Marguerite Duras

Auteurs français XXe siècle ► vous êtes ici

Auteurs français

Marguerite Duras

1914 – 1996

Photo de Marguerite DurasMarguerite Duras, née le 4 avril 1914 à Gia Định près de Saïgon, alors en Indochine française, et morte le 3 mars 1996 à Paris, est une écrivaine, dramaturge et cinéaste française. Elle est l’une des figures les plus importantes de la littérature française du XXe siècle.

Duras est connue pour son style d’écriture distinctif, caractérisé par une prose minimaliste et évocatrice. Elle explore souvent des thèmes tels que l’amour, la solitude, la souffrance et la mémoire, souvent inspirés par sa propre vie tumultueuse. Son œuvre la plus célèbre, L’Amant (1984), est un récit semi-autobiographique qui a remporté le Prix Goncourt, le plus prestigieux prix littéraire français.

Outre son travail d’écrivaine, Duras a également réalisé plusieurs films, dont Hiroshima mon amour (1959), qui est devenu un classique du cinéma français de la Nouvelle Vague. Son œuvre cinématographique est souvent marquée par des thèmes similaires à ceux de sa littérature, tels que les relations humaines complexes et les conséquences de la guerre.

Marguerite Duras laisse derrière elle un héritage littéraire et cinématographique important, avec une œuvre qui continue d’influencer les générations d’écrivains et de cinéastes à venir.

→ À lire de Marguerite Duras : Un barrage contre la Pacifique (1950). – Moderato cantabile (1958). – Hiroshima mon amour (1960). – Le Ravissement de Lol V. Stein (1964). – India Song (1973). – L’Amant (1984).

Une jeunesse douloureuse

Née à Gia Dinh (Indochine), Marguerite Donnadieu, dite Marguerite Duras, grandit sur les bords du Mékong, où ses parents sont enseignants. Son père meurt. Sa mère se ruine dans l’achat de terrains incultivables et sombre alors dans une sorte de folie. Elle évoque cette partie de sa vie — enfance et adolescence — dans plusieurs de ses romans : Un barrage contre le Pacifique (1950) et L’Amant (1984). En 1932, elle s’installe à Paris pour achever des études de droit, de mathématiques et de sciences politiques, puis adhère au Parti communiste et se marie avec Robert Antelme. Pendant l’Occupation, elle publie ses premiers romans : Les Impudents (1943) et La Vie tranquille (1944), tout en faisant partie d’un réseau de résistance. Elle racontera cette période de sa vie, ainsi que l’histoire de son mari rescapé des camps de concentration, dans La Douleur (1985).

Nouveau romans

Après la guerre, elle continue sa production littéraire dans une écriture assez classique : Un barrage contre le Pacifique et Le Marin de Gibraltar (1952), puis inaugure un nouveau style avec Les Petits Chevaux de Tarquinia (1953) et Les Chantiers (1954), dont l’écriture elliptique, simplifiée, objective et musicale la rapproche des essais et des recherches du Nouveau Roman.

Toujours engagée politiquement, elle signe le Manifeste des 121 (qui proclame le droit à l’insoumission des appelés français en Algérie), s’engage dans le mouvement de Mai 68 et milite dans les mouvements féministes. Elle collabore à quelques journaux, écrit d’autres romans, dont Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), Le Vice-Consul (1965), Détruire, dit-elle (1969), L’Amour (1971), Son nom de Venise dans Calcutta désert (1976), L’Été 80 (1980), La Douleur (1985) et des pièces de théâtre, comme La Musica (1965), Des journées entières sous les arbres (1973) ou Savannah Bay (1983) qui fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française en 2002.

→ À lire : Le Nouveau Roman.

Annonce

Un style personel

Que ce soit dans ses romans, dans ses textes autobiographiques ou dans ses pièces de théâtre, Marguerite Duras cultive une écriture de l’absence visant au dépouillement et dont les principaux thèmes sont l’amour et la mort, ou plus précisément la recherche de l’amour absolu, qui est aussi un désir de mort. Elle abandonne les obligations de la psychologie traditionnelle, la présence continue du narrateur omniscient, les exigences d’une logique « séquentielle » et la « motivation » des faits. Il ne subsiste alors que le texte, à la limite du silence, que cette quête du « mot trou où tous les autres auraient été enterrés », et, en définitive, du possible de l’écriture.

Dépeignant le même personnage à travers une pluralité d’identités (Vera Baxter, Lol V. Stein, Aurélia Steiner), décrivant toujours des lieux vacants, elle compense cette écriture de l’absence par un travail sur les genres. Ainsi, elle reprend souvent le même récit sous la forme théâtrale, cinématographique et romanesque, avec un constant souci d’épuration et de justesse dans l’expression.

L’exemple le plus frappant en est le cycle amorcé par Le Ravissement de Lol V. Stein, car l’anecdote de ce roman est prolongée ou modulée par de nombreux ouvrages, tels que Le Vice-Consul et son double cinématographique India Song (1973, 1975 pour la réalisation filmique), mais aussi par L’Amour ou Son nom de Venise dans Calcutta désert.

Son style connaît pourtant une mutation avec L’Amant (1984), qui lui vaut le prix Goncourt et une gloire internationale, mais qu’elle adapte à nouveau sur le plan romanesque dans L’Amant de la Chine du Nord (1991), en réponse à l’adaptation cinématographique de Jean-Jacques Annaud, L’Amant (1991), qu’elle désapprouve.

Le cinéma

Il existe en effet un lien fort entre le cinéma et ses œuvres. En 1958, René Clément adapte et réalise Un barrage contre le Pacifique, avec une distribution internationale, et, un an plus tard, Peter Brook tire un film de Moderato cantabile, joué par Jeanne Moreau et Jean-Paul Belmondo. C’est sa collaboration de scénariste avec Alain Resnais pour Hiroshima mon amour qui attire sur elle l’attention du grand public. Elle écrit ensuite le scénario de Une aussi longue absence (1960) pour Henri Colpi, tandis que Tony Richardson transpose sans grand brio son Marin de Gilbraltar en 1967.

Après avoir réalisé en collaboration avec Paul Seban La Musica (1966), elle signe seule Détruire, dit-elle (1969), puis Jaune le soleil (1971) et Nathalie Granger (1972), dont elle tire ensuite un roman. Elle réalise encore La Femme du Gange (1973) et connaît un succès d’estime avec India Song (1975), puis tourne Baxter, Vera Baxter (1977) et adapte pour la télévision sa pièce Des journées entières sous les arbres (1977), avant d’étonner le festival de Cannes avec Le Camion (1977), un film atypique et distancié, sans trame linéaire ni narration apparente, dont elle est l’interprète avec Gérard Depardieu.

Ses derniers films sont Navire Night (1979), Aurélia Steiner (1980), Agatha, l’Homme atlantique (1981), Dialogue de Rome (1983) et Les Enfants (1984).

Citations choisies de Marguerie Duras
Annonce

  • Il n’y a pas de vacances à l’amour, ça n’existe pas. L’amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n’y a pas de vacances possibles à ça. (Les Petits chevaux de Tarquinia)
  • Aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’amour, il n’y a rien à faire. (Les Petits chevaux de Tarquinia)
  • L’amour, il faut le vivre complétement avec son ennui et tout, il n’y a pas de vacances possibles à ça. (Les Petits chevaux de Tarquinia)
  • La littérature, c’est une fatalité comme une autre, on n’en sort pas. (Les Petits chevaux de Tarquinia)
  • Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. (Écrire)
  • L’écriture ne m’a jamais quittée. (Écrire)
  • Personne n’a jamais écrit à deux voix. (Écrire)
  • Si je n’avais pas écrit je serais devenue une incurable de l’alcool. (Écrire)
  • Se trouver dans un trou, au fond d’un trou, dans une solitude quasi totale et découvrir que seule l’écriture vous sauvera. (Écrire)
  • L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe, comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. (Écrire)
  • Être seule avec le livre non encore écrit, c’est être encore dans le premier sommeil de l’humanité. (Écrire)
  • Quand il y avait du monde j’étais à la fois moins seule et plus abandonnée. (Écrire)
  • Tu me tues. Tu me fais du bien. (Hiroshima mon amour)
  • L’amour sert à mourir plus commodément à la vie. (Hiroshima mon amour)
  • Apprendre la durée exacte du temps. Savoir comment le temps, parfois, se précipite puis sa lente retombée inutile et qu’il faut néanmoins endurer, c’est aussi ça, sans doute, apprendre l’intelligence. (Hiroshima mon amour)
  • La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle. (L’Amant)
  • Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre devant la porte fermée. (L’Amant)
  • Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. (L’Amant)
  • La solitude, ça veut dire aussi : Ou la mort, ou le livre. (L’Amant)
  • Les oiseaux, c’est comme l’amour, ça a toujours existé. Toutes les espèces disparaissent, mais pas les oiseaux. Comme l’amour. (Le Marin de Gibraltar)
  • Le tort des gens, c’est en général de ne pas assez se marrer. (Le Marin de Gibraltar)
  • Même l’amour d’un chien, c’est sacré. Et on a ce droit-là – aussi sacré que celui de vivre – de n’avoir à en rendre compte à personne. (L’Amant de la Chine du Nord)
  • Il est impossible de rester sans amour aucun, même s’il n’y a plus que les mots, ça se vit toujours. La pire chose c’est de ne pas aimer, je crois que ça n’existe pas. (La Vie matérielle)
  • Ce qui remplit le temps c’est vraiment de le perdre. (La Vie matérielle)
  • Il n’y a rien de plus dégoûtant qu’un bijou. Ca ne sert à rien, à rien. Et ceux qui les portent n’en ont pas besoin, moins besoin que n’importe qui. (Un barrage contre le Pacifique)
Extrait : L’Amant

Avec L’Amant (1984), Marguerite Duras inaugure l’emploi du « je » dans son œuvre. Elle se présente comme la jeune fille qui a eu, dans les années 1930, à Saïgon, un riche amant chinois, au mépris de toutes les conventions sociales. La force de cette confession chez une femme dont la réputation d’intellectuelle était pour le grand public synonyme de distanciation, la spontanéité de l’écriture et le cadre exotique de l’histoire d’amour expliquent le succès immédiat du livre qui marque aussi un véritable tournant dans l’écriture de Marguerite Duras. Avant de revenir aux premières années de sa vie un an avant sa disparition avec Enfance (1995), elle évoque dans L’Amant l’Indochine de son adolescence, pour dire aussi bien le paroxysme de la jouissance, la douleur de la mort que la force de l’amour dans le dit et le non-dit.

C’est arrivé très vite ce jour-là, un jeudi. Il est venu tous les jours la chercher au lycée pour la ramener à la pension. Et puis une fois il est venu un jeudi après-midi à la pension. Il l’a emmenée dans l’automobile noire.

C’est à Cholon. C’est à l’opposé des boulevards qui relient la ville chinoise au centre de Saïgon, ces grandes voies à l’américaine sillonnées par les tramways, les pousse-pousse, les cars. C’est tôt dans l’après-midi. Elle a échappé à la promenade obligatoire des jeunes filles du pensionnat.

C’est un compartiment au sud de la ville. L’endroit est moderne, meublé à la va-vite dirait-on, avec des meubles de principe modern style. Il dit : « Je n’ai pas choisi les meubles ». Il fait sombre dans le studio, elle ne demande pas qu’il ouvre les persiennes. Elle est sans sentiment très défini, sans haine, sans répugnance non plus, alors est-ce sans doute là déjà du désir. Elle en est ignorante. Elle a consenti à venir dès qu’il le lui a demandé la veille au soir. Elle est là où il faut qu’elle soit, déplacée là. Elle éprouve une légère peur. Il semblerait en effet que cela doive correspondre non seulement à ce qu’elle attend, mais à ce qui devrait arriver précisément dans son cas à elle. Elle est très attentive à l’extérieur des choses, à la lumière, au vacarme de la ville dans laquelle la chambre est immergée. Lui, il tremble. Il la regarde tout d’abord comme s’il attendait qu’elle parle, mais elle ne parle pas. Alors il ne bouge pas non plus, il ne la déshabille pas, il dit qu’il l’aime comme un fou, il le dit tout bas. Puis il se tait.

(Marguerite Duras, L’Amant, Paris, Éditions de Minuit, 1984)

Bibliographie
  • Les Impudents, Plon 1943
  • La Vie tranquille, Gallimard 1944
  • Un Barrage contre le Pacifique, Gallimard 1950
  • Le Marin de Gibraltar, Gallimard 1952
  • Les Petits chevaux de Tarquinia, Gallimard 1953
  • Des journées entières dans les arbres, Le Boa, Madame Dodin, Les Chantiers, Gallimard 1954
  • Le square, Gallimard 1955
  • Moderato Cantabile, Les Éditions de Minuit 1958
  • Les Viaducs de la Seine et Oise, Gallimard 1959
  • Dix heures et demi du soir en été, Gallimard 1960
  • L’après-midi de monsieur Andesmas, Gallimard 1960
  • Hiroshima mon amour, Gallimard 1960
  • Le Ravissement de Lol V. Stein, Gallimard 1964
  • Le Vice-Consul, Gallimard 1965
  • L’Amante Anglaise, Gallimard 1967
  • Détruire, dit-elle, Les Éditions de Minuit 1969
  • Abahn, Sabana, David, Gallimard 1970
  • L’Amour, Gallimard 1971
  • Ah! Ernesto Hatlin, Quist 1971
  • India Song, Gallimard 1973
  • Nathalie Granger, suivi de La Femme du Gange, Gallimard 1973
  • Les Parleuses (entretiens avec Xavière Gauthier), Les Éditions de Minuit 1974
  • Le Camion (suivi de Entretien avec Michelle Porte), Les Éditions de Minuit 1977
  • Les Lieux de Marguerite Duras (en collaboration avec Michelle Porte), Les Éditions de Minuit 1977
  • Le Navire Night, suivi de Cesarée, les mains négatives, Aurélia Steiner, Mercure de France 1979
  • Vera Baxter ou les Plages de l’Atlantique, Albatros 1980
  • L’Homme assis dans le couloir, Les Éditions de Minuit 1980
  • L’Été 80, Les Éditions de Minuit 1980
  • Les Yeux verts, Cahiers du cinéma, n°312-313 1980
  • Agatha, Les Éditions de Minuit 1981
  • Outside, Albin Michel 1981
  • L’Homme Atlantique, Les Éditions de Minuit 1982
  • Savannah Bay, Les Éditions de Minuit 1982
  • La maladie de la mort, Les Éditions de Minuit 1982
  • L’Amant, Les Éditions de Minuit 1984
  • La Douleur, POL 1985
  • La Musica deuxième, Gallimard 1985
  • La Mouette de Tchekov, Gallimard 1985
  • Les Yeux bleus, cheveux noirs, Les Éditions de Minuit 1986
  • La Pute de la côte normande, Les Éditions de Minuit 1986
  • La Vie matérielle, POL 1987
  • Emily L., Les Éditions de Minuit 1987
  • La Pluie d’été, POL 1990
  • L’Amant de la Chine du Nord, Gallimard 1991
  • Yann Andréa Steiner, POL 1992
  • Écrire, Gallimard 1993
  • C’est tout, POL 1995
  • Romans, Cinéma, Théâtre, un parcours 1943 – 1993 (Œuvre posthume), Gallimard – Quarto 1997

Articles connexes

Suggestion de livres

L'AmantL'Amant de la Chine du Nord Marguerite Duras: la noblesse de la banalité
Hiroshima mon amourLe SquareRomans, cinéma, théâtre, un parcours: 1943-1993

[➕ Autres choix…]

Annonce

À lire également...

EspaceFrancais.com

You cannot copy content of this page