René Descartes

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Auteurs français

René Descartes

1596-1650

Présentation

René Descartes, d'après Frans Hals, musée du Louvre, Paris, 1649.Né le 31 mars 1596 à La Haye-en-Touraine et mort le 11 février 1650 à Stockholm, René Descartes est philosophe, scientifique et mathématicien français, et un des promoteurs du rationalisme moderne. Il est considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie moderne. Il reste célèbre pour avoir exprimé dans son Discours de la méthode le cogiton — « Je pense, donc je suis » — fondant ainsi le système des sciences sur le sujet connaissant face au monde qu’il se représente.

René Descartes est né à La Haye (aujourd’hui Descartes, Indre-et-Loire), d’un père conseiller au Parlement de Rennes, et d’une mère décédée un an après sa naissance. De 1607 à 1615, il suit l’enseignement des jésuites au collège royal de La Flèche. En 1616, il passe à Poitiers une licence en droit, mais n’embrasse pas la carrière qui s’ouvre à lui. Il prend les armes et commence à voyager. En 1618, à Breda (Pays-Bas), il fait la rencontre d’Isaac Beeckman qui oriente de manière décisive sa vocation scientifique, puis voyage en Allemagne et en Italie. De 1625 à 1628, il fréquente les milieux scientifiques et littéraires parisiens, puis s’installe aux Pays-Bas, où il rédige l’essentiel de son œuvre philosophique et scientifique. Directement, ou par l’intermédiaire de l’abbé Mersenne, il est en contact avec de nombreuses personnalités scientifiques de l’époque, notamment Pierre de Bérulle, Pierre Gassendi, Thomas Hobbes, Pierre de Fermat, Antoine Arnauld et Blaise Pascal.

Appelé à la cour de Suède en 1649, il meurt peu après à Stockholm, le 11 février 1650, léguant à la postérité une œuvre féconde et profondément novatrice.

L’unité du savoir

Dès l’élaboration des Règles pour la direction de l’esprit (inachevé, v. 1628), Descartes affirme l’unité du savoir et de l’esprit humain, nonobstant la diversité des objets auxquels il s’applique. Toutes les sciences sont subordonnées à une science première, la mathesis universalis, science universelle de l’ordre et de la mesure. C’est cette intuition fondamentale qui sous-tend le célèbre Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (publié sans nom d’auteur, 1637), dont le titre initialement prévu était Projet d’une Science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de perfection. C’est encore cette idée de l’unité de la science qui réapparaît dans la Lettre-préface des Principes de la philosophie (1644, et 1647 pour la traduction française) où Descartes présente toute la philosophie comme un arbre dont « les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ».

→ À lire : Histoire de la philosophie.

La méthode

La découverte de la vérité dans les sciences est conditionnée par l’observation de « règles certaines ». Ces règles n’ont rien de commun avec la méthode syllogistique, et les préceptes de la logique aristotélicienne traditionnellement enseignés dans les écoles, que Descartes juge stériles. Par son rejet de la logique aristotélicienne et sa recherche d’une méthode susceptible d’être appliquée à tous les domaines de la connaissance, l’entreprise de Descartes suit une voie déjà tracée en France par Ramus, en Angleterre par Bacon, ou en Italie par Campanella.

Le fondement de la méthode cartésienne est le rejet des connaissances conjecturales, et l’obéissance stricte à la règle d’évidence (« ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle »). Toute démarche scientifique suit un cheminement qui doit commencer par les notions les plus simples, « claires et distinctes », et parvenir, par voie déductive, aux notions les plus composées qui dépendent des premières. Par leur procédé déductif et « l’évidence de leurs raisons », les mathématiques, et particulièrement la géométrie, fournissent le modèle méthodologique applicable à tous les champs du savoir.

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Métaphysique

Pa méthode s’applique à tous les domaines du savoir, y compris la métaphysique. Dans le Discours de la méthode, puis surtout dans les Meditationes de prima philosophia (1641, titre latin original des Méditations métaphysiques), Descartes reprend les arguments du scepticisme pour rejeter toutes les connaissances qui ne résistent pas à la mise en doute. Mais le scepticisme est dépassé avec la découverte d’une vérité absolument première et indubitable, ego sum, ego existo (« je suis, j’existe »), qui devient avec Descartes le fondement et le premier principe de toute connaissance. Ceci permet de mettre en évidence que l’esprit, ou res cogitans, ou encore « substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser », est entièrement et réellement distinct du corps auquel il est uni. La métaphysique cartésienne prouve l’existence de la nature pensante (l’âme), l’existence de Dieu (en reprenant l’argument ontologique de saint Anselme), et l’existence des choses matérielles (le monde). La théorie de la création des vérités éternelles, exposée dans les lettres à Mersenne de 1630, distingue Descartes à la fois de ses devanciers et de ses successeurs : alors que théologiens et philosophes soutiennent une certaine indépendance des vérités mathématiques et logiques par rapport à Dieu, Descartes considère au contraire que toute espèce de vérité dépend de Dieu — et non l’inverse : en tant que telle, toute vérité dépend d’une instauration arbitraire. Dieu, « puissance incompréhensible », a voulu que deux et deux fassent quatre, ou que deux propositions contradictoires ne puissent être simultanément vraies, mais il « aurait pu » vouloir et faire autrement.

Mathématique, physique et physiologie

Systématisant la géométrie analytique, il s’efforce le premier de classer les courbes d’après le type d’équations complexes qui les produisent. En mathématiques, on lui doit aussi l’usage consistant à utiliser les dernières lettres de l’alphabet pour désigner les valeurs inconnues, et les premières pour les valeurs connues, ainsi que la notation en exposant pour exprimer la puissance d’un nombre.

Toute la physique de Descartes est exposée dans Le Monde (v. 1633), ouvrage que la condamnation de Galilée, en 1633, l’empêche de publier. Elle ne sera donc publiée que dans les parties II à IV des Principes de la philosophie (1644). La physique repose sur l’identification de la matière avec la pure et simple quantité géométrique (materia vel quantitas). Toutes les « formes substantielles » et les « qualités réelles » de la scolastique sont bannies du monde physique : la pesanteur et le mouvement sont ramenés à une explication purement mécaniste. Le monde n’est ni fini, ni infini, mais indéfini. L’existence du vide est rejetée comme contradictoire. Le principe d’inertie est acquis et clairement énoncé pour la première fois.

En physiologie, le modèle mécanique et l’automate servent de paradigme pour l’explication scientifique du vivant (Traité de l’Homme, v. 1633; Description du corps humain, 1648).

Morale et politique

Lecteur de Montaigne, et conscient comme lui de l’inconstance des mœurs, Descartes pose néanmoins les fondements d’une éthique originale, quoiqu’influencée par le néo-stoïcisme chrétien de Juste Lipse et Guillaume du Vair. Développée dans la IIIe partie du Discours de la méthode, la correspondance avec Élisabeth et Chanut (1643-1649), et le Traité des Passions de l’Âme (1649), la morale cartésienne assimile la vertu à la ferme résolution de bien faire, et au « bon usage du libre arbitre », aussi appelé « générosité ». À l’opposé de l’ascétisme moral, Descartes ne condamne pas les passions, nécessairement éprouvées par l’esprit en tant qu’il est uni au corps, et reconnaît en elles un élément essentiel du bonheur.

Réception et postérité du cartésianisme

En son temps, Descartes a eu à faire face à l’hostilité des jésuites (Réponses aux septièmes objections) et de théologiens hollandais (Voetius). Sa tentative pour faire enseigner sa philosophie à l’université par l’intermédiaire du médecin Regius est un échec, et les deux hommes se brouillent. Malgré ces difficultés, la pensée cartésienne a profondément marqué toute la philosophie moderne. Malebranche, Pascal, Spinoza et Leibniz prennent appui sur son œuvre pour en prolonger les problématiques et pour la dépasser. La réception du cartésianisme se caractérise par quatre orientations majeures : la mise en relief de l’analyse des idées et des sensations (Locke, Berkeley, Hume), l’essor du mécanisme (La Mettrie), l’idéalisme (Kant, Fichte) qui prolonge l’affirmation du sujet transcendantal (condition de l’expérience), enfin une perspective rationaliste, voire positiviste. Ainsi l’on pourrait dire, en paraphrasant le propos de Withehead sur Platon, que toute la philosophie moderne s’écrit « dans les marges de Descartes ».

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Extrait : Méditations métaphysiques

Les Méditations métaphysiques (ou Méditations sur la philosophie première) sont une œuvre philosophique de René Descartes, parue pour la première fois en latin en 1641. Du point de vue de l’histoire de la philosophie, elles constituent l’une des expressions les plus influentes du rationalisme classique. Le titre original traduit en français de Méditations sur la philosophie première indique que cet ouvrage a été écrit en partie comme une critique de la philosophie première qui était alors enseignée dans les universités, mais aussi pour en proposer une nouvelle à la place. Il faut noter que, comme pour la plupart des ouvrages classiques au fil du temps, les Méditations ont reçu des interprétations très différentes.

Dans les Méditations métaphysiques (Meditationes de Prima philosophia), René Descartes définit la métaphysique comme exercice humain. Dans la Méditation Seconde, il pose le principe même de la philosophie : ego sum, ego existo— je suis, j’existe. Ce principe fonde et permet le doute (Première Méditation). Le « ego sum, ego existo » et le doute comprennent alors la pensée comme expérience (sociale ?).

Méditation Seconde (extrait)

La Méditation que je fis hier m’a rempli l’esprit de tant de doutes, qu’il n’est plus désormais en ma puissance de les oublier. Et cependant je ne vois pas de quelle façon je les pourrai résoudre ; et comme si tout à coup j’étais tombé dans une eau très profonde, je suis tellement surpris, que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond, ni nager pour me soutenir au-dessus. Je m’efforcerai néanmoins, et suivrai derechef la même voie où j’étais entré hier, en m’éloignant de tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, tout de même que si je connaissais que cela fût absolument faux ; et je continuerai toujours dans ce chemin, jusqu’à ce que j’ai rencontré quelque chose de certain, ou du moins, si je ne puis autre chose, jusqu’à ce que j’aie appris certainement, qu’il n’y a rien au monde de certain.

Archimède, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu’un point qui fût fixe et assuré. Ainsi j’aurai droit de concevoir de hautes espérances, si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable.

Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que rien n’a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de mensonges me représente ; je pense n’avoir aucun sens ; je crois que le corps, la figure, l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu’il n’y a rien au monde de certain.

Mais que sais-je s’il n’y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N’y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l’esprit ces pensées ? Cela n’est pas nécessaire ; car peut-être que je suis capable de les produire de moi-même. Moi donc a tout le moins ne suis-je pas quelque chose ? Mais j’ai déjà nié que j’eusse aucun sens ni aucun corps. J’hésite néanmoins, car que s’ensuit-il de là ? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens, que je ne puisse être sans eux ? Mais je me suis persuadé qu’il n’y avait rien du tout dans le monde, qu’il n’y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps ; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point ? Non certes, j’étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j’ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit.

(René Descartes, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1953)

📽 15 citations choisies de René Descartes
  • Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée : car chacun pense en être bien pourvu. (Discours de la méthode, 1637)
  • Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays. (Discours de la méthode, 1637)
  • C’est aussi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. (Discours de la méthode, 1637)
  • La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés. (Discours de la méthode, 1637)
  • Je pense, donc je suis. (Discours de la méthode, 1637)
  • On ne peut se passer d’une méthode pour se mettre en quête de la vérité des choses. (Discours de la méthode, 1637)
  • La raison est la seule chose qui nous rend hommes. (Discours de la méthode, 1637)
  • Les passions sont toutes bonnes de leur nature et nous n’avons rien à éviter que leurs mauvais usages ou leurs excès. (Les Passions de l’âme, 1649)
  • La volonté est tellement libre de sa nature, qu’elle ne peut jamais être contrainte. (Les Passions de l’âme, 1649)
  • Il n’y a aucun vice qui nuise tant à la félicité des hommes que celui de l’envie. (Les Passions de l’âme, 1649)
  • Les hommes que les passions peuvent le plus émouvoir sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie. (Traité des passions, 1649)
  • La parole a beaucoup plus de force pour persuader que l’écriture. (Lettre à Pierre Chanut)
  • Toute science est une connaissance certaine et évidente. (Règles pour la direction de l’esprit, 1628-1629)
  • Pour examiner la vérité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut. (Règles pour la direction de l’esprit, 1628-1629)
  • L’erreur, c’est seulement un défaut. (Méditations métaphysiques, 1641)
  • Mais qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? (Méditations métaphysiques, 1641)

 Autres citations de René Descartes.

Bibliographie sélective
  • Traité d’escrime, 1618
  • Règles pour la direction de l’esprit, 1628-1629
  • Traité du monde et de la lumière, 1632-1633, publication posthume en 1664
  • Explication des engins par l’aide desquels on peut avec une petite force lever un fardeau fort pesant, 1637
  • Le Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, 1637
  • Méditations métaphysiques, 1641
  • Principia philosophiae, 1644 (édition latine) ; Les Principes de la philosophie, 1647
  • Les Passions de l’âme, 1649
  • Recherche de la vérité par la lumière naturelle, 1684
  • Correspondance avec Élisabeth, 1643 à 1649

Articles connexes

Suggestion de livres


Méditations physiques

Discours de la méthode

Les Passions de l’âme

Méditations métaphysiques : Objections et Réponses
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