La cantate

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La cantate

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Présentation

La cantate est une composition lyrique, une espèce d’ode dans le genre héroïque ou gracieux, faite pour être mise en musique. La cantate est composée de deux parties: le récitatif ou le récit et l’air ou le chant.

💡 Info
Le mot cantatille (nom féminin) existe mais il est peu usité. Il désigne une petite cantate, généralement à une seule voix.

→ À lire : La poésie lyrique. – Les thèmes lyriques. – L’ode. – L’ode héroïque.

Les règles du récitatif et de l’air

Le récitatif, qui est plus élevé ou plus simple suivant la nature du sujet, présente l’objet à l’esprit. L’air exprime le sentiment ou la réflexion qu’a dû faire naître la vue de cet objet. De ce fait, il est produit deux sortes de musique et aussi deux sortes de poésie.

Le récitatif commence, l’air suit, puis un autre récitatif, puis encore un autre air. Les récitatifs n’excèdent pas ordinairement le nombre de trois. Il en est de même des airs. Le récitatif est plus doux, plus simple. L’air est plus vif, plus animé.

Les vers des récitatifs doivent être d’une mesure inégale, parce qu’ils sont ainsi plus favorables à l’harmonie du chant. Ils peuvent être de huit, de dix, de douze syllabes, mais jamais au-dessous de huit. Les airs, qui doivent être remplis par des monologues ou des réflexions morales que le poète tire de ce qui fait la matière de ses récits, admettent des vers de  toute mesure, à l’exception de ceux de douze pieds : la majesté du vers alexandrin ne se prêterait point assez aux chutes et à la vivacité d’un air de mouvement.

Les règles de la cantate relatives au sujet et au style

Il faut choisir pour sujet d’une cantate quelque fait historique ou fabuleux, d’où l’on puisse tirer naturellement des réflexions morales. Ce poème doit être, suivant Jean-Baptiste Rousseau, une allégorie exacte dont les récitatifs soient le corps, et les airs l’âme et l’application. Il admet la même noblesse d’idées, la même pompe d’expressions que l’ode ; mais il en rejette les écarts et les désordres. Ils seraient incompatibles avec l’art et la sagesse qu’il faut pour soutenir une allégorie.

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Le style du récitatif doit avoir plus d’énergie et d’élévation que celui de l’air, qui doit être plus vif et plus animé.

→ À lire : Le style littéraire. – La langue et le style.

L’origine et l’histoire de la cantate

La cantate, de l’italien cantata, formé de cantare, chanter, a été empruntée à l’Italie par Jean-Baptiste Rousseau, qui en a enrichi la littérature française. Ce poète en a tracé les règles, et les a suivies exactement dans les magnifiques compositions qu’il nous a laissées en ce genre.

Ces règles, toutefois, ne sont pas absolument obligatoires. C’est ainsi que Casimir Delavigne et Alphonse de Lamartine ont remplacé les airs par des chœurs, le premier dans sa belle cantate des Troyennes, et le second dans sa magnifique Cantate pour les enfants d’une maison de charité. Cette dernière composition s’éloigne encore des règles générales du genre, en ce qu’elle n’est empruntée ni à l’histoire, ni à la fable. Le sujet en est religieux et sans allégorie, et il n’en a pas moins donné lieu à l’une des plus belles cantates françaises.

Les sortes de cantate

Il y a des cantates dans le genre noble et dans le genre gracieux. Jean-Baptiste Rousseau offre de parfaits modèles des deux espèces. Dans le premier genre, il y a celle de Circé, que Jean-François de La Harpe appelle « un des chefs-d’œuvre de la poésie française ». Peut-on rien ajouter à la beauté du tableau où le poète représente cette magicienne ayant recours aux secrets de son art pour rappeler Ulysse ?

Sur un autel sanglant, l’affreux bûcher s’allume.
………………………. d’horribles sifflements.

Dans le genre gracieux, la cantate de Céphale offre les images les plus douces et les plus riantes :

La nuit d’un voile obscur couvrait encore les airs,
………………………. goûter la douceux.

Il en est de même de celle de l’Arbrisseau :

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Jeune et tendre arbrisseau, l’espoir de mon verger,
………………………. sous les gazons.

Pour finir, on peut dire que si le mérite de Jean-Baptiste Rousseau en ce genre est incontestable, il est regrettable de voir ce poète, dans toutes ses cantates, n’employer que des allégories païennes, et sacrifier tout à la plus déplorable des passions.

Lamartine : Extrait de la Cantate pour les enfants d’une maison de charité

RÉCITATIF

Le temple de Sion était dans le silence;
Les saints hymnes dormaient sur les harpes de Dieu;
Les foyers odorants que l’encensoir balance
S’éteignaient; et l’encens, comme un nuage immense,
S’élevait en rampant sur les murs du saint lieu.

Les docteurs de la loi, les chefs de la prière,
Étaient assis dans leur orgueil;
Sous leurs sourcils pensifs ils cachaient leur paupière,
Ou lançaient sur la foule un superbe coup d’œil;
Leur voix interrogeait la timide jeunesse,
Les rides de leur front témoignaient leur sagesse;

Respirant du Sina l’antique majesté,
De leurs cheveux blanchis, de leur barbe touffue,
On croyait voir glisser sur leur poitrine nue
La lumière et la chanté,
Comme des neiges des montagnes
Descendent, ô Sarôn, sur tes humbles campagnes
Le jour et la fertilité !

Un enfant devant eux s’avança, plein de grâce;
La foule, en l’admirant, devant ses pas s’ouvrait,
Puis se refermait sur sa trace;
Il semblait éclairer l’espace
D’un jour surnaturel que lui seul ignorait.

Des ombres de sa chevelure
Son front sortait, comme un rayon
Échappé de la nue obscure
Éclaire un sévère horizon.

Ce front pur et mélancolique
S’avançait sur l’œil inspiré,
Tel qu’un mystérieux portique
S’avance sur un seuil sacré.

L’éclair céleste de son âme
S’adoucissait dans son œil pur,
Comme une étoile dont la flamme
Sort plus douce des flots d’azur.

Il parla ; les sages doutèrent
De leur orgueilleuse raison,
Et les colonnes l’écoutèrent,
Les colonnes de Salomon !

PREMIÈRE VOIX.

O merveilleuse histoire ! ô prodiges étranges
Que la mère à ses fils se plaît a raconter !

DEUXIÈME VOIX.
Que disait cet enfant ?

PREMIÈRE VOIX.
Interrogez les anges,
Eux seuls pourraient le répéter.

DEUXIÈME VOIX.
D’où sortait ce Joas ?

PREMIÈRE VOIX.
De l’ombre de la vie,
De l’exil, du silence et de la pauvreté.

DEUXIÈME VOIX.
Comment disparut-il de la foule ravie ?

PREMIÈRE VOIX.
Il rentra dans l’obscurité.
Dans les humbles travaux d’une vie inconnue,
Comme l’aurore sous la nue,
Il se cacha vingt ans dans son humilité ;
On ne le revit plus qu’à la fin du mystère,
Enseignant le ciel à la terre,
Sur le sable ou sur l’eau semant la vérité ;
Puis, traînant son supplice au sommet du Calvaire,
De l’homme qu’il aimait, victime volontaire,
Revêtir l’iniquité,
Arroser de son sang sa semence prospère,
Et payer à son Père
Le monde racheté.

LE CHŒUR.
Du sage et de l’enfant c’est le maître sublime,
C’est le flambeau qui nous luit,
C’est l’âme qui nous anime,
Le chemin qui nous conduit !

(Alphonse de Lamartine, « Harmonie XI. Cantate pour les enfants d’une maison de charité », in Harmonies poétiques et religieuses, Livre III, 1831, p. 243)

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