Le Surréalisme (XXe siècle)
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Le Surréalisme
XXe siècle
Révolte absolue, insoumission totale, sabotage en règle, humour et culte de l’absurde, le surréalisme, dans son intention première, se définit comme le procès de tout […]. Machine à chavirer l’esprit, selon Aragon, le surréalisme s’est forgé d’abord dans le mouvement « dada » dont il faut noter les origines romantiques.
(Albert Camus, L’Homme révolté, 1951, p. 118)
Sommaire
Présentation
Le Surréalisme est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique, ébauché vers 1919 à la suite du romantisme et du dadaïsme, défini par André Breton en 1924, et principalement caractérisé par le refus de toute considération logique, esthétique ou morale, et des oppositions traditionnelles entre réel et imaginaire, art et vie, par la prépondérance accordée au hasard, aux forces de l’instinct, de l’inconscient libérées du contrôle de la raison, et qui veut surprendre, provoquer, qui cherche à dégager une réalité supérieure, en recourant à des moyens nouveaux : sommeil hypnotique, exploration du rêve, écriture automatique, associations de mots spontanées, rapprochements inattendus d’images, etc.
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Exercice : Le surréalisme.
Définition
Selon la définition donnée en 1924 par André Breton, le Surréalisme est un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée ». Il s’agit donc d’une véritable « dictée de la pensée », composée « en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale ».
Se réclamant de Sade, de Rimbaud, de Mallarmé, d’Apollinaire, de Roussel et surtout de Lautréamont, l’auteur des Chants de Maldoror (1868-1870), les surréalistes cherchèrent à libérer l’Homme du rationalisme de la culture bourgeoise occidentale, jugé étouffant et obsolète.
Dans le premier Manifeste du Surréalisme, publié en 1924, André Breton, marqué par la lecture de Freud, inaugura ce qui allait être le processus de production de la plupart des œuvres littéraires et plastiques, en proposant de faire de l’inconscient le nouveau matériau du créateur. Ce matériau appelant une méthode de travail, le rêve à l’état de sommeil ou à l’état de veille, la parole sous hypnose, ou encore le fantastique, le bizarre, l’étrange et l’inattendu semblèrent constituer autant de moyens de le mettre au jour. Le Surréalisme par conséquent ne fut jamais considéré comme une technique de production, mais comme un outil expérimental de connaissance du monde.
→ À lire : Le manifeste.
Le Surréalisme dans la littérature
Les premiers écrivains surréalistes
Les premiers écrivains ayant adhéré au mouvement furent Paul Éluard, Louis Aragon, Antonin Artaud, Benjamin Péret, Robert Desnos, Georges Limbour, Raymond Queneau, Michel Leiris, Joseph Delteil, Pierre Naville, René Crevel, Roger Vitrac et Philippe Soupault.
Les Champs magnétiques, texte rédigé conjointement en 1919 par André Breton et par Philippe Soupault et publié dans la revue Littérature en 1920, fut considéré, rétrospectivement, comme le premier écrit surréaliste. L’automatisme y était déjà expérimenté par les deux auteurs, qui laissaient libre cours à leur imaginaire, cherchant à libérer le langage de tout contrôle, écrivant le texte d’une seule traite et refusant toute retouche ultérieure.
Véritable exploration du langage, le surréalisme prônait une poésie révolutionnaire, qui devait se tenir à l’écart de toute règle et de tout contrôle de la raison. L’acte poétique était vécu comme une prise de position sociale, politique et philosophique, et constituait l’une des trois branches de la trinité surréaliste « liberté, amour, poésie ». La poésie exprimait une nouvelle morale de l’amour, qui trouvait son équilibre entre la puissance du désir et l’amour électif dans le Libertinage de Louis Aragon (1924), dans la Liberté ou l’amour de Robert Desnos (1927) ou dans l’Amour fou d’André Breton (1937) ; elle était également reflet de la liberté dans les pamphlets scandaleux tel Un cadavre (qui fut diffusé à la mort d’Anatole France en 1924), dans l’acceptation et dans l’utilisation du hasard, ainsi que dans la fascination pour la folie (Nadja, André Breton, 1928).
L’engagement politique
Le mouvement surréaliste connut son apogée dans l’entre-deux-guerres. Son organe principal, la Révolution surréaliste, fondé en 1924, fut dirigé par Pierre Naville et par Benjamin Péret. En 1930, la revue devint le Surréalisme au service de la révolution, traduisant l’orientation politique du mouvement (qui avait adhéré au parti communiste en 1927). À partir de 1936, les célèbres « expositions internationales du surréalisme » rythmèrent régulièrement son évolution, la plus célèbre d’entre elles ayant eu lieu en 1938, à la galerie des Beaux-Arts à Paris.
L’engagement politique du mouvement comme la personnalité d’André Breton furent la cause d’un certain nombre de brouilles et de départs (ceux d’Artaud, de Vitrac et de Soupault, notamment) à la fin des années 1920: le Second Manifeste du surréalisme, publié en 1929, marqua quant à lui l’adhésion de nouveaux membres (René Char, Francis Ponge, Joë Bousquet, Georges Sadoul, etc.) et la réconciliation de Tristan Tzara avec André Breton.
Après s’être rallié à Breton en 1925, le groupe de la rue Blomet (André Masson, Joan Miróó, Michel Leiris, Antonin Artaud) rejoignit Georges Bataille et la revue Documents, reprochant à Breton son « matérialisme vulgaire ». À la même époque, le groupe de la rue du Château (Jacques Prévert, Marcel Duhamel, Yves Tanguy), un temps mêlé aux activités du mouvement, s’en éloigna progressivement. En 1929, Roger Gilbert-Lecomte, René Daumal, Roger Vailland et le peintre d’origine tchèque Joseph Sima créèrent, en opposition à Breton, la revue le Grand Jeu, qui publia les œuvres de Saint-Pol Roux, de Georges Ribemont-Dessaignes et du dessinateur Maurice Henry. En 1933, les surréalistes de tous bords participèrent à la revue Minotaure, fondée par l’éditeur Albert Skira et dont Breton devint rédacteur en chef en 1937.
Le Surréalisme dans les arts plastiques
L’esprit surréaliste
Le surréalisme dans les arts plastiques (l’architecture, la sculpture, la peinture) prolongea une tradition picturale où la rêverie, le fantastique, le symbolique, l’allégorique, le merveilleux et les mythes ont une part importante ; ces éléments étaient déjà présents dans les œuvres de Bosch et d’Arcimboldo, dans les anamorphoses et dans les grotesques, chez les préraphaélites anglais, dans les illustrations de William Blake et dans les tableaux de Gustave Moreau, des nabis, du Douanier Rousseau, d’Odilon Redon ou de Gustav Klimt. L’onirique, le choc visuel produit par la juxtaposition d’images ou d’objets incongrus, mais toujours agencés dans une production signifiante, sont l’un des fondements de la poétique surréaliste.
Parmi les artistes contemporains admirés par les surréalistes figuraient Giorgio De Chirico, Marcel Duchamp, Francis Picabia et Pablo Picasso, bien qu’aucun d’eux ne fût jamais officiellement membre du groupe surréaliste.
Les peintres surréalistes
Dès 1924, Max Ernst, Jean Arp et Man Ray adhérèrent au mouvement. Ils furent rapidement rejoints par André Masson et par Joan Miróó. La première exposition surréaliste fut organisée par la galerie Pierre en 1925. Deux ouvrages, la Peinture au défi (1926) de Louis Aragon, puis le Surréalisme et la Peinture (1928) d’André Breton, dressèrent un bilan des activités du groupe : « L’œuvre plastique, écrivit Breton, pour répondre à la nécessité de révision absolue des valeurs réelles sur laquelle aujourd’hui tous les esprits s’accordent, se référera donc à un modèle purement intérieur ou ne sera pas ».
Parmi les derniers adhérents du groupe figurent encore l’Américain Yves Tanguy, le Belge René Magritte, le Suisse Alberto Giacometti, qui rejoignit le mouvement surréaliste en 1930. Hans Bellmer, Raoul Ubac, Oscar Dominguez et Victor Brauner vinrent également rejoindre le mouvement.
Les techniques surréalistes
Si elle emprunta parfois au cubisme ou à Dada, la peinture surréaliste innova toutefois en recourant à de nouveaux matériaux et à des techniques inédites. La plus connue et la plus pratiquée en groupe fut celle du « cadavre exquis », qui consistait à dessiner sur une feuille de papier, puis à plier celle-ci afin de ne faire apparaître qu’une fraction du dessin, que le voisin continuait; une fois le dessin déplié, on obtenait un montage d’images disparates formant une nouvelle image. L’automatisme de l’écriture fut repris par André Masson, qui tenta de le retranscrire dans ses dessins, puis dans ses toiles au sable et à la colle (Bataille de poissons, 1926, Musée national d’Art moderne, Paris). Ces expériences furent également pratiquées par Max Ernest dans ses collages et dans ses frottages (réunis dans le recueil Histoires naturelles, publié en 1926), ou encore par Miró dans ses toiles des années 1920 (La Sieste, 1925, Musée national d’Art moderne).
Salvador Dalí, quant à lui, chercha à retranscrire ses fantasmes selon une méthode qu’il qualifia de « paranoïaque-critique », laquelle se fondait sur une objectivation systématique des associations et des interprétations délirantes (Persistance de la mémoire, 1931, Museum of Modern Art, New York). La collaboration de Dalí avec Luis Buñuel pour la réalisation des films Un chien andalou (1928) et l’Age d’or(1930) lança également le Surréalisme dans l’art cinématographique. Les réalisations de Jean Arp, à mi-chemin entre abstraction et figuration, sont des œuvres biomorphiques situées entre le tableau et la sculpture ; dans ses Tableaux-poèmes des années 1920 et 1930, Miró traçait des formes qui semblaient être inspirées des dessins exécutés par les enfants, y ajoutait des mots et des expressions, mêlant ainsi textes et images. Enfin, les surréalistes créèrent des « poèmes-objets », où des objets disparates, souvent dénichés au marché aux Puces, étaient assemblés avec des textes poétiques ou découpés dans des journaux afin d’obtenir une beauté au premier abord fortuite mais qui se révélait être l’expression profonde du désir de son créateur.
Internationalisation et déclin du Surréalisme
Le rayonnement du Surréalisme
Au cours des années 1930, le mouvement se répandit assez rapidement, et l’on vit naître des groupes surréalistes en Tchécoslovaquie (Karen Toige), en Belgique (Paul Delvaux, Henri Michaux), en Italie (Alberto Savinio), en Grande-Bretagne (Roland Penrose, Henry Moore), au Japon (Yamanaka, Abe Kobo), puis en Amérique, lors de la Seconde Guerre mondiale, où la plupart des artistes s’exilèrent, faisant de New York la seconde ville surréaliste après Paris. Le surréalisme trouva en effet aux États-Unis un nouveau dynamisme, dont témoignent les boîtes vitrées de Joseph Cornell, les œuvres de Roberto Matta et de Wilfredo Lam et les tableaux d’Arshile Gorky, qui annoncent l’expressionnisme abstrait.
Les dernières années surréalistes
De retour à Paris en 1946, Breton poursuivit son action fédératrice, sans toutefois redonner au mouvement la vitalité des années précédentes. Ruptures, exclusions, nouvelles adhésions modifièrent encore la composition du groupe, qui accueillit alors des artistes comme Meret Oppenheim, Pierre Molinier, Max Walter Svanberg ou Toyen et des écrivains comme André Pieyre de Mandiargues, Joyce Mansour et Julien Gracq.
Le Surréalisme exerça une influence importante au-delà des années 1960 sur de nombreux mouvements littéraires ou artistiques, et inspira notamment les automatistes canadiens (Paul-Emile Borduas, Jean-Paul Riopelle), les artistes du pop art et les adeptes du Nouveau Réalisme. En 1969, soit trois ans après la mort d’André Breton, Jean Schuster signa officiellement, dans le quotidien le Monde, l’acte de décès du mouvement.
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