La licorne

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La licorne

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Introduction

🦄 La licorne est un animal fabuleux dont le corps est généralement celui d’un cheval blanc, portant sur le front une corne unique longue et torsadée neutralisant les poisons, et qui symbolise, notamment dans les poèmes et sur les tableaux et les tapisseries du Moyen-âge, à la fois la puissance et la pureté. Symbole intemporel dans la littérature et l’art, elle continue d’inspirer notre culture contemporaine, des contes aux produits dérivés.

→ À lire : Mythologies et mythes » Créatures et divinités. – Créatures fabuleuses et divinités.

 

La licorne : un animal fabuleux qui symbolise la puissance et la pureté

Une licorne majestueuse dans une forêt enchantée, symbole intemporel de magie et de rêve. La licorne est un animal fabuleux qui symbolise la puissance et la pureté. Illustration imaginée et créée par l’IA.

Origines du mythe

Dès l’Antiquité sont évoqués dans des textes provenant de Grèce et de Perse des animaux unicornes ressemblant à l’âne ou à la chèvre. Ainsi Ctésias, historien grec du début du ive siècle av. J.-C., décrit, sur la base de récits de voyageurs, des ânes sauvages aussi grands que des chevaux et portant une corne sur le devant de la tête. Selon lui, cette corne est utilisée par les habitants comme un récipient (ce qui correspond probablement au rhinocéros unicorne de l’Inde). Plus tard, un traité grec du milieu du IIe siècle, Physiologus (Le Naturaliste), propose une description de la licorne, animal unicorne de petite taille ressemblant à un chevreau. Au IIIe siècle, Élien de Préneste affirme quant à lui, dans Histoire des animaux, que « l’Inde produit des chevaux et des ânes à corne unique ». Aristote également, sur la base des récits de Ctésias, cite un âne des Indes à corne unique. Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle (VIII, 31), compilation de nombreux mythes animaux, reprend l’idée de l’existence d’un animal unicorne en Asie : « En Inde, on chasse un autre fauve : l’unicorne, semblable de corps au cheval, de tête au cerf, à l’éléphant par les pattes et au sanglier par la queue. Son mugissement est grave, une corne longue et noire s’élève au milieu du front. On nie qu’il puisse être attrapé vivant. »

Il est plus tard fait mention de la licorne dans l’Ancien Testament, du moins dans les traductions grecque (Septante) et latine (Vulgate) de la Bible. En effet, à la suite d’une erreur de traduction, l’animal désigné par l’hébreu re’em s’est vu qualifié de monoceros (« une corne ») dans la Septante, mot lui-même traduit unicornis dans la Vulgate — les traductions modernes de la Bible transcrivent d’ailleurs re’em par « bœuf sauvage » ou « aurochs ».

Bordure ornée (Licorne), 1420-1499, Bibliothèque municipale de Toulouse.

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Un animal cruel, attiré par l’odeur de la chasteté

Pendant longtemps, la licorne reste un animal de récits de voyages et de livres d’érudition, membre d’une faune lointaine et exotique. Les mythes qui lui sont liés ne prennent réellement naissance qu’au Moyen Âge, époque à laquelle ils entrent à la fois dans l’imaginaire collectif et l’iconographie. Des descriptions de l’animal sont présentes dans la plupart des bestiaires, qui prennent tous comme source, plus ou moins directe, le Physiologus grec du IIe siècle. Si l’on en croit les bestiaires des XIIIe et XIVe siècles, la licorne est un animal qui vit en Orient, originaire soit de l’Inde, soit de l’Éthiopie. Son apparence est variable, souvent fort extravagante. Ainsi, selon un bestiaire anonyme du XIVe siècle, elle a « corps de cheval et pieds d’éléphant et la tête comme le cerf ». Sa caractéristique principale est toutefois la grande corne qu’elle possède au milieu du front. « Au milieu de sa tête se trouve une corne unique, extraordinairement étincelante, et qui a bien quatre pieds de long, mais elle est si résistante et si acérée qu’elle transperce sans peine tout ce qu’elle frappe » (Brunetto Latini, Le Livre du trésor, XIIIe siècle).

La licorne est décrite comme un animal cruel et féroce, d’une force phénoménale : « Cette bête a tant de témérité, elle est si agressive et si hardie, qu’elle s’attaque à l’éléphant : c’est le plus redoutable de tous les animaux qui existent au monde » (Guillaume le Clerc de Normandie, Bestiaire divin, XIIIe siècle). De plus, « sa voix est tout à fait épouvantable » (Brunetto Latini, Le Livre du trésor). Enfin, elle « possède une telle vigueur qu’elle ne craint aucun chasseur » (Guillaume le Clerc de Normandie, Bestiaire divin). Il n’existe qu’un seul moyen de la capturer, par la ruse, en l’attirant grâce à une jeune fille vierge que l’on fait asseoir près de son antre ou sur les chemins qu’elle emprunte. Car la licorne est attirée par l’odeur de la chasteté ; dès qu’elle aperçoit la jeune fille qui sert d’appât, elle s’approche d’elle, pose sa tête sur ses genoux et s’endort, se trouvant ainsi à la merci des chasseurs. La légende de la capture de la licorne par l’entremise d’une vierge apparaît dès le vie siècle dans les Étymologies d’Isidore de Séville. Toutefois, certains récits s’inscrivent en faux contre ce mythe. Ainsi Marco Polo, décrivant la faune de Java qu’il visite vers 1280, parle d’un unicorne d’une taille à peine inférieure à celle de l’éléphant ; « C’est une bête très vilaine à voir, et dégoûtante. Il n’est point du tout comme nous, d’ici, disons et décrivons quand nous prétendons qu’il se laisse attraper par le poitrail par une pucelle. C’est tout le contraire de ce que nous croyons » (Le Livre des merveilles du monde, XIIIe siècle).

Symbolique

Durant le Moyen Âge, l’image de la licorne, comme celle de beaucoup d’animaux, est mise au service de la tradition chrétienne. Elle figure en particulier Jésus-Christ, ainsi que la parole divine. Ainsi, selon Pierre de Beauvais (Bestiaire, XIIIe siècle), sa corne unique est « le symbole de ce que le Sauveur a dit : Mon Père et moi, nous sommes un : Dieu est le chef du Christ » ; la cruauté et la force de l’animal signifient « que ni les Puissances, ni les Dominations, ni l’Enfer ne peuvent comprendre la puissance de Dieu. » Enfin, « Si l’on a dit ici que la licorne est petite, il faut comprendre que Jésus-Christ s’humilia pour nous par l’incarnation. » De même, selon Guillaume le Clerc de Normandie (Bestiaire divin, XIIIe siècle), « Cette bête extraordinaire, qui possède une corne sur la tête, représente Notre Seigneur Jésus-Christ, notre sauveur. Il est la licorne céleste qui est venue se loger dans le sein de la Vierge. » Dans le cadre de cette lecture du mythe, la capture de la licorne par les chasseurs et sa mise à mort représentent la Passion du Christ.

À la Renaissance, la symbolique de la licorne, associée aux jeunes filles, évolue pour représenter la pureté et la chasteté, mais aussi la force. De façon plus marginale, vers la fin du Moyen Âge et pendant la Renaissance, la licorne est parfois associée aux esprits démoniaques, voire au diable lui-même. En effet, animal sauvage attiré par la virginité, la licorne peut être interprétée comme symbolisant la luxure.

« Grandes et merveilleuses sont les vertus de sa corne »

À la corne de licorne sont prêtés des pouvoirs extraordinaires, en particulier celui de purifier les eaux des lacs, des rivières et des fontaines, de neutraliser les poisons et de faire fuir les serpents. Ainsi, la licorne est capable de détruire les substances toxiques en réalisant avec sa corne un signe de croix au-dessus du point d’eau, ou en la plongeant dans l’eau. Ce don peut d’ailleurs être relié à la symbolique chrétienne de l’animal, les serpents et les venins étant associés au diable et à la tentation.

Sur la base de cette légende, la corne de licorne se voit attribuer des propriétés médicinales : on croit ainsi qu’elle prémunit contre la peste et qu’elle guérit des poisons et des venins — « grandes et merveilleuses sont les vertus de sa corne, pourvu qu’elle soit vraie et légitime » (Laurent Catelan, Histoire de la nature, chasse, vertus, proprietez et usage de la lycorne, 1624). Il faut pour cela absorber de la poudre de corne, ou réaliser sur le corps du malade des impositions de corne. Dans ses Œuvres pharmaceutiques (1630), Jean de Renou décrit la corne de licorne comme très efficace « à l’encontre de toute sorte de venins et poisons, et [pour] fortifier les parties nobles et réjouir les esprits vitaux et animaux. Voila pourquoi aussi on s’en sert fort heureusement contre la peste, contre toutes maladies contagieuses, et contre toute sorte de poisons et venins. » Dans le même courant de pensée, les animaux venimeux comme les crapauds ou les araignées sont censés mourir lorsqu’ils sont placés à côté d’une corne de licorne. Cependant, certains auteurs considèrent comme tout aussi efficaces la corne de cerf ou celle de rhinocéros.

Mais d’où vient la corne de licorne ? Il est dit dans les textes que point n’est besoin, forcément, de chasser l’animal. On peut trouver dans le sol des morceaux de cornes, voire des cornes entières, provenant de licornes mortes ou ayant perdu leur appendice. Les cornes retrouvées dans les cabinets de curiosités et les trésors royaux se sont avérées être des cornes de narval (un mammifère marin doté d’une longue défense torsadée). Les restes de cornes trouvés dans la terre proviennent quant à eux de rhinocéros ou de cerfs.

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L’entrée dans le monde des légendes

L’existence de la licorne n’est pas remise en cause avant le XVIe siècle. Elle est considérée comme un animal réel, de même que le sont à cette époque les dragons ou les griffons. Nombre de cabinets de curiosités s’enorgueillissent d’une corne de licorne dans leurs collections. Cependant, à partir du XVIe siècle, le peu de témoignages oculaires et les contradictions manifestes dans les quelques récits de voyageurs disponibles fragilisent la croyance en l’animal. Ambroise Paré est l’un des premiers à oser mettre en doute son existence : « la description de ladite licorne porte avec soi un doute manifeste, vu que les uns disent que c’est une bête inconnue et étrange, et qu’elle naît aux Indes, les autres en Éthiopie, d’autres ès terres neuves, les autres ès déserts… » (Discours de la mumie, de la licorne, des venins et de la peste, 1582).

Il n’est cependant ni facile, ni prudent, d’ébranler le mythe, les autorités ecclésiastiques considérant que l’existence de l’animal est attestée par les Saintes Écritures — la licorne est notamment mentionnée dans le Livre de Job, dans lequel Dieu, s’adressant à Job, s’exclame : « La licorne [le bœuf sauvage dans les traductions modernes] voudra-t-elle te servir, passer la nuit chez toi devant la crèche ? » (XXXIX, 9). Aussi Ambroise Paré, dans son Discours de la mumie, n’ose-t-il, malgré tout, s’attaquer de front à la position de l’Église : « certes, n’était l’autorité de l’Écriture Sainte, à laquelle nous sommes tenus d’ajouter foi, je ne croirais pas qu’il fût des licornes. »

Cependant peu à peu, aux XVIe et XVIIe siècles, se multiplient les ouvrages s’interrogeant sur l’existence de la licorne. La question devient un débat d’érudits. Curieusement, les propriétés médicinales de sa corne font l’objet de débats séparés : en effet, que la licorne existe ou non, il existe un médicament appelé « poudre de licorne », dont il s’agit, d’où qu’il vienne, de savoir s’il est efficace ou pas. Au milieu du XVIIe siècle, des ouvrages d’histoire naturelle continuent cependant de consacrer pages et planches à la licorne, et même à plusieurs espèces de licornes. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que la licorne soit définitivement reconnue comme appartenant au monde des mythes et des légendes.

Représentation

« Les uns disent qu’elle ressemble à un cheval, les autres à un âne, les autres à un cerf, les autres à un éléphant, autres à un rhinocéros, autres à un lévrier d’attache. Bref, chacun en dit ce qu’il en a ouï dire, ou ce qu’il lui plaît de controuver. » (Ambroise Paré, Discours de la licorne). Malgré des descriptions variables, l’apparence de la licorne se fixe, durant le Moyen Âge, autour de l’image d’un cheval blanc doté d’une longue corne d’ivoire torsadée au milieu du front. On la voit souvent la tête posée sur les genoux d’une jeune fille et livrée aux chasseurs. L’iconographie médiévale renferme également de nombreuses représentations dans lesquelles les flancs d’une licorne sont transpercés par les lances des chasseurs. À partir du XVe  siècle toutefois, les chasseurs disparaissent : la licorne est simplement représentée à côté d’une jeune fille, symbolisant la pureté. Elle est également, à cette époque, fréquemment figurée en train de purifier des eaux empoisonnées.

L’une des représentations les plus célèbres de cet animal légendaire est la tapisserie de La Dame à la licorne (fin du XVe siècle, musée national du Moyen Âge, Paris) où la licorne est associée à une imagerie célébrant l’amour courtois.

Représentations modernes

Les représentations modernes de la licorne s’éloignent souvent de ses origines mythologiques pour devenir un symbole pop culturel universel, joyeux et coloré. Dans l’imaginaire contemporain, elle est fréquemment associée à des valeurs positives telles que la magie, la pureté et le rêve. Sa présence est omniprésente dans des domaines variés : jouets, vêtements, décorations et même dans l’univers numérique sous forme d’émojis ou de mèmes.

Le design moderne de la licorne privilégie des couleurs vives et pastel, notamment l’arc-en-ciel, qui accentuent son caractère féérique et ludique. Elle incarne souvent un idéal d’évasion et de positivité dans un monde marqué par le stress. De plus, la licorne est devenue un emblème des mouvements de diversité et d’inclusivité, célébrant la singularité et l’acceptation de soi.

Cette vision contemporaine, bien que ludique, simplifie les racines historiques et symboliques de la licorne, qui étaient empreintes de mystère et parfois même de gravité. Cependant, elle illustre à quel point cet être mythique a su s’adapter pour continuer à captiver les esprits à travers les époques.

→ À lire : Le symbole.

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