas été adaptée directement au cinéma de manière grand public, ses thématiques et ses figures tragiques trouvent un écho dans de nombreuses œuvres audiovisuelles.

▪ Des héroïnes raciniennes dans les séries et films modernes : des personnages comme Hermione, consumée par la jalousie et le rejet, peuvent être rapprochés de figures comme Cersei Lannister (Game of Thrones) ou Satine (Moulin Rouge !), des femmes prêtes à tout par amour ou vengeance.

▪ Le dilemme du pouvoir et du sentiment : Pyrrhus, tiraillé entre son devoir royal et son amour pour Andromaque, rappelle des personnages comme Anakin Skywalker (Star Wars), partagé entre ses désirs personnels et ses obligations politiques.

▪ Une mécanique implacable du destin : l’enchaînement des événements dans Andromaque, où chaque personnage est pris au piège de ses propres émotions, rappelle des films tragiques comme Requiem for a Dream ou Roméo + Juliette de Baz Luhrmann.

Une réinterprétation à l’ère numérique : entre accessibilité et réinvention

Aujourd’hui, Andromaque bénéficie d’une redécouverte grâce aux nouveaux médias :

▪ Les captations théâtrales en ligne (notamment via la Comédie-Française ou des plateformes comme France.tv) permettent au grand public d’accéder à la pièce sans être contraint par la distance ou le coût.

▪ Les podcasts et chaînes YouTube (telles que La Compagnie des Auteurs ou Théâtre & Canapé) décryptent Andromaque sous un angle moderne, rendant Racine plus accessible.

▪ Des adaptations revisitées sur TikTok et Instagram voient des comédiens réinterpréter des extraits en modernisant la mise en scène ou en jouant sur des parallèles avec des situations contemporaines.

Grâce à ces adaptations et ces réinterprétations, Andromaque continue de parler à notre époque. Son exploration des passions destructrices, des jeux de pouvoir et du destin implacable en fait une œuvre intemporelle, capable de résonner aussi bien dans un théâtre classique que sur une plateforme numérique.

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