Les fées
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Les fées
La bonne grâce est le vrai don des fées ; Sans elle on ne peut rien, avec elle on peut tout.
(Charles Perrault, Cendrillon)
Sommaire
La fée est un personnage féminin légendaire célèbre pour ses nombreux pouvoirs magiques, notamment sa capacité à infléchir le destin des hommes, apparaissant dans de nombreuses œuvres littéraires à partir du Moyen Âge.
→ À lire également : Les ogres et les ogresses. – Le lutin. – La sirène. – Le troll.- Les créatures fabuleuses et les divinités.
Introduction
Si les histoires des génies sont anciennes dans l’Orient, la Bretagne a peut-être le droit de réclamer les fées et les ogres. Nos fées ou fades (fatidicœ) sont assurément les druidesses1 de nos pères.
Chez les Bretons, de temps immémorial, et dans tout le reste des Gaules, pendant la première race des rois francs, on croyait généralement que les druidesses pénétraient les secrets de la nature, et disparaissaient du monde visible. Elles ressemblaient en puissance aux magiciennes des Orientaux ; on en a fait les fées. On disait qu’elles habitaient au fond des puits, au bord des torrents, dans des cavernes sombres. Elles avaient le pouvoir de donner aux hommes des formes d’animaux, et faisaient quelquefois dans les forêts les mêmes fonctions que les nymphes du paganisme2. Elles avaient une reine qui les convoquait tous les ans en assemblée générale, pour punir celles qui avaient abusé de leur puissance et récompenser celles qui avaient fait du bien.
Dans certaines contrées de l’Écosse, on dit que les fées sont chargées de conduire au ciel les âmes des enfants nouveau-nés, et qu’elles aident ceux qui les invoquent à rompre les maléfices de Satan.
Bref, une fée est donc un personnage féminin imaginaire, doté de pouvoirs magiques, et censé influer sur le monde des vivants.
Caractéristiques du personnage de la fée
Bien qu’il existe des fées aux visées maléfiques, la fée est dans la plupart des récits un être bon, qui fait usage de ses pouvoirs magiques pour faire le bien. Elle peut être minuscule comme de taille humaine ; elle est parfois munie d’ailes ou pourvue d’une apparence corporelle immatérielle. Elle peut parfois changer son apparence à volonté, et possède le plus souvent le don d’apparaître et de disparaître à sa guise aux yeux des hommes. Certaines des caractéristiques des fées les rapprochent des personnages des Dames blanches, dont les apparitions sont contées dans nombre de récits populaires dès l’époque médiévale et que l’on peut relier aux banshees, fées maléfiques associées à la mort dans les croyances ancestrales d’Irlande et d’Écosse.
La fée possède généralement une baguette magique, grâce à laquelle s’expriment ses grands pouvoirs. Elle est capable de transformer les objets et les êtres vivants — « Sa marraine, qui était fée, (…) creusa [la citrouille], et n’ayant laissé que l’écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. » (Cendrillon, Charles Perrault) — et de doter les êtres humains (souvent des nouveaux-nés) des vertus de leur choix : « Une fée qui se trouva à sa naissance assura qu’il ne laisserait pas d’être aimable, parce qu’il aurait beaucoup d’esprit ; elle ajouta même qu’il pourrait, en vertu du don qu’elle venait de lui faire, donner autant d’esprit qu’il en aurait à celle qu’il aimerait le mieux. » (Riquet à la houppe, Charles Perrault). La fée est de façon générale capable de toutes sortes de prodiges, comme dans Les Fées de Charles Perrault (« Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse ») ou La Fée poussière de George Sand (tiré de Contes d’une grand-mère), conte dans lequel la fée construit de merveilleux jardins et palais avec la poussière qu’elle secoue de sa robe.
Les origines de la fée
Les Moires grecques et les Parques romaines sont fort vraisemblablement à l’origine du personnage fabuleux de la fée. Au nombre de trois, elles président aux destinées humaines, en choisissant notamment le moment de la mort de tout homme. Le nom de fée provient d’ailleurs des Parques, souvent désignées sous le nom de tria Fata — mot dérivé de fatum, « destin ». Tout comme leurs illustres aînées, les fées sont ainsi dotées du pouvoir d’influencer le cours du destin des hommes. L’attribut premier de la fée, sa baguette magique, a d’ailleurs pour origine la quenouille, en référence aux Moires grecques qui tissent le fils de la vie des hommes à l’aide de cet instrument.
L’élaboration du personnage, sorte de divinité païenne, doit également beaucoup aux déesses romaines protectrices des femmes telle la Juno Matronalia. Elle s’inspire, en outre, de la figure de la déesse-mère propre aux anciennes croyances celtiques. Ces caractéristiques font de la fée un être couramment associé à la fécondité et aux naissances, et lui valent de revêtir l’aspect de la fée marraine dans de nombreux contes. Les fées sont ainsi généralement décrites comme des magiciennes qui se penchent au-dessus du berceau du nouveau-né, et lui offrent divers dons ou le soumettent à des sortilèges.
La fée est également un personnage dont les liens avec la nature sont très étroits. Dans de nombreuses croyances, elle est ainsi associée aux sources et aux forêts, auprès desquelles elle vit et apparaît aux hommes. Son image fascinante renvoie le plus souvent à celle de l’abondance et de la prospérité.
Le bonheur ou le malheur des familles
On voit dans tous les contes et dans les vieux romans de chevalerie, où les fées jouent un si grand rôle, que, quoique immortelles, elles étaient assujetties à une loi qui les forçait à prendre tous les ans, pendant quelques jours, la forme d’un animal, et les exposait, sous cette métamorphose, à tous les hasards, même à la mort, qu’elles ne pouvaient recevoir que violente. On les distinguait en bonnes et méchantes fées ; on était persuadé que leur amitié ou leur haine décidait du bonheur ou du malheur des familles.
À la naissance de leurs enfants, les Bretons avaient grand soin de dresser, dans une chambre écartée, une table abondamment servie, avec trois couverts, afin d’engager les mères, ou fées, à leur être favorables à les honorer de leur visite, et à douer le nouveau-né de quelques qualités heureuses. Ils avaient pour ces êtres mystérieux le même respect que les premiers Romains pour les carmentes3, déesses lutélaires des enfants, qui présidaient à leur naissance, chantaient leur horoscope et recevaient des parents un culte.
La présence des fées un peu partout
On trouve des fées chez tous les anciens peuples du Nord, et c’était une opinion partout adoptée que la grêle et les tempêtes ne gâtaient pas les fruits dans les lieux qu’elles habitaient. Elles venaient le soir, au clair de la lune, danser dans les prairies écartées. Elles se transportaient aussi vile que la pensée partout où elles souhaitaient, à cheval sur un griffon, ou sur un chat d’Espagne, ou sur un nuage.
On assurait même que, par un autre caprice de leur destin, les fées étaient aveugles chez elles, et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu’il y avait entre les fées, comme parmi les hommes, inégalité de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes, on voit souvent une bonne fée vaincue par une méchante, qui a plus de pouvoir.
Les cabalistes4 ont aussi adopté l’existence des fées, mais ils prétendent qu’elles sont des sylphides5, ou esprits de l’air. On vit, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les légendaires appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniques des fées. Corneille de Kempen assure que, du temps de Lothaire, il y avait en Frise quantité de fées qui séjournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu’au clair de la lune. Olaüs Magnus6 dit qu’on en voyait beaucoup en Suède de son temps. « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs, dans le plus profond des forêts ; elle se montrent quelquefois, parlent à ceux qui les consultent, et s’évanouissent subitement. » On voit, dans Froissard, qu’il y avait également une multitude de fées dans l’île de Céphalonie ; qu’elles protégeaient le pays contre tout méchef, et qu’elles s’entretenaient familièrement avec les femmes de l’île.
Les femmes blanches de l’Allemagne sont encore des fées ; mais celles-là étaient presque toujours dangereuses. Leloyer conte que les Écossais avaient des fées, ou fairs, ou fairfolks, qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fées paraîssent être les striges7, ou magiciennes, dont parle Ausone. Hector de Boëce, dans ses Annales d’Écosse, dit que trois de ces fées prophétisèrent à Banquo, chef des Stuarts, la grandeur future de sa maison. Shakespeare, dans son Macbeth, en a fait trois sorcières.
⬆ A Fairy Tale d’Arthur Wardle (1864-1949). Huile sur toile 115 x 165 cm. « Tout semblait dormir, le lièvre timide sur le formulaire » – Exposée à l’Académie royale, 1895 (n° 222).
Il reste beaucoup de monuments de la croyance aux fées : telles sont les grottes du Chablais (en Suisse romande), qu’on appelle les grottes des fées. On n’y aborde qu’avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont l’eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L’eau qui distille dans la grotte supérieure, à travers le rocher, a formé, dans la voûte, la figure d’une poule qui couve ses poussins. À côté du bassin, on voit un rouet, ou tour à filer, avec la quenouille. « Les femmes des environs, dit un écrivain du dernier siècle, prétendent avoir vu autrefois, dans l’enfoncement, une femme pétrifiée au-dessus du rouet. Aussi on n’osait guère approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu, on est devenu moins timide. »
Auprès de Ganges, en Languedoc, on montre une autre grotte des fées, ou grotte des demoiselles, dont on fait des contes merveilleux. On voit à Merlingen, en Suisse, une citerne noire qu’on appelle le puits de la fée. Non loin de Bord Saint-Georges, à deux lieues de Chambon, on respecte encore les débris d’un vieux puits qu’on appelle aussi le puits des fées, ou fades, et sept bassins qu’on a nommés les creux des fades. On voit près de là, sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : l’une est celle du pied de saint Martial ; l’autre appartient, suivant la tradition, à la reine des fées, qui, dans un moment de fureur, frappa si fortement le rocher de son pied droit qu’elle en laissa la marque. On ajoute que, mécontente des habitants du canton, elle tarit les sources minérales qui remplissaient les creux des fées, et les fit couler à Évaux, où elles sont encore.
On voyait près de Domremy, l’arbre des fées ; Jeanne d’Arc fut même accusée d’avoir eu des relations avec les fées qui venaient danser sous cet arbre. On remarque dans la petite île de Concourie, à une lieue de Saintes, une haute butte de terre, qu’on appelle le mont des fées. La Bretagne est pleine de vestiges semblables ; plusieurs fontaines y sont encore consacrées à des fées qui métamorphosent en or, en diamant, la main des indiscrets qui souillent l’eau de leur sources.
Les fées des contes
Le personnage de la fée s’intègre par la suite dans des œuvres théâtrales telles que Le Songe d’une Nuit d’été (1595) de William Shakespeare, pièce dont l’intrigue prend place au sein du royaume des fées et met en particulier en scène Titania, leur souveraine. Mais la popularité du personnage se développe plus particulièrement à partir de la fin du XVIIe siècle, époque où un nouveau genre littéraire, le conte de fées, voit le jour. Il rencontre immédiatement un immense succès, avec en particulier les contes de Charles Perrault (premiers contes en vers en 1694, suivis en 1697 des Contes de ma mère l’Oye ou Histoires et contes du temps passé) et ceux de Madame d’Aulnoy, notamment les recueils les Contes des fées et Nouveaux contes des fées (1696-1698).
Toutefois, le personnage de la fée est paradoxalement relativement rare dans les contes dits de fées. Elle n’y est par ailleurs presque jamais le personnage principal. Désignée par « la fée », elle n’a pas de nom ; elle est souvent la marraine du héros ou de l’héroïne, comme dans Cendrillon, Peau d’âne ou La Belle au bois dormant — « on donna pour marraines à la petite princesse toutes les fées qu’on pût trouver dans le pays (il s’en trouva sept), afin que chacune d’elles lui faisant un don, comme c’était la coutume des fées en ce temps-là, la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables. » (Charles Perrault). La fée n’est plus la séductrice ambivalente des récits médiévaux, elle est à présent une conseillère, un « ange gardien » qui fait usage de ses pouvoirs pour aider le héros ou l’héroïne malheureux, mais vertueux, à changer le cours de son destin. Dans Les Aventures de Pinocchio de Carlo Collodi (1881), la fée Bleue, marraine du pantin de bois doué de parole créé par le menuisier Gepetto, est celle qui finit par lui insuffler la vie pour le transformer en petit garçon. Parallèlement, il existe quelques fées au caractère maléfique, dont la vieille fée de La Belle au bois dormant (plus tard baptisée Carabosse) est l’archétype.
Plus récemment, ce sont en particulier les dessins animés de Walt Disney qui ont contribué à faire perdurer le succès populaire de la fée, en mettant en images les contes de fées les plus célèbres. L’une des représentations les plus marquantes demeure celle de la minuscule fée Clochette, personnage clé de Peter Pan (1953) — tiré des romans de James Barrie (Peter Pan dans les jardins de Kensington, 1904, et Peter Pan et Wendy, 1911) — oscillant entre jalousie maladive et espièglerie attachante : « elle est parfois gentille, parfois méchante. Elle est tellement petite qu’elle n’a de place que pour un seul sentiment à la fois » (James Barrie).
→ À lire : Le conte de fées ou le conte merveilleux.
C’est une fée !
C’est une fée ; expression qui se dit d’une personne très adroite. On vient de voir que les fées sont un personnage qui figurait surtout dans les anciens romans de chevalerie. On leur attribuait des qualités merveilleuses et surnaturelles, telles que de se transporter sur-le-champ aux endroits les plus reculés de la terre, de transformer des chaumières en palais, de les détruire au commandement d’une baguette magique, de prendre les formes les plus bizarres, enfin de distribuer à volonté les trésors, les diamants, la beauté à ceux qu’elles prenaient sous leur protection. Les contes de fées avaient dans leur principe pour but de donner des leçons de morales et d’inculquer la pratique des vertus ; mais les circonstances ridicules dont on les revêtit, finirent par les faire tomber en discrédit, de sorte qu’ils furent abandonnés aux nourrices, qui s’en servirent pour endormir les enfants et les empêcher de crier.
Le mot fée n’est resté dans le langage du vulgaire que pour désigner une personne très adroite. Les meilleures autorités attestent que ces êtres mystérieux connus depuis sous le nom de fées, n’étaient autres que les prophétesses et druidesses gauloises, qui, choisissant pour demeures les antres profonds et les vallons déserts, étaient devenues pour nos ancêtres, les divinités des lieux où l’on avait coutume de les consulter.
Les fées au service de la langue française…
- Avoir des doigts de fée, être doué d’une adresse manuelle exceptionnelle.
- Vivre un conte de fée, voir ses rêves devenir réalité.
- Féer (verbe transitif, rare), doter d’un pouvoir surnaturel.
- Fée (emploi adjectival, vieux et littéraire), doté d’une puissance magique, surnaturelle.
- Une fée Carabosse, fée représentée sous les traits d’une vieille et méchante femme appuyée sur une canne.
- La Fée Morgane, phénomène de mirage parfois observé au détroit de Messine. Par extension, « tout mirage multiple spectaculaire. » (Villen. 1974).
- La fée blanche, la cocaïne, la morphine ; la fée brune, l’opium ; la fée verte, le haschich (d’après Sandry-Carr. Drogue 1963).
- La fée verte, l’absinthe.
- Une cheminée de fée, pilier minéral surmonté d’un bloc, résultant de l’érosion.
- Un travail de fée, un travail minutieux.
- Une fée du logis, experte du ménage.
Notes
1. Prêtresse chez les Celtes, faisant figure de magicienne et de prophétesse. ▲
2. Ensemble des religions polythéistes de l’Antiquité. ▲
3. Divinités marines dans la mythologie grecque. Les Carmentes sont une sorte de nymphes marines. ▲
4. Celui qui est versé dans la science de la cabale (somme de spéculations ésotériques qui, à partir des vingt-deux signes de l’alphabet hébraïque représentant chacun à la fois une lettre et un chiffre, donnent à certains passages de la Bible un sens allégorique et mystique). ▲
5. Génie féminin ailé, qui vit dans les airs. ▲
6. Religieux et écrivain suédois. ▲
7. Au Moyen-Âge notamment, en Europe et plus particulièrement en Europe centrale, c’est un mort sortant la nuit de son tombeau pour aller sucer le sang des vivants ou se nourrir de leur chair ; par analogie, sorcier ou sorcière s’adonnant aux mêmes pratiques. ▲
Articles connexes
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- Le conte. – Le conte de fées ou le conte merveilleux.
- Le mythe : définition et fonctions.
- La fable. – De la récitation des fables.
- Le poisson d’avril.
- Les Aventures d’Antar.
- Le bonheur.
- Les ouvrages anonymes.
- Les pantomimes.
- Arlequin.
- Pistes pour raconter une histoire.
- Auteurs cités : Charles Perrault. – George Sand.
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