La satire

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Les genres de textes

La satire

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Introduction

La satire est un genre de composition littéraire, en vers ou en prose, ayant pour objet l’attaque des vices, des passions déréglées, des sottises, des défauts des hommes, de la société, d’une politique ou d’une époque. Le nom de « satire », longtemps orthographié satyre, peut être rattaché par l’histoire littéraire soit aux anciens drames satiriques des Grecs, soit aux compositions mêlées, farcies, des premiers temps de Rome.

Dans la littérature latine, la satire est une œuvre en prose et en vers (mètres mêlés ou uniformes) attaquant et tournant en ridicule les mœurs de l’époque. Dans la littérature française et au XVIe siècle, la satire est un écrit mêlant vers et prose et s’attaquant aux mœurs publiques. À partir du XVIIe siècle, la satire est devenue une œuvre en vers dans laquelle le poète tourne en dérision les défauts et les vices d’une personne (souvent en la nommant), d’une société, d’une institution.

Dans un sens plus moderne et plus courant, la satire est un écrit, un propos, ou une œuvre par lesquels on raille ou on critique vivement quelqu’un ou quelque chose (Dictionnaire Larousse). On dira, par exemple : Ce film est une satire des mœurs politiques.

Écrite en vers, la satire fait partie du genre didactique.

Définition du genre

La satire est un genre, mais il existe un ton ou un esprit « satirique » qui peuvent caractériser des œuvres appartenant à un autre genre : au XVIIe siècle, les Satires de Boileau sont des illustrations exemplaires du genre satirique, mais il y a aussi une dimension satirique dans le théâtre de Molière (Les Précieuses ridicules), dans les œuvres de Scarron (Le Roman comique) ou de Furetière (Le  Roman bourgeois) ou encore dans des écrits pamphlétaires, comme les mazarinades (satire contre Mazarin).

De façon générale, le ton caractéristique de la satire joue un rôle dans les écrits polémiques, qu’il s’agisse des polémiques à proprement parler ou des pamphlets.

La satire, comme genre, se distingue néanmoins de ce genre apparenté qu’est l’écrit polémique en ce qu’elle accorde moins de place à la dimension proprement argumentative, qui est tout à fait représentative du texte polémique. Ce dernier est un écrit persuasif, qui peut user de traits satiriques pour mieux disqualifier la thèse, l’institution ou le personnage qu’il incrimine, mais c’est la dimension de dénonciation et de discussion qui y prédominent.

Par rapport au pamphlet, la satire se caractérise par un ton plus léger et une violence verbale moindre. La littérature pamphlétaire, en tant que littérature d’humeur et littérature de circonstance, liée à un moment ou à une conjoncture spécifiques, se définit par sa propension à dresser un tableau apocalyptique ou outré de ce qu’elle dénonce. Le pamphlet use, le cas échéant, d’une argumentation ad hominem qui peut aller jusqu’à l’injure pure et simple : les écrits de Léon Bloy contre Zola (Mercure de France, 1894), ou contre Jules Vallès et Paul Bourget dans Propos d’un entrepreneur de démolition (1884) sont exemplaires à cet égard.

La satire, elle, se caractérise par la prédominance de l’élément narratif ou anecdotique, souvent absent du pamphlet et du texte polémique. Elle est descriptive. La peinture satirique des mœurs brosse un tableau outré des vices qu’elle stigmatise. La satire est par excellence une œuvre d’inspiration moraliste. Elle implique de plus que l’énonciateur soit absent du monde représenté, qui est un univers grotesque : il y est clairement énoncé que ni l’énonciateur ni le lecteur n’ont à voir avec ce monde-là ; l’univers représenté dans la satire est carnavalesque, et il est dépeint de l’extérieur. C’est cette mise à distance qui autorise le rire.

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Objet et divisions de la satire

Tout ce qui révolte la conscience, heurte le bon sens, blesse le goût, est du domaine de la satire. On distingue, suivant les objets auxquels elle s’attache, la satire morale ou religieuse, la satire politique, la satire littéraire. Tantôt elle flétrit les mauvaises mœurs, combat la superstition, dénonce le fanatisme on l’hypocrisie ; tantôt elle s’attaque aux abus du pouvoir, aux calculs égoïstes de l’ambition, aux fureurs aveugles des partis ; tantôt enfin elle s’enferme dans la critique des ouvrages de l’esprit et poursuit de ses railleries l’impuissance vaniteuse de la médiocrité ou les aberrations du talent.

Envisagée dans ses procédés et ses formes de langage, la satire est générale ou personnelle :

  • générale, elle considère l’homme en lui-même et fait le procès à la nature imparfaite et faillible d’où découlent nos passions, nos erreurs et nos travers, à la société qui les développe, au temps qui les favorise ;
  • personnelle, elle prend à partie les individus dans lesquels les vices de l’humanité ou les travers du jour se manifestent avec le plus d’éclat ; elle les signale, par leur nom ou par des traits particuliers, à l’indignation ou au rire des contemporains.

Ajoutons que, générale ou personnelle, la satire peut être directe ou détournée :

  • directe, elle met sous nos yeux l’humanité, la société, l’individu, dans la réalité même des faits qui appellent ses censures ;
  • détournée, elle nous fait entrevoir le monde humain sous le voile transparent de l’allégorie, et ne dirige contre les particuliers que les traits légers de l’allusion.

La satire morale et la satire politique seront à volonté générales ou personnelles, suivant le tempérament de l’écrivain, selon que domine en lui le philosophe ou l’homme d’action ; mais la satire littéraire ne peut guère être autre chose que personnelle : on ne fait pas la critique d’un mauvais ouvrage sans en désigner l’auteur. Attaquer le Jonas ou la Pucelle, c’était nommer Coras et Chapelain, et Voltaire a tort de reprocher à Boileau d’avoir « fait rire aux dépens de dix ou douze gens de lettres », fût-il vrai qu’il eût « fait mourir de chagrin deux hommes qui ne l’avaient jamais offensé ».

En matière morale ou politique, la satire personnelle s’appelle aujourd’hui diffamation. Livrer aux lecteurs le nom ou le signalement de l’intrigant, du faux dévot, de l’homme public ou privé corrupteur ou corrompu, c’est s’exposer aux rigueurs de la loi ; mais le poète diffamateur sera absous, s’il est honnête, par la conscience publique, et s’il a vraiment le talent de la satire, par les suffrages de la postérité.

Histoire de la satire

Il n’y a pas de genre satirique à proprement parler dans la Grèce antique, mais il y a une composante satirique, notamment dans les comédies d’Aristophane.

La satire latine
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C’est à la littérature latine qu’il revient d’avoir constitué la satire en genre. Les premiers textes satiriques en vers sont dus à Caius Lucilius, mais ce sont Horace et Juvénal qui ont illustré le genre et qui en ont durablement fixé un certain nombre de traits canoniques.

Les Satires d’Horace reprennent les thèmes de Lucilius et sa critique des mœurs romaines, tandis que les seize Satires en vers de son contemporain Juvénal sont une dénonciation plus violente de la corruption qui régnait dans la société romaine. À la même époque (Ier-IIe siècle), Martial donnait de cinglants recueils d’épigrammes, mêlant raillerie et invective. C’est d’ailleurs à Martial que l’on doit l’évolution de l’épigramme – originairement court poème commémoratif – vers la satire (au XVIe siècle, les épigrammes de Marot seront également des pièces satiriques, même si la dimension commémorative y subsiste).

L’œuvre fameuse de Pétrone, Le Satiricon (v. 60), sans être une satire à proprement parler puisqu’il s’agit d’un roman en prose et en vers, est un texte d’un réalisme cru et d’une étonnante liberté de ton et de style, qui décrit les tribulations de deux jeunes gens, Ascylte et Encolpe, et de leur esclave Giton dans la Rome décadente du Ier siècle.

La satire médiévale

Pendant la période médiévale, la satire est représentée par le genre de la sotie (ou sottie), farce allégorique et bouffonne (notons que la sotie est une forme littéraire datée, appartenant en propre au Moyen Âge). Les soties mettent en scène un peuple imaginaire et grotesque, celui des sots, miroir carnavalesque de la société médiévale. Quant aux fabliaux, ce sont de petits récits en vers octosyllabes, qui visent à ridiculiser les femmes, leurs amants et les maris jaloux ; leur dimension satirique est bouffonne et lourdement appuyée.

Au XIVe siècle, les Contes de Cantorbéry, de Chaucer et le le Décaméron, de Boccace sont des contes à la fois grivois et satiriques.

La satire du XVIe au XVIIIe siècle

À la Renaissance, nombre de textes célèbres intègrent à un titre quelconque des éléments satiriques, sans se réduire au genre de la satire ; tel est le cas dans l’œuvre de Rabelais (Gargantua, Pantagruel, Le Tiers Livre, Le Quart Livre), dans celle d’Érasme (Éloge de la folie), dans le Don Quichotte, de Cervantès, dans La Nef des fous (1494), de Sebastian Brandt, et dans certains aspects des comédies de Shakespeare.

Au XVIIe siècle, les comédies les plus en vogue comportent une dimension satirique, qu’il s’agisse de celles de Molière (le Médecin malgré lui, les Précieuses ridicules, L’École des femmes, Les Femmes savantes, L’Avare) ou de celles de Ben Jonson (Volpone ou le Renard, Épicène ou la Femme silencieuse, L’Alchimiste, La Foire de la Saint-Barthélemy).

Mais à l’âge classique, ce sont les Satires de Boileau (1660), inspirées de celles d’Horace et de Juvénal, qui illustrent le genre proprement dit. Ces Satires sont dirigées contre des auteurs contemporains, Quinault, Pradon, Mlle de Scudéry, et elles ridiculisent la poésie épique de l’académicien Chapelain. Boileau affirme plaisamment que la postérité ne retiendra le nom d’un autre académicien, Charles Cotin (auteur de poèmes précieux dont Molière aurait fait le modèle de Trissotin dans Les  Femmes savantes) que parce qu’il aura été sa victime. La dimension épigrammatique des Satires, brillantes et pleines de verve, s’accompagne d’un propos moral.

Dans Les Caractères de La Bruyère, la satire inventorie les ridicules et les travers de la cour, perçue comme une région dont les habitants ont une apparence, des rites et des mœurs étranges. Les personnages que décrit La Bruyère sont classés par types, de façon à former une galerie de portraits de courtisans, de coquettes, de femmes galantes, d’écrivains envieux et d’inutiles oisifs, miroirs des ridicules de la vie de cour et de la vanité de la condition humaine. L’œuvre était initialement conçue comme une suite aux Caractères de Théophraste. Le XVIIIe siècle a été un âge d’or de la satire. Liée à l’esprit des Lumières, en tant que celui-ci se définissait d’abord comme un esprit d’examen, un esprit critique, la satire devient non plus seulement le moyen d’une critique des mœurs, mais aussi celui d’une critique philosophique et politique qui trouve ses racines dans les œuvres des moralistes du XVIIe siècle. Les textes de Montesquieu (Lettres persanes, 1721) ou de Voltaire (Romans et contes, 1748) reprennent sur des modes divers les thèmes de la critique des mœurs européennes.

En Angleterre, les plus brillantes réussites du genre datent de cette époque, avec les satires de Pope (Dunciade, 1728-1743) ou celles de Joseph Addison. Fielding, Smollett, Swift, ont également écrit des romans satiriques : La Vie de Jonathan Wild le Grand (1743), de Fielding, par exemple, était dirigée contre Horace Walpole, tandis que Le Voyage de Humphry Clinker (1771), de Smollett, et Les Voyages de Gulliver, de Swift, sont des satires qui dépassent largement les ambitions propres au genre. Les Aventures de Joseph Andrews, de Fielding (1742), parodient quant à elles le moralisme et le sentimentalisme d’un fameux roman de Samuel Richardson, Paméla ou la Vertu récompensée, datant de 1740 (un premier texte de Fielding, paru anonymement, Justification de la vie de Mrs Shamela Andrews, raillait déjà l’œuvre de Richardson).

La satire aux XIXe et XXe siècles

Au XIXe siècle, après son apogée, la satire revit dans certaines œuvres polémiques, comme Les Châtiments, de Victor Hugo. Les textes pamphlétaires de Barbey d’Aurevilly, de Zola, de Léon Bloy puisent à l’occasion dans des thèmes propres à la satire, mais leur violence verbale, leur goût pour les dénonciations belliqueuses et l’invective les éloignent de la dénonciation plaisante des ridicules et des tableaux carnavalesques spécifiques à la verve satirique.

En Angleterre, la dimension satirique n’est pas absente des textes de certains romantiques, comme Blake, alors qu’elle n’existe guère dans les œuvres des romantiques français si ce n’est, ponctuellement, chez Musset et Hugo. À la suite de Fielding, Jane Austen écrit une parodie de roman gothique, Northanger Abbey (1818).

Les romans de Dickens, comme ceux de Thackeray, comportent des traits satiriques, sans que la gravité du propos social soit altérée par la légèreté des descriptions. Plus tard, les pièces de George Bernard Shaw, L’argent n’a pas d’odeur (1892), La Profession de Mme Warren (1893), Le Héros et le Soldat (1894) et Pygmalion (1912), ou celles d’Oscar Wilde, plus humoristiques et plus désabusées (De l’importance d’être constant, 1895), renouvelleront les thèmes de la satire sociale caractéristiques de la comédie de mœurs (dont l’apogée avait coïncidé, au XVIIIe siècle, avec les pièces de Sheridan, comme L’École de la médisance, 1777, ou Le Critique ou la Tragédie en répétition, 1779).

Au XXe siècle, la satire en tant que genre a vécu, et c’est la permanence de l’esprit satirique dans des œuvres appartenant à des genres divers qu’il faut désormais évoquer. André Gide, par exemple, a donné le sous-titre de sottie à l’un de ses romans, Les Caves du Vatican, et il y a indéniablement des traits satiriques dans Les Faux-Monnayeurs, sans que l’on puisse considérer qu’on a affaire là à une renaissance de la satire, laquelle demeure, en tant que genre, une forme datée.

Dans la littérature contemporaine, la satire a partie liée avec un mouvement général de dénégation qui se développe en une fable noire (Orwell, 1984 ; Zinoviev, l’Avenir radieux). L’identification du monde romanesque à un univers où les pouvoirs de l’homme sont diminués ou dégradés par rapport aux données des grands genres héroïques généralise la perspective satirique et en fait une détermination constante de la création du XXe siècle.

Figure du vengeur ou observateur distancié, la satire incarne l’ombre portée du désir d’amour, de justice et d’authenticité. En ce sens, la satire n’est que l’envers de l’utopie.

Et la presse satirique ?

Au cours du XIXe siècle, la presse satirique se développe en Europe. En Afrique, elle n’apparaît qu’à la fin du XXe siècle.

La presse satirique est un type de presse écrite qui utilise la satire – critique moqueuse – comme moyen d’information et d’expression. Apparue en France lors de la Révolution française (1789), elle prend son essor en Europe au XIXe siècle. En Afrique, elle apparaît à la fin du XXe siècle et se développe rapidement au cours de la décennie 1990.

Faire rire le lecteur en donnant une image volontairement déformée de la réalité, tel est l’un des buts de la presse satirique, but commun à la caricature, utilisée à l’origine dans la presse satirique avant qu’elle ne s’étende à la presse généraliste. Mais si le « fondement de sa démarche [la presse satirique] est de mettre à nu, de façon comique, un défaut, un vice, un mensonge observé dans la société », comme le définit Souleymane Bah dans une thèse soutenue en 2004, la presse satirique n’a pas pour seul but de divertir : il s’agit in fine de dénoncer les travers et les fautes morales observés au sein de la société, notamment chez les puissants.

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