René Char

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Auteurs français

René Char

1907 – 1988

René Char, né le 14 juin 1907 à L’Isle-sur-la-Sorgue et mort à Paris le 19 février 1988, est un des plus grands poètes français du XXe siècle, engagé dans son temps, dont l’œuvre, souvent elliptique, s’achemine vers le dépouillement du langage.

→ Lumière sur Feuillets d’Hypnos (1946) et Fureur et Mystère (1948).

L’enracinement dans le Vaucluse

Né à l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), René Char y passe l’essentiel de son existence. Sa poésie y trouve une large part de son enracinement. « J’avais 10 ans. La Sorgue m’enchâssait. Le soleil chantait les heures sur le sage cadran des eaux », écrit-il dans La Parole en archipel (1962). Le jeune René est marqué par la mort de son père en 1918. Il fait ses études au lycée d’Avignon et suit sans entrain les cours de l’école de commerce de Marseille. En 1928, il publie son premier recueil, Les Cloches sur le cœur, qui n’appartient pas encore à sa manière future.

Photo de René Char

Ph. © S. Assier / Gamma

L’expérience surréaliste

En 1929, il publie Arsenal et adresse un exemplaire du recueil à Paul Éluard, avec qui il se lie bientôt d’amitié. Il rencontre André Breton, Pablo Picasso, René Crevel, Louis Aragon et adhère au mouvement surréaliste. L’année suivante, il publie Ralentir travaux, en collaboration avec André Breton et Paul Éluard. Artine, dont le prière d’insérer est rédigé sous forme de petites annonces par les deux poètes, est publié la même année aux Éditions Surréalistes. En 1934, Le Marteau sans maître regroupe les textes écrits précédemment, auxquels viennent s’ajouter L’Action de la justice est éteinte (1931) et Les Poèmes militants (1931-1932), deux recueils marqués par le mode d’écriture propre aux surréalistes, ainsi qu’Abondance viendra. À partir de 1935, René Char s’éloigne du mouvement surréaliste. Sa Lettre à Benjamin Perret, le 7 décembre 1935, signe la rupture. Il continuera néanmoins à partager les positions antifascistes du mouvement et conservera des relations privilégiées avec Paul Éluard, ainsi qu’une certaine fraternité avec André Breton.

→ À lire : Le Surréalisme. – Exercice : Êtes-vous au point sur le Surréalisme ?

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La résistance

En 1936, Moulin premier annonce la naissance d’une nouvelle poétique entendue comme « connaissance productive du Réel ». Mais l’existence du poète est traversée par une sorte de crise qui dure jusqu’en 1938. Il tente de redresser l’entreprise familiale, la Société anonyme des plâtrières de Vaucluse, dont il devient administrateur, mais démissionne rapidement de son poste. S’ensuivent de longs mois de maladie et de convalescence.

Mobilisé en 1939 sur le front d’Alsace, René Char rejoint le Vaucluse après la déroute de 1940. Dès l’année suivante, il entre dans la clandestinité et dans la résistance armée, sous le pseudonyme de « capitaine Alexandre », et se distingue par son courage et son sang-froid. Il adhère à l’Armée secrète du général Delestraint et participe à la section atterrissage-parachutage du Vaucluse. Volontairement, il ne publie rien de 1940 à 1944. Cependant, l’expérience du combat et de l’engagement marque son œuvre.

→ À lire : Littérature et engagement au XXe siècle.

Le temps de la maturité

Après la Libération, il renonce à toute carrière politique et fait paraître deux recueils qui établissent définitivement sa renommée, Seuls demeurent (1945) et Le Poème pulvérisé (1947), bientôt réunis dans Fureur et Mystère (1948). Entre-temps paraissent Les Feuillets d’Hypnos (1946), un carnet d’aphorismes, de réflexions et d’extraits de lettres, fruit de son engagement pendant la guerre. Ami d’Albert Camus, de Georges Braque, il publie alors quelques-uns de ses plus beaux recueils : Les Matinaux (1950), Recherche de la base et du sommet (1955), La Parole en archipel, (1962), Le Nu perdu (1971), Aromates chasseurs (1976). En 1965, il s’engage encore en organisant une campagne de manifestations contre l’implantation en Haute-Provence d’une base de lancement de fusées atomiques. En 1978, il s’installe définitivement non loin de l’Isle-sur-la-Sorgue, dans sa maison des Busclats, où il vit jusqu’à sa mort.

→ À lire : Qu’est-ce que l’aphorisme ?La correspondance.

Une esthétique du fragment et de l’intensité

L’œuvre de René Char est souvent qualifiée d’hermétique. En effet, le poète ne maintient qu’allusivement les éléments qui pourraient éclairer le poème en l’enracinant dans une réalité vécue. Sa poésie sait néanmoins affirmer toute la sensualité de la réalité sensible. On y retrouve les paysages, les végétaux et le bestiaire provençaux. Poésie du mot plus que de la phrase, du geste plus que du mot, l’art de René Char est proche du silence. Il n’est pas étonnant que la forme brève de l’aphorisme l’ait autant tenté. Sa parole poétique, en effet, est indissociable du fragment. L’accès à un « Grand Réel » n’est possible que par « un arrachement souverain qui ne s’attarde pas » (Michel Jarrety). La concaténation des images aboutit à une esthétique de l’intensité : « L’éclair me dure » (La Parole en archipel).

L’ouverture sur les autres arts

René Char a tenté des expériences dans les autres domaines artistiques. Les poèmes dialogués de Trois coups sur les arbres (1967) relèvent du théâtre ou de l’argument de ballet. En 1947, l’auteur tente de faire réaliser un film à partir de Soleil des eaux (1946). En 1952, Roger Planchon monte Claire, une pièce en dix tableaux, adaptée à la radio en 1955. Le poète est sensible également à la peinture. La figure de Georges de La Tour traverse l’œuvre entière. L’itinéraire de Van Gogh, auquel il a consacré Voisinages de Van Gogh (1985), le fascine également. Il signe des textes de présentations d’expositions, rassemblés dans Recherches de la base et du sommet (1955). Dans un mouvement inverse, de nombreux peintres illustrent ses recueils, notamment Dalí, Kandinsky, Miró, Matisse, Picasso, Giacometti, Nicolas de Staël, Braque. La Nuit talismatique, publié en 1972 dans la collection « les Sentiers de la création » mêlant texte et illustrations, évoque les années 1955-1958 où il fait lui-même l’expérience du dessin, de la gravure et de la peinture sur galets ou écorces de bouleau séchées. Pierre Boulez compose trois cantates sur trois de ses recueils : Le Soleil des eaux (1948), Le Visage nuptial (1951) et Le Marteau sans maître (1956).

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Une reconnaissance unanime

Les œuvres complètes du poète paraissent en 1983 dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Albert Camus, lors d’une conférence de presse donnée à Stockholm avant la remise de son prix Nobel de littérature en 1957, a déclaré : « Cette œuvre est parmi les plus grandes, oui vraiment les plus grandes, que la littérature ait produites. Depuis Apollinaire en tout cas, il n’y a pas eu dans la poésie française une révolution comparable à celle qu’a accomplie René Char. »

Bibliographie
Poésie (choix sélectif)
  • Les Cloches sur le cœur, 1928
  • Arsenal, 1929
  • Ralentir Travaux, 1930, en collaboration avec André Breton et Paul Éluard
  • Artine, 1930
  • Le Marteau sans maître, 1934
  • Feuillets d’Hypnos, 1946
  • Fureur et Mystère, 1948
  • Les Matinaux, 1950
  • La Parole en archipel, 1962
  • Trois coups sous les arbres, 1967
  • Le Nu perdu, 1971
  • Sur la poésie 1936-1974, 1974
Anthologie
  • René Char, Commune présence, 1998
  • René Char, Dans l’atelier du poète, 1996
Divers
  • La Postérité du soleil, (en collaboration avec Albert Camus), 1965
  • Trousseau du moulin premier, 2009
  • La Planche de vivre
📽 15 citations choisies de René Char
  • Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux. (Chants de la Balandrane, 1977)
  • Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. (Fureur et mystère, 1948)
  • Comment vivre sans inconnu devant soi ? (Fureur et mystère, 1948)
  • Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. (Fureur et mystère, 1948)
  • À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis. (Fureur et mystère, 1948)
  • Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir. (Fureur et mystère, 1948)
  • Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé. (Fureur et mystère, 1948)
  • L’artiste doit se faire regretter déjà de son vivant ! (Art bref suivi de Premières alluvions, 1950)
  • La seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine. (La Parole en archipel, 1962)
  • La poésie vit d’insomnie perpétuelle. (La Parole en archipel, 1962)
  • Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. (La Parole en archipel, 1962)
  • Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit. (La Parole en archipel, 1962)
  • Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des nœuds. (Les Matinaux, 1950)
  • Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. (Les Matinaux, 1950)
  • Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats. (Feuillets d’Hypnos, 1946)
  • Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. Il ne m’intéresse pas. (Feuillets d’Hypnos, 1946)
  • Il faut être l’homme de la pluie et l’enfant du beau temps. (Le Marteau sans maître, 1934)

Autres citations de René Char.

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