La littérature française du XXe siècle
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Histoire de la littérature française
Le XXe siècle
Sommaire
💡 La littérature française
La littérature française est l’ensemble des œuvres littéraires de langue française produites en France depuis le XIIe siècle, date à partir de laquelle se développe la littérature en langue vulgaire.
→ À lire : Qu’est-ce que la littérature ? – Rubriques à consulter : Littérature française et francophones. – Histoires.
Présentation
La fin du XIXe siècle est placée sous le double signe du naturalisme et de la « décadence ». Bientôt, le traumatisme laissé dans les consciences par les massacres de la Première Guerre mondiale orientera la littérature dans une voie nouvelle. La révolte s’incarne diversement, dans la prose révolutionnaire d’un Céline ou dans la colère iconoclaste des surréalistes. En même temps, la question de conscience politique s’impose aux écrivains, notamment aux existentialistes, qui prônent la nécessité, pour les intellectuels, de s’impliquer dans la vie de la cité et, par leur création même, de combattre ses ennemis.
Après la Seconde Guerre mondiale, la littérature française s’ouvre davantage aux influences étrangères, mais enregistre dans le même temps une nouvelle et profonde crise morale, liée à la découverte des crimes sans précédent commis pendant le conflit.
De nouvelles incertitudes génèrent des formes nouvelles dans tous les domaines littéraires : Nouveau Roman, bien sûr, mais aussi, sous des appellations diverses, nouveau théâtre et nouvelle critique, où il s’agit de remettre en cause non seulement les valeurs, mais le langage même, menacé par la perte du sens.
→ À lire : Les courants littéraires du XIXe et du XXe siècles. – Histoire de la France : le XIXe siècle.
Avant la Première Guerre mondiale
L’Europe connaît, au début du siècle, des années d’aisance et d’euphorie, où elle apparaît, sur le plan économique et culturel, comme une entité solide. Les capitales européennes sont alors de hauts lieux de culture et d’activité littéraire.
Récit
Deux tendances s’opposent alors dans le domaine du récit : l’une s’inscrit dans la continuité du positivisme, tandis que l’autre suit davantage la voie de la « métaphysique de l’expérience » initiée par Henri Bergson.
Diversité de l’inspiration
Le récit de cette période revêt des formes variées : les écrits de maîtres à penser conservateurs comme Maurice Barrès, dont l’œuvre romanesque est dominée par le culte du moi et par le nationalisme revanchard (Le Culte du moi, 1888-1891; Le Roman de l’énergie nationale, 1897-1902), ou comme Paul Bourget, auteur traditionaliste et catholique (Le Sens de la mort, 1915), voisinent avec les récits oniriques d’Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes (1913), les romans idéalistes d’Anatole France (Thaïs, 1890), écrivain humaniste qui est aussi, à travers ses essais, un fin observateur de son époque (L’Histoire contemporaine, 1897-1901), et les récits de Romain Rolland, auteur notamment de Jean-Christophe (1904-1912), ample cycle romanesque dépeignant la société européenne au tournant du siècle.
À la même époque, un auteur comme Raymond Roussel fait de l’imagination la faculté première de la création littéraire et compose des récits d’une très grande modernité d’écriture, comme Impressions d’Afrique (1910) ou Locus Solus (1914), qui lui valent d’être admiré par les surréalistes. André Gide, qui a débuté dans le roman avec Les Cahiers d’André Walter (1891), poursuit son œuvre avec Les Nourritures terrestres (1897), L’Immoraliste (1902) et Les Caves du Vatican (1914) et, en 1909, fonde La Nouvelle Revue française (N.R.F.).
Proust et le roman moderne
Dans ce contexte, l’œuvre de Marcel Proust apparaît comme la manifestation d’une véritable révolution dans le domaine du roman. Ses écrits théoriques, en particulier Contre Sainte-Beuve (posthume, 1954), où il s’élève contre la méthode de la critique biographique pratiquée par Sainte-Beuve, mais aussi ses pastiches, qu’il considère comme une sorte de « critique en action » (Pastiches et Mélanges, 1919), mènent en toute cohérence à une œuvre monumentale, recouvrant plusieurs genres littéraires (roman, autobiographie, chronique d’une époque, essai littéraire, essai d’esthétique, étude de mœurs, etc.) : À la recherche du temps perdu. Ce vaste roman, s’il emprunte un matériau largement autobiographique, est pourtant, avant tout, une réflexion sur le temps, sur la mémoire involontaire et sur la vocation d’écrivain. Le narrateur, ligne après ligne, sauve de l’anéantissement sa vie passée en la consignant sous la forme de l’œuvre d’art, qui seule a le pouvoir de la soustraire à la contingence ; retraçant l’itinéraire qui l’a conduit à l’écriture, il relate, dans le même mouvement, l’histoire d’une conscience qui naît à elle-même.
⬆ Du côté de chez Swann, un tableau fait par Caroline Maurel qui rend hommage à son auteur préféré (2007).
→ À lire : L’autobiographie. – Analyser une autobiographie. – Les Mémoires.
Théâtre
Le théâtre de cette période revêt des formes variées. Des voix singulières s’expriment, impossibles à regrouper en un mouvement littéraire au sens strict. Globalement, on peut dire pourtant que la scène devient le lieu privilégié de la représentation du monde, le plus souvent un monde en proie à la dérision et à l’ironie. Il faut citer, parmi les auteurs de cette époque, Alfred Jarry, créateur d’Ubu, Jules Romains (Donogoo-Tonka, 1930; Knock, 1924) mais surtout Paul Claudel, qui est aussi poète (Cinq Grandes Odes, 1910) et essayiste (Connaissance de l’Est, 1900). Auteur catholique, ce dernier chante dans l’ensemble de son œuvre l’amour humain et l’amour divin et le déchirement entre ces deux aspirations de l’être. Son théâtre, écrit dans une langue à la richesse baroque, empruntant la forme inusitée du verset, possède un souffle à la fois épique et intimiste (Tête d’or, 1890; Le Repos du septième jour, 1901; L’Annonce faite à Marie, 1912) et mêle une matière historique à une dimension lyrique et tragique.
→ À lire : Les œuvres de Paul Claudel.
Poésie, prose poétique
Vestiges du symbolisme
En poésie, le symbolisme finissant est incarné notamment par Saint-Pol Roux (Les Reposoirs de la procession, 1893-1907), mais trouve aussi des continuateurs dans le mouvement naturiste qui chante la vie et la lumière, de façon parfois rustique. Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947), Francis Jammes, Paul Fort et Émile Verhaeren notamment sont représentatifs de cette tendance issue du symbolisme.
Les femmes s’imposent aussi à cette période dans la vie littéraire, avec des poétesses comme Anna de Noailles (Le Cœur innombrable, 1901), de sensibilité néoromantique, ou Renée Vivien (1877-1909), qui emprunte à l’Antiquité certains thèmes pour chanter l’amour avec une audace neuve.
Renouvellement de l’inspiration et des formes poétiques
Une veine d’inspiration sociale engendre des courants comme l’unanimisme, placé sous le patronage de Jules Romains (La Vie unanime, 1908). Par ailleurs, des poètes dits « fantaisistes » réagissent au désarroi par la parodie, l’humour et l’absurde, annonçant déjà le surréalisme.
C’est à cette époque que le poème, qui s’est progressivement libéré du carcan du vers régulier et de la forme fixe, s’affranchit définitivement des contraintes formelles pour devenir un objet littéraire sans forme préétablie, auquel la force de l’imaginaire, en tout premier lieu, vient désormais conférer en quelque sorte une vie propre, sans rigidité ni logique.
Saint-John Perse, évoquant les paysages de son enfance à la Guadeloupe dans des poèmes de jeunesse (Images à Crusoë, 1909; Éloges, 1911), ou Victor Segalen, de retour de Polynésie (Les Immémoriaux, 1907), traitent de l’exotisme dans une langue mélodieuse et maîtrisée. La poésie de Blaise Cendrars, qui est aussi romancier (L’Or, 1925; Moravagine, 1926), puise dans la propre vie aventureuse de l’auteur pour proposer un parcours symbolique du monde (La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, 1913) ; audacieuse sur le plan formel, cette poésie est construite pour mimer l’expérience du voyageur (rythme, sonorité, etc.). Valery Larbaud, lui aussi voyageur, amoureux des trains, compose des poèmes (Poèmes par un riche amateur, 1908), des essais et des romans (Fermina Marquez, 1911; A. O. Barnabooth, 1913). Citons aussi les noms de Max Jacob, auteur notamment du recueil intitulé Le Cornet à dés (1917), qui s’inspire du cubisme et est particulièrement admiré des surréalistes. Pierre Reverdy, qui place l’image au centre de sa poétique, est lui aussi admiré par les surréalistes (Poèmes en prose, 1915); Paul Morand (Lampes à arc, poésie, 1919) et Jean Cocteau (La Lampe d’Aladin, poésie, 1909) qui s’illustrent tous deux avec talent dans des genres divers, se rapprochent de Reverdy et Jacob par leur admiration des peintres cubistes.
Guillaume Apollinaire
Guillaume Apollinaire occupe une place prépondérante dans cette révolution poétique. Intéressé par tous les domaines artistiques, amateur notamment de peinture cubiste, il est l’inspirateur de l’« esprit nouveau » et l’inventeur du mot « surréalisme ». Il renouvelle des thèmes classiques comme le temps et la nostalgie, les légendes arthuriennes (L’Enchanteur pourrissant, 1909) ou l’Allemagne romantique (Alcools, 1913). C’est davantage sur le plan formel qu’il fait preuve d’audace, allant jusqu’à abolir totalement l’usage de la ponctuation, et inventant la forme du calligramme, poème qui figure, par sa disposition typographique sur la page blanche, la chose dont il parle (Calligrammes, 1918).
L’entre-deux-guerres
Les années vingt et trente sont marquées à la fois par la volonté de toute une société de ne plus revivre l’horreur de la Première Guerre mondiale et, rapidement, par l’appréhension de nouveaux dangers menaçant l’humanité, appréhension qui, une fois encore, va de pair avec une remise en cause des modèles culturels. La « révolution surréaliste » qui domine cette période bouleverse durablement la poésie française et, plus globalement, impose une nouvelle conception de la création littéraire et artistique.
Récit
André Gide
André Gide, qui a débuté avant la Première Guerre mondiale, s’impose dans les années vingt non seulement comme écrivain (La Symphonie pastorale, 1919; Les Faux-monnayeurs, 1926) mais aussi comme figure importante du monde des lettres, notamment grâce à son rôle au sein des éditions Gallimard et à la publication de son Journal (1889-1949), qui marque une date importante dans l’histoire des écrits autobiographiques.
Dans ses récits, Gide opère une critique interne du genre romanesque (manifestée notamment par le procédé de la « mise en abyme », mis en œuvre notamment dans Les Faux-monnayeurs) ; il y exprime aussi, tour à tour, une recherche de spiritualité, la force de la sensualité et la nécessité de l’engagement politique.
→ À lire : André Gide : Les Faux-monnayeurs (1926). – Littérature et engagement au XXe siècle.
Thèmes politiques et sociaux
L’entre-deux-guerres est marqué par un certain militantisme : non seulement la période est féconde en manifestes politiques et culturels (domaine où les surréalistes ne sont pas en reste), mais on voit aussi émerger à cette époque des romans évoquant la destinée d’une classe sociale entière, venus remplacer le roman centré sur l’individu.
Roger Martin du Gard, ami de Gide, est surtout connu comme l’auteur d’un ample cycle romanesque et familial de facture classique, Les Thibault (1922-1940), où il confronte l’idéalisme de ses héros aux événements de l’histoire. Dans deux vastes ensembles romanesques, Vie et aventures de Salavin (1920-1932) et Chronique des Pasquier (1933-1934), Georges Duhamel exprime son refus des aspects technologiques de la modernité. À la même période, Jules Romains compose Les Hommes de bonne volonté (1932-1946) et le fantaisiste Francis Carco, son roman Brumes (1936), décrivant le Paris populaire. Écrivains engagés, Emmanuel Berl, l’animateur de la revue Marianne entre 1938 et 1940, et Paul Nizan (Aden Arabie, 1931) entreprennent de vulgariser le marxisme par le roman.
Préoccupations morales et éthiques
Dans une tout autre perspective, certains romans reflètent une quête spirituelle, allant de pair avec une interrogation sur la morale traditionnelle et sur sa légitimité. François Mauriac, écrivain catholique issu de la bourgeoisie bordelaise, ne cesse de mettre en scène cet univers en s’interrogeant sur les relations entre le désir et la foi, l’amour et l’argent (Le Baiser aux lépreux, 1922; Genitrix, 1923; Thérèse Desqueyroux, 1927; Le Désert de l’amour, 1925; Le Nœud de vipères, 1932).
Georges Bernanos, dans ses romans Sous le soleil de Satan (1926) et Journal d’un curé de campagne (1936), caractérisés par une certaine violence dans l’expression, expose ses angoisses et ses aspirations mystiques en même temps que sa révolte devant la condition faite à l’Homme ici-bas.
L’œuvre, largement autobiographique, de Marcel Jouhandeau, expose sa double aspiration, d’une part la sensualité et l’homosexualité, entachées de péché, et d’autre part la mystique et l’ascèse (La Jeunesse de Théophile, 1921; Les Pincengrain, 1924; Chroniques maritales, 1935). Julien Green, écrivain français d’origine américaine, parle lui aussi d’un homme déchiré entre des aspirations contraires et régi par des forces qui le dépassent (Adrienne Mesurat, 1927). Ses écrits d’inspiration autobiographique, qui traitent de la difficulté d’avoir la foi dans le monde moderne, sont les plus touchants (Moïra, 1950).
Henry de Montherlant, dans des récits comme Les Olympiques (1924) et Les Bestiaires (1926), célèbre les vertus viriles du courage et de la force physique ; Antoine de Saint-Exupéry, auteur notamment du Petit Prince (1943), célèbre quant à lui un héroïsme plus subtil, dans Courrier sud (1928) et Vol de nuit (1931), romans où le métier de pilote est dépeint sous un jour poétique et épique.
À la même période, André Malraux dénonce les méfaits de la colonisation en Indochine et s’inspire de ses voyages en Asie pour écrire Les Conquérants (1928), La Voie royale (1930) et La Condition humaine (1933), récits qui posent le problème des choix individuels devant les bouleversements politiques, la répression et l’angoisse de la mort.
Parallèlement, un souffle neuf, venu du roman anglo-saxon, renouvelle la veine du roman d’évasion et du récit merveilleux, avec notamment Pierre Benoit (L’Atlantide, 1919). Parmi les romanciers de cette période, citons encore Jean Cocteau, qui compose Le Potomak en 1919; Paul Morand (Nouvelles des yeux, 1921) et Raymond Radiguet, auteur précoce du Diable au corps (1923), récit d’une initiation amoureuse.
Prose révolutionnaire de Céline
Le monde littéraire de l’entre-deux-guerres est cependant secoué par l’apparition d’un nouveau prosateur : Louis-Ferdinand Céline qui, avec son roman Voyage au bout de la nuit (1932), connaît un succès dû en partie au scandale qu’il a suscité. Ce récit propose un travail inédit sur la langue littéraire, empruntant notamment des formules à la langue parlée, et mettant en œuvre un rythme et une syntaxe inusités jusque-là. Céline poursuit ce travail avec une audace croissante dans ses récits suivants, parmi lesquels nous pouvons citer Mort à crédit (1936).
Dada et le surréalisme
Entre 1916 et 1922, sous l’impulsion de Tristan Tzara, naît à Zurich le mouvement Dada, qui fait la synthèse des tendances les plus marginales de l’époque : international, provocateur, nihiliste, Dada place l’acte de création au-dessus de la création elle-même et veut estomper les barrières entre les différentes disciplines artistiques.
Avec les autres membres de la revue française Littérature (1919), André Breton est un temps le compagnon de route de Dada. La rupture est pourtant consommée en 1922, Breton reprochant à Dada la gratuité de ses provocations qui, sur le plan artistique, lui semblent ne déboucher sur rien de valable.
Breton, qui réunit notamment autour de sa revue les poètes Louis Aragon, Philippe Soupault, Paul Éluard, Robert Desnos, Benjamin Péret, donne naissance au mouvement en tant que tel avec son premier Manifeste du surréalisme (1924), où il définit le terme « surréalisme » en lui donnant son assise théorique. L’esthétique surréaliste repose essentiellement sur l’image. Les écrivains de ce groupe, lecteurs de Sigmund Freud, accordent une part prépondérante à l’inconscient et au rêve, précisément en raison de leur capacité à créer des images. Les Champs magnétiques, recueil écrit à quatre mains par Breton et Soupault en 1920, est l’expérience la plus audacieuse illustrant ces théories. Refusant, comme Dada, de compartimenter les domaines artistiques, le mouvement ne se définit jamais comme mouvement littéraire (et refuse d’ailleurs la « littérature ») et accueille dans ses rangs des peintres comme Salvador Dalí, Max Ernst ou René Magritte, etc.
Plus tard, le surréalisme prend des engagements politiques révolutionnaires et communistes, dont le Second Manifeste du surréalisme (1929) de Breton se fait l’écho, et qui entraînent des ruptures au sein du groupe.
Parmi les écrivains surréalistes, on retient encore les noms de René Char, Roger Vitrac, Jacques Prévert, Raymond Queneau, René Crevel et Antonin Artaud.
Sans appartenir au mouvement, certains écrivains s’inscrivent pourtant, au moins par un aspect de leur œuvre, dans la mouvance ou l’esthétique surréaliste, comme Georges Ribemont-Dessaignes, Arthur Cravan, Max Jacob, Julien Gracq ou Pierre Reverdy. Si le mouvement surréaliste en tant que tel est relativement éphémère, si les principaux auteurs qui s’y rattachent choisissent eux-mêmes des orientations personnelles sans rapport avec les théories énoncées dans le premier Manifeste (c’est le cas même des plus grands, par exemple de Char, de Queneau, d’Éluard, d’Aragon, etc.), le surréalisme peut être considéré comme le courant esthétique le plus influent de cette première moitié du XXe siècle.
Poésie en marge du surréalisme
Même si l’essentiel de la poésie subit, à cette époque, l’influence du surréalisme, des voix singulières se font toutefois entendre. Tôt fasciné par les symbolistes, Paul Valéry se consacre à la poésie avant de s’en détourner pour préférer des écrits purement intellectuels, où priment la rigueur mathématique et la maîtrise de la pensée (La Soirée avec Monsieur Teste, 1896, publiée en 1919). Revenant à la poésie, il cherche à en faire un pur exercice de la pensée ; parmi ses recueils, citons L’Album de vers anciens (œuvres de jeunesse réunies en 1920), La Jeune Parque (1917) et Charmes (1922), qui allient la beauté formelle rigoureusement maîtrisée, le sentiment et l’intelligence. Ses essais critiques demeurent pour leur part d’une autorité novatrice et incontestée.
L’œuvre d’Henri Michaux n’est pas moins singulière. Poète et peintre de l’expérimentation, il crée un univers particulier, dominé par un sentiment d’étrangeté : le sujet, chez Michaux, est une sensibilité à vif, qui cherche le repli sur soi et se trouve confronté à toutes sortes d’agressions verbales et physiques — Qui je fus, 1927; Mes propriétés, 1929; Plume, 1938 (1930 dans une précédente version sous le titre Un certain Plume); La nuit remue, 1935.
Théâtre
Le théâtre de l’entre-deux-guerres reste encore très marqué par la tradition. Le théâtre de boulevard, notamment, est roi; souvent médiocre, ce genre populaire est porté à sa perfection avec des auteurs comme Sacha Guitry, dramaturge prolixe, cinéaste et homme de théâtre accompli, à qui l’on doit en particulier Faisons un rêve (1918), Désiré (1927) et Quadrille (1938).
Alors que Jean Giraudoux crée une nouvelle poésie dramatique et humaniste en adaptant des thèmes empruntés aux mythes antiques pour exprimer des réalités contemporaines (Amphitryon 38, 1929; La guerre de Troie n’aura pas lieu, 1935; Ondine, 1939), quelques personnalités comme le Belge Michel de Ghelderode étonnent et choquent par la violence de leur discours et l’expressionnisme de leur dramaturgie (La Mort du docteur Faust, 1925; Hop signor !, 1935).
Antonin Artaud, séparé du mouvement surréaliste en 1924, choque lui aussi ses contemporains en se livrant à une recherche esthétique tout à fait personnelle, influencée par l’usage des drogues et par sa propre folie, et livre une théorie du « théâtre de la cruauté » (Le Théâtre et son double, 1938) qui aura une influence importante sur la dramaturgie dans la seconde moitié du siècle.
Armand Salacrou se distingue comme l’auteur d’une œuvre aux multiples facettes, traitant de problèmes contemporains (Le Casseur d’assiettes, 1924); Jules Romains compose des pièces sur le mensonge, le pouvoir et la manipulation, dont la plus célèbre est Knock (1924), tandis que Jean Cocteau, habile touche-à-tout littéraire, crée non seulement un ballet, Parade (1917), mais s’illustre aussi comme dramaturge avec des pièces symboliques et poétiques comme Orphée (1927) ou La Voix humaine (1930).
Une nouvelle génération de metteurs en scène qui font un vrai travail d’auteur à partir du texte dramatique, s’impose alors avec des gens comme Jacques Copeau, Louis Jouvet, Charles Dullin ou Georges Pitoëff.
Depuis la Seconde Guerre mondiale
La Seconde Guerre mondiale, la découverte de l’Holocauste, puis la guerre froide et la décolonisation viennent remettre en cause des certitudes jusque-là incontestées. Le courant existentialiste lui-même est bientôt dépassé après ces crises profondes, qui atteignent toutes les croyances et toutes les représentations du monde.
L’Occupation
Sous l’Occupation allemande, la censure et les persécutions empêchent naturellement la parution des œuvres littéraires. Une partie des milieux intellectuels réagit par le choix délibéré de la collaboration, comme Pierre Drieu la Rochelle, qui se tourne vers l’Allemagne par dégoût de la lâcheté de la bourgeoisie française (Gilles, 1939), comme Louis-Ferdinand Céline, qui a composé juste avant la guerre ses pamphlets antisémites (Bagatelles pour un massacre, 1937) et qui tente de fuir en Allemagne en 1944, ou comme Robert Brasillach, qui écrit dans Je suis partout des pamphlets antisémites virulents. D’autres écrivains collaborent pour des raisons moins idéologiques, se laissant séduire par certains aspects du décorum nazi, comme Henry de Montherlant, qui voit dans les Allemands l’incarnation de son rêve d’héroïsme viril, ou comme Marcel Jouhandeau.
Certains, néanmoins, choisissent tôt la voie de la Résistance, comme Louis Aragon et Paul Éluard, poètes de conviction communiste, mais aussi Marguerite Duras, André Malraux ou Vercors, fondateur des Éditions de Minuit et auteur notamment du Silence de la mer (1942). Certains écrivains de droite, comme François Mauriac, choisissent également la voie de la Résistance.
Nombre d’auteurs, tant dans les domaines de la poésie que du récit, se contentent de continuer à produire en n’abordant que des problèmes sans lien apparent avec les problématiques politiques de l’actualité : c’est le cas de Marcel Aymé, qui publie après la guerre des récits de tonalité drolatique sur l’Occupation (Le Chemin des écoliers, 1946). Des dramaturges comme Jean Anouilh, auteur d’Eurydice (1942), ou Jean-Paul Sartre, auteur des Mouches (1943), parviennent, à travers la référence à la tragédie antique, à communiquer discrètement, en filigrane, un discours critique sur l’actualité.
La période de la guerre voit tout de même apparaître de nouveaux écrivains et quelques chefs-d’œuvre : Elsa Triolet obtient le prix Goncourt 1944 pour Le premier accroc coûte deux cents francs, Raymond Queneau compose Pierrot mon ami (1942) et Loin de Rueil (1944), tandis qu’Albert Camus publie L’Étranger (1942) dans la clandestinité, en même temps que son essai philosophique Le Mythe de Sisyphe.
L’après-guerre
La fin de la guerre et la découverte des camps d’extermination marquent naturellement le tournant d’une époque.
Sartre et l’existentialisme
Parallèlement aux angoisses existentielles qu’expriment les œuvres d’Albert Camus, la philosophie existentialiste, théorisée dans L’Être et le Néant (1943) de Jean-Paul Sartre, se donne comme une pensée qui accorde à l’existence la préséance sur l’essence, et se pose comme un humanisme en mettant en avant la liberté de l’Homme. Issu de la phénoménologie, l’existentialisme sartrien prône un engagement dans la vie quotidienne de la cité, puisque l’Homme s’édifie dans sa relation avec le monde. La compagne de Sartre, Simone de Beauvoir, mène une réflexion sans précédent sur la condition féminine. Après la guerre, elle illustre sa pensée dans des essais (Le Deuxième Sexe, 1949) et des récits autobiographiques (Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958; La Force de l’âge, 1960; La Force des choses, 1963).
Des intellectuels engagés
Recommandé par les existentialistes mais pratiqué par des écrivains de toutes tendances, l’engagement politique, marquant la naissance de la figure de l’intellectuel moderne, est un aspect nouveau et important de la vie culturelle en France après la guerre.
Des auteurs comme André Malraux, tout en poursuivant leur œuvre (Le Musée imaginaire, 1947), se consacrent à la politique, tandis que François Mauriac se fait journaliste en rédigeant ses Bloc-Notes (1958). Les surréalistes restés aux côtés d’André Breton, tout en continuant de défendre les choix esthétiques qui sont les leurs, se veulent engagés avant tout (Position politique du surréalisme aujourd’hui, 1935). Forts de leur action dans la Résistance, les intellectuels communistes, comme Louis Aragon, font figure de maîtres à penser, cependant que s’affirme le succès grandissant d’Albert Camus (La Peste, 1947; L’Homme révolté, 1951; La Chute, 1956), couronné par le prix Nobel en 1957.
Itinéraires marginaux et singuliers
En marge des grandes problématiques dominantes (politique, communisme, engagement), des auteurs poursuivent un chemin personnel.
Marguerite Yourcenar, avec Les Mémoires d’Hadrien (1951), récit nourri par une impressionnante érudition classique, impose sa vision du monde, humaniste et stoïcienne. Dans ses romans, Jean Giono dépeint les vertus de la nature et la folie des hommes, au sein d’une Provence mythique et épique (Un de Baumugnes, 1929; Un roi sans divertissement, 1947; Le Hussard sur le toit, 1951).
Des romanciers comme les Hussards, parmi lesquels Antoine Blondin et Roger Nimier, rejettent les problématiques de l’engagement politique pour exalter un héroïsme gratuit, teinté de romantisme.
D’autres encore font, dans l’immédiat après-guerre, un usage expérimental, ludique et grave de la littérature : ainsi Boris Vian, parolier, essayiste, romancier et poète, qui place l’ensemble de son œuvre sous le signe de la provocation et de la fantaisie (J’irai cracher sur vos tombes, 1946; L’Écume des jours, 1947; Cantilènes en gelée, 1950). Raymond Queneau, mathématicien et poète, ancien surréaliste, collaborateur de la Nouvelle Revue française et fondateur de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo) en 1960, fait de son œuvre le lieu d’une réflexion et d’une expérimentation ludique sur la langue, ayant notamment recours à l’usage de contraintes, aussi arbitraires que fécondes, pour renouveler l’écriture littéraire. Parmi ses récits, citons Exercices de style (1947) et Zazie dans le métro (1959).
Georges Perec, lui aussi virtuose des jeux de lettres et de l’usage de contraintes formelles, s’impose comme un romancier d’une grande originalité (Les Choses, 1965; La Disparition, 1969), et rejoint Queneau en 1967 dans l’OuLiPo.
Julien Gracq, qui dénigre le microcosme des lettres dans un pamphlet, La Littérature à l’estomac (1950), se distingue par une œuvre romanesque au climat particulier, structurée autour d’un imaginaire de l’attente et du désir et sur une conception de l’espace singulière (Au château d’Argol, 1938; Le Rivage des Syrtes, 1951). Son œuvre critique est également remarquable (Préférences, 1961; Lettrines, 1967-1974). Dans l’après-guerre fleurit aussi une nouvelle vague de romans populaires, dans le domaine de la science-fiction (avec, par exemple, René Barjavel) et dans le genre policier (Georges Simenon, Léo Malet).
⬆ Membres de l’OuLiPo, septembre 1975, Boulogne, France.
Nouveau Roman
Le roman devient, particulièrement à partir des années soixante, le lieu d’une remise en cause des notions de « texte », de « personnage », d’« auteur » : le récit entre dans l’« ère du soupçon », selon une expression de Nathalie Sarraute.
L’expression de « Nouveau Roman », apparue dans les années cinquante, définit moins une école à proprement parler qu’elle ne regroupe des auteurs singuliers, mais aux préoccupations communes, pour la plupart liés aux Éditions de Minuit. Les principes du Nouveau Roman sont théorisés dans Pour un nouveau roman (1963), d’Alain Robbe-Grillet, et dans Problèmes du Nouveau Roman (1967), de Jean Ricardou.
Le Nouveau Roman est illustré, entre autres, par les romans et les essais d’Alain Robbe-Grillet, de Jean Ricardou, de Michel Butor, de Nathalie Sarraute, mais aussi par ceux de Philippe Sollers ou de Marguerite Duras, qui poursuivent un itinéraire en marge du Nouveau Roman en empruntant certains de ses procédés. Toutes ces œuvres ont en commun de condamner les différents aspects du récit traditionnel (traitement du temps, de l’espace, psychologie des personnages, illusion de réalité, etc.), et ce au nom d’un nouveau réalisme, construit notamment sur une utilisation nouvelle des procédés de focalisation (prenant en compte la subjectivité des points de vue) et de narration.
Malgré une certaine perte de vitesse du Nouveau Roman dans les années soixante-dix, le groupe n’en continue pas moins de produire des chefs-d’œuvre. Citons encore les noms de Claude Simon et de Robert Pinget.
Le Nouveau Roman a eu en outre une influence profonde sur l’ensemble de la production romanesque car même des auteurs n’appartenant pas à cette mouvance sont aujourd’hui encore influencés par elle, comme J. M. G. Le Clézio par exemple.
Théâtre de l’absurde
Le théâtre connaît une révolution parallèle à celle du roman, et portant également sur le problème de la représentation du réel.
Le théâtre de l’après-guerre, encore très conventionnel, s’ouvre lentement aux jeunes auteurs : la rigueur dramatique de Montherlant, le mélange des genres pratiqué par Jean Anouilh et les comédies d’Armand Salacrou restent, malgré leur valeur et leur originalité, plutôt conservatrices sur le plan de la dramaturgie.
Dans les années 1950, c’est dans des théâtres comme les Noctambules, le théâtre de La Huchette, le Théâtre Montparnasse ou le Théâtre La Bruyère que se produit l’avant-garde, servie par des metteurs en scène tels que Roger Blin, Jean-Marie Serreau ou Jorge Lavelli. Les auteurs qui écrivent pour ces scènes sont en rupture tant avec la tradition formelle que, sur le plan thématique, avec l’humanisme moderne de Sartre et de Camus.
Ce « nouveau théâtre » cherche en effet à s’éloigner du réalisme politique pour renouer avec la puissance de fascination et la magie de la scène. Parmi les auteurs de cette tendance, citons Eugène Ionesco et Samuel Beckett, qui s’imposent comme les maîtres du théâtre de l’absurde, mais on retiendra également les noms de Jacques Audiberti, Arthur Adamov, Jean Genet, Fernando Arrabal, René de Obaldia et Roland Dubillard. Tous ces auteurs irréductiblement singuliers élaborent un nouveau langage dramatique, adoptant souvent le ton de la dérision, de la révolte, voire de l’invective en direction du public. La déconstruction de la cohérence dramatique traditionnelle invite le spectateur à chercher le sens ailleurs que dans le fait exposé : c’est une nouvelle forme de symbolisme qui naît ainsi, un symbolisme qui fait du spectateur non pas un regardant passif mais un participant indispensable à l’élaboration du drame représenté.
Parallèlement à ce théâtre d’avant-garde, jugé peu accessible au grand public, le Théâtre national populaire (TNP), fondé en 1920 et dirigé entre 1951 et 1963 par Jean Vilar, puis par Georges Wilson, cherche à gagner un public vaste et populaire, notamment en adaptant des pièces étrangères et en représentant des classiques du répertoire.
→ À lire : Le théâtre de l’absurde.
Poésie
La poésie, influencée par le surréalisme qui lui a montré la voie de l’innovation formelle, s’incarne de façon très diverse dans la période de l’après-guerre.
Malgré l’essoufflement du mouvement surréaliste depuis les années 1930, la poésie, en effet, reste influencée par cette expérience extraordinaire. Elle est également marquée profondément par l’expérience traumatisante de la Seconde Guerre mondiale.
La poésie intimiste de Jules Supervielle trouve sa parfaite expression dans l’usage du vers libre (Débarcadères, 1922; Le Corps tragique, 1959), tandis que Saint-John Perse poursuit son travail poétique en élaborant un outil personnel, le verset, susceptible de conférer à la célébration du monde un accent sacré (Vents, 1946; Amers, 1957; Oiseaux, 1963).
Henri Michaux continue, lui, de représenter le sujet sans défense, en proie à un monde incompréhensible et violent (La Vie dans les plis, 1949; Face aux verrous, 1954), tandis que René Char travaille pour trouver un langage poétique de plus en plus épuré (La Parole en archipel, 1962) et que Francis Ponge développe une poétique propre, tendant à réduire la distance entre la chose même et le mot qui l’énonce (Le Parti pris des choses, 1942; Proêmes, 1948).
Parmi les poètes importants de cette période, citons encore Jacques Prévert et Pierre-Jean Jouve, mais aussi René-Guy Cadou, Marie Noël et Patrice de La Tour du Pin.
La poésie, dans cette période de recherche et d’expérimentation, cesse de se donner comme un genre littéraire spécifique, défini par des critères formels, pour investir peu à peu tous les autres genres de la littérature (essai, récit, autobiographie, etc.).
Depuis les années 1960
Dans les années 1970 et 1980 (1980 étant l’année de la mort de deux grands observateurs et praticiens de la littérature, Jean-Paul Sartre et Roland Barthes), la modernité même est mise en cause ; on voit apparaître la notion de « post-modernité », empruntée aux États-Unis pour désigner la crise de la modernité (du culte de la nouveauté, aussi) dans la pensée européenne.
Sur le plan littéraire, cette crise des valeurs se manifeste, semble-t-il, par l’adoption d’une esthétique du fragment : les écrivains donnent, avec des bonheurs divers, dans l’éclectisme, le varié, l’inachevé (Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes), recourant à des procédés comme la citation ou la parodie, qui manifestent le paradoxal refus d’adhérer à la chose dite ou écrite, une distance, une méfiance à l’égard de l’écrit, du discours construit, élaboré, donnant du monde et du sujet une image faussement cohérente (Marguerite Duras).
Critique littéraire
La pensée critique se développe alors selon une orientation nouvelle : le texte devient indissociable de sa formulation, et le contenu du discours s’efface derrière le seul texte, devenu sa propre finalité.
La « Nouvelle Critique » se nourrit des travaux de la psychanalyse, de la linguistique et de la sémiologie.
L’école de Genève, fondée par Albert Béguin et Marcel Raymond (1897-1981), se renouvelle avec les écrits de Georges Poulet, de Jean Starobinski mais aussi ceux de Jean-Pierre Richard, qui développe une critique des formes de l’imaginaire. La critique structurale, qui, quant à elle, se développe avec les écrits de Roland Barthes et de Gérard Genette, s’oppose aux représentants de la critique universitaire traditionnelle.
Parallèlement, l’idée d’une écriture féminine, encore objet de débats aujourd’hui, apparaît sous la plume de critiques et de romancières telles que Julia Kristeva, Hélène Cixous ou Marguerite Duras, qui tentent de la théoriser.
Poésie
La poésie semble progressivement retrouver une inspiration humaniste, en cherchant à appréhender l’Homme à partir du langage. Cependant, il ne se dégage pas de grande tendance : les poètes sont devenus aujourd’hui des créateurs isolés. Citons parmi les poètes contemporains, les noms de André Dhôtel, Jean Follain et Roger Caillois, mais aussi ceux d’Aimé Césaire, Claude Roy, Yves Bonnefoy, André du Bouchet et Michel Deguy.
Cependant, la remise en question du statut de la poésie comme genre est de plus en plus radicale ; les collaborateurs de la revue Tel Quel, par exemple, refusent de la dissocier des autres formes littéraires, la définissant comme un mode d’expression supérieur. La poésie cesse alors d’être définie par sa forme, pour devenir une pratique littéraire, un art du langage susceptible d’investir tous les genres littéraires : récit, théâtre, critique, etc.
→ À lire : La poésie : repères historiques.
Dernières nouvelles du récit
Les membres de l’OuLiPo (Roubaud, Perec), renouvelant le récit par l’expérimentation, en le soumettant à l’arbitraire fécond des contraintes textuelles (contraintes syntaxiques, lexicales, graphiques, mathématiques, etc.), continuent à mettre en jeu la littérature dans sa dimension ludique.
Dans le roman, on observe aussi un net retour au matériau autobiographique, avec notamment les récits de Michel Leiris. Dans le même temps, de nombreux écrivains semblent s’écarter aujourd’hui des techniques d’écriture expérimentales. Citons, parmi les romanciers qui dominent la production actuelle, les noms d’Albert Cohen, de Michel Tournier, de Jean-Marie Gustave Le Clézio, de Philippe Sollers et de Patrick Modiano, liste certes imparfaite et non exhaustive, car il est impossible, aujourd’hui, de distinguer avec certitude, dans la production véritablement pléthorique du roman, les grands noms qui seront retenus par l’histoire littéraire.
Parmi les genres littéraires « marginaux », la littérature de science-fiction, relayée par le cinéma populaire, connaît un succès indéniable, tandis que le roman policier acquiert une dimension littéraire sous la plume d’écrivains comme Jean-Patrick Manchette, Didier Daeninckx, Fred Vargas, Jean Vautrin ou Thierry Jonquet et se donne pour mission d’explorer les marges de la société.
Dramaturgie actuelle
Le théâtre contemporain accorde une plus grande place que par le passé au metteur en scène, rétabli dans sa fonction de créateur. Des metteurs en scène comme Patrice Chéreau, Antoine Vitez, Ariane Mnouchkine ou Jean-Pierre Vincent font un véritable travail de lecture-interprétation menant à des adaptations à la scène qui, mêlant les modes d’expression (musique, mime, texte, danse, etc.), sont parfois de véritables recréations des textes. Parallèlement, un mouvement d’effacement du metteur en scène au profit d’un retour au texte est incarné par Claude Régy.
Depuis la fin des années 1970, la production dramaturgique connaît une belle vitalité, avec notamment Jean Vauthier, Marguerite Duras, Bernard-Marie Koltès, Michel Vinaver, Valère Novarina ou encore Jean-Luc Lagarce. Le groupe des Argentins de Paris, comprenant notamment Copi et Alfredo Arias, arrive en France à la fin des années 1970 (poussée à l’exil du fait de la dictature) et dynamise la scène théâtrale par ses spectacles décomplexés. Dans les années 1990, de nouvelles voix se font entendre, comme celles de Serge Valetti, Olivier Py, Xavier Durringer, Jean-Michel Ribes, Marie NDiaye… une liste non exhaustive, qui atteste de la vitalité de l’écriture théâtrale contemporaine.
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