Francis Ponge

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Auteurs français

Francis Ponge

1899 – 1988

Francis Ponge est un écrivain et poète français, né le 27 mars 1899 à Montpellier et mort le 6 août 1988 au Bar-sur-Loup (Alpes-Maritimes). Il fréquentait le groupe surréaliste, sans adhérer pleinement à ce mouvement.

Un « poète du dimanche »

Photo de Francis Ponge.Né à Montpellier, le 27 mars 1899, Francis Ponge fait des études de lettres, puis de droit. Il écrit ses premiers textes et travaille quelques mois comme secrétaire de fabrication aux éditions Gallimard.

En 1931, après son mariage, il entre comme salarié aux Messageries Hachette. Il se consacre à la poésie pendant ses moments libres. Après avoir fréquenté le groupe surréaliste, il adhère au Parti communiste.

Licencié en 1937, après un violent mouvement de grève, il travaille comme employé d’assurance. Entré dans la Résistance en 41, il est un agent de liaison très actif, fréquente les écrivains combattants comme Éluard et Camus. Il publie, en 1942, son premier grand recueil, Le Parti pris des choses (composé de trente-deux poèmes écrits entre 1924 et 1939).

La reconnaissance

En 1944, un article élogieux de Sartre vaut à Francis Ponge un début de notoriété. Il continue à publier tout en donnant des conférences pour l’Alliance française ; en 1949 paraissent les Proêmes, en 1952, La Rage de l’expression et en 1961, Le Grand Recueil. Les articles de Philippe Sollers asseoient la réputation du poète. Lui-même publie, en 1965, un essai dans lequel il précise ses positions théoriques et revendique l’héritage des artisans de la langue et du verbe comme Malherbe. En 1984, c’est un poète désormais incontesté et célébré qui reçoit le grand prix de poésie de l’Académie française.

Philippe Sollers
De son vrai nom Philippe Joyaux, Philippe Sollers est un écrivain français né à Talence en Gironde le 28 novembre 1936.

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Gros plan sur Le Parti pris des choses (1942)

Le titre du recueil est en même temps un manifeste. Francis Ponge a défini ainsi le principe de son écriture du Parti pris des choses : c’est avant tout donner l’initiative aux choses, les laisser s’exprimer.

Il s’agit pour lui de remplacer chaque objet par une « formule » de langage qui lui soit exactement adéquate. Pour ce poète artisan, toutes les choses sont également dignes d’être « exprimées ». C’est pourquoi le recueil s’attache à décrire des objets simples, quotidiens ordinairement ignorés par la tradition poétique. Le lyrisme n’y a aucune place, mais toute l’attention est portée à l’écriture. Ponge a d’ailleurs avoué sa prédilection pour les poètes classiques, comme Malherbe, épris de la pureté des formes. Dans ses poèmes, aucun mot ne figure au hasard ; il est choisi pour ses affinités graphiques ou sonores avec la chose qu’il doit exprimer.

Dans un article célèbre, Jean-Paul Sartre  a salué la naissance d’un poète « phénoménologue ». Il célébrait la construction de ces courts poèmes qui mêlent indifféremment les êtres humains et les choses inanimées. Il reconnaissait à Francis Ponge « le sens du fantastique moderne ».

« L’huître » est l’un des poèmes les plus célèbres du recueil.

Extraits du Parti pris des choses
L’huître

L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos.

À l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en dessus s’affaissent sur les cieux d’en dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner.

Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le mimosa

Sur fond d’azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d’histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.
Mais ce n’est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire…
Un caractère d’une naïve gloriole, vite découragé.
Chaque grain n’est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l’on veut, étoilé au maximum.
Les feuilles ont l’air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d’elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d’autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il ya quelque chose actuellement vulgaire dans l’idée du mimosa ; c’est une fleur qui vient d’être vulgarisée.
… Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.

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Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le pain

La surface du pain est merveilleuse d’abord à cause de cette impression quasi panoramique qu’elle donne : comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d’éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s’est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, – sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l’on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le cageot

À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot , simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie.
Agencé de façon qu’au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu’il enferme.
À tous les coins de rues qui aboutissent aux Halles, il luit alors de l’éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d’être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, — sur le sort duquel il convient toutefois de ne s’appesantir longuement.

Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Bibliographie
  • Le Parti pris des choses (1942)
  • Proêmes (1948)
  • La Rage de l’expression (1952)
  • Le Grand Recueil : I. « Méthodes » (1961) ; II. « Lyres » (1961) ; III « Pièces » (1962)
  • Pour un Malherbe (1965)
  • Le Savon (1967)
  • Entretiens avec Philippe Sollers (1970)
  • La Fabrique du Pré (1971)
  • Comment une figue de parole et pourquoi (1977)
  • Pratiques d’écriture
  • Œuvres complètes, La Pléiade volume I (janvier 1999) ; volume II (août 2002) ; Gallimard, Paris.
  • Pages d’atelier (1917-1982, 2005) ; Gallimard, Paris (Ensemble de textes inédits).
Citations choisies
  • C’est par sa mort parfois qu’un homme montre qu’il était digne de vivre. (Note sur les otages)
  • Il suffit d’abaisser notre prétention à dominer la nature et d’élever notre prétention à en faire physiquement partie, pour que la réconciliation ait lieu. (Le Grand Recueil)
  • Comme de toute chose, il y a un secret du vin ; mais c’est un secret qu’il ne garde pas. On peut le lui faire dire : il suffit de l’aimer, de le boire, de le placer à l’intérieur de soi-même. Alors il parle. En toute confiance, il parle.
  • À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie. (Le Parti pris des choses)
  • C’est surtout contre une tendance à l’idéologie patheuse que j’ai inventé mon parti pris. (Poèmes)
  • C’est une grande composition digne du Véronèse pour l’ambition et le volume, mais qu’il faudrait peindre tout entière dans l’esprit du fameux Bar de Manet. (Le Parti pris des choses)
  • Deux ou trois fois par jour… au milieu de ce culte, le courrier multicolore, radieux et bête comme un oiseau des îles, tout frais émoulu des enveloppes marquées de noir par le baiser de la poste, vient tout de go se poser devant moi. (Le Parti pris des choses)
  • Le langage ne se refuse qu’à une chose, c’est à faire aussi peu de bruit que le silence. (Proêmes)
  • Les choses les plus épaisses ne s’abordent pas sans subir quelque amenuisement… (Le Parti pris des choses)
  • Mesdames et messieurs, l’éclairage est oblique. Si quelqu’un fait des gestes derrière moi qu’on m’avertisse. Je ne suis pas un bouffon. (Le Parti pris des choses)

Autres citations de Francis Ponge.

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