Tristan L’Hermite

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Auteurs français

Tristan L’Hermite

1601-1655

François L’Hermite du Solier, dit Tristan L’Hermite ou Tristan, né en 1601 au château du Solier près de Janaillat dans la Marche et mort le 7 septembre 1655 à Paris, est un gentilhomme et écrivain français, qui a été l’un des précurseurs du théâtre classique. Son nom de plume fait référence à Louis Tristan L’Hermite, qui avait servi les rois de France de Charles VI à Louis XI et dont sa famille se considérait parente, au même titre que de Pierre l’Ermite qui prêcha la première croisade populaire au XIe siècle.
→ À lire : Le théâtre. – La littérature française du XVIIe siècle : l’âge classiquel’âge baroque.

De la cour…

Né au Château de Soliers dans la Marche (Creuse), au sein d’une famille noble à la lignée prestigieuse, François L’Hermite (il ne prend le prénom de Tristan qu’à l’âge de 25 ans), sieur de Soliers, a, selon des généalogistes du XVIIe siècle, deux « célébrités » pour ancêtres : d’une part Pierre L’Hermite, qui a été le prédicateur de la première croisade, et d’autre part Tristan L’Hermitte, grand chambellan de Louis XI. Son père, Pierre L’Hermite, est d’une veine moins glorieuse. Compromis dans une affaire criminelle en 1591, il ne doit son salut qu’à la grâce d’Henri IV en 1595. Ruiné, il rétablit sa situation en épousant Élisabeth Miron et sa puissante famille.

Tristan L'Hermite en 1648, portrait gravé par Pierre Daret pour l'édition originale des Vers héroïques.François L’Hermite est le premier né de ce mariage. Placé comme page dès l’âge de cinq ans auprès d’Henri de Verneuil (fils bâtard qu’Henri IV a eu avec la Marquise de Verneuil), il commence à faire l’expérience de la vie de cour avec ses attraits et ses chausse-trappes. Cependant, les relations qu’il y développe, à l’heure des amitiés enfantines, lui seront par la suite utiles. Protégé par Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, Tristan entre en 1621 au service de Monsieur et y reste jusqu’en 1634. Il est à nouveau, par deux fois, attaché à sa Maison et le suit également lors de ses deux exils : en Lorraine en 1631 puis, en 1632, en Flandre. Après un passage, en 1645, chez la duchesse de Chaulnes, en 1646, il sert le duc de Guise, qu’il retrouve de 1652 à 1655, année au cours de laquelle il meurt de phtisie à l’Hôtel de Guise.

… À la poésie

Fort préoccupé d’avoir des mécènes pour assurer sa subsistance, Tristan L’Hermite est partagé entre le travail que demande la recherche d’un protecteur et celui de la littérature. Les deux étant de son point de vue peu conciliables, il se bat pour faire reconnaître les droits des auteurs, car Tristan L’Hermite est d’abord poète. Ses vers amoureux sont souvent inspirés de Théophile de Viau, Pierre de Ronsard ou François de Malherbe et des poètes italiens tel Giambattista Marino, leur originalité s’exprimant dans l’attention portée aux descriptions de la nature et dans l’expression d’une mélancolie (thème majeur de son œuvre), parfois rehaussées de burlesque ou de libertinage. Il préfère le goût français de la mesure et de l’équilibre — annonciateur du classicisme — à la sensualité italienne.

→ À lire : Le classicisme.

… Et au théâtre

Si ses premiers recueils comme Les Plaintes d’Acante (1633) ou Les Amours de Tristan (1641) reçoivent un bon accueil, c’est davantage comme dramaturge que Tristan L’Hermite trouve un public. Contemporain de Corneille, il travaille comme lui à la tragédie. Mariamne [La Mariane] (1636) est le modèle même de la tragédie classique (unité d’action et passion dévorante) et connaît un très grand succès, tout comme La Mort de Sénèque huit ans plus tard. Par la suite il écrit de nombreuses pièces présentant les mêmes caractéristiques : Penthée (1639), La Mort de Chrispe (1645) ou encore Osman (1656).

D’une jeunesse mouvementée, Tristan L’Hermite tire Le Page disgracié (1643). Récit de voyage et d’aventures, cette œuvre est un des premiers romans d’initiation de la littérature française. Il pose les bases du genre romanesque et détaille avec imagination et humour son époque. Unique en son genre, Tristan L’Hermite a su exprimer les mœurs et la philosophie de son temps avec intelligence, humour et délicatesse.

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Prospérité

Son œuvre tombe dans l’oubli avec le triomphe du classicisme. Le XVIIIe siècle des Lumières et le XIXe siècle du romantisme semblent l’ignorer, malgré les influences ou les résonances que son œuvre suggère. Des professeurs, des érudits et des poètes proches du symbolisme redécouvrent Tristan, à partir de 1870, comme « un précurseur de Racine ». La thèse de Napoléon-Maurice Bernardin soutenue en 1895 entraîne la réédition de son roman, Le Page disgracié, ainsi que des nouvelles représentations de ses pièces, dans le cadre de conférences universitaires et mondaines.

En 1955, Amédée Carriat inaugure un courant d’études tristaniennes qui se développe bientôt en Italie, en Allemagne, au Canada et aux États-Unis. L’association Les Amis de Tristan L’Hermite, créée en 1979, assure une diffusion des travaux entrepris en littérature française du XVIIe siècle autour de l’écrivain creusois. Antoine Adam voit en Tristan « la plus noble figure de poète que puisse nous offrir l’époque de Louis XIII ».

Extraits
Le Page disgracié

Dès que l’esprit en est embrasé, il prend une certaine activité qui n’est naturelle qu’à la flamme, mais dans cette délicatesse que l’âme acquiert pour tout ce qui concerne la chose aimée, si l’on est sensible aux moindres faveurs, on n’est insensible aux moindres injures, et ce commerce est un agréable champ, où les épines sont en plus grand nombre que les roses. Comme un regard favorable, un petit sourire, un mot indulgent, ravissent de joie en de certaines occasions, aussi ne faut-il en quelques rencontres qu’un petit refus, qu’un coup d’œil altier, et même qu’une légère froideur pour faire mourir de déplaisir. Amour est un tyran désordonné qui fait connaître sa grandeur sans aucune modération : quand il donne, ce sont des profusions étranges, mais quand il exige, il n’ôte pas seulement la franchise et le repos à ses sujets ; il les dépouille de toute sorte de bien, et ne leur laisse pas même l’espérance de voir diminuer leurs maux.

Le Page disgracié, Tristan L’Hermite, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1994, p. 94

La Mort de Sénèque

Mon âme apprête-toi pour sortir toute entière
De cette fragile matière
Dont le confus mélange est un voile à tes yeux :
Tu dois te réjouir du coup qui te menace,
Pensant te faire injure on te va faire grâce :
Si l’on te bannit de ces lieux
En t’envoyant là-haut, c’est chez toi qu’on te chasse,
Ton origine vient des Cieux.

Nous avons assez vu le cours de la nature,
Sa riche et superbe structure,
Ses divers ornements et ses charmants attraits ;
Elle a peu de beautés qui ne nous soient connues,
Il faut quitter la terre, et monter sur les nues,
Pour connaître d’autres secrets,
Il faut chercher du Ciel les belles avenues,
Et voir le Soleil de plus près.

On ne trouve ici que des lois tyranniques,
D’où naissent des effets tragiques,
Et les Monstres y sont au-dessus des Héros ;
La vertu sous le joug y demeure asservie :
L’orgueil, l’ambition, l’avarice et l’envie
Nous y troublent à tout propos ;
Mais là-haut dans l’état d’une meilleure vie
On goûte un éternel repos.

Principe de tout être où mon espoir se fonde ;
Esprit qui remplit tout le monde,
Et de tant de bontés favorises les tiens,
Tu vois les cruautés de qui je suis la proie,
Et j’attends de toi seul mon repos et ma joie
Fais que je goûte de tes biens,
Et me tires bientôt afin que je te voie
Du joug de ces pesants liens.

Œuvres complètes, Tragédies, Tristan L’Hermite, éd. Honoré Champion, coll. « Champion Classiques Littératures », 2009, p. 317-318

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Citations choisies
  • Nous rencontrons l’amour qui met nos cœurs en feu,
    Puis nous trouvons la mort qui met nos corps en cendres. (Les Amours de Tristan)
  • Les grands ne veulent pas bien souvent que l’on fasse l’habile auprès d’eux, lorsqu’une trop grande pénétration dans leurs secrets leur est incommode, et c’est quelquefois une grande adresse que de leur témoigner une stupide ignorance. (Le Page disgracié)
  • J’éprouvai bien en cette rencontre qu’on souffre quelquefois beaucoup en acceptant une faveur, et que, s’il y a du contentement à faire du bien à tout le monde, il n’y en à guère d’en recevoir de certaines gens. (Le Page disgracié)
  • L’ombre de cette fleur vermeille
    Et celle de ces joncs pendants
    Paraissent être là-dedans
    Les songes de l’eau qui sommeille. (Le Promenoir des deux amants)
  • Mon cœur triste et glacé qu’une horreur environne
    Est tout meurtri des coups que la douleur lui donne. (Mariamne)
Œuvres principales
  • La Mariane, tragédie (1636)
  • La Mort de Sénèque, tragédie (1644)
  • Les Amours de Tristan, poèmes (1638)
  • Le Page disgracié, roman (1643)

Articles connexes

Suggestion de livres


Le Page disgracié

La Mariane

Les Tragédies

Les Amours
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