Histoire de la France : le XXe siècle
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Histoire de la France
Le XXe siècle
Sommaire
Introduction
Les premières années du XXe siècle ont été surnommées la « Belle Époque ». Avec raison probablement, car ce sont des années d’insouciance et de confiance, d’inventions et de réalisations diverses. Les problèmes existent certes, mais l’optimisme domine, la « fée électricité » accomplit des merveilles, la « petite reine » donne l’occasion de faire les premiers tours de France à bicyclette, la musique peut s’écouter chez soi, sur d’élégants gramophones. Fallait-il que cet optimisme initial soit sanctionné ensuite par des événements qui font du XXe siècle le plus violent et le plus meurtrier de l’Histoire ? Ces millions de morts, engendrés par les machines infernales de deux guerres mondiales et de dizaines de conflits régionaux, étaient-ils déjà inscrits dans cette gaieté imperturbable de la Belle Époque ? Pourtant, au cours ce même siècle bouleversant, des centaines de millions d’autres hommes et de femmes ont aussi retrouvé leur liberté et, comme le stipule la Constitution française, le droit à disposer d’eux-mêmes, qu’ils ont parfois arrachés avec violence des mains de leurs anciens maîtres. Serait-ce le signe d’un équilibre pour l’avenir ? Dans ce siècle dont les faits appartiennent plus au monde qu’à un seul pays, la France a plongé au cœur de l’arène internationale à la mesure exacte de ce qu’ont été sa place et son rôle dans l’Histoire. Et cela a représenté un coût formidable : de 1939 à 1962, le pays n’a pratiquement pas cessé d’être en guerre et l’Empire de la IIIe République, autour duquel la France avait largement construit sa puissance et son influence, a totalement disparu.
Le nouveau siècle (1900-1914)
En 1900, la France entre dans le XXe siècle avec tous les signes de la modernité qui s’installent. La capitale se prépare d’ailleurs à accueillir une foule de visiteurs pour l’Exposition universelle, qui célébrera d’avril à novembre les merveilles de la science et des techniques. Paris est une ville de 4 millions d’habitants, encombrée par une intense circulation malgré les grandes avenues qui la traversent, créées par Hausmann sous le Second Empire. Les maisons sont équipées avec l’eau et le gaz, et de plus en plus de foyers bénéficient de l’électricité. Pour remédier à la congestion chronique de la ville, un moyen de transport révolutionnaire a été imaginé, le métro. Commencée en 1898, la première ligne souterraine est inaugurée le 14 juillet 1900. Grâce au métro, on peut dorénavant parcourir la ville d’est en ouest en une demi-heure, sur un trajet de dix kilomètres qui comprend seize stations. Les rames de trois voitures se succèdent toutes les six minutes, le tarif est de 20 centimes aller-retour pour les ouvriers, 25 centimes pour un aller simple en première classe. Le succès est immédiat, les Parisiens adorent leur métro, qui désormais ne cessera pas de s’agrandir. En 1914, le réseau métropolitain transporte déjà un million de passagers par jour.
L’exploit en juillet 1909 de Louis Blériot, un ingénieur français, ouvre également de nouvelles perspectives pour le transport, aérien cette fois : en 37 minutes, au départ de Calais, il survole dans son avion les 33 km qui séparent la France de l’Angleterre pour atterrir à Douvres, de l’autre côté de la Manche. Ce succès couronne les nombreuses années d’efforts de Blériot, qui remet l’ingénierie française à la pointe de la recherche en aéronautique, jusque là dominée par les frères Wright, ingénieurs américains.
Les travaux de la science sont aussi fortement marqués par Marie Curie, une jeune scientifique d’origine polonaise installée en France depuis 1892. Elle reçoit avec son mari le prix Nobel de physique en 1903, deux ans après sa fondation par l’Académie de Stockholm. Ce prix récompense leurs recherches sur la radioactivité. En 1911, à la suite de sa découverte du polonium et de l’uranium, elle reçoit son deuxième prix Nobel, un fait qui reste encore unique dans l’histoire du plus prestigieux des prix. Ses travaux auront un impact considérable dans de nombreux domaines de la science, et en particulier la médecine. Marie Curie meurt en 1934 d’une leucémie, les cahiers de notes qu’elle tenait dans son laboratoire sont aujourd’hui encore irradiés par ses expériences. L’année suivante, c’est au tour de sa fille Irène d’obtenir le prix Nobel de chimie, pour ses travaux permettant la fabrication artificielle de la radioactivité.
Au plan politique, le débat autour de l’Affaire Dreyfus a conduit à la formation d’un ministère de « Défense républicaine » qui puisse contenir l’influence du camp des anti-dreyfusards, regroupant de manière informelle les monarchistes, les nationalistes, les catholiques et les militaristes. Une certaine radicalisation du gouvernement se produit durant cette période, connue sous le nom de « République anticléricale » (1899-1906). L’Eglise est particulièrement visée: en 1904, le gouvernement français rompt les relations diplomatiques avec le Vatican et l’année suivante, une loi stipule que si la liberté de culte reste toujours reconnue dans le pays, l’Etat ne subventionnera plus les opérations liées à ces cultes, parmi lesquelles figurent les salaires des évêques et des prêtres. La loi signifie de fait la fin du Concordat signé par Napoléon en 1801, et la IIIe République déclare ainsi formellement la séparation de l’Église et de l’État, dont on peut faire remonter l’association jusqu’à Clovis, au Ve siècle. Cette mesure provoque naturellement d’importantes protestations dans le camp catholique, notamment lorsque le gouvernement procède aux inventaires des biens de l’Église (1906) pour les transmettre à des associations « cultuelles » regroupant ses fidèles. Toutefois, cette nouvelle autonomie de l’Église ne provoque pas d’affrontements durables entre catholiques et laïques, elle contribue au contraire à affaiblir le mouvement anticlérical en France, qui formait la base de l’alliance entre les différentes tendances de la gauche. Les années qui précèdent le premier conflit mondial vont d’ailleurs révéler de nombreuses fractures au sein du camp républicain, divisé entre modérés, radicaux et socialistes. À partir de 1910, une instabilité ministérielle s’installe, provoquant pas moins de neuf changements de gouvernement en quatre ans. Cette instabilité de l’exécutif, causée par les changements fréquents du personnel législatif dans des chambres dont les majorités se font et se défont selon les résultats électoraux et les alliances des partis, va d’ailleurs être la marque distinctive de la vie politique française, au moins jusqu’en 1958.
La Première Guerre Mondiale (1914-1918)
La tension entre l’Allemagne et la France ne cesse de s’aggraver après 1910, l’Alsace et la Lorraine cédées aux Allemands en 1871 restent au cœur du contentieux entre les deux pays. Alors que les armées allemandes s’équipent et se renforcent, les députés français se disputent sur la durée du service militaire obligatoire en France, qui passe de deux à trois ans, selon la législation du moment. Les socialistes, dont fait partie Jean Jaurès, pacifistes et antimilitaristes, s’opposent vivement à une perspective de guerre. Cependant, à la suite de l’assassinat à Sarajevo en juin 1914 de l’archiduc d’Autriche, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie forment une alliance (les Empires centraux) pour envahir la Serbie. En réponse, Raymond Poincaré, alors président de la République, signe un traité d’amitié avec l’Angleterre et Nicolas II, Tsar de Russie (la Triple Alliance). Les événements se précipitent alors, le pacifiste Jean Jaurès est assassiné, laissant le champ libre aux promoteurs de la guerre. Le 1er et le 3 août 1914, l’Allemagne déclare successivement la guerre à la Russie puis à la France. Aussitôt, une « union sacrée » de l’ensemble des politiciens français se met en place et la mobilisation des troupes françaises est organisée dans l’enthousiasme. Tout le monde est persuadé que le conflit sera régional et de courte durée. Or, cette guerre durera quatre ans et elle prendra une dimension mondiale, pour la première fois dans l’histoire.
Même si ce conflit implique des nations aussi lointaines que le Japon et les États-Unis, ou plus proches, comme le Portugal, l’Italie, la Roumanie et la Grèce qui combattent, aux côtés de la Triple Alliance, les Empires centraux et leurs alliés, la Turquie et la Bulgarie, le champ de bataille se situe largement sur le territoire français. L’offensive allemande est d’abord repoussée par les armées françaises du maréchal Joffre, le long des rives de la Marne, à l’est de Paris, sur un front de 300 km qui engage deux millions d’hommes. Pour attaquer les troupes allemandes, des milliers de soldats français sont transportés au front par des taxis. L’année suivante, en 1915, les armées allemandes tentent d’attaquer par la mer du nord, mais sans succès. A l’automne, une vaste offensive franco-anglaise en Champagne est un échec, faisant des centaines de milliers de victimes. Le front se stabilise alors dans l’est et en 1916 commence la bataille de Verdun, un enfer qui durera près d’un an, de février à décembre. La bataille se déroule en grande partie dans un immense réseau de tranchées où périssent dans d’horribles conditions 300.000 soldats de chaque camp, tandis que 700.000 autres sont mutilés, blessés ou disparus.
L’année suivante, en 1917, Georges Clémenceau, président du Conseil, relance l’offensive française, mais sans grand succès, malgré ses déplacements personnels sur le théâtre des combats pour encourager les « poilus« , surnom donné au soldats français. Par ailleurs, à la suite de la destruction de cargos américains par les Allemands, les États-Unis, qui avaient adopté jusque là une position isolationniste, entrent dans le conflit pour combattre aux côtés de la France et de l’Angleterre. Sur le front politique domestique, alors que se multiplient dans l’armée les mutineries et les désertions, les ministres socialistes, rompant l’Union Sacrée, quittent le gouvernement, en protestation contre les offensives meurtrières massives qui entraînent les pertes inutiles de soldats. En décembre 1917, une autre donnée change les conditions du conflit : la révolution bolchévique qui éclate à Moscou stoppe les hostilités sur le front russe, permettant alors aux Allemands de renforcer leurs positions sur le front occidental.
En mars 1918, les troupes du Reich gagnent des positions en Flandre et en Champagne et arrivent à 65 km de Paris, qui est alors bombardée par des canons allemands de 30 mètres de long. Le front est cependant contenu aux environs d’Amiens jusqu’à l’arrivée des renforts américains, en juillet. Avec cette supériorité numérique, qui s’ajoute à l’utilisation par les troupes alliées des avions et des nouveaux chars d’assaut mis au point par le fabricant d’automobiles Renault, les armées du Reich sont dominées et battent finalement en retraite. Au mois de novembre, la Turquie et l’Autriche-Hongrie capitulent, ne laissant plus de choix à l’Allemagne, qui accepte la défaite à son tour. L’armistice est signé le 11 novembre à Rethondes, près de Paris. Cette guerre la plus meurtrière de l’histoire a fait plus de huit millions de morts.
La Conférence de la Paix commence en janvier 1919, mais les Alliés victorieux y découvrent leurs divisions. La France, représentée par Clémenceau, exige des réparations maximales de la part de l’Allemagne, l’Angleterre toutefois ne souhaite pas que la France sorte excessivement renforcée de cette victoire, les États-Unis adoptent une position plus neutre, exigeant la création d’une Société des Nations qui puisse régler les futurs conflits. Les négociations aboutissent finalement au Traité de Versailles, signé en juin 1919. Selon les termes de l’accord, l’Allemagne doit rendre l’Alsace et la Lorraine à la France; elle doit payer pour réparations de guerre 132 milliards de marks-or, dont la moitié va à la France ; la Rhénanie et la Sarre, provinces limitrophes de la France, seront occupées et démilitarisées ; il est interdit à l’Allemagne de développer un armement et de posséder une armée de plus de 100.000 hommes ; toute alliance avec l’Autriche lui est également interdite ; enfin, l’Allemagne doit remettre toutes ses colonies situées dans le Pacifique à l’Australie et au Japon tandis que celles d’Afrique sont partagées entre la Belgique, l’Angleterre et la France. Ce traité, qui humilie profondément l’Allemagne, va avoir des conséquences désastreuses pour l’économie du pays. Il va aussi bouleverser la carte politique de l’Europe, exacerbant de nombreux sentiments nationalistes.
L’Entre-Deux-Guerres (1919-1939)
La victoire de la France en 1918, ainsi que la crainte diffuse parmi la population des « possédants » que la révolution russe (le péril bolchévique) ne s’étende en Europe, permettent aux républicains conservateurs de revenir au pouvoir en 1919. Raymond Poincaré, ancien président de la République, remplace son vieil ennemi, le modéré Georges Clémenceau, à la présidence du Conseil. Le nouveau gouvernement forme le Bloc national, qui réprime durement des grandes grèves ouvrières durant l’hiver. Poincaré exige par ailleurs que l’Allemagne paie régulièrement ses dettes de guerre et décide en 1923 l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises. Cette mesure provoque une panique dans les milieux financiers européens, ainsi qu’une intense spéculation sur le franc. Pour protéger la monnaie nationale, Poincaré augmente alors les impôts de 20%, une décision très impopulaire qui entraîne la défaite du Bloc national aux élections législatives de 1924, gagnées par les radicaux et leurs alliés socialistes. Le nouveau président du Conseil, Edouard Herriot, visant les « possédants », propose quant à lui de créer un impôt sur le capital. Cette fois, des fortunes quittent la France massivement, provoquant une nouvelle crise monétaire. Herriot est forcé à démissionner en 1926 et Poincaré est alors rappelé pour former un gouvernement d’union nationale, qui embrasse les différentes tendances à l’Assemblée. Grâce à une politique ferme d’économies et de mesures fiscales, Poincaré réussit à restaurer la confiance et à stabiliser le franc. Ce succès assure d’ailleurs une nouvelle victoire politique à la droite aux élections législatives de 1928. Poincaré démissionne pour des raisons de santé l’année suivante, mais l’économie française, pour l’instant remise sur ses rails, connaît une certaine prospérité.
Les années vingt ne peuvent pas être seulement définies par une série de troubles monétaires et politiques. C’est aussi une période de profonds changements culturels au sein d’une nouvelle société qui, après les horreurs de la Grande Guerre, se réjouit de la paix retrouvée. Si la période qui précède la première guerre mondiale a reçu le surnom de « Belle Époque », celle qui lui succède a été nommée les « Années Folles ». Les femmes jouent un rôle important dans cette mutation de la société. Pendant les années de guerre, elles remplaçaient les hommes dans les industries, elles étaient devenues les « chefs de famille », elles ont acquis une indépendance sans précédent. Le taux de natalité a par ailleurs fortement baissé, créant les conditions d’une plus grande liberté des femmes, qui ne sont plus seulement des mères. L’écrivain Colette, par ses ouvrages et sa personnalité, symbolise bien ce renouveau féminin, ainsi que la styliste Coco Chanel, qui impose ses vues révolutionnaires sur le vêtement féminin. Un roman d’un ancien président de la Société des Lettres, Victor Margueritte, intitulé la Garçonne, qui vendu à 150.000 exemplaires dès sa parution en 1922, fait le procès de la société masculine et bourgeoise qui opprime la moitié de la population, les femmes. Par ailleurs, le Surréalisme, que son principal théoricien André Breton définit dans un manifeste daté de 1924, engage la création littéraire et artistique dans une véritable révolution culturelle, où le culte radical de la liberté prend une place centrale.
En 1930, le gouvernement conservateur d’André Tardieu décident de mesures fiscales importantes en faveur des moins riches : l’école secondaire gratuite et la création des assurances sociales, qui permettent aux employés et ouvriers qui paient une cotisation régulière de se faire rembourser leurs dépenses de santé. Ce même gouvernement décide par ailleurs de commencer la construction de la ligne Maginot, une frontière fortifiée entre la France et l’Allemagne. La France présente aussi en 1931 sa troisième Exposition coloniale à Vincennes, aux portes de Paris, dans laquelle elle veut célébrer la gloire de son empire qui doit apporter la civilisation aux peuples qui en sont privés. Toutes ces mesures veulent être les signes d’une économie prospère et d’une république éclairée et généreuse. Mais la crise économique, qui semblait ne pas avoir encore touché la France depuis le « krach » financier de 1929, montre bientôt sa présence, avec en particulier l’accroissement du nombre de chômeurs.
En 1932, la récession s’installe définitivement. Capitalisant sur l’insatisfaction populaire, la gauche radicale remporte les élections et revient au pouvoir, mais pour une période de deux ans seulement. Le nouveau gouvernement, qui ne bénéficie dans son exercice que d’un soutien relatif de la part des socialistes, ne parvient pas à redresser l’économie et est forcé à démissionner en février 1934, face à des manifestations de l’extrême-droite qui alimentent un climat antiparlementariste. Depuis un an déjà, Adolf Hitler s’est emparé du pouvoir en Allemagne et construit sa propagande autour d’une revanche envers la France.La menace fasciste contribue à la création d’une stratégie d’union de la gauche pour la reconquête du pouvoir. Le Front Populaire, qui rassemble une large coalition de radicaux, socialistes et communistes soutenus par les syndicats de gauche voit le jour en juillet 1935 et remporte largement les élections de 1936. Le gouvernement du socialiste Léon Blum, qui comprend pour la première fois des femmes à des postes ministériels, fait immédiatement voter une série de lois sociales dont les plus fameuses sont la semaine de travail limitée à quarante heures et les congés payés, qui assurent à chaque travailleur deux semaines de vacances par an sans retrait de salaire. Mais là encore, ce gouvernement de gauche populaire est de courte durée. Le déficit budgétaire, les disputes au sujet de l’intervention dans la guerre civile espagnole, l’opposition du Sénat aux réformes entraînent la démission de Blum en 1937 et l’éclatement de l’alliance. Dès 1938, au moment où Hitler annexe l’Autriche, le front populaire n’existe plus, le gouvernement est dirigé par un radical, Edouard Daladier, qui s’appuie sur la droite et exclut les socialistes.
En septembre 1938, Daladier, avec l’Italien Mussolini et l’Anglais Chamberlain, signent les Accords de Munich, dans lesquels sont reconnus les droits de l’Allemagne sur les Sudètes, la partie occidentale de la Tchécoslovaquie, un pays avec qui la France est pourtant alliée. Les Français, qui veulent la paix, approuvent en général ce traité mais Daladier est très critiqué par les représentants de la gauche, qui considèrent la réunion de Munich comme un acte de trahison. Le chef du gouvernement veut cependant toujours croire à la paix et veut surtout préserver l’entente avec l’Angleterre, qui est en faveur de « l’apaisement » d’Hitler. Le calcul échoue, les ambitions d’Hitler sont bien plus vastes: en mars 1939, ses troupes envahissent le reste de la Tchécoslovaquie. En août, à l’issue de négociations secrètes, Hitler signe un pacte de non agression avec la Russie de Staline, qui veut éviter une guerre à sa porte. Le 1er septembre, la machine infernale est de nouveau engagée, les armées d’Hitler envahissent la Pologne. Devant une telle provocation, la France et l’Angleterre n’ont désormais plus le choix: le 3 septembre, ces deux pays déclarent la guerre à l’Allemagne.
La Seconde Guerre Mondiale (1939-1945)
Dans les mois qui suivent la déclaration de guerre, les armées du IIIe Reich, bien équipées et organisées, appuyées par des blindés et une puissante force aérienne, envahissent sans difficulté la Norvège et le Danemark, puis la Hollande et la Belgique. En mai 1940, après une longue attente (« la drôle de guerre ») qui a démoralisé les soldats français, l’armée allemande franchit la frontière près de Sedan, là où s’arrête la ligne Maginot, dont la construction commencée en 1929 était censée assurer à la France sa sécurité. Les Panzers allemands traversent facilement les Ardennes, une région de collines que l’on croyait pourtant infranchissables. Les forces allemandes gagnent ensuite les côtes de la Manche, encerclant l’armée française à Dunkerque. Un exode massif de civils vers le sud s’ensuit, des millions de Français terrorisés fuient sur les routes l’avancée allemande. L’armée française, peu préparée à une telle attaque, est écrasée en six semaines et la capitale est envahie le 14 juin. Le 22 juin, le gouvernement français accepte les conditions de l’armistice, qui est signé à Rethondes, au même endroit où l’Allemagne avait reconnu sa défaite le 11 novembre 1918. Quelques jours plus tôt, Charles de Gaulle, un officier alors pratiquement inconnu, a pris l’initiative de lancer un appel par radio depuis Londres, dans lequel il demande aux Français de résister à l’envahisseur. Cet appel du 18 juin a été peu entendu toutefois. Pour l’instant, l’Alsace et la Lorraine sont à nouveau annexées à l’Allemagne et la France se trouve divisée en deux: le nord de la Loire et la façade atlantique seront sous le contrôle des Allemands, tandis que le sud est déclarée « zone libre » et sera dirigé par un « État français », favorable à l’occupant allemand.
Conduit par le maréchal Pétain, 84 ans, héros de la Grande Guerre à Verdun, le nouveau gouvernement s’installe à Vichy, ville situé au centre-nord de la zone libre. Ce gouvernement comprend Pierre Laval, le plus proche collaborateur de Pétain, ainsi que de nombreux membres du mouvement d’extrême droite Action française et des représentants du monde industriel. Il bénéficie également du soutien de la hiérarchie catholique et des milieux nationalistes. Une nouvelle Constitution est immédiatement établie, donnant les pleins pouvoirs au chef de l’Etat, supprimant partis politiques et syndicats, interdisant le droit de grève et s’articulant sur trois principes : Travail, Famille et Patrie. Cet ordre nouveau représente en fait une négation complète des acquis de la démocratie française, depuis la Révolution de 1789 jusqu’au Front populaire de 1936. Le 24 octobre 1940, le maréchal Pétain, en rencontrant personnellement Hitler à Montoire (Loire), confirme la volonté de l’Etat français de collaborer avec l’Allemagne nazie. Les anciens membres du gouvernement (Blum, Daladier, Reynaud), sont condamnés, les opposants au nouveau régime (Jean Moulin, Mendès France) sont arrêtés; les premières persécutions contre la population juive de France commencent également; elles culmineront en 1942, avec le port obligatoire de l’étoile jaune et les déportations massives des Juifs vers les camps de concentration en Allemagne. Par l’intermédiaire du S.T.O (Service du Travail Obligatoire) à partir de 1943, la France envoie aussi sa jeunesse et ses ouvriers travailler pour l’industrie allemande. L’objectif du gouvernement de Vichy est de devenir, dans une nouvelle Europe nazie, la seconde puissance économique et industrielle après l’Allemagne.
Entre l’occupation allemande et la France vichyste, la Résistance française s’organise peu à peu. Jean Moulin, un jeune préfet qui s’est opposé ouvertement au gouvernement de Vichy, parvient à s’échapper et à gagner l’Angleterre où il retrouve le général de Gaulle, qui a formé un gouvernement pour la France libre, le Comité national français. Avec de Gaulle, Jean Moulin organise dès septembre 1941 les premiers réseaux de la Résistance, qui facilitent les passages d’évadés de la zone occupée en zone libre, fournissent de l’aide aux Juifs persécutés, organisent des attaques ponctuelles de sabotage contre l’occupant. En juin 1941, la rupture du pacte germano-soviétique avait déjà décidé de nombreux communistes français à soutenir la Résistance, à laquelle se joindront également des milliers d’hommes qui refusent de participer au S.T.O. Le 1er janvier 1942, Jean Moulin se fait parachuter en zone sud et parvient, en mai 1943, à unifier les différents groupes de résistants sous la même organisation, le Conseil national de la Résistance (CNR), qui promet sa fidélité au général de Gaulle. Peu après, le général Delestraint, chef de l’Armée secrète, le bras armé de la Résistance, est arrêté à Paris, à la suite d’une dénonciation. Jean Moulin, qui tente de réorganiser l’Armée, est arrêté à son tour le 21 juin 1943 puis torturé par la Gestapo de Lyon. Jean Moulin meurt au cours du trajet qui doit le ramener dans la capitale. Après lui, la Résistance va continuer, elle jouera un rôle important lors du débarquement en France des troupes alliées.
En novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud de la France, inquiétés par un débarquement allié en Afrique du Nord. Mais les défaites successives sur plusieurs fronts au cours de l’année 1943 affaiblissent considérablement les armées du IIIe Reich. Le 6 juin 1944, une force alliée composée de 50.000 hommes est mobilisée pour le débarquement sur les côtes de Normandie. L’affrontement est extrêmement meurtrier, faisant des dizaines de milliers de tués parmi les troupes alliées. Malgré ces pertes, l’avance continue, grâce notamment aux interventions des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) dirigées par le général Koenig, qui gênent ou empêchent le repli et le déploiement des armées allemandes. Ces actions des résistants provoquent l’exaspération des Allemands qui se livrent en représailles à des exécutions massives d’otages, en particulier à Oradour, près de Limoges, où la quasi-totalité de la population du village est massacrée. Le 15 août, un autre débarquement franco-américain a lieu en Provence, dont les éléments français sont dirigés par le général de Lattre de Tassigny. Dix jours plus tard, le 25 août, ses troupes entrent dans Paris, déjà insurgé depuis une semaine. Le même jour, le général de Gaulle, qui recueille la reddition allemande, prononce devant l’Hôtel de Ville un bref discours, dans lequel il salut la victoire et le courage des Français en oubliant toutefois de rendre hommage à leurs alliés américains et anglais. La capitale et la France sont enfin libérées, de Gaulle prend la tête du Gouvernement Provisoire de la République Française(G.P.R.F.) formé dès le 30 août. L’Allemagne capitulera sans conditions un an plus tard, à Reims, en mai 1945.
La IVe République et la décolonisation (1946-1958)
Dans les mois qui suivent la Libération, la France entre dans une période d’euphorie à la mesure de la souffrance et des privations qu’elle a connues pendant près de cinq ans. Cette euphorie est incarnée par la renaissance culturelle qui a lieu autour du quartier de Saint-Germain-des Prés, situé sur la rive gauche de la Seine, au cœur de Paris. La jeunesse parisienne y célèbre la liberté retrouvée dans les clubs de jazz, comme le Tabou, où chantent Boris Vian et Juliette Gréco ; le café de Flore deviendra mondialement célèbre quand il sera désormais fréquenté par le philosophe Jean-Paul Sartre, créateur de l’Existentalisme, avec sa compagne, Simone de Beauvoir, avocate du droit des femmes. Deux organes de presse dont l’influence sur la vie intellectuelle française ne cessera pas de grandir sont aussi créés dans les mois qui suivent la Libération : Le Monde, un journal de centre-gauche, dirigé par Hubert Beuve-Méry, et Les Temps Modernes, une revue de réflexion philosophique lancée par Jean-Paul Sartre. Parallèlement à ces développements, un climat de vengeance s’est installé, c’est l’épuration. Des milliers d’anciens collaborateurs sont condamnés par la justice et des centaines sont fusillés, dont Pierre Laval, le proche collaborateur de Pétain; plusieurs milliers d’autres ont déjà été exécutés sommairement par des milices incontrôlées, en dehors de tout tribunal. Certaines femmes accusées d’avoir eu des relations avec les nazis sont tondues et soumises à la vindicte publique. Le maréchal Pétain est quant à lui condamné à mort en août 1945 mais sa peine est commuée en détention à perpétuité, en raison de son âge. Dès 1945, le gouvernement provisoire de de Gaulle s’engage dans des réformes radicales : nationalisations de grandes banques et entreprises, droit de vote pour les femmes, création de la Sécurité Sociale. En même temps, l’Assemblée élue en octobre 1945, dominée par les partis de gauche, prépare le projet d’une nouvelle Constitution largement basée sur le concept de la IIIe République. Le général de Gaulle, partisan d’un exécutif fort qui selon lui a toujours manqué au système précédent, n’approuve pas cette orientation, et cette position de principe l’oblige à démissionner en janvier 1946. La Constitution est finalement approuvée par référendum en octobre et le socialiste Vincent Auriol devient le premier président de la IVe République, en janvier 1947. Toutefois, les désaccords au sein de la gauche apparaissent très vite, les communistes quittent ainsi le gouvernement en mai et rejoignent les gaullistes dans l’opposition. L’une des causes principales de ces disputes est l’attitude à adopter vis-à-vis de l’aggravation de la crise indochinoise, qui a éclaté au cours de l’année précédente.
En fait, les conflits émergents dans les colonies de la IIIe République vont être une source permanente d’ennuis pour la IVe République. Les conditions ont changé : la guerre a affaibli l’autorité de la métropole et les colonies qui sont restées libres ont joué un rôle stratégique important durant le conflit. Par ailleurs, l’Angleterre a formé le Commonwealth et s’est déjà engagée dans une politique de décolonisation, ce qui fournit des arguments aux indépendantistes qui veulent se libérer à leur tour de l’empire français. Le Vietnam, occupé par les Japonais pendant la guerre, a profité de la libération pour proclamer son indépendance en 1945, ce que la France naturellement refuse. Hô Chi Minh, le dirigeant communiste des forces vietnamiennes, organise la résistance dans le nord, avec l’appui de l’Union Soviétique dans un premier temps, puis de la Chine à partir de 1949. Pendant huit longues années de guérilla épuisante que l’opinion publique a nommée la « sale guerre », l’armée française s’enlise dans la jungle indochinoise sans enregistrer de victoire décisive. En 1954, la bataille meurtrière de Diên Biên Phu précipite la fin du conflit : isolée dans une vallée, l’armée française est assaillie pendant plusieurs mois sous le déluge de feu des troupes ennemies et doit finalement capituler le 7 mai. Ce désastre entraîne la chute immédiate du gouvernement en métropole. Le socialiste Mendès France, le nouveau président du Conseil, partisan de la paix en Indochine et de la décolonisation, forme un gouvernement où figure déjà François Mitterrand. Mendès France signe en juillet 1954 les Accords de Genève, qui entérinent l’indépendance du Laos et du Cambodge et partagent le Vietnam en deux zones, au nord et au sud du 17e parallèle. L’Indochine, où 100.000 soldats français ont trouvé la mort durant huit années de guerre, disparaît ainsi de la carte coloniale française.
Au moment où la paix est signée pour l’Indochine, la guerre commence en Algérie. Alors que le Maroc et la Tunisie obtiennent leur indépendance de la France sans conflit en 1956, ainsi que la plupart des colonies d’Afrique noire dans les années qui suivent, le cas de l’Algérie est plus complexe. Première conquête de la France au XIXe siècle, ce pays a des liens humains et économiques profonds avec la métropole et le gouvernement français n’est pas prêt à les rompre. Les hostilités sont déclenchées le 1er novembre 1954 lorsque la France réagit à des attentats meurtriers et réprime durement un mouvement insurrectionnel du Front de Libération National (FLN) algérien. Mendès France, dont les opinions pro-indépendantistes font craindre le pire aux partisans de la fermeté envers le FLN, est forcé à démissionner en février 1955, après seulement sept mois à la tête du gouvernement. De retour au pouvoir en 1956, les socialistes forment un gouvernement conduit par Guy Mollet, qui s’engage dans une politique de pacification et de négociations avec l’Algérie. Mais le FLN ne veut entendre qu’un seul mot, l’indépendance. Par ailleurs, l’armée française en Algérie, commandée à partir de 1957 par le général Massu, est accusée de torturer les opposants ou de les faire disparaître, ce qui provoque le mécontentement de l’opinion publique. A partir de mai 1957, une série de gouvernements se succèdent à Paris sans parvenir à régler la crise algérienne. En mai 1958, inquiétés par les ouvertures du gouvernement de la métropole en direction du FLN, les Français d’Algérie, l’armée française du général Massu et les autorités policières locales menacent de former un pouvoir insurrectionnel contre la République. Ils demandent l’investiture du général de Gaulle et exigent une nouvelle constitution pour la France. La pression réussit: le 3 juin, après avoir formé son gouvernement, de Gaulle reçoit les pleins pouvoirs de René Coty, le dernier président de la IVe République, qui vient de s’achever dans la confusion algérienne.
La Ve République (depuis 1958)
Dès son arrivée à la tête du gouvernement, le général de Gaulle se charge d’élaborer une nouvelle constitution, ainsi qu’il en a reçu le mandat. Cette nouvelle constitution va rompre totalement avec les précédentes en donnant un pouvoir sans précédent au président de la République, qui devient désormais la figure principale de l’exécutif : le chef de l’Etat est élu pour un mandat de sept ans ; même s’il est responsable devant le Parlement, c’est le président qui nomme son premier ministre ; le président peut également dissoudre l’Assemblée nationale et consulter la nation par référendum. La nouvelle constitution de la Ve République est acceptée à une large majorité par les Français en septembre 1958 et de Gaulle est finalement élu président de la République le 21 décembre. Les premières décisions du gouvernement de Michel Debré, le premier ministre, concernent le redressement de l’économie : parallèlement à un plan de réduction des dépenses de l’Etat, le franc est immédiatement dévalué de 17% pour favoriser les exportations et relancer la production. Masquant cette baisse importante de la monnaie nationale, un « nouveau franc » est introduit en janvier 1960. Les Français mettront longtemps à s’habituer à ce franc « lourd », par lequel 1 nouveau franc équivaut en théorie à 100 « anciens ».
L’Algérie va rester au centre des préoccupations du premier gouvernement de la Ve République au cours de ses quatre premières années d’exercice. De Gaulle, porté au pouvoir par les forces hostiles à l’indépendance algérienne, sera finalement celui qui réglera la difficile « question algérienne ». À plusieurs reprises, de Gaulle fait des offres au FLN : la « paix des braves » en 1959, qui provoque toutefois une radicalisation du mouvement indépendantiste ; « l’autodétermination » en 1960, qui déclenche à son tour les protestations des « pieds noirs », ainsi que sont appelés les résidents français d’Algérie. En avril 1961, un putsch militaire à Alger entraîne l’affrontement avec la métropole. Le putsch s’appuie sur l’O.A.S. (Organisation de l’Armée Secrète) qui milite pour « l’Algérie française ». L’opinion publique française est de plus en plus favorable au règlement pacifique du conflit algérien, qui devient plus violent et meurtrier chaque année, non seulement en Algérie, mais aussi en France, où les attentats du FLN et de l’OAS se multiplient, visant les immeubles (la Bourse, le Quai d’Orsay) aussi bien que les personnes (André Malraux, François Mitterrand, futur président de la république). Des manifestations, réprimées par la police, sont organisées par les partis de gauche, des personnalités du monde intellectuel, comme Jean-Paul Sartre, s’engagent nettement en faveur de l’indépendance; au cours de l’une de ces manifestations, en janvier 1962 à Paris, la police tire sur la foule, faisant huit morts.
De Gaulle commence alors des négociations secrètes avec le FLN, qui aboutissent le 18 mars 1962 aux Accords d’Evian. Ces accords ouvrent la voie à l’indépendance de l’Algérie, que le peuple algérien devra décider quelques mois plus tard par référendum. Les conséquences de ces accords sont dramatiques: 800.000 Français fuient l’Algérie dans la précipitation pour se réfugier en France; des dizaines de milliers de « harkis », les auxiliaires musulmans de l’armée française, à qui on ne permet pas de quitter l’Algérie, sont massacrés par le FLN ; quant à l’OAS, désespérée et décapitée par les arrestations massives, elle multiplie les attentats de représailles, se livre à des exécutions sommaires dans la capitale algérienne et essaiera à plusieurs reprises d’assassiner le général de Gaulle. L’indépendance de l’Algérie est gagnée dans la terreur, mais la dernière guerre française est terminée, après huit ans de conflit. Le général de Gaulle, libérateur de la France en 1944, libère à nouveau le pays en 1962, de son passé colonial cette fois. Par ailleurs, cette Ve République que le général a conçue à sa mesure pour assurer une stabilité politique à la France peut maintenant démontrer qu’elle peut vraiment offrir ce qu’elle a promis. Charles de Gaulle préfère s’appuyer directement sur la nation que sur les partis qui sont censés la représenter. Le règlement de la « question algérienne » et un attentat manqué contre lui en août 1962 lui ayant assuré la sympathie des Français, le président en profite pour proposer un amendement à la Constitution. Cet amendement prévoit l’élection du président de la République au suffrage universel, une dimension qui manquait au système mis en place en 1958. À l’exception de son parti, l’UNR, tous les autres partis s’opposent à ce projet, voyant le danger. De Gaulle dissout donc l’Assemblée, comme il en a le droit, puis il convoque un référendum sur son projet, comme la Constitution le lui accorde. Les Français non seulement approuvent cette modification, mais la nouvelle Assemblée législative que la nation retourne en novembre comporte une large majorité de députés favorables à de Gaulle. La France de 1962 est donc totalement gaullienne, et le général peut ainsi gouverner sans entrave. Dès l’année suivante, de Gaulle démontre la vision qu’il a de la France: une nation forte, indépendante des blocs créés par la Guerre Froide et fermement ancrée dans l’Europe. Le 14 janvier 1963, il s’oppose vivement à l’entrée de la Grande Bretagne dans la CEE (Communauté Economique Européenne), jugée trop liée aux États-Unis ; une semaine plus tard, il signe avec le chancelier Adenauer un Traité d’Amitié franco-allemand, consolidant ainsi les nouvelles relations amicales entre les deux anciens ennemis. En août, de Gaulle déclare l’indépendance militaire de la France, qui possède désormais la bombe atomique. Cette indépendance se matérialisera en mars 1966, lorsque la France se retirera du dispositif militaire de l’OTAN. Finalement, en janvier 1964, comme pour achever de mécontenter ses alliés d’Outre-Manche et d’Outre-Atlantique, la Grande Bretagne et les États-Unis, de Gaulle devient le premier dirigeant d’une nation du bloc occidental à nouer des liens diplomatiques avec la République Populaire de Chine, conduite par Mao Tse Tung.
De Gaulle, occupé à sa tâche d »assurer le rayonnement international de la France, voyage beaucoup, il néglige un peu les affaires domestiques. Il est vrai que le pays fait l’expérience d’une certaine effervescence économique : après les années de reconstruction qui ont suivi la paix de 1945, la France connaît une situation proche du plein-emploi, soutenue par une expansion démographique sans précédent. Au gouvernement, des hommes veillent aux affaires, tels que Georges Pompidou, premier ministre, et Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances ; ils auront tous deux un futur brillant. Sûr de sa popularité, de Gaulle ne se préoccupe guère des élections qui approchent, mais il a tort : en décembre 1965, un certain François Mitterrand, un socialiste qui lui aussi aura un brillant avenir, recueille un pourcentage de voix inattendu. De Gaulle est pourtant réélu pour sept ans par une courte majorité. Mais l’avertissement est donné, la République gaullienne ne peut pas être éternelle.
Cette victoire difficile du « héros du 18 juin » révèle les premiers signes d’une crise de confiance dans la société française et gaullienne à ce moment, d’abord touchée par une récession économique en 1967, mais surtout traversée par un ensemble de nouvelles valeurs qui ne sont plus les mêmes qu’il y a vingt ans. Après tout, une génération entière – et nombreuse – en France n’a pas connu l’horreur du dernier conflit mondial, n’a pas été directement affectée par les privations de la reconstruction, ou encore ne se sentait pas concernée par les luttes coloniales en Indochine et en Algérie. Tous ces drames qui sont au centre de la politique gaullienne n’apparaissent à beaucoup que comme des abstractions ou des politiques dépassées. Par ailleurs, le consumérisme, la recherche de l’opulence, le culte de l’argent et un certain hédonisme de la société d’aujourd’hui qui sort de trente ans de conflits sont des valeurs que rejette la jeunesse de la fin des années soixante.
L’émeute qui éclate en mai 68 est le symptôme de cette crise de valeurs qui oppose deux générations dans les rues, de chaque côté des barricades. Le mouvement commence le 22 mars 1968 à l’Université de Nanterre, dans l’ouest parisien. Il se répand rapidement dans toutes les universités au cours des semaines qui suivent. Les étudiants sont en grève, ils réclament des réformes de l’enseignement puis, utopistes ou politiques, un changement radical de société, une révolution culturelle. Début mai, la répression de la police devient brutale, de nombreuses arrestations aggravent la violence des affrontements. L’opinion publique, les ouvriers soutiennent le mouvement, partout les grèves paralysent le pays, de gigantesques manifestations ont lieu dans toutes les villes. Le 24 mai, 10 millions de grévistes ont cessé le travail. Face à cette situation proche de l’anarchie, le général de Gaulle est sur le point de démissionner mais, assuré du soutien du général Massu et de l’armée française, il décide de se maintenir. Le 30 mai, dans un discours à la radio, il annonce qu’il dissout l’Assemblée nationale. Le soir même, près d’un million de personnes défilent sur les Champs Élysées pour manifester leur soutien au général de Gaulle. L’ordre revient alors peu à peu, et les grévistes retournent au travail. Fin juin, les gaullistes remportent les élections législatives et s’assurent d’une large majorité à l’Assemblée. Le général a gagné une nouvelle bataille, sociale cette fois.
La révolte de mai 68 ne renverse pas le gouvernement en place mais « l’esprit de mai », cultivé par les intellectuels du pays et les partis de gauche, va changer lentement, et en profondeur, la société française au cours des trente années qui vont suivre. En fait, bien des émeutiers de mai 68 se retrouveront, à partir de mai 1981, dans les bureaux du gouvernement présidé par le socialiste François Mitterrand. Après le départ du général de Gaulle, 79 ans, qui choisit de démissionner en avril 1969 à la suite du rejet par les Français de certaines propositions de réformes, Georges Pompidou est élu président de la République. L’ancien premier ministre de de Gaulle choisit la voie du pragmatisme industriel et s’écarte quelque peu de la politique nationale gaullienne. Sous sa présidence, la Grande Bretagne pourra enfin rejoindre la CEE. Mais en octobre 1973 éclate le premier choc pétrolier, qui en un an va multiplier par quatre le prix du baril de pétrole. Georges Pompidou n’a pas le temps de mesurer l’ampleur du désastre, il meurt d’une maladie tenue secrète en avril 1974.
De nouvelles élections présidentielles permettent alors à Valéry Giscard d’Estaing d’entrer à l’Élysée. Cet ancien ministre de l’économie sous de Gaulle et Pompidou veut adopter un style nouveau, dynamique et réformateur. Au début de son septennat, le gouvernement, avec Jacques Chirac comme premier ministre, introduit des réformes radicales, telles que la libéralisation de l’avortement, le droit de vote à 18 ans, un ministère de la condition féminine, un autre de la qualité de la vie… Mais la vie justement devient de plus en plus difficile en raison de la crise économique mondiale qui suit le choc pétrolier. Le chômage augmente de mois en mois, provoqué par la baisse de la production et les fermetures d’entreprises ; parallèlement, la croissance des prix provoque une inflation qui devient chronique. En 1979, le second choc pétrolier ne fera qu’aggraver la crise, le gouvernement ne parvient pas à trouver des solutions pour stopper la montée du nombre de chômeurs, qui dépasse maintenant les deux millions et ne cessera pas d’augmenter, atteignant plus de trois millions, soit 12 à 13% de la population active, au cours de la décennie suivante.
Au printemps 1981, au moment des nouvelles élections présidentielles, Valéry Giscard d’Estaing est affaibli par son échec au plan économique et discrédité par un certain nombre « d’affaires » qui mettent en cause son intégrité morale. En face, François Mitterrand a réalisé une « union de la gauche » pour soutenir sa candidature et il bénéficie d’une opinion lassée des gouvernements d’héritage gaulliste. C’est dans ces conditions favorables que François Mitterrand remporte les élections du 10 mai 1981, et pour la première fois depuis sa création en 1958, la Ve République permet une alternance politique de partis diamétralement opposés. Soutenu par une Assemblée socialiste largement majoritaire un mois plus tard, le nouveau président met en place une « politique de gauche » : abolition de la peine de mort ; nationalisation de 9 groupes industriels et de 36 banques ; loi sur la décentralisation, qui assure aux régions une autonomie sans précédent pour l’enseignement, la formation et le développement. Sur le plan économique et social, le gouvernement décide le relèvement du salaire minimum (SMIC), la semaine de travail à 39 heures (au lieu de 40), les cinq semaines de congés payés (au lieu de 4), la retraite à 60 ans (au lieu de 65). Avec toutes ces réformes, c’est l’esprit du Front Populaire qui plane en France, le retour du gouvernement des ouvriers et des employés. Mais dans un contexte de crise mondiale, la France est la seule parmi les grands pays industrialisés à adopter de telles mesures, coûteuses pour l’économie. L’inflation continue d’augmenter, ainsi que le nombre de chômeurs, malgré un retournement du gouvernement en 1983, qui s’engage désormais dans une politique de rigueur économique.
La gauche généreuse de Mitterrand ne réussit pas plus dans le redressement des affaires du pays que le droite libérale de Giscard d’Estaing. En 1986, les Français sanctionnent cet échec et choisissent une Assemblée favorable à la droite conservatrice, forçant le socialiste François Mitterrand à nommer le gaulliste Jacques Chirac au poste de premier ministre. Il s’agit d’une situation extraordinaire, car elle fait coexister à la tête de l’Etat un chef du gouvernement et un président de la République provenant de camps politiques opposés. Cette forme inédite de gouvernement bicéphale, qui reflète la bipolarité du pays, a été nommée la cohabitation. Même si elle n’avait probablement pas été sérieusement envisagée par de Gaulle, cette cohabitation va pourtant prouver qu’elle peut fonctionner en s’imposant comme une caractéristique fréquente de la vie politique française au cours des années à venir.
Articles connexes
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- Lumière sur les symboles de la République française. – Les cafés littéraires.
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