Maguerite Duras : L’Amant (1984)

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Marguerite Duras

L’Amant (1984)

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👤 Marguerite Duras, née le 4 avril 1914 à Gia Định près de Saïgon, alors en Indochine française, et morte le 3 mars 1996 à Paris, est une écrivaine, dramaturge et cinéaste française. Elle est l’une des figures les plus importantes de la littérature française du XXe siècle. [Lire la suite de sa biographie]

Présentation

Photo de Marguerite DurasL’Amant est un roman de l’écrivaine française Marguerite Duras, prix Goncourt 1984, qui, tout en étant fortement empreint des thèmes obsessionnels de l’auteur, se démarque des romans du « cycle indien » par une écriture encore plus dépouillée et plus transparente.

Dans L’Amant, Duras s’appuie de nouveau sur le canevas de ses souvenirs romancés qui sous-tendait Un barrage contre le Pacifique (1950).

L’Amant relate ainsi la relation de la narratrice avec un jeune et riche Chinois ; aventure amoureuse qui ne pourra survivre dans une société aux valeurs entièrement fondées sur la contrainte et les tabous. La jeune fille repart en France et cet amour reste en suspens. Même si, en filigrane, réapparaissent les archétypes des personnages du frère et de la mère, ce roman est cependant perçu comme radicalement nouveau. L’introduction du « je » y est certainement pour quelque chose, qui laisse entendre la voix de l’auteur sans assimiler pour autant le roman à une pure autobiographie.

Mais ce qui donne à ce récit, plus encore ou plus profondément que le « je », son caractère « véridique », c’est qu’il est placé sous le signe du dit. En d’autres termes, là où les autres romans de Duras n’étaient qu’ellipses et suggestions, L’Amant est, à l’inverse, révélation ; révélation par l’auteur des sentiments que lui inspire le jeune Chinois, révélation des liens qui l’unissent à sa mère et à son frère.

Parallèlement, L’Amant marque un accomplissement du style durassien, qui unit la linéarité des tout premiers romans à une poétique de l’économie du mot, qui a prévalu ensuite et jusqu’alors dans ses œuvres.

Enfin, L’Amant, roman fréquemment considéré comme celui qui permet d’accéder le plus facilement à l’univers de Marguerite Duras, est surtout celui où l’auteur accède à elle-même.

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→ À lire aussi de Marguerite Duras : Un barrage contre la Pacifique (1950). – Moderato cantabile (1958). – India Song (1973). – Hiroshima mon amour (1960). – Le Ravissement de Lol V. Stein (1964).
→ À lire également : L’autobiographie. – Analyser une autobiographie.

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Extrait : L’Amant

Avec L’Amant (1984), Marguerite Duras inaugure l’emploi du « je » dans son œuvre. Elle se présente comme la jeune fille qui a eu, dans les années 1930, à Saïgon, un riche amant chinois, au mépris de toutes les conventions sociales. La force de cette confession chez une femme dont la réputation d’intellectuelle était pour le grand public synonyme de distanciation, la spontanéité de l’écriture et le cadre exotique de l’histoire d’amour expliquent le succès immédiat du livre qui marque aussi un véritable tournant dans l’écriture de Marguerite Duras. Avant de revenir aux premières années de sa vie un an avant sa disparition avec Enfance (1995), elle évoque dans L’Amant l’Indochine de son adolescence, pour dire aussi bien le paroxysme de la jouissance, la douleur de la mort que la force de l’amour dans le dit et le non-dit.

C’est arrivé très vite ce jour-là, un jeudi. Il est venu tous les jours la chercher au lycée pour la ramener à la pension. Et puis une fois il est venu un jeudi après-midi à la pension. Il l’a emmenée dans l’automobile noire.

C’est à Cholon. C’est à l’opposé des boulevards qui relient la ville chinoise au centre de Saïgon, ces grandes voies à l’américaine sillonnées par les tramways, les pousse-pousse, les cars. C’est tôt dans l’après-midi. Elle a échappé à la promenade obligatoire des jeunes filles du pensionnat.

C’est un compartiment au sud de la ville. L’endroit est moderne, meublé à la va-vite dirait-on, avec des meubles de principe modern style. Il dit : « Je n’ai pas choisi les meubles ». Il fait sombre dans le studio, elle ne demande pas qu’il ouvre les persiennes. Elle est sans sentiment très défini, sans haine, sans répugnance non plus, alors est-ce sans doute là déjà du désir. Elle en est ignorante. Elle a consenti à venir dès qu’il le lui a demandé la veille au soir. Elle est là où il faut qu’elle soit, déplacée là. Elle éprouve une légère peur. Il semblerait en effet que cela doive correspondre non seulement à ce qu’elle attend, mais à ce qui devrait arriver précisément dans son cas à elle. Elle est très attentive à l’extérieur des choses, à la lumière, au vacarme de la ville dans laquelle la chambre est immergée. Lui, il tremble. Il la regarde tout d’abord comme s’il attendait qu’elle parle, mais elle ne parle pas. Alors il ne bouge pas non plus, il ne la déshabille pas, il dit qu’il l’aime comme un fou, il le dit tout bas. Puis il se tait.

(Marguerite Duras, L’Amant, Paris, Éditions de Minuit, 1984)

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