Madame de Sévigné

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Madame de Sévigné

1626-1696

Marie de Rabutin-Chantal, connue comme la marquise ou, plus simplement, Madame de Sévigné, née le 5 février 1626 à Paris et morte le 17 avril 1696 au château de Grignan (Drôme), est une femme de lettres française qui, dans la correspondance qu’elle adresse à sa fille, fait la chronique spirituelle et sensible de la cour et des salons parisiens.

→ Lumière sur les Lettres de Madame de Sévigné.
→ À lire : La correspondance. – Les salons littéraires.

Une vie mondaine

Portrait de Madame de Sévigné par Claude Lefèbvre, vers 1665.

Petite-fille de Jeanne de Chantal, qui fonde l’ordre de la Visitation avec François de Sales, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, perd son père en 1627, puis sa mère en 1633. Elle est donc élevée par ses deux oncles maternels, Philippe et Christophe de Coulanges. Elle reçoit auprès d’eux une éducation riche et variée, fondée essentiellement, comme c’était souvent le cas à l’époque pour les filles, sur les belles-lettres et l’étude des langues.

À dix-huit ans, réputée tant par son esprit que par sa beauté, elle épouse Henri de Sévigné, de trois ans son aîné. Entre la Bretagne, où le marquis de Sévigné possédait plusieurs domaines, et Paris, le jeune couple passe pour avoir mené joyeuse vie, à en croire les témoignages de deux contemporains, Tallemant des Réaux et Bussy-Rabutin, cousin de la marquise.

Mme de Sévigné fréquente à Paris une société choisie, en particulier celle de l’hôtel de Rambouillet, où elle se lie d’amitié avec La Rochefoucauld, le cardinal de Retz ou encore Fouquet. En 1646, elle met au monde une fille, Françoise-Marguerite, puis, en 1648, un garçon, peu avant de perdre son mari, qui est tué lors d’un duel en 1651.

Dès lors, libérée de toute obligation de résider en Bretagne, Mme de Sévigné s’installe à Paris, où le pouvoir de séduction de son esprit lui attire de nombreuses et durables amitiés, comme celles de Mme de La Fayette, Jean Chapelain ou de Gilles Ménage.

Malgré les diverses occasions qu’elle a de se remarier, elle décide de se consacrer exclusivement à sa vie mondaine, d’une part, mais plus encore à l’éducation de ses enfants.

→ Lumière sur l’hôtel de Rambouillet.

Les Lettres
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C’est en 1671 que se produit l’événement qui doit, d’une certaine façon, décider de la carrière littéraire de Mme de Sévigné : sa fille Françoise-Marguerite, qu’elle chérit par-dessus tout, se marie deux ans plus tôt avec le comte de Grignan. Cette année-là, elle part rejoindre son époux en Provence. La séparation est pour la marquise un véritable déchirement, mais lui donne l’occasion de rédiger cette célèbre correspondance, ininterrompue de 1671 à 1696, qui forme la quasi-totalité de ses écrits.

Les quelque 764 lettres adressées à Mme de Grignan qui nous sont parvenues — souvent remaniées et édulcorées par des éditeurs trop zélés — représentent un témoignage savoureux et varié, une observation alerte de son époque. Véritable chroniqueuse, Mme de Sévigné relate pour sa fille tous les événements marquants qui se sont produits à Paris : le mariage de la Grande Mademoiselle, l’arrestation de Fouquet, l’exécution de la Brinvilliers lors de l’affaire des Poisons, la mort d’Henriette d’Angleterre, etc. Elle lui adresse aussi des conseils pratiques et mondains, ainsi que des réflexions plus générales sur le temps, l’absence, la destinée humaine. Mais là n’est pas la finalité première des lettres, qui se proposent avant tout de réduire la distance avec l’être aimé par l’évocation des souvenirs communs et par l’expression spontanée du sentiment d’amour maternel.

Le style de ces lettres, enfin, adopte le ton enjoué de la conversation mondaine : naturel autant qu’on pouvait l’être dans la fréquentation des salons, il ne doit que très peu aux ressources de la rhétorique, discipline que la marquise, en tant que femme, n’avait jamais apprise. Par leur inventivité, leur liberté de ton et leur originalité, les Lettres de la marquise de Sévigné constituent, sans que ce fût le moins du monde prémédité, l’une des œuvres les plus marquantes du XVIIe siècle français.

→ Lumière sur les Lettres de Madame de Sévigné.

Extrait : Lettre à Mme de Grignan (1672)

Parmi les lettres de Mme de Sévigné, celles à sa fille sont les plus touchantes. Son style est frappant par son élégante simplicité, sa spontanéité, et se rapproche davantage des conversations de salons que de la littérature du temps, dominée par la rhétorique. L’aisance avec laquelle la marquise passe d’un sujet intime (ses considérations sur la mort) à un commentaire de Bajazet (critiquant Racine au bénéfice de Corneille), puis à des anecdotes mondaines et parisiennes, peut dérouter, mais manifeste la vivacité d’un esprit dont la réflexion, plus cohérente qu’il n’y paraît, se nourrit de tout ce qui s’offre à elle.

→ À lire également un autre extrait : Lettre à Madame de Grignan (1671).

À Paris, mercredi 16 mars [1672]

Vous me demandez, ma chère enfant, si j’aime toujours bien la vie. Je vous avoue que j’y trouve des chagrins cuisants ; mais je suis encore plus dégoûtée de la mort : je me trouve si malheureuse d’avoir à finir tout ceci par elle que si je pouvais retourner en arrière je ne demanderais pas mieux. Je me trouve dans un engagement qui m’embarrasse : je suis embarquée dans la vie sans mon consentement ; il faut que j’en sorte, cela m’assomme ; et comment en sortirai-je ? Par où ? Par quelle porte ? Quand sera-ce ? En quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir désespérée ? Aurai-je un transport au cerveau ? Mourrai-je d’un accident ? Comment serai-je avec Dieu ? Qu’aurai-je à lui présenter ? La crainte, la nécessité feront-elles mon retour vers lui ? N’aurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? Que puis-je espérer ? Suis-je digne du paradis ? Suis-je digne de l’enfer ? Quelle alternative ! Quel embarras ! Rien n’est si fou que de mettre son salut dans l’incertitude ; mais rien n’est si naturel, et la sotte vie que je mène est la chose du monde la plus aisée à comprendre. Je m’abîme dans ces pensées, et je trouve la mort si terrible que je hais plus la vie parce qu’elle m’y mène que par les épines qui s’y rencontrent. Vous me direz que je veux vivre éternellement. Point du tout ; mais si on m’avait demandé mon avis, j’aurais bien aimé à mourir entre les bras de ma nourrice : cela m’aurait ôté bien des ennuis et m’aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément ; mais parlons d’autre chose.

Je suis au désespoir que vous ayez eu Bajazet par d’autres que par moi. C’est ce chien de Barbin qui me hait, parce que je ne fais pas des Princesses de Montpensier. Vous en avez jugé très juste et très bien, et vous aurez vu que je suis de votre avis. Je voulais vous envoyer la Champmeslé pour vous réchauffer la pièce. Le personnage de Bajazet est glacé ; les mœurs des Turcs y sont mal observées ; ils ne font point tant de façons pour se marier ; le dénouement n’est point bien préparé : on n’entre point dans les raisons de cette grande tuerie Il y a pourtant des choses agréables, et rien de parfaitement beau, rien qui enlève, point de ces tirades de Corneille qui font frissonner. Ma fille, gardons-nous bien de lui comparer Racine, sentons-en la différence. Il y a des endroits froids et faibles, et jamais il n’ira plus loin qu’Alexandre et qu’Andromaque. Bajazet est au-dessous, au sentiment de bien des gens, et au mien, si j’ose me citer. Racine fait des comédies pour Champmeslé : ce n’est pas pour les siècles à venir. Si jamais il n’est plus jeune et qu’il cesse d’être amoureux, ce ne sera plus la même chose. Vive donc notre vieil ami Corneille ! Pardonnons-lui de méchants vers, en faveur des divines et sublimes beautés qui nous transportent : ce sont des traits de maître qui sont inimitables. Despréaux en dit encore plus que moi ; et en un mot, c’est bon goût : tenez-vous-y.

Voici un bon mot de Mme Cornuel, qui a fort réjoui le parterre. M. Tambonneau le fils a quitté la robe, et a mis une sangle autour de son ventre et de son derrière. Avec ce bel air, il veut aller sur la mer : je ne sais ce que lui a fait la terre. On disait donc à Mme Cornuel qu’il s’en allait à la mer : « Hélas, dit-elle, est-ce qu’il a été mordu d’un chien enragé ? » Cela fut dit sans malice, c’est ce qui a fait rire extrêmement.

(Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty, Anthologie des littératures de langue française, Paris, Bordas, 1988)

→ Lumière sur les Lettres de Madame de Sévigné.

🎥 15 citations choisies de Madame de Sévigné
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  • Gare à la flatterie, ma fille : trop de sucre gâte les dents. (Lettres)
  • On ne perd jamais que d’une voix, et cette voix fait le tout. (Lettres)
  • Il n’y a qu’à être en Espagne pour n’avoir plus envie d’y bâtir des châteaux. (Lettres)
  • Le temps vole et m’emporte malgré moi ; j’ai beau vouloir le retenir, c’est lui qui m’entraîne. (Lettres)
  • La mémoire est dans le cœur. (Lettres)
  • Il n’y a rien de plus vrai que l’amitié se réchauffe quand on est dans les mêmes intérêts. (Lettres)
  • Le cœur n’a pas de rides. (Lettres)
  • Les choses n’arrivent quasi jamais comme on se les imagine. (Lettres)
  • La mort est affreuse quand on est dénué de tout ce qui peut nous consoler en cet état. (Lettres)
  • La vie est pleine de choses qui blessent le cœur. (Lettres)
  • L’ingratitude attire les reproches, comme la reconnaissance attire de nouveaux bienfaits. (Lettres)
  • Ne lui demandez pas de se connaître, vous savez bien qu’une femme ne voit jamais les défauts de ceux qu’elle aime. (Lettres)
  • Il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert. (Lettres)
  • La mort nous égale tous ; c’est où nous attendons les gens heureux : elle rabat leur joie et leur orgueil, et console par là ceux qui ne sont pas fortunés. (Lettres)
  • Les traductions sont des domestiques qui vont porter un message de la part de leur maître et qui disent tout le contraire de ce qu’on leur a ordonné. (Lettres)
  • La vie est courte ; c’est la consolation des misérables et la douleur des gens heureux ; et tout viendra au même but. (Lettre à Bussy – 15 Décembre 1685)
  • Que cette année vous soit heureuse ; que la paix, le repos et la santé vous tiennent lieu de fortune. (Lettre au comte de Bussy-Rabutin, 15 janvier 1687)

 Autres citations de Madame de Sévigné.

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