La vie des mots

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La vie des mots

 

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Les mots naissent, vivent, évoluent… Les mots constituent le socle de notre communication et le miroir de nos civilisations. Leur évolution, tant sur le plan sémantique que phonétique, reflète les dynamiques culturelles, historiques et sociales qui façonnent les sociétés. Certains termes voient leur signification se métamorphoser au fil du temps, d’autres tombent en désuétude, tandis que certains conservent fidèlement leur sens originel. Cet article propose une analyse approfondie de cette vie des mots, mettant en lumière les mécanismes linguistiques et les facteurs contextuels qui influencent leur parcours à travers les époques.

La vie des mots

La vie des mots

1. La plupart des mots français ont, depuis l’époque latine où ils sont nés, conservé leur signification première.

Ces mots, depuis quinze ou vingt siècles, représentent les mêmes faits, les mêmes êtres, les mêmes productions, les mêmes idées.

Les générations se suivent, recevant des générations antérieures la tradition orale d’expressions, d’idées et d’images qu’elles transmettent aux générations suivantes.

(Arsène Darmesteter)

Arsène Darmesteter
Arsène Darmesteter est un érudit du judaïsme et philologue français du XIXe siècle. Il est né le 5 janvier 1846 à Paris et est mort le 16 novembre 1888. Il est le frère du linguiste James Darmesteter.

2. Cependant, au cours des siècles, il est des mots qui se sont « usés » et qui ont disparu; d’autres dont le sens s’est transformé; d’autres sont nés.

Que l’on songe à toutes les causes profondes qui ont modifié, en France, notre vie et notre civilisation au cours des siècles ! L’Église, les institutions féodales, les Croisades, les progrès de la royauté, la Renaissance et la Réforme, la monarchie absolue, la démocratie, les nouveaux et rapides progrès scientifiques, l’évolution de la littérature :

Que de faits, que d’idées nouvelles ont dû ainsi pénétrer dans le trésor de la pensée commune ! Pour l’expression de ces faits et de ces idées, la langue a recouru à des mots nouveaux ; mais très souvent aussi elle s’est contentée d’appliquer un ancien à l’expression d’une choses nouvelle.

3. Les mots ont une « vie », puisqu’ils naissent, se développent, dépérissent et meurent.

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Ils naissent quand l’esprit crée un  terme nouveau pour exprimer un objet nouveau, une idée nouvelle ; ce mot nouveau est un mot simple provenant du latin, ou un mot tiré par dérivation d’un mot déjà existant, ou un mot emprunté aux langues étrangères.

Les mots se développent quand l’esprit attache à un même mot un plus grand nombre de significations ; ils dépérissent quand ce groupe de significations se restreint ; ils meurent quand l’esprit transporte la signification à un autre mot, ou quand l’objet ou l’idée que le mot représentait se trouve à disparaître.

→ À lire : Le latin. – Les mots latins admis en français. – Les mots français d’origine arabe. – La néologie.

Comment se développe le sens des mots ?

Souvent des sens nouveaux peuvent être appliqués à un mot déjà existant : le sens du mot s’est élargi, étendu.

1. Le mot « éclat » :

  • Sens premier : fragment qui saute d’un objet qu’on brise, qu’on fend.
  • Au XVe siècle, s’ajoute un sens nouveau : bruit soudain qui frappe l’oreille.
  • Au XVIIIe siècle, s’ajoute encore un autre sens : lumière vive qui frappe le regard.

Et ces trois sens restent vivants aujourd’hui : des éclats de verre des éclats d’obusrire aux éclatsun éclat de tonnerrel’éclat du soleil (au figuré, l’éclat des grandeurs, une action d’éclat).

2. Le mot « panier » : 

  • Proprement, ce qui est relatif au pain.
  • Puis corbeille à pain.
  • Enfin, sens général de corbeille.

3. Le mot « boucher » : 

  • Qui est propre au bouc. D’où marchand de viande de bouc.
  • En généralisant, marchand de n’importe quelle viande.
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Les mots ont souvent, à côté de leur sens propre, un ou plusieurs sens dérivés ou figurés.

Ainsi le sens du mot s’est élargi puisqu’il est pris dans de nouvelles acceptions. L’on peut dire aussi qu’il est restreint puisqu’on n’applique dans l’emploi nouveau qu’un seul caractère de l’être cité.

Le nom ours désigne un animal particulier. Nous disons d’un individu balourd et taciturne : c’est un ours. Nous appliquons le mot ours à un être différent de celui qu’il désignait à l’origine, et nous ne retenons que le caractère spécial de l’ours : son allure et son genre de vie…

Exemple : Le mot « plume »

  • Sens propre : un cygne aux plumes blanches.
  • Sens figuré : une boîte de plumes (morceau de métal semblable à une plume taillée).
  • Sens figuré : cet écrivain vit de sa plume (des œuvres écrites avec sa plume).
Comment meurent les mots ?

1. Voici des mots qui ont « dépéri » et dont le sens s’est restreint.

  • Le verbe traire : on disait dans l’ancienne langue traire l’épée, traire l’aiguille, les cheveux (sens de tirer).
    Aujourd’hui, on dit seulement traire les vaches, traire le lait.
  • Le nom viande : il désignait tout aliment en général jusqu’à la fin du XVIIe siècle, et Mme de Sévigné appelait viandes une salade de cerneaux et de concombres.
  • Le nom ennui : c’était jadis une profonde douleur.
    De même, la gêne était la torture, le supplice. Charme signifiait enchantement magique. Le sens de ces mots s’est restreint.

2. Lorsqu’un mot disparaît, on dit qu’il est tombé en désuétude, c’est-à-dire sorti de l’usage.

Parfois, un mot disparaît parce qu’il désigne une chose qui elle aussi a disparu. C’est ainsi qu’ont disparu les armes, les instruments, les monnaies, les vêtements, les institutions, les jeux, les idées du Moyen Âge, et en même temps ont disparu les mots qui les désignaient. C’est ce qui explique l’obscurité qui s’attache à certains textes médiéval.

3. La disparition d’un mot simple n’entraîne pas nécessairement celle des dérivés.

Ouvrer est sorti de l’usage, et cependant ouvrage, ouvrier, ouvrable (dans l’expression jours ouvrables), manœuvrer, manœuvrier sont toujours vivants.

4. Parfois, une « concurrence vitale » s’établit entre deux ou plusieurs mots synonymes, et l’un d’eux finit par disparaître.

Il arrive d’ailleurs que l’on remplace difficilement le mot disparu.

En voici des exemples :

  • Abrier : vieux verbe disparu, remplacé par la locution mettre à l’abri ; aux XVIe et XVIIe siècles, naît le verbe moderne abriter.
  • Douloir disparaît au XVIe siècle, et fait place à souffrir, se plaindre, qui n’a pas exactement le même sens.
  • Gésir remplacé par être couché.
  • Quérir remplacé par chercher.

5. Il se rencontre des mots vieillis, et peu connus ou même complètement inconnus de la génération actuelle.

Sans doute, ces mots ne tarderont-ils pas à disparaître totalement. Cependant, certains renaîtront : on parle de néologisme. C’est le cas du verbe cueillir.

Le sens premier de cueillir (colligere) a disparu pour vivre dans son composé et remplaçant recueillir.
Du sens spécial recueillir (des fruits, des fleurs) en les détachant de la tige, la langue est arrivée au sens de détacher de la tige, et l’idée de recueillir a disparu: cueillir une rose. Prenons les termes de métier, et nous verrons l’ouvrier verrier cueillir le verre au bout de sa canne, le maçon cueillir le plâtre avec sa truelle. C’est là que s’est réfugiée et qu’est encore vivante la signification qu’avait le mot « cueillir » dans la vieille langue.

(Arsène Darmesteter)

10 mots les plus bizarres de la langue française : 1re partie. – 2e partie.
→ À lire : La néologie.

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