La comédie

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La comédie

L’histoire nous rappelle, nous retrace le passé, la comédie nous y-transporte. Elle apprend à connaître, à juger les peuples ; elle est pour les moralistes ce que les médailles sont pour les antiquaires.

(Charles-Guillaume Étienne, Discours de réception à l’Académie française, 1811)

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Jules Chéret, La Comédie, vers 1897

Qu’est-ce que la comédie ?

La comédie est l’un des grands genres de composition dramatique. Elle est un genre dramatique en vers ou en prose, aux formes et aux ressorts très variables selon les lieux et les temps, mais présentant le point commun de chercher à provoquer le rire ou le sourire du spectateur.

Chez les Grecs, la comédie était une pièce de théâtre qui se jouait généralement avec des masques et où l’on mettait en scène les citoyens d’Athènes en les nommant. Chez les Latins, il s’agit d’une pièce imitée des Grecs, par exemple pièce de Plaute ou de Térence imitée de Ménandre. À l’époque classique, par opposition à la tragédie puis au drame, la comédie est une pièce mettant en scène des personnages de condition moyenne ou basse dans un cadre quotidien et dont le dénouement est toujours heureux. De nos jours, une comédie est une pièce jouée au théâtre, au cinéma, à la radio, à la télévision et qui est destinée à faire rire.

→ À lire : Les masques au théâtre. – Les acteurs chez les Grecs et les Romains.

🎭 Pour aller plus loin : La comédie classique en France 🎭 

Pourquoi la comédie ?

La comédie comprend tous les ouvrages dramatiques qui n’ont pas pour principal ressort la pitié ou la terreur et ne mettent pas en scène les événements, nobles ou vulgaires, propres à inspirer ce double sentiment. Il n’y a en dehors d’elle que la tragédie et le drame ; et même, lorsque la tragédie n’a pas un dénouement sanglant, ou lorsque le drame attendrit plus qu’il n’effraye, ces deux genres paraissent se rapprocher tellement de la comédie qu’ils empruntent son nom modifié par une épithète : l’une s’appelle tragi-comédie, l’autre comédie larmoyante.

Le propre de la comédie est d’exciter des sentiments agréables qui se manifestent ordinairement par le rire, en portant sur la scène l’imitation de la vie humaine. À cet effet, elle s’attache particulièrement aux côtés les moins élevés de la nature humaine, à ses imperfections et faiblesses, à ses travers, à ses folies. Elle fait ressortir l’élément ridicule des caractères ou des situations, en les mettant en relief ou en contraste.

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L’origine de la comédie, que l’on va chercher au loin, à travers les obscurités de son histoire, est plus voisine de nous que l’on ne pense. Elle est de tous les temps et de tous les lieux, parce qu’elle sort toute vivante des instincts et des sentiments les plus naturels de l’homme. Doué du penchant à l’imitation, ce grand mobile de l’éducation de l’enfance et d’initiation à la vie sociale, l’homme prend un vif plaisir à reproduire lui-même ou à voir reproduire par d’autres toutes les choses dont la vie lui donne le spectacle. La comédie lui procure ce plaisir en imitant sous un aspect amusant tout ce qui sort de la règle ou exagère les manières d’être communes. Elle est, en outre, une satisfaction donnée à ce sens de rectitude que choque la vue d’un travers et à ce besoin de justice qui nous fait considérer comme la punition naturelle de certaines faiblesses le ridicule qui s’y attache.

La comédie pourra se donner plus tard une mission plus élevée. On en fera une école de morale, un instrument de réformation sociale. Ce sera forcer son rôle : réformer les mœurs peut être l’effet de ses plaisantes imitations, son but n’est que de les peindre et d’en rire. La fidélité de ses peintures est la première règle et la condition du succès de la comédie. Le moraliste peut appliquer ses analyses à une nature humaine idéale ou de convention. L’auteur comique qui produit l’homme devant le public, doit le prendre sur le vif et dans les mœurs du temps, pour que les spectateurs se reconnaissent en lui. Aussi de toutes les sources de renseignements sur l’histoire morale d’une nation ou d’une époque, il n’en est pas de plus précieuse que leur théâtre comique, image animée de leur grossièreté tour à tour ou de leur raffinement. Suivant et recevant l’influence du temps où elle paraît, la comédie en devient, selon l’expression de l’académicien Charles-Guillaume Étienne, « l’histoire dialoguée » (Discours de réception).

[…] on y voit la comédie suivre et recevoir l’influence du temps où elle a paru, et en devenir, si je puis m’exprimer ainsi, l’histoire dialoguée. (Charles-Guillaume Étienne, Discours de réception à l’Académie française, 7 novembre 1811)

L’envers de la tragédie

La comédie apparaît en Grèce au VIe siècle avant J.-C. lors des fêtes données en l’honneur du dieu de la Vigne, du Vin et de la Végétation, Dionysos. Les trois premiers jours des Dionysies sont consacrés à la tragédie et le quatrième à la comédie.

Comme la tragédie sa contemporaine, la comédie donne lieu à des concours organisés à l’occasion des Dionysies ; comme elle, elle traite de la question politique, mais sur un autre registre. C’est ainsi qu’Aristophane, le premier maître du genre, prend pour cible les politiciens ou les « intellectuels » en vue de son temps, tels Cléon, Euripide ou Socrate. Cette proximité de la tragédie et de la comédie se retrouve ensuite chez Aristote, qui les théorise l’une et l’autre, puis en France, quand ces deux genres renaissent ensemble sous la plume d’Étienne Jodelle (L’Eugène, 1552) et, 83 ans plus tard, de Jean Mairet, Jean de Rotrou, et surtout de Pierre Corneille (La Veuve, 1633 ; L’Illusion comique, 1636 ; Le Menteur, 1644).

La comédie peut ainsi se définir d’abord comme l’envers de la tragédie : elle se consacre à des personnages d’extraction modeste, voire populaire, en proie à des préoccupations personnelles (notamment les stratégies matrimoniales), rencontrant des obstacles, contre lesquels tous les moyens utilisés — même les moins nobles — sont bons à lever, pourvu que le dénouement soit heureux. Ces personnages obscurs (et entièrement inventés) s’expriment dans une langue ordinaire, voire ridicule. Comme dans la tragédie, la comédie comporte des dialogues et des discours récités par le chœur mais aussi des scènes de musique et de danse. La comédie est ainsi un genre dominé, et le grand Molière lui-même rêve jusqu’au cœur de ses succès comiques de s’illustrer dans l’autre genre.

Derrière le rire, un regard aigu sur le monde

Qui dit pourtant recherche du rire du spectateur ne dit pas pure et simple légèreté divertissante et fuite hors de la réalité. Tout au contraire, la comédie est un genre ancré dans la réalité, bien davantage peut-être que la tragédie, que sa quête de destinées exemplaires éloigne du commun des mortels. D’ailleurs, avant que le roman et le drame ne s’imposent au XVIIIe siècle, la comédie est le seul genre habilité à rendre compte de la vie quotidienne de la bourgeoisie. La comédie porte toujours sur le monde un regard critique et le rire d’oubli laisse facilement place au grincement de dents, à la réponse morale et physiologique à une crispation, ou à la carnavalesque contestation d’un puissant.

Si elle s’intéresse à un type humain particulier, la comédie est dite « de caractère » (Le Dyscolos de Ménandre ; Le Misanthrope ou L’Avare de Molière en 1666 et 1668) ; si elle se concentre sur les travers de la société, elle est dite « de mœurs » (Le Bourgeois gentilhomme de Molière, 1670 ; Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, 1784 ; Le Voyage de Monsieur Perrichon d’Eugène Labiche, 1860). Dans certains cas, elle peut se teinter de gravité et se hisser au niveau de la meilleure philosophie, comme dans Dom Juan (1665), de Molière encore, ou dans le théâtre de Marivaux (La Double Inconstance, 1723 ; Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730). Toujours, elle est compatible avec une grande subtilité dans la peinture des caractères ou dans la disposition de l’action, comme chez Pierre Corneille (L’Illusion comique) ou chez Alfred de Musset (Les Caprices de Marianne, 1833 ; On ne badine pas avec l’amour, 1834).

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Trucs et ficelles

Malgré l’extrême diversité des formes prises par le genre comique, la recherche du rire le conduit à reposer sur un répertoire relativement stable de formules efficaces. Ainsi l’action de la comédie « d’intrigue », très en vogue en France à l’âge classique, obéit-elle à un schéma qui, avant d’être adopté par la commedia dell’arte italienne, et avant elle encore par Plaute et Térence, avait été mis au point par le maître grec de la comédie nouvelle, Ménandre : deux jeunes amoureux doivent lever les obstacles que représentent, en général, les parents (ou un vieillard, tuteur concupiscent de la jeune fille, ou, dans le cas d’une amante mariée, un mari jaloux) hostiles à cette union. Des déguisements, des complicités de valets ou de servantes, au besoin des reconnaissances inattendues et invraisemblables viennent permettre les retournements de situation nécessaires au cheminement vers le dénouement qui s’impose : un mariage réussi. La figure du valet industrieux et rusé, indispensable à son maître, émerge ainsi, à mi-chemin de la recette infaillible pour faire rire des balourds trompés et de la subversion politique, puisque le maître n’est rien sans le valet : ainsi du Comte Almaviva et de Figaro dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais (1775). Le langage, enfin, offre ses ressources comiques au genre, sous la forme, par exemple, des quiproquos (Marivaux), des prononciations grotesques (Pierrot dans Dom Juan) ou de l’absurdité des banalités quotidiennes (La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, 1950).

Les divers genres comiques

On distingue dans la comédie trois genres principaux : la comédie d’intrigue, la comédie de mœurs et la comédie de caractère.

  1. La comédie d’intrigue présente un enchaînement d’aventures et de situations bizarres, plaisantes, naissant les unes des autres et se compliquant, s’embrouillant, s’obscurcissant jusqu’à ce que tout s’éclaire et se dénoue par la révélation d’un secret ou tout autre incident imprévu.
  2. La comédie de mœurs est le tableau des usages, du genre de vie, des idées et des sentiments ordinaires de la société, d’une de ses classes ou d’une profession. Elle les représente tantôt sous des traits qui ont une certaine fixité, tantôt sous les aspects capricieux et changeants que leur fait prendre la mode.
  3. La comédie de caractère concentre toutes les observations de mœurs sur les principaux personnages. Elle résume en chacun d’eux les traits épars en divers individus et en fait le type général et vivant d’une classe entière.

La comédie d’intrigue ne veut que de l’imagination et de la verve ; celle de mœurs est l’ouvrage d’un esprit plus profond et plus réfléchi ; celle de caractère, enfin, outre les qualités précédentes, suppose ce qui appartient au génie dans tous les arts, l’abstraction créatrice.

On a établi, dans le genre comique, d’autres divisions, à d’autres points de vue. On a distingué la comédie noble, la comédie bourgeoise, la comédie populaire, soit d’après les personnages mis en scène, soit d’après le comique employé.

À la comédie noble se rattachent la comédie héroïque, celle de cape et d’épée, et la tragi-comédie. La comédie larmoyante rentre généralement dans la comédie bourgeoise, ainsi que la comédie de genre, sorte de tableau d’intérieur, représentant d’ordinaire les mœurs moyennes. La farce, la bouffonnerie, l’arlequinade, etc., sont des variétés de la comédie populaire. On a appelé comédies métaphysiques celles où l’on introduit des personnages allégoriques.

Enfin, la comédie peut être associée à des éléments étrangers qu’elle rappelle par son nom, comme la comédie-ballet. Le vaudeville n’est que la comédie d’intrigue, du genre bourgeois, avec couplets.

→ À lire : La farce. – Le vaudeville.

La comédie classique

La comédie classique apparaît comme la tragédie classique au XVIIe siècle. Les personnages sont en général issus d’un milieu bourgeois et ont des préoccupations banales, comme la santé, l’argent, la vie de famille.

Le dénouement doit être heureux : les bons sont récompensés, les ridicules échouent, les amoureux se marient. Molière est le principal représentant de la comédie classique française.

🎭 Pour aller plus loin : La comédie classique en France 🎭 

Lexique
Syntagmes figés
  • Comédie-Française : ensemble des acteurs et du personnel de théâtre de la troupe fondée en 1680 par Louis XIV. Synonyme moderne : Théâtre-Français.
  • Comédie-Italienne : troupe d’acteurs installés en France dès 1659 et qui fusionne par la suite avec l’Opéra-Comique.
  • Comédie italienne : genre comique dont les personnages traditionnels se livrent à toutes sortes d’improvisations à partir d’un thème préétabli.
  • Comédie musicale (ou américaine) : comédie où se mêlent chants et danses.
  • Comédie nouvelle : pièce d’imagination fondée essentiellement sur la peinture des mœurs.
  • Comédie de caractère : pièce, genre, où l’auteur met en lumière en les exagérant certains travers de ses personnages et, à partir d’eux, de la société.
  • Comédie d’intrigue : pièce, genre, dont le comique est lié aux complications de l’intrigue.
  • Comédie de mœurs : dont le rire est provoqué par la peinture satirique des mœurs d’une époque.
  • Comédie-ballet : forme de comédie mise au point par Molière et comprenant une partie dansée et chantée.
  • Comédie(-)bouffe : qui fait rire par des procédés d’un comique grossier.
  • Comédie-farce : comédie utilisant les procédés de la farce, c’est-à-dire fondée essentiellement sur un comique assez grossier de mots, de gestes et de situations.
  • Comédie-parade : comédie empruntant le genre de la parade, farce grossière jouée au début d’une représentation, pour inciter le public à entrer dans la salle et y voir la fin du spectacle.
  • Comédie-vaudeville (au XIXe siècle notamment sous l’influence d’Eugène Scribe) : genre de comédie où s’intercalent des couplets.
Expressions
  • Donner, jouer la comédie : représentation d’une pièce.
  • Aller à la comédie : lieu où se joue une pièce.
  • [Classique] Portier de comédie : employé placé à l’entrée d’un théâtre et chargé autrefois d’encaisser le prix des places.
  • [Au figuré et ironie] Le secret de la comédie : Secret qui est partagé entre tous comme les confidences faites sur la scène par un acteur.
  • [Argot] Envoyer à la comédie : mettre au chômage.
  • Être à la comédie : manquer d’argent par suite de chômage.
  • Jouer la comédie : simuler par une mise en scène des sentiments que l’on n’éprouve pas

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