Paul Scarron

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Auteurs français

Paul Scarron

1610-1660

Paul Scarron, écuyer et seigneur de Fougerest, Beauvais et La Rivière né le 4 juillet 1610 à Paris et mort le 6 octobre 1660 à Paris, est un écrivain français contemporain du règne de Louis XIII et du début de celui de Louis XIV. Il est l’auteur du Roman comique et pionnier en France du genre burlesque.

→ À lire : La littérature française du XVIIe siècle : l’âge classiquel’âge baroque.

Paradoxe d’un libertin

Portrait anonyme de Paul Scarron, datant du XVIIe siècle. Le Mans, musée de Tessé.Né à Paris, dans un milieu de bonne bourgeoisie aisée et cultivée, Paul Scarron a une vie marquée à la fois par la liberté et par la difficulté. Il embrasse la carrière ecclésiastique pour trouver revenus et protection, tout en menant, dans le privé, la vie joyeuse d’un libertin de mœurs et de pensée. Rendu infirme par une maladie incurable, il vit, à partir de 1638, cloué sur une chaise, continuant à rassembler autour de lui une élite d’esprits libres et cultivés. Des difficultés financières incessantes, autant que sa grande aisance de plume, le conduisent à écrire énormément (pour s’assurer plus d’aisance, par le biais du clientélisme et des droits d’auteur). En 1652, il épouse la jeune Françoise d’Aubigné, petite-fille d’Agrippa et future madame de Maintenon, maîtresse puis épouse de Louis XIV.

Travestissement de l’épopée

Paul Scarron s’illustre d’abord dans le genre burlesque, introduit en France par le biais d’auteurs italiens comme Francesco Poggio Bracciolini (dit le Pogge) et Alessandro Tassoni. Le Recueil de quelques vers burlesques (1643), puis Typhon ou la Gigantomachie (1644) et surtout le Virgile travesti (1648 à 1652) développent une forme burlesque de l’épopée, qui utilise une trame connue de tous les lecteurs, et notamment celle de la célébrissime Énéide de Virgile, pour en inverser les codes esthétiques, et par conséquent aussi le contenu idéologique.

→ À lire : Le burlesque. – L’épopée. – Les personnages de l’épopée.

Des comédies romanesques et joyeuses

Auteur de comédies, Paul Scarron puise dans le fonds espagnol pour associer au mode burlesque italien un sens romanesque de l’argument. Les comédies de Lope de Vega, de Tirso de Molina, très en vogue à l’époque, fournissent l’inspiration et le ton, tandis qu’un célèbre comédien, Jodelet, sert la machine comique. Ces pièces, joyeuses non moins qu’efficaces, mettent en scène de jeunes couples d’amoureux dont le monde, galant et romanesque, se heurte au monde grossier et farcesque d’un personnage ridicule, valet dans Jodelet ou le Maître valet (1645) et Jodelet duelliste (1647), bouffon dans Dom Japhet d’Arménie (1653).

→ À lire : La comédie. – La comédie classique en France. – Bouffons et bouffonnerie.

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Le Roman comique

L’œuvre la plus célèbre de Paul Scarron est un roman burlesque, dont la première partie paraît en 1652, et la seconde, qui laisse le roman inachevé, en 1657. Le Roman comique est d’abord un roman de comédie : il raconte les pérégrinations et tribulations d’une troupe de comédiens dans la région du Mans où Scarron a exercé une charge de chanoine. Le texte se construit aussi, dans la lignée de L’Histoire comique de Francion (1623-1633) de Charles Sorel, aux antipodes des romans héroïques et sentimentaux qui foisonnent à l’époque : le comique, lié aux situations cocasses et à une peinture caricaturale des caractères, devient satirique dès lors qu’il consiste à briser les illusions et conventions romanesques, par un procédé de destruction systématique de tout ce qui relève du grand, du registre élevé, ainsi que par le recours fréquent aux incursions d’auteur. Cette œuvre brillante ouvre ainsi la voie aux jeux de déconstruction qui accompagnent l’histoire du roman, et notamment au roman selon Denis Diderot.

Le Roman comique raconte l’histoire d’une troupe de comédiens en tournée dans la région du Mans. À la fois réaliste et burlesque — le roman, au XVIIe siècle, est considéré comme un genre bas, ou vulgaire —, le livre de Scarron s’accorde aux personnages — les comédiens étant considérés comme des gens de peu, voire des êtres méprisables juste destinés à faire rire. Centrée autour de la troupe, d’où émergent quelques figures pittoresques — Mademoiselle de l’Étoile, le Destin, la Rancune et Ragotin, type du petit bourgeois ridicule et mesquin —, l’intrigue assez leste du roman est l’occasion pour Scarron de dépeindre les mœurs provinciales. Le romancier, surtout, nous fait partager les aventures à rebondissements des différents protagonistes (intrigues amoureuses, vie de la troupe durant les étapes) en s’inspirant de la construction à tiroirs des récits baroques. Le succès toujours renouvelé du Roman comique vient notamment du style foisonnant, de traits d’esprit, de détails burlesques et parodiques, et des intrusions constantes de l’auteur dans la narration : Scarron se moque de son propre texte, intitulant les chapitres : « Qui ne contient pas grand chose » ou « Qui contient ce que vous verrez si vous prenez la peine de le lire ». Ses interventions désinvoltes provoquent le sourire du lecteur et résonnent aujourd’hui de façon étonnamment moderne. Le titre de l’ouvrage, Le Roman comique, est ainsi à la fois un commentaire du ton du livre et une indication de son sujet : la vie des comédiens.

Extrait : Le Roman comique (chapitre 4)

Le Roman comique s’ouvre sur la venue d’une troupe de comédiens dans la ville du Mans. Le sieur de La Rappinière, lieutenant de la prévôté épris de théâtre, accepte de les accueillir chez lui. Un repas bien arrosé précède une nuit mouvementée, premier épisode bouffon du roman. L’amateur de théâtre est la victime ridicule d’un malentendu cocasse qui le fait « tourner chèvre ».

Après le premier sommeil, mademoiselle de La Rappinière eut envie d’aller où les rois ne peuvent aller qu’en personne ; son mari se réveilla bientôt après et, quoiqu’il fût bien soûl, sentit bien qu’il était seul. Il appela sa femme et on ne lui répondit point. Avoir quelque soupçon, se mettre en colère, se lever de furie, ce ne fût qu’une même chose ! À la sortie de sa chambre, il entendit marcher devant lui, il suivit quelque temps le bruit qu’il entendait et, au milieu d’une petite galerie qui conduisait à la chambre de Destin, il se trouva si près de ce qu’il suivait qu’il crut lui marcher sur les talons. Il pensa se jeter sur sa femme et la saisir en criant : « Ah ! putain ! » Ses mains ne trouvèrent rien et, ses pieds rencontrant quelque chose, il donna du nez en terre et se sentit enfoncer dans l’estomac quelque chose de pointu. Il cria effroyablement « au meurtre ! » et « on m’a poignardé ! » sans quitter sa femme qu’il pensait tenir par les cheveux et qui se débattait sous lui. À ses cris, ses injures et ses jurements, toute la maison fut en rumeur et tout le monde vint à son aide en même temps : la servante, avec une chandelle, La Rancune et le valet en chemises sales, La Caverne en jupe fort méchante, Le Destin l’épée à la main et mademoiselle de La Rappinière vint la dernière et fut bien étonnée, aussi bien que les autres, de trouver son mari tout furieux, luttant contre une chèvre qui allaitait, dans la maison, les petits d’une chienne morte en couche. Jamais homme ne fut plus confus que La Rappinière.

Paul Scarron, Le Roman comique, Paris, Garnier-Flammarion, 1981.

Citations choisies
  • Les absents sont assassinés à coups de langue. (Le Roman comique)
  • Ne sais-tu pas bien que la nuit tous les chats sont gris ? (Le Roman comique)
  • Vous n’êtes qu’une fanfaronne, lui dit dom Carlos; vous défiez avec insolence et vous vous cachez huit jours pour ne paraître qu’à une fenêtre grillée. (Le Roman comique)
  • Il arrive ordinairement que plus l’on s’empresse moins l’on avance. (Le Roman comique)
  • L’argent apaise tout et l’argent tout efface. (Jodellet duelliste)
  • Hélas, qu’on dit bien vrai ! tel maître, tel valet. (Jodelet ou le Maître valet)
  • Mais, malgré les dieux et leurs dents,
    Les mortels sont bien imprudents.
    De penser faire quelque chose :
    L’homme propose et Dieu dispose. (Le Virgile travesti)
  • Je lègue tous mes biens à mon épouse, à condition qu’elle se remarie. Ainsi, il y aura tout de même un homme qui regrettera ma mort.
  • Quand j’ai bien faim et que je mange et que j’ai bien de quoi choisir, je ressens autant de plaisir qu’à gratter ce qui me démange.
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Œuvres principales
  • Recueil de quelques vers burlesques, 1643
  • Le Typhon, 1644
  • Virgile travesti, 1648 à 1652
  • Jodelet ou le Maître valet, 1645
  • L’Héritier Ridicule, 1650,
  • Don Japhet d’Arménie, 1653
  • Le Roman comique, 1651 et 1657
  • L’Écolier de Salamanque, 1654
  • Le Marquis ridicule ou la comtesse faite à la hâte, 1655
  • La Fausse Apparence, 1657
  • Le Prince corsaire, 1658

Articles connexes

Suggestion de livres


Le Roman comique

Dom Japhet d’Arménie

Le Virgile travesti

Poésies diverses (tome I)
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