Les mythes des eaux douces

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Les mythes des eaux douces

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Présentation

💦 Les mythes des eaux douces sont des récits mythologiques et des croyances rattachés à l’eau des fleuves, des rivières, des sources et des fontaines, ainsi qu’à l’eau de pluie.

Si les voir mythes relatifs aux eaux marines associent ces dernières d’une part à la création du monde et d’autre part aux dangers de la navigation, les eaux douces, dont la pureté et la potabilité les rendent indispensables à la vie, sont souvent reliées aux questions de fertilité. Cette caractéristique leur vaut d’être porteuses d’une dimension sacrée dans toutes les cultures, qui n’exclut toutefois pas une certaine ambivalence dans les pouvoirs qu’on leur prête.

→ À lire également : Les mythes de la création. – Les mythes des enfers. – Les mythes de la fin du monde. – Les mythes du déluge. – Les mythes de la nuit. – Les mythes de la Lune. – Les mythes du Soleil. – Les mythes de la mer. – Les mythes des eaux douces.

Tlaloc, dieu aztèque de la Pluie

Tlaloc, dieu de la Pluie — Le dieu aztèque Tlaloc, dieu de la Pluie, apparaît sur cette fresque couronné de plumes de héron et essaimant des graines de maïs et de haricots, que la pluie fera germer. Reproduction d’une fresque située à Teotihuacan. Musée national d’Anthropologie, Mexico (Mexique).

L’eau douce, source de vie

Reliée à la question de la fertilité des sols et, par conséquent, à la survie et au bon fonctionnement de toutes les sociétés humaines depuis leurs origines, l’eau douce occupe une place centrale dans les préoccupations quotidiennes des hommes et fait l’objet d’une fervente adoration dans de nombreuses cultures. La forme que revêtent les eaux porteuses de bienfaits varie en revanche en fonction des sociétés et de leur environnement. Ainsi, dans la mythologie de l’Égypte ancienne, dont la prospérité est indissociablement liée aux crues du Nil qui fertilisent les terres de la vallée qui s’étend en plein désert, plusieurs divinités sont directement associées au fleuve, sacré : Hâpi, être androgyne aux formes opulentes, en est la personnification et commande aux crues, tandis que Khnoum, dieu-créateur représenté sous l’apparence d’un bélier ou d’un homme à tête de bélier, est vénéré comme une divinité de l’inondation et le gardien des sources du fleuve sacré. Dans des régions dans lesquelles la fertilité des terres est plutôt assurée par les pluies, ce sont ces dernières qui sont associées à des divinités. Plusieurs cultures connaissent ainsi des dieux de la Pluie, à l’image de ceux que l’on rencontre dans les croyances précolombiennes : Tlaloc chez les Aztèques (appelé Chac chez les Mayas) – époux de Chalchiuhtlicue, déesse des Rivières, des Lacs et des Mers -, Cocijo chez les Zapotèques, Tajin chez les Totonaques, Apu Illapu chez les Incas. En Amérique du Nord, la pluie est également vénérée, et appelée notamment au travers de danses rituelles, telle la danse du serpent pratiquée vers la mi-août (quand les cultures sont menacées par la sécheresse) par le peuple hopi. Mais l’existence de divinités de la pluie est commune à d’autres époques et d’autres continents. Ainsi les Celtes vénèrent-ils Taranis, dieu des Orages et de la Pluie, tandis que dans la Rome antique, Jupiter, maître du Ciel et de la Terre, est aussi adoré pour ses pouvoirs sur la pluie. Pour les Massaïs d’Afrique de l’Est, le dieu suprême qui a créé et gouverne l’Univers n’est autre que la Pluie (ou le Ciel), Ngai (ou Enkai).

L’importance vitale de l’eau douce la fait également figurer dans certains mythes de la création. Dans les croyances mésopotamiennes, par exemple, l’Eau douce, Apsou, existe à l’origine de toutes choses, aux côtés de l’Eau salée, Tiamat, et leur union donne naissance aux dieux. L’eau douce est, plus généralement, liée à des mythes concernant l’origine de l’espèce humaine. Dans de nombreuses croyances, il est en effet entendu que les hommes ont été créés par un dieu qui les a façonnés dans un mélange de terre et d’eau. Ce type de récit, dont on trouve l’écho dans la Bible (livre de la Genèse) et le Coran, selon lesquels Adam est façonné par Dieu à partir d’un morceau de glaise, est attesté dans les croyances de plusieurs peuples africains, ainsi que dans les mythologies grecque — dans laquelle Prométhée façonne l’humanité avec de l’argile — et mésopotamienne — la déesse Namma crée, pour servir les dieux, l’humanité à partir d’argile ou de poussière mêlées d’eau.

Un élément sacré et purificateur
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À l’image du Nil, les exemples de fleuves et rivières considérés comme sacrés sont multiples. C’est le cas en Inde avec l’Indus ou le Gange, dont Gangâ, une des formes de l’épouse du dieu Shiva, est la déesse. La dimension de pureté rattachée à l’eau est également de première importance. Celle-ci en effet possède la propriété de laver et de régénérer aussi bien les corps que les âmes, pouvoir à mettre en relation avec les rites d’ablution communs à de nombreuses religions et, en particulier, très présents dans les religions juive et musulmane. L’eau joue ainsi un rôle important dans de nombreux cultes au travers de rites tels que le baptême des fidèles, qui les lave de tous péchés, ou encore l’immersion de statues de divinités, pratique fréquente dans l’hindouisme. L’eau est également le symbole de la vie spirituelle. Ainsi Yahvé, dans le judaïsme, et Jésus, dans le christianisme, sont couramment comparés à des sources qui viennent désaltérer les âmes des croyants. Dans le Nouveau Testament, notons que le paradis originel est décrit comme étant baigné de quatre fleuves, qui symboliseront par la suite les quatre évangélistes.

Enfin, l’eau joue couramment un rôle dans les rites funéraires et figure de ce fait dans une série de croyances liées à l’accompagnement des âmes des défunts (mythes des enfers). Notons par exemple, dans la mythologie grecque, le voyage effectué par les âmes des morts, guidées par le passeur Charon qui les fait naviguer sur les fleuves des enfers tels le Styx et l’Achéron.

Les eaux miraculeuses
Des origines magiques

Par son importance, l’eau douce des sources et fontaines, qui permet d’abreuver les hommes, les animaux et les plantes, revêt souvent un caractère magique. L’apparition même des sources et fontaines est, dans nombre de traditions anciennes, associée aux pleurs ou à la transformation de semi-divinités, ou encore à des coups portés contre le sol ou la roche par des créatures merveilleuses. Ainsi, dans la mythologie romaine, la nymphe Égérie verse tant de pleurs à la mort de son époux (ou amant) Numa Pompilius que la déesse Diane la change en fontaine pour apaiser sa douleur. Une légende de la mythologie grecque fait du cheval Pégase le créateur de la source Hippocrène — qui apporte l’inspiration à qui boit ses eaux —, jaillie après que l’animal a frappé de son sabot le sol des montagnes de l’Hélicon. Ce type de récits trouve par la suite prolongement dans la tradition chrétienne, dans laquelle des coups de bâtons portés par des saints contre des rochers sont à l’origine de sources miraculeuses (citons par exemple saint Hadelin qui, au VIIe siècle, fait jaillir une source salvatrice à Franchimont [Belgique] lors d’une période de grande sécheresse, ou encore saint Anasthase, dont le bâton, ayant mis en fuite le diable, crée une source en retombant sur le sol, à Saint-Martin d’Oydes [Arièges], au XIe siècle).

Les fées créent également des sources, dont elles font l’un de leurs lieux de séjour favori. Elles n’hésitent pas à s’y rendre visibles aux yeux des hommes, comme en témoigne la légende de la fée Mélusine et de sa rencontre avec son futur époux, le comte Raimondin.

Eaux curatives et fontaines de jouvence

Par ailleurs, par son jaillissement perpétuel, l’eau des sources symbolise divers effets positifs recherchés par les hommes, tels notamment des pouvoirs curatifs ou le renouvellement de la jeunesse. Les eaux des fontaines sont en effet parées de nombreuses vertus thérapeutiques, tout en étant liées à un grand nombre de superstitions et de croyances populaires. Dans les mythes grecs, des nymphes, les naïades (également associées aux fleuves) se rencontrent aux abords des fontaines, aux eaux desquelles elles confèrent des pouvoirs curatifs. Des cultes très anciens, comprenant diverses offrandes et édifications de statues, sont également reliés aux sources. Les Gaulois vouent ainsi un culte au dieu guérisseur Borvo, associé aux sources thermales.

Enfin, on prête aux eaux de certaines fontaines une action bénéfique sur le rajeunissement, comme en témoignent les légendes très anciennes relatives aux fontaines de jouvence. Ces eaux miraculeuses, parfois assimilées à celles de la source coulant au cœur du jardin d’Éden de la Bible, sont en effet citées dès l’Antiquité et durant tout le Moyen Âge dans des récits légendaires liés à l’histoire d’Alexandre le Grand. À partir du XIIe siècle, la fontaine de jouvence est également évoquée dans les légendes relatives à un fabuleux royaume chrétien fondé dans des contrées lointaines (Indes ou Éthiopie) par le prêtre Jean. Elle excite dès lors l’intérêt des explorateurs. Le conquistador espagnol Juan Ponce de León, s’appuyant sur des récits légendaires indigènes relatifs à une île des Caraïbes nommée Bimini et abritant une telle fontaine, part à sa recherche. En 1512, il accoste sur une terre, qu’il prend pour l’île légendaire (il vient en fait de découvrir la Floride). Objet de fascination et de convoitise depuis de nombreux siècles, la fontaine de jouvence, symbole de la quête de l’éternelle jeunesse et de l’immortalité, continue d’imprégner fortement l’imaginaire contemporain.

Des pouvoirs ambivalents
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Déchaînements destructeurs

Aux côtés des multiples bienfaits qu’elle procure, l’eau douce adopte parfois la forme d’un élément inspirant la crainte. Sa puissance dévastatrice, qui s’exprime par des pluies torrentielles et des inondations, est fort redoutée. L’eau douce est alors liée aux thématiques de la destruction et de la mort, comme le symbolise très fortement le thème du déluge, commun à de nombreuses croyances (mythes du déluge). Cette thématique s’exprime aussi bien dans les mythologies antiques (mésopotamienne, grecque, romaine) que dans le récit biblique de la Genèse, ou encore dans les croyances hindouistes. L’eau incarne alors l’extraordinaire colère d’une divinité désireuse d’une part de punir l’humanité — comme le montre également la légende de Philémon et Baucis narrée par Ovide (récit dans lequel Jupiter et Mercure inondent toute une région pour punir ses habitants de leur attitude inhospitalière à leur égard) —, et de procéder à une œuvre purificatrice avant de recréer le monde. Instrument punitif, l’eau est aussi utilisée pour révéler la puissance divine, comme le montre notamment le récit biblique de l’Exode au travers de deux des plaies que Dieu, par l’entremise de Moïse, inflige à l’Égypte qui refuse de libérer le peuple hébreu : le premier de ces fléaux consiste en la transformation de l’eau du Nil en sang, empêchant les hommes et les animaux de s’y abreuver ; la septième est une terrible chute de grêle qui ravage le pays.

Par ailleurs, beaucoup de divinités aquatiques aux pouvoirs bénéfiques peuvent se révéler destructrices. Ainsi, les naïades, à l’origine des pouvoirs curatifs des eaux sources, peuvent aussi déclencher maladies ou encore folie chez ceux qui violent leurs eaux ou les offensent. Il en est de même pour les divinités de la pluie : par exemple, sur les quatre jarres que possède le dieu aztèque Tlaloc, une seule est remplie de l’eau qui assure des récoltes abondantes ; les autres renferment les maladies et nuisances liées à la surabondance d’humidité et de pluie, aux gelées ou, à l’opposé, à l’absence de pluie, à la sécheresse.

Aspects troubles des eaux stagnantes

Il est à noter que si les eaux vives sont largement associées à des récits positifs, tel n’est pas le cas des eaux stagnantes. Celles-ci en effet, à l’image des étangs et des marécages, sont des éléments fréquemment décrits pour définir les lieux où se tiennent les sabbats de sorcières. Les feux follets, petites flammes dansantes que le folklore assimile volontiers à des esprits malins, sont également signalés dans leur voisinage. Les lacs sont également réputés servir de demeures à diverses créatures monstrueuses, tels les vouivres, sortes de dragons ailés, ou le monstre hantant le Loch Ness, en Écosse. Ils abritent également des êtres fantastiques tels que des fées. L’une d’entre elles, Viviane, la Dame du Lac, héroïne des romans du cycle arthurien, fait périr dans les eaux du lac sous lequel elle vit tous ceux qui cherchent à accéder à son château sans son autorisation.

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