Roman de Renart

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Roman de Renart

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Présentation et description

Roman de Renart est une série de contes médiévaux, écrits en langue romane entre 1170 et 1250, mettant en scène des animaux pour parodier les récits courtois et chevaleresques. Les auteurs du Roman de Renart sont pour la plupart anonymes mais quelques-uns sont identifiés : Pierre de Saint-Cloud, Richard de Lison, et un prêtre, de la Croix-en-Brie.

Le Roman de Renart (avec l’article défini) est le titre des éditions modernes, qui considèrent cet ensemble comme une œuvre cohérente. Celle-ci raconte les tours et violences dont le goupil Renart est l’auteur, aux dépens des autres animaux du royaume. Les animaux sont présentés avec des caractéristiques anthropomorphiques, mais vivant au contact de l’homme.

C’est du nom propre d’un avocat de Paris que l’auteur voulait moquer, Renart (du germanique Reinhard), que provient le nom commun renard, qui a remplacé le mot goupil (du latin vulpes) dans la langue française.

Roman de Renart, Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. (1301-1350)

Roman de Renart, Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. (1301-1350)

Une œuvre disparate

Malgré son titre, le Roman de Renart n’est pas réellement un roman mais une collection de récits (écrits en langue romane et non en latin) appelés « branches » (on dénombre de 25 à 27 branches, de 300 à 3 000 vers). Ces poèmes héroïcomiques ont été écrits par des auteurs différents (on en compte vingt-huit), le plus souvent anonymes — sans doute des clercs ; trois seulement ont laissé leur signature — entre 1170 et 1250. Le personnage central reliant ces branches est Renart, le goupil (personnage qui a donné son nom à l’animal). Dès le XIIIe siècle, les textes sont regroupés en recueils. Au début de ce siècle sont d’abord réunis une quinzaine de branches ; une dizaine de branches supplémentaires s’y est ajoutée par la suite. Les auteurs, visiblement très cultivés, ont puisé à toutes les sources de la littérature : antique, médiévale, courtoise et épique, ainsi qu’au folklore et à la tradition orale. Leurs préoccupations et leurs dispositions pour l’écriture, très variées, font du Roman de Renart une œuvre disparate et inégale.

Les branches

Elles ont varié au gré des rééditions, d’autant que les manuscrits ne les présentaient ni en fonction de la chronologie interne du roman, ni en fonction de leur date de composition (certaines étant de plus altérées ou mélangées). Leur identification par Ernest Martin fait toutefois office de référence :

  • Branche I : Le jugement de Renart. Le siège de Maupertuis (Ia). Renart teinturier (Ib). Renart jongleur.
  • Branche II : Chantecler le coq. La mésange. Tibert le chat. Tiécelin le corbeau. Renart et Hersent.
  • Branche III : Le poisson des charretiers. Ysengrin fait moine [archive]. La pêche aux anguilles.
  • Branche IV : Ysengrin dans le puits.
  • Branche V : Les jambons d’Ysengrin. Le grillon. Le serment de Renart (Va).
  • Branche VI : Le combat de Renart et Ysengrin.
  • Branche VII : La confession de Renart.
  • Branche VIII : Le pèlerinage de Renart.
  • Branche IX : Roënel le chien et Brichemer le cerf. Liétart le vilain.
  • Branche X : Renart médecin.
  • Branche XI : Renart empereur.
  • Branche XII : Les vêpres de Tibert
  • Branche XIII : Renart teint en noir.
  • Branche XIV : Le cellier du villain. Primaut le loup.
  • Branche XV : L’andouille. Les deux prêtres.
  • Branche XVI : Bertaut le vilain. Le partage du lion.
  • Branche XVII : La mort de Renart.
  • Branche XVIII : Le prêtre Martin.
  • Branche XIX : Raisant la jument.
  • Branche XX : Ysengrin et les deux béliers.
  • Branche XXI : L’ours Patous.
  • Branche XXII : Les semailles.
  • Branche XXIII : Renart magicien. Le mariage du roi Noble.
  • Branche XXIV : La naissance d’Ysengrin et Renart.
  • Branche XXV : Pinçart le héron. Le batelier.
  • Branche XXVI : L’andouille jouée à la marelle.
  • Branche XXVII : Renart et Ysengrin.
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Origine et développement

Les 25 0000 vers, pour la plupart octosyllabiques, du Roman de Renart sont inspirés de Disciplina clericalis (v. 1100), recueil en latin de contes d’origine orientale compilés par Pierre Alphonse, d’Ysengrimus (v. 1148) — connu alors sous le titre de Renardus vulpes —, poème latin du clerc flamand Nivard (6 500 vers en 7 livres) qui met déjà en scène Ysengrimus le loup et Reinardus le goupil ainsi que d’Ysopet (v. 1150) de Marie de France.

Les premières branches ont été séparées par les commentateurs en deux groupes, le premier réunissant les branches composées entre 1170 et 1190 – dont provient la première traduction libre en allemand, Reinhart Fuchs, composée vers 1180 par le trouvère alsacien Heinrich der Glichezaere, « Henri l’Hypocrite » —, le second regroupant les œuvres écrites entre 1190 et 1205. Dans le premier groupe, la branche II est attribuée à Pierre de Saint-Cloud (Les Enfaces RenartL’Enfance de Renart, 1170) — certains commentateurs lui attribuent également une autre branche.

Vraisemblablement couronnée d’un succès immédiat, cette branche est à l’origine de nombreuses autres banches et variantes contemporaines, notamment la branche I (Le Plaid, anonyme), qui elle-même, par son excellence, a été largement imitée. Dans le second groupe, les branches sont largement inspirées des branches de la première période mais aussi de Disciplina clericalis et d’Ysengrimus. Richard de Lison est l’auteur de la branche XII (écrite en 1190), l’une des plus satiriques et réussies de cette période. Un « prêtre de la Croix-en-Brie » est l’auteur de la branche IX (v. 1200), tandis qu’un prêtre défroqué serait sans doute l’auteur de la branche la plus grossière, la branche VII (1195-1200). On dénombre une dizaine de branches plus tardives, composées entre 1205 et 1250, toujours inspirées des premières branches et, en tout point, moins remarquables.

Une satire de la société médiévale

Toutes les histoires du Roman de Renart mettent en scène des animaux qui incarnent différents types humains. La multiplicité des interprétations possibles de chacun des animaux crée un univers complexe et très riche : ainsi Renart, le héros, devenu un mythe, peut-il être vu comme un goupil, un vassal révolté, un seigneur, un clerc, un jongleur ou même une personnification de la ruse et de la méchanceté.

Cette épopée animale est une satire, teintée d’anticléricalisme, du monde chevaleresque et courtois, une parodie de la chanson de geste, fondée sur une observation attentive de la réalité : détails de la vie rurale, féodale ou religieuse. Les histoires sont souvent prétexte à faire rire des défauts des contemporains, et à dénoncer leurs travers (cupidité, lâcheté, ruse, bêtise, etc.), avec parfois une visée moralisatrice.

Les personnages
  • Renart : le renard (appelé goupil dans le roman, car c’était la dénomination en usage à l’époque) espiègle, rusé, personnage principal de ces récits. Complexe et polymorphe, allant du bon diable redresseur de torts au démon lubrique, fripon et débauché, il incarne la ruse intelligente liée à l’art de la belle parole. Aussi appelé « le maître des ruses ».
  • Ysengrin : le loup, éternel ennemi de Renart, toujours dupé. Son épouse, Dame Hersent la louve, le fait cocu avec Renart, d’où une éternelle rancœur. Il est l’oncle de Renart.
  • Drouineau, l’oiseau.
  • Bruyant, le taureau.
  • Primaut, le damp (seigneur) loup (frère d’Ysengrin).
  • Noble, le lion : roi des animaux.
  • Fiere, la lionne : son épouse
  • Beaucent, le sanglier.
  • Espineux, le hérisson.
  • Belin, le mouton.
  • Petitfouineur, le putois.
  • Baudoin (ou Bokart), l’âne : secrétaire du roi.
  • Brun (ou Bruno ou Bruin), l’ours (d’après la couleur de sa robe, ou d’après un nom germanique traditionnel).
  • Chanteclerc ou Chantecler, le coq : il est emporté par Renart, mais s’en tire sain et sauf.
  • Chanteclin, le coq : le père de Chanteclerc.
  • Couart, le lièvre.
  • Eme, le singe : époux de Dame Rukenawe, la guenon.
  • Grimbert, le blaireau : défenseur et cousin de Renart.
  • Grymbart, la renarde : sœur de Renart.
  • Hermeline, la renarde : épouse de Renart, qui a quelques démêlés avec Hersent.
  • Hersent, la louve : épouse d’Isengrin.
  • Tibert, le chat : il se fait malgré lui piéger par Renart, mais se montre régulièrement un rival également rusé.
  • Tiécelin, le corbeau : il dérobe un fromage à la fenêtre d’une maison de campagne et se le fait voler par Renart.
  • Cado, le canard
  • Blanche, l’hermine.
  • Brichemer, le cerf : sénéchal.
  • Bernard, l’âne.
  • Corbant, le freux.
  • Sharpebek : épouse de Corbant.
  • Coupée, la geline.
  • Courtois, petit chien.
  • Drouin, le moineau.
  • Hubert, l’escoufle (milan, rapace propre aux régions chaudes et tempérées).
  • Firapel, le léopard.
  • Jacquet, l’écureuil.
  • Dame Mésange, la mésange dont le fils a Renart pour parrain.
  • Musart, le chameau : légat du pape. Dans une des branches, il est présenté comme étant le roi des Sarrasins et meurt écorché vif par Noble le lion.
  • Ordegale, castor.
  • Pantecroet, la loutre.
  • Percehaie, Malebranche, et Renardel ou Rovel : fils de Renart et d’Hermeline.
  • Roonel (ou Roënel), le mâtin (gros chien).
  • Dame Rukenawe, la guenon : épouse d’Eme, le singe.
  • Tardif, le limaçon.
  • Rousse la mère de Renart.
  • Pinte et Copette: les deux poules.
  • Pelé : le rat
  • Mouflart : le vautour
  • Frobert : le grillon
  • Frémont : la fourmi
  • Conil : le lapin de garenne
  • Cointereau : un singe (dans un seul manuscrit)
Succès et postérité
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Les divers récits réunis sous le titre du Roman de Renart avaient pour but premier de divertir et leur succès a été immédiat en France, puis en Europe, où ils ont été abondamment imités.

Le Roman de Renart a en effet été constamment remanié, coupé, complété depuis la fin du XIIIe siècle. À la fin de ce siècle, en France, Philippe de Novare écrit Renart couronné (v. 1260-1268), Rutebeuf compose une satire allégorique, Renart le Bestourné (v. 1261-1270), Jacques Gielée de Lille propose une version davantage allégorique, morale et satirique avec Renart le Nouvel (1289), etc. En Europe, le poète alsacien Heinrich der Glichezaere compose Reinhart Fuchs, mais aussi Isengrinus Nöt (v. 1180), le poète néerlandais Willem remanie Le Plaid (Reinaert, v. 1250).

Au XIVe siècle, on réécrit deux fois Renart le Contrefait. D’après Corinne Pierreville, c’est l’œuvre d’un clerc anonyme qui pratique le métier d’apothicaire après avoir été révoqué de son ordre pour bigamie. La première version (BnF fr. 1630), de 31 940 octosyllabes, rédigée entre 1320 et 1327 14, a été remaniée entre 1328 et 1342 pour donner naissance à une seconde version (manuscrit de Vienne 2562 et BnF fr. 370), qui ne compte pas moins de 40 000 vers.

Quelques siècles plus tard, Johann Wolfgang von Goethe traduit librement en hexamètres une version médiévale de la satire, Reineke Fuchs (1793) et, plus récemment, Maurice Genevoix donne une nouvelle version au Roman de Renart (Le Roman de Renard, 1958), à laquelle il ajoute un chapitre (Le Bestiaire sans oubli, 1971).

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