La caricature

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Lumière sur…

La caricature

Tous les autres voyageurs, alignés et muets, […] avaient l’air d’une collection de caricatures, d’un musée des grotesques, d’une série de charges de la face humaine […].

(Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, La Dot, 1884)

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Introduction

Manuel Luque (1854-1919), Caricature représentant Stéphane Mallarmé sous les traits du dieu Pan.

Caricature et charge ont le même sens et la même étymologie (en italien, caricare, charger). La caricature s’applique au dessin ou à la peinture et également aux œuvres littéraires. Elle désigne la représentation graphique et grotesque soit d’une personne, soit d’un fait qu’on veut ridiculiser. La caricature se dit de tout trait qui ajoute à la nature quelque chose de forcé, d’exagéré, de bouffon.

La frontière entre caricature, satire, parodie et grotesque est assez problématique. Voici néanmoins la définition traditionnelle de la caricature.

Elle est :

  • un dessin, peinture qui, par le trait, le choix des détails, accentue ou révèle certains aspects (ridicules, déplaisants) ;
  • une description comique ou satirique, par l’accentuation de certains traits (ridicules, déplaisants) ;
  • une personne laide et ridiculement accoutrée.

Dans la caricature, la déformation et la dérision sont des traits essentiels. Cet idéogramme oblige le spectateur à devenir lecture en établissant un lien entre l’image et le modèle ou le type représenté. Ce lien n’est pas toujours évident surtout lorsque le lecteur est séparé chronologiquement ou culturellement de la caricature.

→ À lire : La satire. – La parodie.

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Remarques
  • La caricature utilise la déformation physique comme métaphore d’une idée en s’appuyant sur la relation caractère − morphologie. D’où cette remarque de Taine : « Le peintre national anglais, Hagarth, n’a fait que des caricatures morales » (Philosophie de l’art, t. 1, 1865).
  • Les personnages des caricatures peuvent être en situation et l’on a, alors, la caricature de situation, d’événement, de mœurs…
  • On rencontre dans la documentation le mot caricaturesque (adjectif, rare, péjoratif) qui s’apparente à une caricature. Exemple : Il ne réussit à tirer de lui qu’une image décolorée, passablement caricaturesque de Jean-Michel. (R. Rolland, Jean-Christophe, L’Adolescent, 1905).
La caricature en France

En France, l’art de la caricature (et surtout la caricature politique) commence à fleurir au début du XVIIIe siècle. Sous la Révolution et jusqu’au début du XIXe siècle, les livres et revues illustrés de caricatures se multiplient. Grâce au journaliste Charles Philipon et à ses publications satiriques, la Caricature (créé en 1830), le Charivari (1831) et le Journal pour rire (1848), la caricature fait désormais partie du jeu politique. Daumier, Doré, Gavarni, Cham ou Grévin sont alors les principaux artistes collaborant à ces journaux. Le plus illustre d’entre eux, Daumier, sera jeté en prison pour son portrait sans concessions du roi Louis-Philippe.

Plus tard, la caricature française s’enrichit des œuvres de Toulouse-Lautrec, qui observe les habitués des théâtres et des cabarets, et de Jean-Louis Forain, qui met notamment en cause le fonctionnement de la justice française. Citons encore les caricatures de Caran d’Ache, qui paraissent aux côtés des dessins de Forain dans le journal antidreyfusard Psst, celles de l’Assiette au beurre signées Steinlein, Roubille ou Ricardo Flores, ou encore celles de Poulbot, qui met pendant la Première Guerre mondiale ses « poulbots » montmartrois au service du patriotisme français. La Seconde Guerre mondiale porte, en revanche, un coup de grâce à la caricature française.

Histoire de la France au XXe siècle.

Aujourd’hui, la caricature politique française ne trouve plus guère à s’exprimer que dans de rares hebdomadaires comme le Canard enchaîné ou Charlie Hebdo.

Caricature contre Napoléon Ier : La dernière chute

⬆ Gravure à l’eau-forte : Caricature contre Napoléon Ier : La dernière chute (scène historique).

La caricature en littérature
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Caricature d'Émile Maximilien Paul Littré (1801-1881).

En littérature, la caricature ne se confine pas dans ces courtes légendes d’un comique forcé, qui accompagnent les caricatures proprement dites et ajoutent le mordant de la parole à la verve du crayon. La caricature se produit encore et surtout au théâtre, où elle consiste le plus souvent dans la manière dont l’acteur joue son rôle et exagère son personnage. Elle peut être dans l’œuvre elle-même, aussi bien que dans l’interprétation, et elle se justifie par le dessein de l’auteur et l’effet produit. Aristophane, qui l’emploie si souvent, est loué par Racine d’y avoir eu recours dans les Guêpes.

Pour moi, dit l’auteur des Plaideurs, disposé à suivre aussi loin que possible son modèle, je trouve qu’Aristophane a eu raison de pousser les choses au delà du vraisemblable. Les juges de l’Aréopage n’auraient pas peut-être trouvé bon qu’il eût marqué au naturel leur avidité de gagner, les bons tours de leurs secrétaires et les forfanteries de leurs avocats. Il était à propos d’outrer un peu les personnages pour les empêcher de se reconnaître ; le public ne laissait pas de discerner le vrai au travers du ridicule.

À Rome, Plaute ne s’est pas non plus fait faute de charger les traits comiques pour mieux les faire saisir. Quand son Avare, après avoir fouillé son valet et visité ses deux mains, demande à voir « la troisième », il dépasse la vraisemblance par une exagération de trait que Molière parait avoir voulu ramener à la proportion théâtrale, dans la scène où Harpagon demande à voir « les autres, » sans les compter. Ce n’est pas que notre grand comique ait peur de charger les situations ou les personnages. Dans cette même pièce, Harpagon, criant : « au voleur ! » s’arrête lui-même, et se prenant par le bras, se dit : « Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! C’est moi ! » Il est difficile de sacrifier davantage la vraisemblance au relief de la passion.

On trouve aussi des exemples de charge dans les Fourberies de Scapin, le Bourgeois gentilhomme, le Malade imaginaire, le Médecin malgré lui, les Précieuses ridicules, etc., et l’auteur en tire toujours des effets comiques. Les critiques qui lui ont reproché l’emploi de ce moyen, n’ont pas vu combien il est conforme aux conditions de l’optique particulière de la scène. La caricature met l’objet dans le plus haut degré d’évidence, sans le rendre méconnaissable.

À lire
 Les procédés du comique.
L’interprétation et la mise en scène.
La parole sur scène.

Citations choisies
  • Les légendes de ses dessins étaient célèbres, […] aucun trône ne résistait à ses caricatures. (Jean GiraudouxSuzanne et le Pacifique, 1921)
  • Tous les autres voyageurs, alignés et muets, […] avaient l’air d’une collection de caricatures, d’un musée des grotesques, d’une série de charges de la face humaine. (Guy de MaupassantContes et nouvelles, t. 2, La Dot, 1884)
  • Des têtes politiques, barbues, joufflues, échevelées, affaissées, violentes, ressemblaient à leurs quotidiennes caricatures. (Maurice Druon, Les Grandes familles, 1948)
  • […] des caricatures de lui circulent, qui le représentent, lui si débonnaire, féroce, armé d’un pistolet énorme […], faisant un grand massacre d’élèves, ou, prosterné devant ceux-ci, les mains jointes, implorant, […] « un peu de silence », par pitié. (André GideLes Faux-monnayeurs1925)
  • Dépasser la mode, c’est devenir caricature. (Honoré de BalzacŒuvres diverses, t. 2, 1850)
  • Nous avons eu la visite du roi et de la reine du Portugal… Ils avaient avec eux un certain nombre de caricatures mâles et femelles, qui semblaient ramassées exprès dans quelque magasin rococo. (Prosper MériméeLettres à une inconnue, t. 2, 1870)
  • L’avènement de la bourgeoisie est l’avènement de la caricature. Ce plaisir bas de la dérision plastique, cette récréation de la laideur, cet art qui est à l’art ce que la gaudriole est à l’amour, est un plaisir de famille bourgeoise; elle y prend tant de joie qu’elle a ri même de Daumier. (Edmond et Jules de GoncourtJournal, 1860)
  • […] il [Henri Béraud] s’efforce d’ameuter ses lecteurs. […] il croit […] faire ma caricature ; il ne réussit que la sienne… (André GideJournal, 1923)
  • On peut se demander si l’imagination des inventeurs de civilisation ne devrait pas s’appliquer à découvrir des formes de vie et de travail qui permettent de réunir dans un homme plus complet les vertus de la vie urbaine et celles de la vie champêtre. La vie de banlieue n’est qu’une infernale caricature de cet espoir. (Emmanuel Mounier, Traité du caractère, 1946)
  • Il y avait chez eux deux émigrés rentrés, […], qui sont bien ce qu’on peut voir de plus drôle au monde ; deux figures à mettre aux variétés. Ce ne sont que des révérences, compliments, cérémonies ; tout tellement caricature, qu’il y a de quoi crever de rire. (Paul-Louis Courier, Lettres de France et d’Italie, 1816)
  • Le meilleur de nous, ce fantôme, cette caricature de la perfection et du bonheur ! (Henry de Montherlant, Le Songe, 1922)

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