Théodore Agrippa d’Aubigné

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Auteurs français

Théodore Agrippa d’Aubigné

1552 – 1630

Présentation

Théodore Agrippa d’Aubigné, né le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, et mort le 9 mai 1630 à Genève, est poète et historien français, de confession protestante. Il a été un homme de guerre et l’une des plus belles plumes de son temps. Chef de guerre, il s’illustre par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi acharné de l’Église romaine, ennemi de la cour de France et souvent indisposé à l’égard des princes, il s’illustre par sa violence, ses excès et ses provocations verbales.

→ À lire : Les Tragiques (1616) de Théodore Agrippa d’Aubigné.

Biographie

Portrait de Théodore Agrippa d'Aubigné (1622)

Né à Saint Maury près de Pons, en Saintonge, Théodore Agrippa d’Aubigné est le fils de Jean d’Aubigné, juriste, qui a déjà joué un rôle non négligeable dans l’armée. Théodore Agrippa d’Aubigné — huguenot intransigeant — reçoit une éducation extrêmement soignée, après quoi il prend la succession de son père dans la carrière militaire, en entrant au service de Henri de Navarre (futur Henri IV). Toute sa vie, cet homme d’action, qui est aussi un lecteur insatiable, sait mener parallèlement sa carrière de soldat et celle d’homme de lettres, sans jamais négliger l’une au profit de l’autre.

En 1572, Agrippa d’Aubigné échappe de peu au massacre de la Saint-Barthélemy, dont l’horreur le marque profondément ; il est plus tard impliqué dans tous les conflits contre les catholiques ; guerrier intrépide, il se montre peu enclin à adopter des solutions de conciliation avec ses ennemis. Après la conversion de Henri IV, il reste en retrait par rapport aux affaires du royaume et devient en 1590 gouverneur de Maillezais, en Vendée. Déçu par l’édit de Nantes (1598) comme le sont de nombreux protestants (qui ne le trouvent pas suffisamment favorable à leur cause), et désœuvré par le retour de la paix, il consacre son ardeur combative à la rédaction de ses ouvrages.

L’assassinat de Henri IV (14 mai 1610) fragilise sa situation sur le plan politique ; trop intransigeant pour plaire à Marie de Médicis, il est dès lors l’objet de diverses brimades. En outre, la cour apprécie peu ses talents de poète satirique : en 1620, il quitte la France pour Genève, où il s’établit sans pour autant renoncer à se mêler des affaires du royaume, et notamment à alimenter la contestation protestante. Il demeure à Genève jusqu’à sa mort.

→ À lire : Histoire de la France : l’Ancien Régime.

Œuvre
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L’œuvre d’Agrippa d’Aubigné est variée : poète, historien, essayiste, il est considéré comme l’un des plus grands auteurs baroques de France. Son style, rhétorique mais vivant, riche en métaphores mais réaliste, est en effet l’une des plus belles réussites de ce courant littéraire.

Les Tragiques

Poète satirique et fervent huguenot, Agrippa d’Aubigné choisit naturellement d’attaquer la religion catholique avec ses Tragiques, chef-d’œuvre qu’il commence en 1577 mais qui n’est publié qu’en 1616, après de multiples remaniements.

Cette épopée est composée en sept livres aux titres éloquents : « I, Misères », « II, les Princes », « III, la Chambre dorée », « IV, les Feux », « V, les Fers », « VI, Vengeances », « VII, Jugement ». Tandis que « Misères », « les Feux » et « les Fers » présentent un tableau apocalyptique de la guerre civile et le sort tragique des martyrs huguenots subissant la répression, les livres intitulés « les Princes » et « la Chambre dorée » critiquent directement, sur un mode vigoureusement satirique, chacun des organes de pouvoir que le poète tient pour responsable de cette situation : les rois indignes de leur fonction sacrée d’une part, les instances judiciaires d’autre part. Dans les deux derniers livres, « Vengeances » et « Jugement », le poète détache son regard des événements du temps pour en appeler à la justice divine : il convoque le Dieu vengeur de l’Ancien Testament pour procéder au jugement des coupables.

Les Tragiques, « poème héroïque » selon leur auteur, mêlent, chemin faisant, des genres et des tons variés : la narration épique côtoie le pamphlet satirique et l’oraison, le compte-rendu historique. La même variété se remarque dans la thématique de l’œuvre : éloge de Dieu et du protestantisme, affirmation de la confiance de son auteur en la divine Providence, cet ouvrage constitue aussi un tableau de mœurs, un recueil des connaissances du temps ainsi qu’un exposé des affaires politiques et militaires de la France.

→ À lire : Les Tragiques (1616) de Théodore Agrippa d’Aubigné.

Autres œuvres

Agrippa d’Aubigné se fait également remarquer par le lyrisme amoureux de ses poèmes de jeunesse inspirés de Pétrarque et dédiés à Diane Salviati, qui a été un temps fiancée au poète. Renié par leur auteur, Le Printemps du sieur d’Aubigné (1568-1575) n’a été publié qu’en 1874. Il réunit une centaine de sonnets, mais aussi des stances et des odes, qui renouvellent les lieux communs de la mode pétrarquisante par un tableau poignant, voire brutal, des cruautés de l’amour.

On doit aussi à Agrippa d’Aubigné une Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601 (1616-1618). Ce récit historique, l’une de ses œuvres majeures, retrace l’itinéraire collectif des Huguenots pendant la seconde moitié du XVIe siècle ; jugé inopportun par les autorités en raison des opinions qui y sont exposées, l’ouvrage le force à s’exiler à Genève.

Pamphlétaire de talent, d’Aubigné se moque encore de l’hypocrisie religieuse dans des textes cocasses et réalistes à la fois, comme la Confession du très catholique sieur de Sancy (posthume, 1660), où le poète attaque un certain Harlay de Sancy, converti de fraîche date. Persécuté par Marie de Médicis après la mort de Henri IV, il se venge par une satire de la cour sous la forme d’un récit picaresque, Les Aventures du baron de Faeneste, qui est publié entre 1617 et 1630. Il serait injuste de négliger ses Petites Œuvres mêlées, publiées en 1630, qui réunissent des textes brefs, comme ses épigrammes. Parmi ses œuvres de vieillesse, citons encore Sa vie à ses enfants (posthume, 1729).

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Extrait : Les Tragiques

Dans le livre premier, intitulé « Misères », de son épopée de la foi réformée, d’Aubigné peint les horreurs de la guerre civile. Utilisant le thème biblique des jumeaux Esaü et Jacob, le poète-soldat présente les huguenots comme les victimes d’une lutte fratricide avec les catholiques, sous les yeux désolés de leur mère, la France, mais aussi comme des êtres lésés prêts à se battre pour un bien légitime. La richesse de la langue (réalisme, lexique affectif), l’ampleur de la versification (alexandrins binaires) ménagent des effets saisissants et soulignent, à travers la symbolique d’une scène intime, la dimension épique et tragique du combat.
→ À lire : Les Tragiques (1616) de Théodore Agrippa d’Aubigné.

Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups
D’ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnait à son besson l’usage ;
Ce voleur acharné, cet Esau malheureux,
Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frère la vie,
Il méprise la sienne et n’en a plus d’envie.
Mais son Jacob, pressé d’avoir jeûné meshui,
Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui,
À la fin se défend, et sa juste colère
Rend à l’autre un combat dont le champ est la mère.
Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.

Leur conflit se rallume et fait si furieux
Que d’un gauche malheur ils se crèvent les yeux.
Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;
Elle voit les mutins, tout déchirés, sanglants,
Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant.

(Daniel Nony et Alain André, Littérature française : histoire et anthologie, Paris, Hatier, 1990)

Citations choisies de Théodore Agrippa d’Aubigné
  • Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise.
  • Qui a péché sans fin souffre sans fin aussi.
  • Nous sommes ennuyés de livres qui enseignent, donnez-nous en pour émouvoir.
  • Le riche a la vengeance, et le pauvre a la mort. (Les Tragiques)
  • Nous sommes ennuyés de livres qui enseignent, donnez-nous en pour émouvoir. (Les Tragiques)
  • Mais le vice n’a point pour mère la science, Et la vertu n’est pas fille de l’ignorance. (Les Tragiques)
Œuvres
  • Hécatombe à Diane : recueil de sonnets
  • Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601 (1616-1618)
  • Les Tragiques (1616, retravaillé sur manuscrit jusqu’en 1630)
  • Les Aventures du baron de Faeneste (1617-1630)
  • Petites œuvres meslées du sieur d’Aubigné (1630)
  • Confession du très catholique sieur de Sancy (posthume, 1660)
  • Mémoires de Théodore Agrippa d’Aubigné publiés pour la première fois d’après le ms. de la bibliothèque du Louvre par M. Ludovic Lalanne, suivis de fragments de l’histoire universelle de d’Aubigné et de pièces inédites (1854)
  • Sa Vie à ses enfants (posthume, 1729)
  • Le Printemps : l’hécatombe à Diane et Les stances (1873-1892)
  • Le Printemps du sieur d’Aubigné (1568-1575, publié en 1874)
  • La Responce de Michau l’aveugle, suivie de La replique de Michau l’aveugle : deux pamphlets théologiques anonymes publiés avec des pièces catholiques de la controverse (1996)

Articles connexes

Suggestion de livres

L'Enfer (Éd.1873)Histoire universelle. 1560-1568
Les TragiquesLes aventures du Baron de Faeneste (Nouv. éd., rev.) (Éd.1855)

[➕ Autres choix…]

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