Le madrigal

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Le madrigal

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Qu’est-ce que le madrigal ?

En France, principalement du XVIe au XVIIIe siècle et particulièrement chez les poètes mondains du XVIIe siècle, le madrigal est une pièce de poésie, court et sans forme fixe, consistant en une pensée exprimée avec finesse en quelques vers de forme libre et prenant souvent, à l’égard d’une femme, la tournure d’un compliment galant. Il peut être fondé sur un trait d’esprit, ce qui le rend proche de l’épigramme.
→ À lire : L’épigramme.

💡 Le madrigal comme forme poétique ne doit pas être confondu avec le madrigal (madrigali) du domaine musical…
En musique, le madrigal est une composition musicale profane pour une, deux ou plusieurs voix, avec ou sans accompagnement, s’appuyant sur un texte poétique. Introduit en Italie au XIVe siècle, il réapparaît sous une forme différente au cours du XVIe siècle et s’épanouit en Angleterre, en France, en Allemagne et en Espagne.
Cette sorte de composition musicale est ainsi nommée parce qu’elle était composée sur des madrigaux poétiques. Le style madrigalesque tient beaucoup de la fugue, mais il comporte plus de licences. Les compositeurs qui ont le plus excellé dans le madrigal sont Luca Marenzio, Palestrina Nenna, le prince de Venouse, Scarlatti.

L’origine du mot madrigal est controversée et reste obscure. Il pourrait venir de mandriali (chant pastoral) ou matricale (chant ou texte traditionnel en langue vernaculaire plutôt qu’en latin) ou encore madriale (hymne à la Vierge Marie), d’où madriale, puis madrigale, signifiant chant de berger : le madrigal aurait donc été d’abord une sorte de poésie pastorale. Quelques personnes pensent qu’il pourrait bien venir de Madrigal, bourg d’Espagne renommé par la galanterie de ses habitants, comme le mot vaudeville qui vient de la vallée de Vire (Val-de-Vire). Cependant, cette dernière étymologie n’est appuyée d’aucune preuve. D’autres font venir ce mot de l’espagnol madrugar (se lever matin), ce qui ferait primitivement du madrigal un « chant du matin ». On a dit aussi qu’il pouvait venir de martégal, chant des Martégaux, montagnards de la Provence.

Le mot madrigal était encore inconnu du temps de Clément Marot qui nous en a laissés de si jolis, sous le nom d’épigrammes, comme cet exemple :

Puisque de vous je n’ai autre visage,
Je vais me rendre hermite en un désert
Pour prier Dieu. Si un autre vous sert,
Qu’ainsi que moi en votre honneur soit sage.
Adieu, amour ; adieu, gentil corsage ;
Adieu ce teint ; adieu ces friands yeux :
Je n’ai pas eu de vous grand avantage ;
Un moins aimant aura peut-être mieux.

Adaptation du poème en français contemporain :

Puisque de vous je n’ai autre visage
Je vais rendre ermite en un désert,
Pour prier Dieu ; si un autre vous sert
Qu’autant que moi en votre honneur soit sage.
Adieux Amours, adieu gentils corsage,
Adieu ce teint, adieu ces friands yeux.
Je n’ai pas eu de vous grands avantages.
Un moins aimant aura, peut-être, mieux.

Les premières pièces de vers, auxquelles on donne le nom de madrigal, n’ont ni le caractère ni la précision que nous leur donnons aujourd’hui. Ils se rapprochent de l’élégie érotique, comme celui de Clément Marot, ci-dessus ; c’est-à-dire, qu’ils peignent le sentiment et la douleur, au lieu de peindre la grâce et l’enjouement.

Le caractère du madrigal

Le madrigal ne diffère de l’épigramme que par le caractère de la pensée. Elle est vive et saillante dans l’épigramme plus spécialement réservée pour des sujets plaisants ou satiriques. Elle est délicate et ingénieuse dans le madrigal plus particulièrement consacré à des sujets tendres, gracieux ou galants. Le madrigal, dit Nicolas Boileau, « Respire la douceur, la tendresse et l’amour ». L’épigramme a, dans son tour, quelque chose de plus vif, de plus piquant, de plus étudié c’est l’esprit qui y domine. Le madrigal, au contraire, a quelque chose de plus doux, de plus simple, de plus délicat ici c’est le cœur qui parle, le sentiment qui se fait jour ; et sa pointe toujours aimable, gracieuse, n’a de piquant que ce qu’il lui en faut pour n’être pas fade. On peut donc dire que le madrigal est une espèce d’épigramme dont la pointe, sans satire comme sans fadeur, est toujours un éloge délicat et gracieux.

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Le madrigal n’est d’ailleurs assujetti à aucune règle spéciale pour le choix de la mesure et l’arrangement des vers. Pour le nombre, il peut être le même que dans l’épigramme, c’est-à-dire ne pas descendre, en général, au-dessous de quatre, et ne pas aller au-delà de quinze. Cependant, certains, comme Jean Bertaut (lire l’exemple dans la rubrique ci-dessous), en utilisent malgré tout.

Une des qualités du madrigal est de laisser à deviner. S’il dit trop, il ne dit plus assez : on ne trouve alors qu’un fade compliment où l’on cherchait une pensée fine et gracieuse, comme dans celui de Montreuil, qui suit :

Pourquoi me demandez-vous tant
Si mes vœux dureront, si je serai constant ;
Jusques à quand mon cœur vivra sous votre empire ?
Ah, Philis, vous avez grand tort !
Comment pourrais-je vous le dire !
Rien n’est plus incertain que l’heure de ma mort.

Le mélange harmonieux des rimes et des mesures donne un nouveau prix au madrigal. On ne peut dicter de préceptes à ce sujet ; l’oreille, le cœur et le goût sont les seuls maîtres que l’on doive consulter. Enfin, on peut adapter au madrigal la même observation que Nicolas Boileau a faite pour l’épigramme. Essayez, un trait piquant ou un mot flatteur ; s’il produit généralement l’effet que vous en attendez , vous aurez fait une bonne épigramme ou un bon madrigal.

En France, le madrigal n’est d’ailleurs assujetti à aucune règle spéciale pour le choix de la mesure, de la rime, du rythme et de l’arrangement des vers. Pour le nombre, il peut être le même que dans l’épigramme, c’est-à-dire ne pas descendre, en général, au-dessous de quatre, et ne pas aller au-delà de quinze. Il n’en est pas de même en Italie où le madrigal doit être écrit en vers hendécasyllabes ou en vers iambiques, et n’en pas avoir plus de douze.

Le madrigal au fil des temps

On a cultivé le madrigal en France dès le XVIe siècle. Clément Marot et Mellin de Saint-Gelais s’y sont distingués. Au XVIIe siècle, la fameuse Guirlande de Julie se compose en grande partie de madrigaux. Vers le même temps, Bonnecorse en fait une suite de médiocres sous le titre : La Montre d’amour. Un peu plus tard, on publie Les Madrigaux de M. D. L. S. (Mme de la Sablière) en 1680. On traduit aussi en vers Les Madrigaux amoureux du cavalier Guarini (1664). Mais c’est au XVIIIe siècle que le genre est surtout à la mode. Un madrigal bien tourné suffit pour introduire Louis-Clair de Beaupoil, comte de Sainte-Aulaire, à l’Académie française. Sans compter ceux qui en font des recueils, comme Ménard de Saint-Just (Madrigaux et épigrammes, 1787), presque tous les poètes du siècle s’évertuent à composer des pièces de ce genre. Voltaire les surpasse tous là comme dans le reste de la poésie légère. Les autres tombent facilement dans la recherche et l’affection qui causent le discrédit du madrigal, comme de presque toutes les poésies fugitives. Le genre ne périt pas tout à fait avec la société et les élégances de l’Ancien Régime. On en trouverait plus d’un exemple au XIXe siècle (lire le madrigal de Chateaubriand ci-dessous).

À toutes les époques, des écrivains dont la tournure d’esprit semble s’y moins prêter encore ont produit, à l’occasion, des œuvres du même genre : on cite des madrigaux de Pierre Corneille, de Buffon, de Victor Hugo, d’Alphonse de Lamartine, etc., et, en y regardant de près, on y reconnaît quelque chose de la manière de l’auteur ou du goût du temps. Sans prendre la forme même du madrigal, on peut employer, dans d’autres genres, ce que Mme de Staël appelle le style madrigalique.

Chez les Anciens, beaucoup d’épigrammes de Catulle et de Martial sont de véritables madrigaux. Chez les Modernes, Gilles Durand de la Bergerie, poète français XVIe siècle, emprunte le premier mot madrigal aux Italiens. Bernard de La Monnoye, Voltaire, Claude-Joseph Dorat, Stanislas de Boufflers, etc. ont cultivé avec succès ce genre de poésie.

Exemples de madrigaux

Un des meilleurs est celui de Jacques Pradon👤 à un ami qui lui a d’une manière très spirituelle :

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Vous n’écrivez que pour écrire
C’est pour vous un amusement.
Moi qui vous aime tendrement,
Je n’écris que pour vous le dire.

👤 Jacques Pradon
Jacques Pradon (dit parfois Nicolas Pradon), né à Rouen en 16441 et mort à Paris le 14 janvier 1698, est dramaturge. Tôt dans sa carrière, Jacques Pradon a reçu l’aide de Pierre Corneille et d’Antoinette Des Houlières. Pradon est l’auteur de huit tragédies qui ont joui d’un succès modéré, mais qui ont été sévèrement jugées par Nicolas Boileau et son rival Jean Racine. Il est du parti des Anciens dans la Querelle des Anciens et des Modernes.

Il y a de l’esprit dans ce madrigal mais il n’y en a qu’autant qu’il en faut pour assaisonner le sentiment. Le tour est délicat, il est simple, il est doux c’est tout ce qu’on peut souhaiter dans un madrigal bien fait.

Le suivant est également très délicat :

À un roi étranger venu en France.

Un roi qu’on aime et qu’on révère
A des sujets en tous climats ;
Il a beau parcourir la terre,
Il est toujours dans ses États.

Autres exemples :

● Jean Bertaut

Quand je revis ce que j’ai tant aimé,
Peu s’en fallut que mon feu rallumé
N’en fît l’amour en mon âme renaître;
Et que mon cœur, autrefois, son captif,
Ne ressemblât l’esclave fugitif
À qui le sort fait rencontrer son maître.

Chateaubriand qui joint le tour romantique à son raffinement gracieux : Clarisse

Ce ruisseau, sous tes pas, cache au sein de la terre
Son cours silencieux et ses flots oubliés :
Que ma vie inconnue, obscure et solitaire,
Ainsi passe à tes pieds !

Aux portes du couchant le ciel se décolore ;
Le jour n’éclaire plus notre aimable entretien :
Mais est-il un sourire aux lèvres de l’Aurore
Plus charmant que le tien ?

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