Prosper Jolyot de Crébillon

Auteurs français XIXe siècle ► vous êtes ici

Auteurs français

Prosper Jolyot de Crébillon

1674 – 1762

Biographie

Portrait de Prosper Jolyot de CrébillonProsper Jolyot de Crébillon Crébillon, dit Crébillon, est né le 15 février 1674 à Dijon et mort le 17 juin 1762 à Paris. Il est un dramaturge français et l’un des représentants de la veine tragique au XVIIIe siècle. Souvent appelé « Crébillon père », pour le distinguer de son fils, lui aussi écrivain, dit « Crébillon fils », il est le grand rival de Voltaire qui lui trouvait « plus de génie que de littérature ».

Né à Dijon dans une famille de notables, Prosper Jolyot, sieur de Crais-Billon, dit Crébillon, était destiné par tradition à suivre une carrière de juriste, mais il s’en détournera pour embrasser celle de dramaturge. Pendant près d’un demi-siècle, il connaît dans ce métier des bonheurs divers. Rival de Voltaire, son cadet de vingt ans, monarchiste convaincu, indifférent au mouvement des Lumières, il est une grande figure de la vie littéraire de son temps. Bien en cour, il est élu à l’Académie française en 1731 au fauteuil 13.

Désireux de s’inscrire dans la lignée d’un Racine, Crébillon a composé des tragédies dont les sujets sont empruntés aux modèles antiques (La Mort des enfants de Brutus, 1703 ; Idoménée, 1705 ; Atrée et Thyeste, 1707 ; Électre, 1708 ; Rhadamisthe et Zénobie, 1711 ; Catilina, 1748), sujets dont certains ont parfois été revus par des auteurs modernes comme Segrais. Cependant, il s’éloigne considérablement des intrigues simples, rigoureuses et fortes de son modèle : ses pièces développent au contraire de nombreuses péripéties, ingénieuses et complexes, souvent d’une violence explicite, où la litote classique fait place à l’emphase et la terreur cathartique à l’horreur. Il innove en empruntant certains de ses procédés à la comédie, aux fins de créer des effets tragiques (comme le quiproquo ou, dans Électre, la multiplication des scènes de reconnaissance). Cette originalité et son style vigoureux, énergique, mais parfois dur et incorrect ont valu à l’auteur d’être qualifié de « Racine ivre » par Nicolas Boileau.

Lorsque Crébillon meurt le 17 juin 1762, les comédiens de Paris organisent en son honneur un service funèbre auquel assistent, avec les membres de l’Académie et beaucoup de littérateurs, un grand nombre d’acteurs et d’actrices, ce qui occasionne un véritable scandale dans le monde religieux.

Malgré le grand nombre de ses succès, dit d’Alembert, il n’avait pu obtenir, dans le temps le plus brillant de sa gloire, une place à l’Académie française; les cabales littéraires les plus opposées étaient réunies contre lui, parce que les chefs et les suppôts de ces cabales voyaient dans Crébillon un homme qui menaçait de les faire bientôt oublier tous par l’éclat de sa renommée. Il faut convenir aussi qu’il avait un peu irrité par sa faute l’amour-propre de ceux qui jouissaient, à tort ou à droit, de quelque réputation dans les lettres ; il s’était permis contre eux une satire ingénieuse et piquante, qu’il eut pourtant la modération ou la prudence de ne jamais faire imprimer; ses détracteurs y étaient désignés d’une manière plaisante, par des noms d’animaux qui les caractérisaient d’une manière assez frappante pour leur déplaire; l’un était la taupe, l’autre le singe, celui-là le chameau, celui-ci le renard.

Sa réception à l’Académie française est remarquable par une singularité sans exemple : il fait son discours en vers. Arrivé à celui-ci :

Aucun fiel n’a jamais empoisonné ma plume,

les applaudissements réitérés du public confirment le témoignage que Crébillon s’y rendait à lui-même.

L’auteur d’Atrée, d’Électre et de Rhadamiste est placé longtemps au rang des tragiques de premier ordre. Sans doute il a de nombreux défauts, une diction incorrecte, parfois obscure et barbare; mais il a des beautés sublimes et personnelles, un génie vrai. Sa manière est large, originale. Il sait donner à ses tableaux la couleur, à ses personnages la vie. S’il est parfois noir jusqu’à l’horreur, au moins quand il est noir n’est-il pas froid.

Idoménée (1705)

Le coup d’essai du poète est Idoménée (1705). Cette tragédie a eu treize représentations. Crébillon a eu du succès et il le mérite, surtout lorsqu’on le compare aux autres pièces fournies alors à la scène française. De belles situations et des morceaux énergiques y rachètent les vices d’une intrigue faible et commune, d’un style incorrect el trop chargé d’enflure et de déclamations. En cinq jours le cinquième acte, qui avait déplu, fait place à un cinquième acte entièrement nouveau. Une si grande preuve de facilité accroît singulièrement l’intérêt qu’avait appelé sur le jeune poète le germe des qualités supérieures partout semé dans Idoménée, et on l’attendait avec impatience à une seconde épreuve, quand paraît Atrée en 1707.

Annonce

Atrée et Thyeste (1707)

La vigueur du style, la coupe savante des scènes, l’art, l’énergie et la profondeur du caractère principal, une action pathétique, une de ces reconnaissances intéressantes dont l’auteur se montre trop prodigue depuis, mais qui sont d’un si heureux effet au théâtre, tout concourt à placer cette œuvre parmi les œuvres capitales de Crébillon, et à justifier le surnom d’Eschyle français qu’on lui donne dès lors. Atrée commence à signaler son auteur comme le représentant le plus vigoureux du genre terrible. L’horreur paraît son élément, et nul en effet n’éclaire la nuit tragique de lueurs plus funèbres. Il répond à quelqu’un qui lui demande pourquoi il a adopté ce genre :

Corneille avait pris le ciel, Racine la terre, il ne me restait plus que les enfers.

Électre (1708)

Électre, aux beautés achevées, mais trop mélangées des taches habituelles à l’auteur, de froides complications, de déclamations ampoulées et de fautes de style, l’emporte sur Atrée en mérite aussi bien qu’en succès. Une fable intéressante, une intrigue chaleureuse, les rôles d’Oreste, d’Électre et de Palamède largement tracés, des vers heureux et qu’on a retenus, voilà ce qui enlève tous les suffrages. C’est déjà la preuve d’un grand talent que ce progrès continuel, cette marche constamment ascendante.

Rhadamiste et Zénobie (1711) et autres tragédies

Crébillon monte plus haut encore dans Rhadamiste (1711), son chef-d’œuvre et l’un des ouvrages qui font le plus d’honneur à la scène française.

Cette pièce, dit d’Alembert, est d’un dessein fier et hardi, d’une louche originale et vigoureuse. Les caractères de Rhadamiste, de Zénobie et de Pharasmane sont tracés avec autant d’énergie que de chaleur; l’action est intéressante et animée, les situations frappantes et théâtrales; le style a d’ailleurs une sorte de noblesse sauvage, qui semble être la qualité propre de cette tragédie et la distinguer de toutes les autres.

Il ne lui manque pour être irréprochable qu’une exposition moins obscure et moins compliquée.

Deux éditions de Rhadamiste paraissent en huit jours, et le cabinet n’affaiblit pas les impressions de la scène. La gloire et le talent de Crébillon étaient à leur apogée. Xercès (1714) est un premier pas en arrière, et Sémiramis (1717) un second pas plus marqué; mais après neuf ans de silence, il se réveille par la tragédie de Pyrrhus (1726), le plus régulier peut-être et le plus classique de ses ouvrages. Crébillon s’y révèle même sous un jour tout nouveau : ici en effet ce n’est plus la terreur qui domine, mais bien l’élévation et la dignité. Le succès de cet ouvrage, qu’il appelle une ombre de tragédie, qu’il a composé avec une sorte de dégoût et auquel il a mis cinq ans, l’étonne.

Annonce

Catalina (1748)

Vingt-deux années s’écoulent entre Pyrrhus et Catilina. C’est que Crébillon s’est assoupi dans ses embarras domestiques, ses chagrins et son indigence, cette torpille de l’artiste. Des hommes opulents veulent réparer envers lui les torts de la fortune; mais il est trop fier, et ignore l’art de payer en complaisances obséquieuses, en flatteries rampantes, les onéreux bienfaits des riches. D’ailleurs, après l’éclatant succès de Rhadamiste, fort de l’opinion publique qui le place à côté de Corneille et de Racine, ce n’est point aux aumônes des particuliers, mais au récompenses dues au génie par l’État qu’il aspire. Elles viennent enfin ces récompenses, mais après de longues années de misère et par des voies honteuses, en haine de Voltaire et non pas en honneur de Crébillon. Depuis longtemps il n’a pour vivre que les jetons de l’Académie et le traitement mesquin d’une place de censeur de la police, quand Mme de Pompadour lui fait donner par Louis XV mille francs de pension et une place à la bibliothèque. Alors, l’esprit plus calme, il peut se reprendre à la composition de son Catilina, qu’il a commencée pendant les représentations de Pyrrhus. Durant ces vingt-deux ans d’abstinence littéraire, on a dit de lui : « il a fait, il fait, il fera toute sa vie Catilina. » On a parodié le mot de Cicéron : « jusques à quand, Catilina, abuserez-vous de notre patience? » C’est jusqu’en 1719. Le roi veut faire lui-même les frais de tous les costumes des acteurs, rien n’est négligé pour le succès, tant la cour a à cour de faire une férule à Voltaire du laurier de Crébillon. Une assemblée nombreuse, brillante, se presse à la première représentation, qui est très applaudie, applaudie même avec enthousiasme au premier acte. La tragédie est représentée vingt fois de suite ; mais la lecture lui est moins favorable. À part le caractère de Catilina, énergiquement et profondément crayonné, peu de détails sont dignes de l’auteur de Rhadamiste.

Bibliographie
  • Idoménée, tragédie, 29 décembre 1705
  • Atrée et Thyeste, tragédie, 14 mars 1707
  • Électre, tragédie, 14 décembre 1708
  • Rhadamiste et Zénobie, tragédie, 23 janvier 1711
  • Xerxès, tragédie, 7 février 1714
  • Sémiramis, tragédie, 10 avril 1717
  • Pyrrhus, tragédie, 29 avril 1726
  • Catilina, tragédie, 20 décembre 1748
  • Le Triumvirat, ou la Mort de Cicéron, tragédie, 23 décembre 1754

Les œuvres de Crébillon ont été imprimées à l’Imprimerie Royale en 1750, 2 volumes in-4. On en a donné depuis une foule d’éditions. Les meilleures sont celles de Pierre Didot, 1812, 3 volumes in-8, et de Antoine-Augustin Renouard, 1818, 2 volumes in-8.

Articles connexes

Annonce

À lire également...

EspaceFrancais.com

You cannot copy content of this page