La péroraison
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Rhétorique et style
La péroraison
Dans son discours pour la réception du maréchal Pétain à l’Académie française, Paul Valéry déplore, en une péroraison vibrante, de voir les hommes se tuer entre eux.
(Julien Benda, La France byzantine ou le triomphe de la littérature pure, 1945, p. 253)
Sommaire
Qu’est-ce que la péroraison ?
La péroraison (du latin peroratio, « long discours, peroraison », dérivé de perorare « pérorer ») est l’une des parties du discours reconnues comme essentielles par la rhétorique dans la Disposition. Elle est précédée, dans l’ordre, de l’exorde, de la narration, de la division, de la confirmation et de la réfutation.
La péroraison est la conclusion même et l’achèvement du discours ou de l’œuvre de la parole. Elle a deux objets à remplir : elle doit achever de convaincre les esprits d’une manière vive et achever de toucher les cœurs par l’emploi du pathétique.
Les Anciens recouraient plus à ce dernier moyen : on cite surtout en ce genre la péroraison du Pro Ligario de Cicéron. On en trouve, cependant, encore d’admirables modèles dans l’éloquence politique et dans celle de la chaire. Telles sont, par exemple, la péroraison de l’Oraison funèbre du Grand Condé (1687) par Jacques-Bénigne Bossuet, et celle du 3e discours de Mirabeau Sur la Banqueroute (1789).
💡 Oraison funèbre du Grand Condé (1687)
Il s’agit d’un éloge à la mémoire de Louis II de Bourbon-Condé (1621-1686) prononcé par Bossuet le 2 mars 1687 en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ce discours, réputé pour son éloquence, est la plus célèbre des oraisons funèbres écrites par Bossuet avec celle d’Henriette d’Angleterre.
💡 Sur la Banqueroute (1789)
Mirabeau, dans un discours devant l’Assemblée des députés, plaide pour que chaque citoyen contribue à combler le déficit du budget de l’État.
Le mot de péroraison ne s’applique guère au morceau qui termine le discours que lorsqu’il est animé et pathétique. Lorsqu’il est tout à fait simple, et que l’éloquence ne s’y fait pas sentir, il prend le nom plus modeste de conclusion ou de récapitulation.
→ À lire : La rhétorique. – L’exorde. – La confirmation. – La proposition et la division. – Les tonalités » Le pathétique. – L’oraison funèbre.
Convaincre les esprits
La péroraison achèvera de convaincre les esprits par une récapitulation courte et rapide des principaux moyens développés dans le discours.
Jean-Baptiste Massillon (évêque de Clermont), après avoir dépeint, dans un de ses plus beaux sermons, tout ce que la mort a de terrible pour le méchant, tout ce qu’elle a de consolant pour le juste, termine ainsi :
Mes frères, les réflexions sont ici inutiles. Telle est la fin de ceux qui ont vécu dans la crainte du Seigneur. Telle est la fin déplorable de ceux qui l’ont oublié jusqu’à cette dernière heure. Si vous vivez dans le péché, vous mourrez dans les regrets inutiles du pécheur, et votre mort sera une mort éternelle. Si vous vivez dans la justice, vous mourrez dans la paix et dans la confiance du juste, et votre mort ne sera qu’un passage à la bienheureuse éternité.
(Jean-Baptiste Massilon, « Jugement universel », in Œuvres de Massilon, évêque de Clermont, Tome premier, 1833, p. 31)
Toucher les cœurs
La péroraison achèvera de toucher les cœurs en les échauffant par le sentiment : l’orateur doit alors déployer toutes les ressources de l’éloquence pour émouvoir ceux qui l’écoutent.
Saint Vincent de Paul, après un admirable discours adressé à des femmes pieuses, pour les engager à fonder un hôpital pour les enfants abandonnés qu’elles avaient fait recueillir dans les rues, termine par cette péroraison touchante :
Or, sus1, mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants. Vous avez été leurs mères selon la grâce, depuis que leurs mères selon la nature les ont abandonnées. Voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner pour toujours. Cessez à présent d’être leurs mères pour devenir leurs juges : leur vie et leur mort sont entre vos mains. Je m’en vais prendre les voix et les suffrages. Il est temps de prononcer leur arrêt et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Les voilà devant vous. Ils vivront, si vous continuez d’en prendre un soin charitable; et, je vous le déclare devant Dieu, ils seront tous morts demain si vous les délaissez2.
(Saint Vincent de Paul, « Discours pour le maintien de l’œuvre des enfants trouvés », in Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés du premier et du second ordre, 1866, p. 541)
1. Vieille expression : ce discours a été prononcé en 1648.
2. L’effet produit par ce discours est tel, qu’immédiatement après l’hôpital des Enfants-Trouvés à Paris est fondé et doté richement.
La récapitulation et le pathétique
On distingue dans la péroraison deux parties qui peuvent se séparer ou se réunir, se resserrer ou s’étendre suivant le sujet, l’auditoire, les besoins de la cause. L’une est la récapitulation. L’autre est l’emploi du pathétique ou des passions.
Il est bon et utile, sur tout sujet et en toutes circonstances, de reprendre, en finissant, les conclusions développées et confirmées par tout le discours et de rappeler les principaux arguments qu’on a fait valoir. Cependant, au lieu de le faire à la manière d’un professeur qui, dans le seul intérêt de la clarté, résume les résultats, l’orateur doit porter dans cette revue de points démontrés une variété, un mouvement qui réveillent l’esprit et ajoutent à la persuasion ou poussent à l’action. De là, un lien étroit, dans la péroraison, entre la récapitulation et le pathétique.
Le recours à la péroraison
Tous les discours ne sont pas susceptibles de ces mouvements de suprême éloquence, et, d’un autre côté, il y a divers écrits qui, sans appartenir au genre oratoire, comportent les péroraisons pathétiques : tels sont les pamphlets, les lettres fictives ou réelles, les mémoires, les manifestes ou même de simples préfaces, comme celle des Dix ans d’études historiques (1835) d’Augustin Thierry qui, « aveugle, souffrant sans espoir et presque sans relâche », parle du bonheur du dévouement à la science, en faisant le plus émouvant retour sur soi-même dont la chaire ou la tribune puisse offrir le souvenir.
💡 Augustin Thierry
Jacques Nicolas Augustin Thierry, né le 10 mai 1795 à Blois et mort le 22 mai 1856 à Paris, est un historien français. Reconnu comme l’un des premiers historiens à avoir travaillé sur des sources originales, il se démarque de ses homologues contemporains par une narration très vivante et presque romancée, mêlant érudition et imagination. On lui doit aussi la première étude critique des institutions communales françaises. Dix ans d’études historiques, ses premiers essais, sont parus dans le Censeur européen et le Courrier français. Son ouvrage est réédité en 2017 par Hachette BnF.
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