Sophocle : Œdipe roi

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Œdipe roi (~425 av. J.-C.)

– Sophocle –

Ayant ton sort pour exemple, ton sort à toi, ô malheureux Œdipe, je ne puis plus juger heureux qui que ce soit parmi les hommes..

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(Sophocle, Œdipe roi)

Introduction

📖 Œdipe roi est une tragédie de Sophocle, écrite probablement vers 425 av. J.-C. Œdipe roi est l’une des plus célèbres tragédies de Sophocle et elle a connu une postérité abondante, inspirant nombre de dramaturges et d’artistes et suscitant de nombreuses interprétations allant des études mythologiques à la psychanalyse.

L’histoire d’Œdipe, célèbre au Ve siècle av. J.-C., a nourri l’œuvre des trois grands tragiques grecs. Dans Œdipe roi, Sophocle ordonne la légende du héros de façon analeptique et selon le procédé de l’enquête.

→ Biographie de Sophocle. – Œdipe à Colone. – Électre. – Ajax. – Histoire et règles de la tragédie.

Résumé d’Œdipe roi

Œdipe explique l'énigme du sphinx, d'Ingres, 1827. Paris, Musée du Louvre.

Enfant abandonné des souverains thébains (Laïos et Jocaste), sauvé puis adopté par Polybe, roi de Corinthe, Œdipe est effrayé un jour par l’oracle de Delphes qui lui prédit un parricide et un inceste. Il renonce alors à retourner vers ceux qu’il croit être ses parents. Sur le chemin de son errance, il tue un voyageur et, arrivé à Thèbes, sauve la ville du Sphinx, et en devient le roi en épousant Jocaste. Les années ont passé sans effacer ces crimes : une épidémie de peste s’abat sur la ville.

Au début de la pièce, prêtres et enfants se présentent en suppliants à leur roi Œdipe pour le prier de sauver leur ville de la peste qui la ravage. Créon, qu’Œdipe avait déjà envoyé à Delphes consulter Apollon sur ce malheur, arrive à point pour rapporter la réponse du dieu : le malheur de la cité vient d’une souillure qui prend son origine dans le meurtre de l’ancien roi Laïos et la punition de ce forfait en est le remède. Pour sauver Thèbes, Œdipe s’engage à retrouver les coupables et à les châtier (exil ou exécution). Sur la suggestion de Créon, il demande au devin Tirésias de dévoiler l’identité du coupable. Le devin refuse d’abord de répondre et finit par désigner le roi Œdipe lui-même. Celui-ci le soupçonne alors d’être, sinon le commanditaire du meurtre, du moins le complice de Créon qui instruirait un complot pour s’emparer du pouvoir. Blessé par ces accusations, Créon engage avec le roi, son beau-frère, une dispute que Jocaste apaise. Mais en racontant l’ancienne prédiction faite à Laïos et les circonstances de sa mort détaillées par un serviteur rescapé, elle rend Œdipe perplexe et le détermine à mander ce serviteur devenu berger. C’est alors qu’arrive de Corinthe la nouvelle de la mort du roi Polybe portée par un messager qui révèle avoir lui-même donné Œdipe encore enfant à son roi après l’avoir reçu d’un berger de Laïos. Jocaste supplie Œdipe de renoncer à son enquête, mais en vain. Le vieux pâtre ne reconnaît pas d’abord le messager corinthien, puis, quand ce dernier lui raconte les circonstances du don de l’enfant, avoue lui avoir jadis remis un enfant reçu de Jocaste. Convaincu d’être parricide et incestueux, Œdipe se rue dans le palais où Jocaste s’est déjà suicidée, et se crève les yeux de désespoir. L’oracle s’est réalisé. Créon, le frère de Jocaste, exerce l’intérim du pouvoir, pendant qu’Œdipe s’apprête à un long exil, guidé par sa fille Antigone.

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Personnages principaux

● Tirésias, prêtre de Zeus (Jupiter). Fort âgé et aveugle, il est le devin le plus célèbre du pays. Il ne s’est jamais trompé.

Créon, frère de Jocaste et beau-frère d’Œdipe. Sans ambition politique, homme d’honneur, il préfère une vie calme et agréable aux soucis et à la charge du pouvoir.

Jocaste, reine de Thèbes, mariée une première fois à Laïos dont elle a un fils, Œdipe, qu’elle abandonne à sa naissance. Vingt ans après, devenue veuve, elle épouse en secondes noces le vainqueur du Sphinx : Œdipe ! Sans l’avoir reconnu ? Quatre enfants naitront de leur union.

Œdipe, roi de Thèbes. Perspicace et intelligent, il a été élevé à Corinthe par des parents adoptifs. Il se découvre parricide et incestueux malgré lui.

Le Chœur, personnage collectif, représentant la cité. Le plus souvent commentateur de l’action, il donne à la tragédie son aspect lyrique.

Intrigue « policière » et quête identitaire 

Qui dans les faits est le responsable de la peste dont Thèbes subit les assauts ? Telle est la question d’où procède Œdipe roi. Pour résoudre l’énigme de la mort de Laïos, l’enquête s’oriente vers les deux personnes à qui le crime peut profiter. Puisque c’est un groupe de brigands qui a attaqué Laïos, Œdipe soupçonne Créon d’en être le commanditaire et de préparer un coup d’État avec la complicité de Tirésias qui garde le silence. Mis en cause, le devin accuse l’enquêteur Œdipe. Jocaste, voulant apaiser l’escalade de ses frère et époux et discréditer les oracles, suscite l’inquiétude d’Œdipe et révèle l’existence d’un témoin. L’arrivée du messager corinthien et ses révélations enfoncent le justicier présumé assassin. La confrontation du témoin et du messager aboutit à l’identification du coupable.

Cette intrigue « policière » ménagée avec suspense se double du dévoilement d’une identité énigmatique. Œdipe, le grand déchiffreur d’énigmes, connaît mal sa naissance, sa victime, son épouse. L’énigme loge jusqu’au cœur de ses propos où les mots manifestent la vérité à son insu : disant « ego phanô », il comprend « je découvrirai [le criminel] » là où un autre entend « je me découvrirai moi-même [comme criminel] » (J.-P. Vernant). Ce langage oraculaire où se mêlent tragique et ironie porte l’identité que le personnage reconnaîtra avec horreur à la fin (parricide, inceste).

Et le complexe d’Œdipe ?
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Sophocle souligne la confusion des rôles par laquelle Œdipe, après le parricide, épouse sa mère et devient à la fois le père et le frère de ses enfants. Freud fait du destin d’Œdipe l’image du vécu des hommes qui seraient habités par un désir d’inceste et de parricide. La théorie psychanalytique adossée sur l’œuvre de Sophocle interprète l’effacement du grand âge de Jocaste comme une mise en adéquation avec l’image de jeunesse que le fils a gardé d’elle depuis l’enfance, et l’autopunition d’Œdipe comme le geste de répulsion de l’adulte. Œdipe aurait su que Polybe n’est pas son père et serait jaloux de Créon qui, lui aussi, aurait un attachement incestueux pour sa sœur Jocaste (Daniel Anzieu). Or dans le texte, Œdipe croit et dit que Polybe est son père, n’a conscience ni de tuer son père ni de coucher avec sa mère ; son conflit avec Créon porte sur le pouvoir ; d’autres versions du mythe ne comportent pas d’auto-aveuglement. Le rêve d’union avec la mère est interprété dans la société grecque d’alors comme un signe de conquête du pouvoir. Aussi J.-P. Vernant conclut-il qu’Œdipe dans la tragédie n’a pas le moindre complexe d’Œdipe.

Cette notion correspond plus à une caractérisation psychologique propre au XXe siècle (euristique parfois) qui n’a pas de fondement dans la mythologie grecque.

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Qu’est-ce que le complexe d’Œdipe ?

Le complexe d’Œdipe est une notion fondamentale en psychanalyse, créée par Sigmund Freud pour signifier la représentation inconsciente par laquelle l’enfant exprime son désir amoureux ou sexuel pour le parent du sexe opposé, et son hostilité pour le parent du même sexe que lui.

Le complexe d’Œdipe apparaît chez l’enfant entre 3 et 6 ans. Sa formulation est différente chez le garçon et chez la fille.

Pour le garçon, il apparaît vers 2-3 ans, au moment de l’éveil de l’enfant à un nouveau type de sensations lui permettant de distinguer ce qui est agréable et ce qui ne l’est pas. Amoureux de sa mère, le garçon considère son père comme un rival et veut l’écarter. Parallèlement à cet Œdipe se développe un Œdipe inversé qui lui permet d’avoir des sentiments tendres envers le père et hostiles envers sa mère. Ces deux positions lui permettent de développer un Œdipe complet – le Moi et le Ça (Das Ich und das Es), Sigmund Freud, 1923. La résolution du complexe d’Œdipe se fait par la castration : le garçon reconnaît la position paternelle, ce qui lui permet de se détacher de la mère et l’ouvre à un processus d’identification.

La fille commence, elle, son complexe d’Œdipe par le complexe de castration et l’envie d’avoir un pénis, envie qui se manifeste par le désir d’avoir un enfant du père. Elle se détache de la mère pour aller vers le père.

En 1953, Jacques Lacan a formulé une nouvelle interprétation du complexe d’Œdipe : il le décrit comme fonction symbolique. Le père intervient en tant que loi afin de rompre la fusion mère-enfant, quel que soit le sexe de celui-ci. Lacan introduit une triangulation père-enfant-mère. En cas de carence du père s’affirmant comme loi, une relation duelle mère-enfant, plus ou moins fusionnante, s’instaure, ferment d’une pathologie mentale sévère.

Œdipe : bouc émissaire ?

Lorsqu’Œdipe reconnaît être le meurtrier de Laïos (vers 771 et suivants), l’enjeu de l’enquête s’infléchit : le nouveau but est de prouver le caractère incestueux du roi, de faire de lui un paria. Cette image salie, dégradée, qui s’applique au roi est le double négatif du roi vénéré, sauveur ; il s’agit de donner à Œdipe les traits du pharmakos (Vernant), double sacrificiable du roi, responsable comme lui du salut public et de la prospérité. Dans la tradition, quand Zeus frappe d’un malheur une ville, c’est que son roi en est responsable et doit, lui ou un pharmakos, être sacrifié. Vernant perçoit derrière la dégradation d’Œdipe les traits d’un rituel sacrificiel. René Girard va plus loin en considérant qu’Œdipe, tout à fait innocent, a été voué ou s’est voué lui-même au sacrifice. Ce n’est pas, note-t-il, Œdipe, mais une foule de Thébains qui a tué Laïos. En enquêtant seul, il menace les coupables tapis dans la ville que personne ne veut dénoncer. Aussi est-il désigné coupable. Les crimes dont il est accusé sont « inventés » au fur et à mesure comme dans les procès de sorcellerie où la victime innocente signe des aveux suggérés. Quand, par pitié pour le peuple, il accepte de se sacrifier, il interroge Jocaste sur la mort de Laïos et les oracles pour apprendre des détails dont il se servira pour rendre plus plausible son discours. Des divergences existent dans les versions des protagonistes (un seul meurtrier ou une foule, parricide ou pas, quatre ou deux serviteurs de Laïos ?). Les aveux extorqués sous la menace au pâtre qui sait déjà qu’Œdipe s’est accusé du meurtre de Laïos rendent la lecture de Girard peu classique, mais intéressante.

→ Thème littéraire : La fatalité.

Le tragique
Une atmosphère grandiose et inquiétante

Autant que les contemporains de Sophocle, Œdipe roi transporte le lecteur moderne dans un univers primitif, dominé par des forces inquiétantes.

Les invocations permanentes des personnages du Chœur aux divinités rendent presque sensible la présence d’un monde surnaturel. Les hommes vivent sous le regard de puissances invisibles, mais comme proches et réelles. Entre eux un dialogue se noue : les oracles parlent. Mais cette parole divine n’a rien de rassurant. Elle châtie et condamne sans pitié. Elle est en outre codée et « oblique ». Si on l’entend, on la comprend mal, Œdipe tout le premier. Pourquoi la peste frappe-t-elle les Thébains, pourtant innocents du meurtre de Laïos ? Tout se passe comme si les humains étaient soumis a une volonté supérieure dont ils sentent le poids a chaque instant, mais dont ils ignorent ce qu’elle veut.

Primitif, cet univers l’est enfin par les monstres qui l’habitent. Le Sphinx, l’« ignoble Chanteuse » comme l’a surnommé Œdipe, vivait encore il y a peu. La terreur qu’il faisait régner demeure encore dans les mémoires. Dans la mesure où le mythe remonte toujours à un passe très ancien, il est par nature propre à susciter des images sombres et terrifiantes. Comme si l’humanité, dans sa jeunesse, avait à combattre toutes sortes de terreurs.

Une puissance pathétique

Le pathétique est l’expression d’une émotion intense et pénible. Il transparaît d’abord dans la description de la peste. Le Chœur se lamente :

La Cité se meurt en ces morts sans nombre. Nulle pitié ne va à ses fils gisant sur le sol : ils portent la mort à leur tour, personne ne gémit sur eux.
Épouses, mères aux cheveux blancs, toutes de partout affluent au pied des autels, suppliantes, pleurant leurs atroces souffrances.

Ce véritable tableau funèbre impose à l’esprit l’image d’une désolation absolue, d’autant plus forte que les mots, d’une précision sèche, se bornent, sans grandiloquence ni emphase, à constater le désastre.

Le pathétique naît aussi du spectacle de la détresse dans laquelle sombrent Jocaste et Œdipe. Voici le père, les yeux désormais morts, devant ses filles qu’il aime peut-être plus que jamais, bien qu’elles soient nées d’une union incestueuse :

Sur vous, aussi, je pleure – puisque je ne suis plus en étant de vous voir –, je pleure, quand je songe combien sera amère votre vie à venir et quel sort vous feront les gens.

La rencontre ne fait pas l’objet d’un récit, mais se produit sur scène. Le spectateur en est immédiatement ému. Le lecteur doit, lui, faire l’effort d’imaginer Œdipe, son visage, son désespoir, ainsi que l’attitude d’Antigone et d’Ismène. Qui pourrait leur refuser la compassion que méritent les infortunes sans mesure ?

Un sujet atroce

Dans ce contexte, le sujet d’Œdipe roi prend toute sa valeur tragique. D’abord par les faits eux-mêmes qui sont relatés : un parricide et un inceste. De nos jours, il s’agit d’actes contraires à toutes les lois morales. Très tôt proférée, la prophétie de Tirésias teinte la pièce d’effroi :

Il [Œdipe] se révélera père et frère à la fois des fils qui l’entouraient, époux et fils ensemble de la même femme dont il est ne, rival incestueux aussi bien qu’assassin de son propre père !

Déjà épouvantables en soi, ces fautes le sont encore par la façon dont elles sont commises. En effet, Œdipe n’est pas un monstre. Plus il tente d’échapper au sort qui lui a été prédit, plus il s’y soumet. À chaque fois qu’Œdipe use de sa liberté, il accélère la réalisation de l’oracle.

Ce mécanisme offre quelque chose d’effrayant. Ou bien, en effet, la liberté n’est qu’une illusion que l’homme cultive. Ou bien il faut admettre que les actes, ou du moins certains actes, échappent à leur auteur pour se retourner contre lui. Autant que les fautes dont Œdipe se rend coupable, cette interrogation fondamentale sur la liberté – inscrite au cœur de l’œuvre – suscite une réflexion angoissée.

Le tragique atteint peut-être laça sa plus haute dimension. C’est celui d’une conscience face à ce qui la dépasse. Le déchiffreur d’énigmes qu’est Œdipe ne sait résoudre ce mystère.

On ne saurait pourtant lui denier tout courage, et même une certaine forme d’héroïsme. Quoi qu’il en coute, Œdipe cherche obstinément la vérité. Sa quête mortelle sur ses origines est tragiquement admirable.

Œdipe roi, le film de Pasolini

Œdipe roi est un film italien sorti en 1967 et réalisé par Pier Paolo Pasolini. Il est inspiré de la tragédie éponyme de Sophocle, de sa suite, Œdipe à Colone, et plus généralement du mythe d’Œdipe.

L’Œdipe Roi de Pasolini s’affiche comme une réécriture de la pièce de Sophocle. Emblématique du « cinéma de poésie » théorisé par le réalisateur, le film fait de la tragédie antique l’archétype d’un questionnement sur soi, qui met aussi en jeu l’énigme de l’identité créatrice. Doublement dépaysée dans le temps et dans l’espace, la pièce y est enchâssée dans une fable autobiographique qui la réinterprète à la lumière des thèses freudiennes sur le « complexe d’Œdipe ».

De la cristallisation initiale à la sublimation finale, le film relate, en s’attachant à manifester cinématographiquement la subjectivité d’un auteur, un parcours initiatique dont la tragédie grecque retrace, en abyme, la préhistoire. Traitée sur un mode onirique, la pièce de Sophocle s’inscrit dans le film à la manière d’un scénario inconscient et archaïque, dans lequel symboles et silences sont aussi signifiants que les mots, les sons et les cris. À la fois autoportrait et figure légendaire, le héros tragique devient, comme dans la pièce antique, le vecteur d’une interrogation sur la condition humaine, dont la portée universelle est clairement signifiée par le syncrétisme culturel qui caractérise le choix des décors, des costumes et de la musique.

La tragédie antique se fait aussi, conformément à sa fonction originelle, l’instrument d’une mise en question du présent. La transposition de la pièce de Sophocle dans un univers « primitif » et « barbare » traduit, chez Pasolini, une nostalgie du sacré, dont l’oubli ou la négation fonde le tragique moderne. L’épilogue du film, inspiré d’Œdipe à Colone, l’infléchit vers une réflexion sur le collectif, de nature politique, qui tout à la fois rappelle l’origine de la tragédie et appelle une réflexion sur le rôle de l’homme, et plus particulièrement de l’artiste, au sein de la Cité.

Deux œuvres au programme du bac 2016-2017

La pièce de Sophocle, et le film de Pier Paolo Pasolini sont au programme du bac 2016-2017 de littérature française en terminale L, en lien avec le domaine d’étude « Littérature et langages de l’image ».

L’inscription au programme de Sophocle Œdipe Roi et de la version filmique qu’en a donnée Pier Paolo Pasolini met en jeu les relations entre littérature et langage cinématographique. La pièce de Sophocle et le film de Pasolini relèvent à l’évidence de la relation d’adaptation. La lecture croisée de l’un et de l’autre, recourant aux outils d’analyse adéquats à chacun, permettra aux élèves d’apprécier les œuvres « dans la double perspective de leur singularité et de leur intertextualité ».

L’œuvre de Pasolini n’est pas du théâtre filmé. Ce n’est pas non plus une pure et simple adaptation de l’Œdipe roi de Sophocle, puisque s’y mêlent des allusions à la vie du cinéaste (dans le Prologue et l’Épilogue), des éléments du mythe antérieurs à la représentation qu’en propose la tragédie (dans le premier mouvement de la partie centrale), et d’autres tirés d’Œdipe à Colone (Épilogue). Enfin, Pasolini a retraduit et sensiblement résumé, condensé la pièce du tragique grec dans la partie centrale (second mouvement).

Œdipe-Roi n’est pas un film entièrement antique. Il y a un prologue et un épilogue modernes. Le prologue, c’est l’enfance d’un petit garçon, qui pourrait être l’un d’entre nous, et qui rêve tout le mythe d’Œdipe tel que l’a raconté Sophocle, avec des éléments freudiens, bien entendu. À la fin, ce petit garçon est vieux et aveugle et il est un peu ce qu’en son temps Tirésias a été, c’est-à-dire une sorte de prophète, d’« homo sapiens », de sage, qui joue des airs sur sa flûte et parcourt le monde contemporain. La dernière scène se passe à Bologne en 1967 et là ce vieil aveugle joue un air qui rappelle l’époque bourgeoise, le monde « libéral », le monde capitaliste en somme. La deuxième scène se passe à Milan près d’une usine où se trouvent des ouvriers et là, Œdipe joue sur sa flûte des airs de la Révolution Russe. À la fin, toujours à la recherche d’un lieu nouveau où s’établir, se fixer, il retourne vers ceux où pour la première fois il a vu sa mère, et dans le film, il est accompagné par le thème musical de la mère. Je n’abandonne donc pas totalement le monde moderne avec ce film, et d’autre part, dans le mythe d’Œdipe, il y a un grand nombre de thèmes éternels, donc actuels…

(Pier Paolo Pasolini, « Entretien avec Jean Narboni », in Cahiers du cinéma, no 192,‎ juillet-août 1967, p. 31)

Œdipe se crève les yeux de désespoir... Pier Paolo Pasolini, Œdipe roi (Edipo Re), 1967.

⬆ Œdipe se crève les yeux de désespoir… Pier Paolo Pasolini, Œdipe roi (Edipo Re), 1967.

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