Molière : Le Malade imaginaire (1673)
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Le Malade imaginaire (1673)
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👤 Molière
Molière (1622-1673) est dramaturge, directeur de troupe et acteur français qui a fixé le modèle de la comédie classique et qui incarne l’auteur classique français par excellence. Si les quelque trente pièces que Molière a écrit se caractérisent par leur diversité — farces, comédies d’intrigues, comédies-ballets, grandes comédies, pièces à machines —, elles trouvent leur unité dans le rire. Le comique moliéresque a traversé les siècles : certains de ses personnages sont devenus des archétypes, ses pièces sont très souvent mises en scène et il tient une place majeure dans l’enseignement actuel… [Lire la suite de sa biographie]
→ À lire aussi : Le Médecin malgré lui (1666). – Les Précieuses ridicules (1659). – La comédie. – La comédie classique en France. – Le Classicisme (XVIIe siècle). – Les personnages littéraires dans la langue française.
Présentation
Le Malade imaginaire est une comédie en trois actes et en prose de Molière, présentée par l’auteur lui-même et la Troupe du roi au Palais-Royal, le 10 février 1673. C’est le dernier ouvrage du dramaturge. Quand l’auteur joue le rôle d’Argan, le malade imaginaire, il était déjà très malade. Depuis un an, il s’est réconcilié avec sa femme. La réconciliation d’un mari amoureux et jaloux avec une femme vive et coquette s’accorde mal. Molière oublie qu’il a une poitrine, pour se souvenir qu’il a un cœur ; mais il éprouve que le plaisir n’est pas si sain que le bonheur. Pour maintenir la bonne intelligence avec une femme très difficile à vivre, il fait des sacrifices qui augmentent considérablement sa toux. La mort semble vouloir venger ses fidèles médecins, plus vivement attaqués dans Le Malade imaginaire, que dans aucune autre comédie.
Conçue comme un divertissement royal, Le Malade imaginaire, fidèle aux conceptions artistiques de l’auteur qui considère avant tout le théâtre comme « une réalité vivante faite pour être jouée », combine habilement la farce et le ballet (l’opéra aussi), animant ainsi la raideur conventionnelle d’une intrigue centrée sur l’aveuglement égoïste du droit paternel aux dispositions de l’amour.
Enfin, Le Malade imaginaire a été réalisée avec une musique de scène composée par Marc-Antoine Charpentier et des ballets réglés par Pierre Beauchamp. La comédie de Molière était donnée initialement avec des intermèdes musicaux à la fin de chaque acte, y compris l’intronisation finale d’Argan à la médecine. Cléante et Angélique chantent une courte pièce au début du deuxième acte.
Personnages
- Argan, le malade imaginaire (hypocondriaque)
- Toinette, servante de Monsieur Argan
- Béline, seconde femme d’Argan
- Béralde, frère d’Argan
- Angélique, fille aînée d’Argan et amante de Cléante
- Louison, fille cadette d’Argan et sœur d’Angélique
- Cléante, amant d’Angélique
- Monsieur Purgon, médecin d’Argan
- Monsieur Diafoirus, médecin
- Thomas Diafoirus, fils de Monsieur Diafoirus et choisi par Argan pour se marier avec Angélique
- Monsieur Bonnefoy, notaire
- Monsieur Fleurant, apothicaire
Stratagèmes et stratégies
Le schéma du Malade imaginaire, qui intègre comme des prolongements thématiques chacun des intermèdes dansés et chantés, est simple : Angélique aime Cléandre d’un amour partagé. Mais Argan son père, monomaniaque obsédé par la maladie et la médecine, la destine par intérêt personnel, à un benêt ridicule et pédant, fils de l’un de ses médecins : Thomas Diafoirus.
Mais les interventions de son frère Beralde, qui tente d’appuyer les intérêts d’Angélique en suggérant à Argan d’étudier la médecine, et sur les manigances de sa servante Toinette qui propose à son maître d’éprouver l’affection des siens en simulant la mort, viennent troubler les desseins du vieil homme. Angélique verra finalement, bien sûr, ses vœux comblés.
L’illusion du mal
La pièce est toute entière centrée sur le spectacle de la maladie et des maux du corps. Autour d’Argan, recroquevillé dans ses atours de souffreteux, se presse tout un cortège de prescriptions, de traitements et de remèdes de charlatans. Mais le titre a prévenu le spectateur et l’a déjà convié à regarder la pièce et les obsessions de son héros d’un œil distancié, si ce n’est critique.
Molière joue à la perfection des effets comiques du pédantisme médical, dont il brocarde le jargon et fustige les méthodes au point de les réduire aux boniments du sectarisme. Mais c’est surtout de la peur infantile d’Argan, obnubilé par l’ombre de la mort, que naît véritablement le rire. Car Argan est aussi buté et archaïque que la médecine qui lui sert de rempart personnel, d’alibi aussi, face à cette mort qu’il craint au point de pactiser avec elle, temporairement et sur le mode mineur, par l’hypocondrie ℹ.
ℹ L’hypocondrie, c’est quoi ?
L’hypochondrie (n.f) est un état pathologique caractérisé par une préoccupation excessive et anxieuse de l’état de santé. Les hypocondriaques sont persuadés d’être atteints de maladies graves et ils souffrent réellement, pas seulement des symptômes de leur maladie présumée mais aussi d’angoisse et de mélancolie. C’est pourquoi la psychologie moderne parle aujourd’hui plus volontiers de syndrome hypocondriaque dont la définition est plus précise. Il s’agit de la préoccupation chronique d’une maladie ou d’un symptôme dont l’origine physique ne peut être déterminée. Les psychiatres s’accordent à dire qu’il y a des prédispositions héréditaires à l’hypocondrie.
Le jeu de la vérité
Le Malade imaginaire, malgré la légèreté de ses épisodes de divertissement et l’omniprésence des thèmes et des sujets triviaux, propres à la farce, est ainsi plus une œuvre sardonique qu’une œuvre bouffonne. Molière, en digne « peintre des défauts de la vie civile », entend, parce que là est pour lui la vocation du théâtre, rappeler les principes de la vie morale en tendant à l’homme le miroir de son délire (phobique, panique ou maniaque, bref, « imaginaire »), sa face « monstrueuse ». Le comique frôle ici le tragique et se réclame, tout en les dramatisant, des contradictions de la vie. Le dénouement du Malade imaginaire, où Argan fait volte-face, rappelle à l’homme sa vérité d’homme et le danger du jeu des masques qui, s’il protège et replie l’être sur ses humeurs intimes, livre cependant celui qui s’y complaît à l’isolement et l’inscrit ainsi fatalement dans la négation de la vie.
Par une curieuse ironie du sort, c’est lors d’une des représentations de cette pièce que Molière, qui incarne Argan le malade imaginaire, est pris d’une convulsion bien réelle. Il parvient à la dissimuler sur scène mais meurt peu de temps après dans les bras d’Armande Béjart.
Le Malade imaginaire : une farce ?
L’écrivain et le philosophe Voltaire a dit du Malade imaginaire : C’est une de ces farces de Molière, dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie. Il faut retourner ce jugement qui est à l’envers : Le Malade imaginaire n’est point une farce, mais une excellente comédie de caractère, où l’on trouve à la vérité quelques scènes qui se rapprochent de la farce. Et même, si la pièce était jouée décemment et sans charges, comme elle doit l’être, il n’y aurait qu’une scène de farce, celle du déguisement de Toinette en médecin. De même, Voltaire prononce que la naïveté, peut-être poussée trop loin, fait le principal mérite du Malade imaginaire. Ce second jugement n’est pas plus sûr que le premier. Il n’y a guère que la scène de la petite Louison, où la naïveté soit peut-être poussée trop loin. Dans tout le reste, on trouve plus de profondeur et de force comique que de naïveté.
Molière a corrigé le pédantisme et le costume ridicule des médecins. Il n’a point corrigé la faiblesse des malades et la folie des hypocondriaques. Les médecins, malgré les comédies de Molière, n’ont pas cessé d’être en vogue. Seulement, ils sont devenus plus aimables, plus philosophes, moins médecins, et par là même, moins dangereux. Dans cette pièce, qu’on voudrait flétrir du nom de farce, on voit combien cet amour désordonné de la vie est destructif de toute vertu morale. Argan, voué à la médecine, esclave de Monsieur Purgon, est aussi un époux sot et dupe, un père injuste, un homme dur, égoïste. Avec quelle énergie et quelle vérité l’auteur trace le tableau des caresses perfides d’une belle-mère qui abuse de la faiblesse d’un imbécile mari pour dépouiller les enfants du premier lit ! Quelle décence, quelle raison, quelle fermeté dans le caractère d’Angélique ! Cette comédie est l’image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. C’est ce naturel, cette vérité qu’on n’aime point : les précieuses n’y trouvent point d’esprit, et surtout point de sensibilité, point de délicatesse, point de noblesse. Elles voudraient des tirades, des sentences, du raisonnement au lieu de la raison. Non seulement Molière a plus de génie, mais encore il a plus d’esprit que tous les autres auteurs qui passent pour en avoir beaucoup. Il a surtout infiniment plus de philosophie. D’où vient donc cet injuste dédain qu’on affecte pour ce grand peintre de la nature humaine ? Cela vient surtout du défaut d’esprit et de goût : ce qui est simple, naturel et vrai, paraît au vulgaire facile, commun, ignoble. Et cependant, c’est qu’il y a de plus excellent, de plus précieux et de plus exquis dans les arts.
Madame de Sévigné fait souvent allusion dans ses Lettres à des traits comiques de Molière. Ces traits sont presque toujours tirés de ses moindres farces, telles que Le Médecin malgré lui : elle en sentait le prix ; et l’on sait que Madame de Sévigné est la femme qui a eu le plus d’esprit, et qu’elle relevait encore cet esprit-là par beaucoup de naïveté, de délicatesse et de grâces…
→ À lire : La farce. – La comédie. – La comédie classique en France.
L’amour excessif de la vie et de la santé
Molière attaque dans Le Malade imaginaire une des faiblesses les plus communes de l’humanité : cet amour excessif de la vie, ce soin mal entendu de la santé, plus propre à la ruiner qu’à la conserver, cette aveugle confiance dans la médecine, et cet abus des remèdes qui, loin de guérir les maux, donne quelquefois des maux que l’être humain n’a pas. Son malade imaginaire a réellement tous les défauts attachés à une telle pusillanimité : il est égoïste, bourru, crédule, entêté, injuste envers des enfants qui le chérissent, dupe des caresses d’une femme qui le déteste. L’ouverture est admirable, toute en action. Argan, occupé à compter le mémoire de l’apothicaire, oublie qu’il est seul, oublie qu’il est malade, ce qui prouve que pour guérir l’imagination, il faut l’occuper.
Le caractère de la belle-mère n’a que trop de modèles dans la société. Celui d’Angélique est d’une bienséance charmante : ce n’est plus une amoureuse ordinaire de comédie, c’est une demoiselle décente et bien élevée, pleine d’esprit, de raison et de grâces, qui résiste à la tyrannie avec un noble courage, sans manquer aux égards, sans s’écarter de son devoir. Elle est toujours très bonne fille, quoiqu’elle n’ait pas un bon père.
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