Les figures d’imagination

LittératureRhétorique et styleLes figures de rhétoriquevous êtes ici

Rhétorique et style » Les figures de rhétorique

Les figures d’imagination

– Les figures de pensées propres à plaire –

Présentation

Il n’existe pas une seule manière pour classifier les figures de rhétorique. Les façons varient dans leurs détails, mais on retrouve souvent les mêmes concepts. Les rhéteurs divisent ordinairement les figures en deux grandes classes : les figures de mots et les figures de pensées. Il y a cette différence, dit Cicéron, entre les figures de pensées et les figures de mots, que les premières dépendent uniquement du tour de l’imagination, en sorte qu’elles demeurent toujours les mêmes, quoiqu’on change les mots qui les expriment, tandis que les autres sont telles que si l’on change les paroles, la figure s’évanouit. [En savoir plus…]

→ À consulter : Rhétorique et style. – La rhétorique. – Les figures de rhétorique. – Les figures de style.

Définition des figures de pensées

Les figures de pensées sont celles qui, par le tour qu’elles donnent à la pensée, au sentiment, y ajoutent de la force, de la grâce, de la vivacité ou de la noblesse, indépendamment des mots qu’on emploie pour les exprimer. L’exemple suivant fera sentir la différence qui existe entre les figures de pensée et les figures de mots :

Répondez, deux et mer ; et vous, terre, parlez.

Voilà une figure de pensée. Changez les expressions, retranchez, ajoutez, la figure ne subsistera pas moins.

Les figures de pensée, qui sont suggérées par la passion et l’artifice oratoire, ont pour objet de peindre les mouvements de l’esprit et les émotions de l’âme. Mais elles demandent à être employées avec mesure et discernement.

→ À lire : Les figures de mots et les figures de pensées.

Classification des figures de pensées

Les figures de pensée énumérées par les rhéteurs sont très nombreuses. Nous ne parlerons que des plus importantes et des plus usitées ; et nous les réunirons sous un certain nombre de chefs, d’après leur nature et d’après les effets qu’elles peuvent produire. Or, comme tout écrivain a pour but d’instruire, de plaire ou de toucher, les figures de pensée peuvent être rapportées à ces trois classes principales.

Annonce

Il y en a que l’écrivain emploie avec art, pour porter plus sûrement la lumière dans notre esprit, pour faire parler la raison avec plus de force, de justesse, pour présenter une vérité sous le jour le plus favorable et le plus lumineux : ce sont les figures de raisonnement, qui servent principalement à éclairer l’esprit et à convaincre.

Il y a d’autres figures qui ont pour objet de flatter et de captiver l’imagination, par l’éclat et l’agrément qui leur sont propres. On s’en sert pour embellir la vérité de tous les charmes qui peuvent la faire aimer : celles-là sont des figures d’ornement ou d’imagination.

Enfin, il y en a qui pénètrent jusque dans le fond de nos cœurs, les remuent, les agitent, les entraînent. L’écrivain en fait usage pour toucher, pour émouvoir, pour maîtriser notre âme, et la mener, pour ainsi dire, au but qu’il se propose : ces figures sont propres aux passions, et sont appelées figures de mouvement ou de passion.

Les figures de la première catégorie, étant propres à instruire, peuvent convenir plus particulièrement au style simple ; celles de la seconde, étant destinées à plaire, trouvent leur place naturelle dans le style tempéré ; celles de la troisième, ayant pour but de toucher et d’émouvoir, conviennent surtout au style sublime.

Il est bien entendu que ces divisions n’ont rien d’absolu. En effet, toutes les figures peuvent se rencontrer dans les différentes espèces de style. Et il en est plusieurs qui paraissent convenir également aux diverses catégories dont nous venons de parler.

→ À lire : Les figures de raisonnement.

Les figures d’imagination (propres à plaire)

Dans cet article, nous étudierons les différentes figures d’imagination ou d’ornement (propres à plaire). Les principales figures d’ornement, c’est-à-dire qui ont pour but de captiver l’imagination, sont : l’antithèse, la correction, la licence, la dubitation, l’hypothèse, la réticence, l’ironie, l’astéisme, la gradation, la comparaison et l’hypotypose.

Les figures de rhétorique » Les figures d'imagination

 

L’antithèse

L’antithèse (n.f.) est une figure par laquelle on oppose des idées les unes aux autres, le plus souvent au moyen d’expressions qui rendent cette opposition plus frappante.

Annonce

Exemples :

J’ai vu mille peines cruelles
Sous un vain masque de bonheur ;
Mille petitesses réelles
Sous une écorce de grandeur ;
Mille lâchetés infidèles
Sous un coloris de candeur.

(Gresset)

Ce fut lui (Joyeuse) que Paris vit passer tour à tour
Du siècle au fond du cloître et du cloître à la cour.
Vicieux, pénitent, courtisan, solitaire,
Il prit, quitta, reprit la cuirasse et la haire.

(Voltaire)

L’antithèse peut opposer deux mots, deux idées, deux couleurs. Elle peut affecter le ton de tout un passage : ainsi Bossuet pousse-t-il au noir le caractère de la soldatesque entourant Jésus, le vendredi saint. Il aggrave les offenses qui lui sont faites, pour mettre en lumière sa sublime patience et sa maîtrise surhumaine.

L’antithèse est une ressource puissante pour l’écrivain. Elle donne de la lumière aux pensées, et au discours de la force et de l’éclat ; mais il ne faut s’en servir qu’avec sobriété, et ne pas oublier que cette figure n’est réellement belle que lorsque les pensées opposées sont naturelles, tirées du fond du sujet, et qu’elles servent à se donner réciproquement de la justesse et de la clarté.

La correction

La correction (ou l’épanorthose) corrige avec finesse les pensées et les expressions de l’écrivain, et leur en substitue d’autres qui paraissent plus justes ou plus fortes. Cette figure ne consiste pas à corriger une faute réelle qui serait échappée. Il ne faut point d’art pour cela, il n’est besoin que de franchise ; mais quand on a dit ce qu’on a voulu dire, et qu’on le corrige pour donner plus de finesse, de délicatesse ou de force au discours, c’est là que se trouve une figure, c’est-à-dire un ornement. La correction excite fortement l’intérêt en appelant l’attention sur la pensée nouvelle.

Exemple :

Quoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie,
Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie ?
Dieu parle, et d’un mortel vous craignez le courroux ?
Que dis-je ? votre vie, Esther, est-elle à vous ?
N’est-elle pas au sang dont vous êtes issue ?
N’est-elle pas à Dieu dont vous l’avez reçue ?

(Jean Racine)

La licence

La licence est une figure par laquelle on promet de ne point déguiser à des personnes que l’on doit respecter ou craindre, certaines vérités qui pourraient leur déplaire. Quelquefois on emploie la licence avec le dessein secret de plaire et de flatter. Nous trouvons des exemples de cette figure dans le discours de Burrhus à Agrippine, et dans le Pro Ligario :

Je ne m’étais chargé, dans cette occasion,
Que d’excuser César d’une seule action ;
Mais puisque, sans vouloir que je le justifie,
Vous me rendez garant du reste de sa vie,
Je répondrai, Madame, avec la liberté
D’un soldat qui sait mal farder la vérité :
Vous m’avez de César confié la jeunesse,
Je l’avoue, et je dois m’en souvenir sans cesse.
Mais vous avais-je fait serment de le trahir,
D’en faire un empereur qui ne sût qu’obéir ?
Non, ce n’est plus à vous qu’il faut que j’en réponde ;
Ce n’est plus votre fils, c’est le maître du monde ;
J’en dois compte, Madame, à l’empire romain
Qui croit voir son salut ou sa perte en ma main.

(Jean Racine, Britannicus)

La dubitation

La dubitation exprime l’incertitude, le doute de celui qui parle. Il paraît ne savoir ni ce qu’il doit dire, ni quel parti il doit prendre. Pour que la figure soit efficace, il faut qu’elle reproduise les conditions de vérité.

Exemple :

— Je voudrais vous dire… Monsieur le Curé… Je… je n’ai pas bien écouté vos leçons,… je veux dire… je n’ai pas suivi vos conseils… Vous comprenez, j’étais seule… et puis ! J’avais besoin de compagnie, j’ai fait la connaissance de ce jeune homme… Et voilà.
— Vous êtes…
— Je suis… ennuyée

Dans cet exemple, c’est la dubitation de la pudeur qui prend place.

L’hypothèse

L’hypothèse (ou la supposition) est une figure par laquelle on imagine, on suppose comme vraies ou comme possibles des circonstances, des situations dont on tire des inductions favorables. Employée à propos, elle peut produire dans l’éloquence un effet saisissant. Nous citerons comme modèle de supposition le passage suivant du sermon sur le Petit nombre des élus :

Je vous le demande : si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée la plus auguste de l’univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement des loups et des brebis, croyez-vous que le plus grand nombre de tout ce que nous sommes ici fût placé à la droite ? Croyez-vous que les choses du moins fussent égales ? Croyez-vous qu’il s’y trouvât seulement dis justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes tout entières ? Je vous le demande ; vous l’ignorez, et je l’ignore moi-même. Vous seul, ô mon Dieu, connaissez ceux qui vous appartiennent : mais si nous ne connaissons pas ceux qui lui appartiennent, nous savons du moins que les pécheurs ne lui appartiennent pas.

(Jean-Baptiste Massillon)

La réticence

La réticence (ou l’aposiopèse) est une figure par laquelle on interrompt brusquement le propos qu’on a commencé pour passer à un autre, en sorte que ce qu’on a dit laisse assez entendre ce qu’on supprime. Cette figure fait tourner à la gloire de l’orateur ou de l’écrivain toutes les pensées qu’il n’exprime pas, et qui naissent en foule dans l’esprit do ceux qui l’écoutent ou le lisent ; mais elle doit être employée avec sobriété, et amenée par la violence de la passion, par l’impétuosité du sentiment, ou par un motif de respect ou de bienveillance.

Athalie, attendrie un moment à la vue de Joas, emploie aussitôt cette réticence :

Quel prodige nouveau me trouble et m’embarrasse ?
La douceur de sa voix, son enfance, sa grâce,
Font insensiblement à mon inimitié
Succéder. … je serais sensible à la pitié !

(Jean Racine, Athalie)

L’ironie

L’ironie consiste à dire précisément le contraire de ce qu’on pense et de ce qu’on veut faire entendre. Elle cache donc un sens opposé au sens propre et littéral. Pour cela,  elle est rangée parmi les tropes par quelques critiques.

C’est, le plus souvent, l’inflexion de la voix et la connaissance des sentiments de l’orateur à l’égard de celui dont il parle, qui font connaître l’ironie. Il est évident que, dans un écrit, elle doit être plus clairement exprimée.

L’ironie est tantôt badine et enjouée, tantôt dure et pleine de fiel. Dans le premier cas, elle raille avec finesse. Dans le second, elle se propose de mordre cruellement, et alors elle prend le nom de sarcasme. Ou bien elle a pour but d’exprimer le dernier degré du désespoir ou de la colère. Cette figure demande beaucoup de précaution, surtout dans le genre sérieux. Voici des exemples de l’ironie.

Jean-Baptiste Rousseau raille finement, dans son épître à Louis Racine, les déistes et les prétendus esprits forts :

Tous ces objets de la crédulité,
Dont s’infatue un mystique entêté,
Pouvaient jadis abuser des Cyrille,
Des Augustin, des Léon, des Basile :
Mais, quant à vous, grands hommes, grands esprits,
C’est par un noble et généreux mépris,
Qu’il vous convient d’extirper ces chimères,
Épouvantails d’enfants et de grand’mères.
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.
Je le déclare donc : Quinault est un Virgile ;
Pradon comme un soleil en nos ans a paru.

(Nicolas Boileau)

L’impie Athalie adresse ce sarcasme à Josabeth :

Ce Dieu depuis longtemps votre unique refuge,
Que deviendra l’effet de ses prédictions ?
Qu’il vous donne ce roi promis aux nations !
Cet enfant de David, votre espoir, votre attente !

Oreste, apprenant qu’Hermione s’est donné la mort à l’annonce de celle de Pyrrhus, s’écrie :

Grâce aux dieux, mon malheur passe mon espérance !
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance.

Il termine cette affreuse ironie par ce vers qui est, dit La Harpe, le sublime de la rage :

Eh bien ! Je suis content, et mon sort est rempli.

L’astéisme

L’astéisme (n.m.) est une ironie délicate et ingénieuse par laquelle on déguise la louange ou la flatterie sous le voile du reproche et du blâme, et réciproquement. Tel est, dans le Lutrin, l’éloge de Louis XIV par la Mollesse.

La gradation

La gradation consiste à présenter une suite de pensées, d’images ou de sentiments qui enchérissent les uns sur les autres, soit en croissant, soit en décroissant. Il y a donc deux sortes de gradation, l’une ascendante, l’autre descendante plus rare que la première. Dans la poésie comme dans l’éloquence, cette figure est très propre à donner de la force et du mouvement à la phrase et à la pensée. Elle produit surtout un grand effet lorsqu’elle s’unit à la répétition, ce qui arrive très souvent.

Exemples :

Veni, vidi, vici.

Elle viendra cette heure dernière ; elle approche, nous y touchons, la voilà venue.

(Jacques-Bénigne Bossuet)

Vous voulez qu’un roi meure, et pour son châtiment
Vous ne donnez qu’un jour, qu’une heure, qu’un moment

(Jean Racine)

La gradation peut être :

numérique :

Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port.

intensive lorsqu’elle va des mots les plus faibles aux plus forts :

Je m’en suis séparé; je l’ai fui, renoncé, crucifié.

(Pascal, Mémorial)

pittoresque, allant du terme le moins coloré au plus expressif, ou du plus courant au plus baroque, du plus ordinaire au plus étrange :

Il reconnut secrète, bruissante et divisée, la phrase [de musique] aérienne et odorante qu’il aimait.

(Marcel Proust, Du côté de chez Swann)

régressive, en cas, les termes vont en diminuant de valeur :

Fort belle, coquette et dédaigneuse, elle avait partagé les jeux de la reine; elle se contenta de fréquenter des duchesses; mais quand les gens de la cour lui eurent tourné le dos, elle fut trop heureuse d’être reçue par la noblesse de robe; on croyait qu’elle allait accorder sa main à un notaire, quand on apprit qu’elle épousait une petit charcutier gras et chauve, qui s’appelait Bourgogne.

(E. A.)

syllabique et ajouter à la fin de masse aux modifications du sens :

Une de ces impressions qui sont peut-être… les seules… musicales (3 syllabes), inattendues (4), entièrement originales (8), irréductibles à tout autre ordre d’impressions (12).

(Marcel Proust)

La comparaison

La comparaison consiste à rapprocher deux objets qui se ressemblent soit par plusieurs côtés, soit par un seul. Elle se distingue de la métaphore, en ce que la ressemblance que l’on observe entre deux choses s’y trouve non pas seulement indiquée, mais formellement exprimée, et en général plus suivie et plus détaillée que ne le permet la nature de la métaphore. L’effet de la comparaison est de donner plus de grâce et d’éclat au discours, plus de variété au récit, plus de clarté aux pensées, ou plus de force au raisonnement. Les poètes et les orateurs font un fréquent usage de cette figure.

Pour peindre la reine d’Angleterre seule debout au milieu des ruines accumulées par une révolution sanglante, Bossuet fait cette magnifique comparaison :

Comme une colonne dont la masse solide paraît le plus ferme appui d’un temple ruineux, lorsque ce grand édifice fond sur elle sans l’abattre : ainsi la reine se montre le ferme soutien de l’État, lorsque, après en avoir porté le faix, elle n’est pas même courbée sous sa chute.

Milton dit de Satan, dans le Paradis perdu :

Il s’émeut, et semblable à l’instrument terrible,
Qui recule au moment qu’il vomit le trépas,
Il chancelle, il hésite, il recule d’un pas.

(Jacques Delille)

La comparaison est une des figures les plus riches de l’éloquence et de la poésie. Ses qualités sont la clarté, le naturel, la justesse, l’élévation ou la noblesse, la nouveauté, une judicieuse étendue, et la convenance qui existe lorsque cette figure est employée à propos et avec discrétion.

Enfin, la comparaison peut servir simplement à la connaissance: l’un des objets permet alors de mesurer l’autre, de l’étalonner, de le définir par différence.

→ À lire : Les tropes » La métaphore.

L’hypotypose

L’hypotypose (n.f.) peint les objets dont on parle avec des couleurs si vives et des images si vraies, qu’elle les met pour ainsi dire sous les yeux. C’est ici que la poésie et l’éloquence touchent de plus près à la peinture.

Les rhéteurs rapportent ordinairement à l’hypotypose la topographie, la démonstration, la prosopographie, l’éthopée, le parallèle, etc. Mais ces ornements du style ont le plus souvent une étendue qui les distingue des simples figures, et qui les range parmi les compositions proprement dites. Il en est de même de l’hypotypose lorsqu’elle se prolonge.

📽 Vidéo : La rhétorique – l’essentiel à savoir

Articles connexes

Suggestion de livres

Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombresEncyclopédie des symboles
Les techniques de style - Vocabulaire, figures de rhétorique, syntaxe, rythme: Vocabulaire, figures de rhétorique, syntaxe, rythmeDictionnaire de rhétorique
Dictionnaire des figures de styleLes figures de style expliquées clairement et simplement: 26 textes courts et décalés pour comprendre les figures de style en Primaire, au Collège et au Lycée, le doigt dans le nez

[➕ Autres choix…]

Annonce

À lire également...

EspaceFrancais.com

You cannot copy content of this page